L’Essentiel : M [U] [N], propriétaire d’un appartement, a loué son bien à Mme [G] [V] depuis 1985. En 2019, son neveu M [L] [N] a proposé d’acheter le bien pour 180.000€, ce qui a conduit à la signature d’un compromis de vente. Cependant, l’Administration fiscale a envisagé de requalifier la vente en donation déguisée, entraînant des complications. M [U] [N] a assigné la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS pour manquement à son obligation de conseil. Le Tribunal a reconnu un préjudice de 48.074€ pour perte de chance de vente à un prix supérieur, condamnant l’agence à verser cette somme.
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Contexte de la venteM [U] [N], propriétaire non occupant d’un appartement et d’un box, a loué son bien à Mme [G] [V] depuis le 1er août 1985. Il a confié la gestion de ce bien à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et a également mandaté cette société pour la vente de son bien, fixant le prix à 187.200€, avec une commission de 12.200€ à la charge de l’acquéreur. Offre d’achat et compromis de venteLe 29 avril 2019, M [L] [N], neveu du propriétaire, a proposé d’acheter le bien pour 180.000€, incluant la commission d’agence. Le propriétaire a donné pouvoir au mandataire pour signer un compromis de vente, qui a été signé le 3 mai 2019. La locataire a donné congé le 26 juillet 2019, prenant effet le 31 août 2019, et la vente a été réitérée par acte authentique le 1er août 2019. Problèmes fiscaux et mise en demeureLe 18 février 2021, l’Administration fiscale a envisagé de requalifier la vente en donation déguisée. Suite à des échanges, elle a proposé une rectification le 29 avril 2021, augmentant le montant déclaré dans l’acte de vente. Le 6 juillet 2021, le conseil du propriétaire a mis en demeure le mandataire de verser 272.808€ pour manquement à son obligation de conseil, notamment concernant l’estimation du prix de vente. Procédure judiciaireLe 15 décembre 2021, M [U] [N] a assigné la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALIAN devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux, demandant diverses indemnisations. Depuis, le demandeur a abandonné ses demandes contre la société GALIAN. L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2024, et les débats ont eu lieu le 19 septembre 2024. Prétentions du demandeurM [U] [N] demande au Tribunal de le déclarer fondé dans ses demandes et de condamner la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à lui verser plusieurs sommes pour préjudices liés à la vente, notamment pour perte de chance de vendre à un prix plus élevé, ainsi que pour des dommages moraux et le remboursement de la commission d’agence. Prétentions du défendeurLa SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS conteste les demandes du propriétaire, demandant son débouté et affirmant que le propriétaire a accepté l’offre d’achat de son neveu. Elle soutient avoir respecté ses obligations et que les allégations de manquement à l’obligation de loyauté ne sont pas fondées. Décision du TribunalLe Tribunal a débouté le propriétaire de ses demandes concernant le manquement à l’obligation de conseil et de loyauté, tout en reconnaissant un préjudice de 48.074€ pour perte de chance de vente à un prix supérieur. La SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS a été condamnée à verser cette somme, avec capitalisation des intérêts, et les dépens ont été répartis entre les parties. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du mandataire en matière de conseil et d’information ?Le mandataire, selon l’article 1991 du Code civil, est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. L’article 1992 précise que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. Il est de jurisprudence constante que le mandataire doit exécuter son mandat avec loyauté et agir dans le meilleur intérêt du mandant. Il doit également respecter des obligations périphériques, telles que l’obligation de renseignement et de conseil, ainsi que celle de rendre compte à son mandant. Dans le cas présent, le Tribunal a constaté un écart important entre le prix de vente du bien et celui d’autres biens similaires, ce qui a été interprété comme un défaut de conseil sur l’évaluation du prix de vente. Cet écart a été jugé suffisant pour caractériser un manquement à l’obligation de conseil du mandataire. Quelles sont les conséquences d’un manquement à l’obligation de conseil ?En vertu de l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. Dans cette affaire, le Tribunal a retenu que le préjudice du propriétaire résultait d’une perte de chance d’avoir pu vendre son bien à un prix supérieur. Le Tribunal a calculé le préjudice en tenant compte d’un taux de décote pour occupation du bien, aboutissant à une somme de 48.074€ à titre de dommages-intérêts. Cette somme a été fixée en fonction de l’écart entre le prix de vente et la valeur estimée du bien, tenant compte de la perte de chance. Comment le Tribunal a-t-il évalué le préjudice lié à la vente d’un bien occupé ?Le Tribunal a déterminé que le préjudice consistait en une perte de chance pour le propriétaire d’avoir pu vendre le bien à un prix majoré. Il a appliqué un taux de décote pour occupation de 22% sur le prix de vente d’un bien similaire, aboutissant à une estimation du bien vendu occupé. Le calcul a été effectué comme suit : – Prix net vendeur du bien similaire : 280.200€ Le Tribunal a ensuite appliqué un taux de perte de chance de 90%, aboutissant à un préjudice fixé à 48.074€. Cette méthode d’évaluation a été jugée appropriée pour quantifier le préjudice subi par le propriétaire. Quelles sont les implications de la délivrance tardive du congé au locataire ?L’article 1989 du Code civil stipule que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat. Dans cette affaire, le propriétaire a soutenu que son mandataire aurait dû lui conseiller de délivrer un congé à sa locataire en temps utile pour vendre le bien libre de toute occupation. Cependant, le Tribunal a constaté que le propriétaire ne pouvait pas prouver qu’il avait informé son mandataire de son intention de vendre avant la date limite pour délivrer le congé. L’estimation du bien et le mandat de vente ont été signés après la date limite, ce qui a conduit le Tribunal à conclure que le mandataire n’était pas en défaut. Ainsi, le propriétaire a été débouté de sa demande concernant le préjudice lié à la vente d’un bien occupé. Quelles sont les conditions pour obtenir le remboursement de la commission d’agence ?Selon l’article 1104 du Code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Le propriétaire a demandé le remboursement de la commission d’agence, arguant que le mandataire avait manqué à son obligation de loyauté. Cependant, le Tribunal a noté que la commission versée reposait sur le mandat et sur la vente réalisée, laquelle n’a pas fait l’objet d’une résolution ou annulation. De plus, le propriétaire n’a pas prouvé que le mandataire avait agi de manière déloyale ou qu’il y avait eu collusion entre le mandataire et l’acquéreur. En conséquence, le Tribunal a débouté le propriétaire de sa demande de remboursement de la commission d’agence. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés pour faire valoir ses droits. Dans cette affaire, le Tribunal a condamné la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à verser 1.500€ au propriétaire au titre de l’article 700. De plus, le propriétaire a été condamné à verser 1.500€ à la société GALIAN pour avoir été assignée sans former de demande à son encontre. Ces décisions visent à équilibrer les frais engagés par les parties dans le cadre du litige. |
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
50Z
N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA
Minute n° 2024/00618
AFFAIRE :
[U] [N]
C/
S.A.S. CITYA IMMOBILIER ATLANTIS, S.C.A. GALIAN
Grosses délivrées
le
à
Avocats :
Me Jean-françois ABADIE
Me Sabrina GOZLAN-JANEL
Me Catherine LATAPIE-SAYO
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré
Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente
Pascale BUSATO Greffier, lors des débats
Isabelle SANCHEZ, Greffier lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Septembre 2024,
Délibéré du 21 novembre 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDEUR :
Monsieur [U] [N]
né le 23 Avril 1947 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Jean-françois ABADIE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Me Sabrina GOZLAN-JANEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant
N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA
DEFENDERESSES :
S.A.S. CITYA IMMOBILIER ATLANTIS RCS BORDEAUX 403 028 723
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.C.A. GALIAN RCS PARIS 662 028 471
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE
Faits constants :
M [U] [N] (ci-après “le propriétaire”) a été propriétaire non occupant d’un appartement et d’un box situé [Adresse 2] (ensemble ci-après “le bien”), lequel bien a été loué depuis le 1er août 1985 à Mme [G] [V] (ci-après “la locataire”).
Le propriétaire a confié un mandat de gestion du bien à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS (ci-après “le mandataire”)
Le 8 novembre 2018, il lui a également confié un mandat exclusif aux fins de vente du dit bien.
Le prix de vente a été fixé à la somme de 187.200€, outre une commission de 12.200€ TTC à la charge de l’acquéreur.
Le 29 avril 2019, M [L] [N], neveu du propriétaire, et son épouse se sont portés acquéreurs du bien, et ont formulé une offre d’un montant de 180.000 Euros, incluant par ailleurs la commission d’agence.
Le même jour, le propriétaire a donné pouvoir au mandataire pour signer un compromis de vente portant sur le bien au prix de 180.000 euros, outre une commission de 13 300 euros à la charge du vendeur.
Le compromis de vente a été signé le 3 mai 2019.
Par courrier réceptionné par le mandataire le 26 juillet 2019, la locataire a donné congé prenant effet au 31 août 2019.
La vente du bien a été réitérée en date du 1er août 2019, par acte authentique rédigé par Maître [F], notaire.
Le 18 février 2021, l’Administration fiscale a proposé au propriétaire de requalifier la vente en donation déguisée.
Puis, compte tenu des réponses apportées, le 29 avril 2021 l’Administration fiscale a adressé à l’acquéreur une proposition de rectification, afin de rehausser le montant déclaré dans l’acte authentique de vente.
Par lettre recommandée du 6 juillet 2021, le conseil du propriétaire a mis en demeure le mandataire d’avoir à lui verser la somme globale de 272.808€ au motif d’un manquement à son obligation de conseil, notamment lors de l’estimation du prix de vente de ce bien immobilier, estimant que le prix de vente paraissait inférieur à la valeur vénale d’un tel bien et a proposé de rectifier le montant des droits proportionnels d’enregistrement ainsi que la taxe sur la publicité foncière, fixés à hauteur de 10.452€ et de le porter ainsi à 16.848€.
Par lettre du 6 août 2021, le conseil du mandataire a répondu aux griefs allégués.
L’Administration fiscale a finalement abandonné ses poursuites.
Procédure:
Par assignation délivrée le 15/12/2021, M [U] [N] a assigné d’une part la SAS CITYA IMMOBILIER ALTANTIS et d’autre part la société GALIAN devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de condamnation in solidum à diverses indemnisations pour insuffisance du prix de vente, absence de délivrance d’un congé au locataire, remboursement du montant de la commission du mandataire et préjudice moral.
Il convient de préciser que depuis cette assignation :
– les défendeurs ont constitué avocat et fait déposer des conclusions,
– le demandeur ne forme plus aucune demande à l’encontre de la société GALIAN qu’il dit avoir attrait par erreur.
L’ordonnance de clôture est en date du 3/07/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 19/09/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 21/11/2024.
PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le propriétaire, M [U] [N] :
Dans ses dernières conclusions en réplique n°3, notifiées par voie électronique le 3/11/2023 et reprises à l’audience, au visa des dispositions de l’article 1231-1 et 1991 du code civil le demandeur sollicite du Tribunal de :
(à titre principal)
RECEVOIR Monsieur [U] [N] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 188.998 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance d’avoir pu vendre son bien à un prix de 355.698 euros outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 69.453 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance d’avoir pu vendre son appartement libre de toute occupation, outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 13.300 euros correspondant au montant de la commission d’agence outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS aux entiers dépens.
DEBOUTER la CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALIAN de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles ;
SUBSIDIAIREMENT, AVANT DIRE DROIT
ORDONNER une mesure d’expertise et donner mission à l’expert de :
Entendre les parties et recueillir les pièces utiles à sa mission ;
Donner son avis, à la date du 8 novembre 2018, sur la valeur, libre et occupé, du lot de copropriété n°5 de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 8], au 4ème étage ;
Donner acte à Monsieur [U] [N] de ce qu’il consignera la provision sur frais et honoraires d’expertise qu’il plaira au tribunal de fixer ;
Réserver les dépens.
PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le mandataire, la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALAN :
Dans ses dernières conclusions en date du 23/01/2024 le défendeur demande au tribunal de :
PRENDRE ACTE du désistement de Monsieur [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN,
Par suite, DEBOUTER Monsieur [U] [N] de l’ensemble de ses demandes présentées à l’encontre de la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS,
En toute hypothèse,
DEBOUTER Monsieur [U] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l’encontre de la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et de la société GALIAN,
VOIR CONDAMNER Monsieur [U] [N] à verser la somme de 4.000 euros respectivement à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et à la société GALIAN sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.
Sur la demande de prise d’acte du désistement de M [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN
Aucun désistement de M [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN n’est expressément formalisé dans les conclusions du demandeur.
S’il est exact qu’aucune prétention n’est formée à l’encontre de cette société, pour autant elle demeure attraite à l’instance et force est de constater qu’elle forme elle-même une prétention en application des dispositions de l’article 700 du CPC.
Il n’y a donc pas lieu à prendre acte d’un tel désistement d’instance.
Sur la demande de condamnation à dommages et interêts pour un supposé défaut de conseil lors de l’évaluation du prix de vente du bien
Le propriétaire prétend que l’agent immobilier serait tenu envers son mandant d’une obligation d’information et de conseil quant à la valeur vénale du bien pour lequel son intervention est sollicitée ; alors que d’une part, le bien n’aurait été mis en vente que tardivement, le mandataire privilégiant dans un premier temps une vente à la locataire, et que d’autre part, le bien a été vendu pour un prix net vendeur de 166.700 euros, soit 1.908 euros/m2, parking inclus, ce qui serait manifestement inférieur à la valeur de l’hyper-centre ville de BORDEAUX.
Il en tient pour preuve que le même type d’appartement, mais situé au 2e étage du même immeuble aurait été vendu à un prix net vendeur de 280.200 euros (3.208 euros/m2), soit un prix supérieur de 113.500 euros à celui de son bien pourtant situé au 4ème étage, soit plus ensoleillé et mieux isolé, sur la base des documents de vente réciproques. Il demande donc la différence entre la valeur du logement, parking inclus, retenu à 355.698 euros, selon les valeurs de références de l’administration fiscale (à 3.615€ le M2) et le prix de vente de son bien à 166.700 euros net vendeur à titre de perte de chance d’avoir pu vendre son bien au juste prix, la somme de 188.998€ de dommages et intérêts ; il précise que la moyenne de 3.615 €/m2 serait cohérente et que la perte de chance devrait être quantifiée sur la base de cette valeur médiane.
Le mandataire soutient que l’agent immobilier serait seulement tenu à une obligation de moyens et jamais de résultat, qu’à ce titre il appartiendrait au demandeur de démontrer la faute.
Il affirme avoir effectué toutes les diligences nécessaires à la vente, que si les premières visites n’auraient été organisées qu’à compter du 19 mars 2019, ce serait faute d’intérêt pour le bien immobilier qui aurait été dans un mauvais état général nécessitant de nombreux travaux rebutant les potentiels acquéreurs, il en justifie par la production de son livre interne des événements.
Il conteste avoir sous estimé le bien. Si le bien avait été sous évalué il aurait été vendu bien plus tôt. Il dit l’avoir estimé au prix du marché, ce que – au vu d’un courrier destiné à l’Administration fiscale (mais dont la paternité est contestée par le demandeur) – son mandant aurait reconnu. Il prétend que l’administration fiscale dans son évaluation n’aurait pas tenu compte du caractère “occupé” du bien au moment du compromis qui engageait les parties et aurait pris en compte des biens non similaires au bien vendu, pour finalement le 14 septembre 2021 abandonner ses poursuites, estimant que l’insuffisance de prix n’était manifestement pas caractérisée.
S’agissant du bien vendu au deuxième étage à un prix supérieur, il aurait fait préalablement l’objet de travaux qui ne seraient pas à caractère décennal et n’auraient donc pas à figurer à l’acte de vente ; alors que l’Administration fiscale aurait abandonné cet exemple lors de sa seconde évaluation de proposition de rectification du 29 avril 2021.
De plus, le prix de vente qu’il aurait proposé au propriétaire aurait été validé par ce dernier selon un échange de mail en date du 29/04/2019 entre le propriétaire et son neveu futur acquéreur du bien et par ailleurs entériné par son notaire, lequel n’a pas été mis en cause.
Réponse du Tribunal :
En droit, selon l’article 1991 du code civil :
“Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution (…)”
Alors que l’article 1992 précise :
“Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.
Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.”
Il est de jurisprudence constante que le mandataire doit exécuter son mandat avec loyauté. Il doit ainsi agir dans le meilleur intérêt du mandant. Par ailleurs il est tenu d’obligations périphériques, telles que l’obligation de renseignement et de conseil ainsi que celle de rendre compte à son mandant.
En l’espèce, force est de constater l’existence d’un écart important (113.300€) du prix de vente entre les prix de vente du deuxième étage (prix net vendeur à 280.000€) et du quatrième étage (prix net vendeur 166.700€), alors que l’existence même et l’ampleur des supposés travaux réalisés sur le bien du 2e étage avant vente n’est pas démontrée.
Par ailleurs, l’Administration fiscale, qui certes avait renoncé à requalifier la vente en donation déguisée, retient toutefois en seconde intention une sous évaluation de 120.000€, sans que son supposé renoncement à exiger le paiement de droits complémentaires ne soit démontré.
Il est précisé que c’est bien le même mandataire qui est intervenu dans ces deux ventes dans un laps de temps très proche (7 mois : le 14 décembre 2018 pour le bien vendu au second, 1/08/2019 pour la vente litigieuse).
Le Tribunal retient que cet écart majeur caractérise le défaut de conseil sur l’évaluation du prix de vente, qui sera suivie de la fixation du prix du bien proposé à la vente.
La détermination de l’assiette du préjudice résulte, selon le Tribunal, du calcul réalisé sur la base d’un taux de décote pour occupation du bien soumis à la vente proposée par le mandataire lors de la signature du mandat de 22%, soit 280.200€ (prix net vendeur du bien deuxième étage) x 0,78 = 220.116€ (estimation du bien vendu occupé) – 166.700€ (prix net vendeur), soit un écart du prix de vente de 53.416€.
Le Tribunal retient que le préjudice consiste en une perte de chance pour le propriétaire d’avoir pu vendre le bien à un prix majoré de 53.416€, alors que le taux de cette perte de chance pour tenir compte d’autres facteurs qui auraient pu intervenir est de 90%. Soit un préjudice fixé à 53.416€ x 0,90 = 48.074€.
Le mandataire sera condamné à payer au propriétaire cette somme.
Sur la demande de condamnation à dommages et intérêts sur la base d’une supposée faute liée à la vente du bien “occupé” et non pas “libre”, en l’absence de congé délivré à temps
Le propriétaire prétend que son mandataire aurait manqué à son devoir de conseil, faute de lui avoir conseillé de donner congé à sa locataire en temps utile.
Il affirme que si la locataire était certes alors âgée de plus de 75 ans, lui même était cependant âgé de plus de soixante ans, de sorte qu’il n’était pas tenu par la loi de 1989 de lui proposer son relogement, ce que son mandataire lui aurait faussement fait croire, ce qui l’aurait dissuadé de lui faire délivrer un congé avant le 31 janvier 2018 ; alors que le mandataire était informé de son intention de vendre “début de l’année 2018″.
Selon le propriétaire, son mandataire aurait dû lui conseiller de délivrer congé et de purger le droit de préemption de la locataire, afin de pouvoir proposer à la vente un bien “libre” et non pas “occupé”, la différence de statut du bien engendrant un écart de prix de 22% selon l’évaluation faite par le mandataire lui même.
Le préjudice résulterait du calcul suivant : prix du bien immobilier occupé 315.698 euros ; la décote pour occupation serait de 22% ; soit un préjudice “pour n’avoir pu vendre libre de toute occupation” de 69.453€.
Le mandataire soutient que le propriétaire ne justifierait pas lui avoir fait part de son projet de vente avant le 6 juin 2018, date à laquelle il a estimé le bien, tout en l’alertant sur l’écart d’estimation entre la vente d’un bien donné à louer et un bien libre , ce serait donc en connaissance de cause que le propriétaire aurait régularisé le 8 novembre 2018 le mandat en vue de vendre son bien immobilier en état “occupé”.
Il précise que compte tenu de la date d’effet de renouvellement du bail, telle que admise par les parties, soit au 1/08/2018, le congé à l’initiative du bailleur devait impérativement être délivré avant le 31 janvier 2018 ; alors que le propriétaire ne démontrerait pas avoir informé son mandataire de son intention d’aliéner son appartement avant le 31 janvier 2018.
Il affirme qu’il aurait informé son mandant dès réception du congé de la locataire, soit le 26 juillet 2019, en amont du rendez-vous de signature de l’acte notarié.
Réponse du Tribunal :
En droit, outre les article 1991 et 1992 déjà cités, l’article 1989 du même code dispose que :
“Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre”
En l’espèce, la pièce produite par le demandeur (sa pièce 27) fait seulement état de l’intention de vendre communiquée au mandataire “en début de l’année 2018″ ce qui est insuffisant pour démontrer que l’information avait été fournie par le propriétaire à son mandataire avant le 31/01/2018.
De plus, l’estimation du bien étant datée du 6/06/2018 et le mandat de vente étant daté quant à lui du 8/11/2018, (étant rappelé que le mandataire a tout intérêt à procéder au plus vite ces actes pour “figer” l’affaire), cela présume de ce que l’information de l’intention de vendre est bien plus proche du 6/06/2018 que du 31/01/2018.
En conséquence, le propriétaire ne démontre pas que son mandataire était informé de son intention de vendre avant la date du 31/01/2018, délai butoir pour adresser utilement congé à la locataire et s’assurer de pouvoir vendre son bien libre d’occupation.
Par ailleurs, informé dès le 26/07/2019 par le mandataire de la libération du bien promis à la vente, soit à une date antérieure à la réitération de la vente par acte authentique du 1/08/2019, le propriétaire pouvait prétendre à discuter le prix de vente convenu puisque l’objet de la vente était différent, en ce que l’une des caractéristiques principale du bien vendu était modifiée, passant d’un bien occupé à un bien libre de toute occupation ; ce qui influait automatiquement sur sa valeur.
Le propriétaire sera débouté de cette demande.
Sur les demandes de remboursement du montant de la commission d’agence ainsi que de condamnation à indemniser un préjudice moral sur le fondement d’une supposée faute de déloyauté
Le propriétaire prétend que le mandataire aurait manqué à son obligation de loyauté en ce que :
A – le bien n’aurait été mis en vente que durant 5 semaines et non pour la période soutenue par le mandataire allant du 8 novembre 2018 au 19 avril 2019,
B – le mandataire aurait perçu une commission de 13.300 euros alors que le bien était vendu à un prix inférieur à celui fixé par le mandat et de surcroît, au profit du neveu du propriétaire qui n’aurait pas eu besoin du concours de son mandataire pour vendre le bien à son propre neveu,
C – le mandataire aurait entretenu des liens étroits avec l’acquéreur, non seulement pendant l’exécution du mandat mais également ultérieurement,
D – l’agent immobilier n’aurait pas informé son mandant de l’existence du congé de la locataire avant l’acte notarié ; alors qu’il n’aurait pu modifier l’acte de vente, faute d’avoir été informé en amont du départ de la locataire.
Le mandataire soutient que :
le propriétaire aurait expressément accepté l’offre d’achat formulée par son neveu.
il n’aurait pas dissimulé le congé donné par la locataire le 23 juillet 2019, et a immédiatement averti les parties, par courriel du 26 juillet 2019,
la demande de remboursement de la commission d’agence ne serait pas fondée en droit, car le propriétaire ne sollicite pas la résolution de la vente, dès lors, il ne pourrait prétendre à la restitution des frais occasionnés au titre de cette vente
une indemnisation forfaitaire ne serait pas conforme à l’exigence jurisprudentielle, d’autant que le propriétaire ne justifierait pas d’un préjudice moral
Réponse du Tribunal :
En droit, selon l’article 1104 du code civil :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. »
Selon l’article 1353 du même code. :
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
Alors que selon l’article 1231-1 du même code :
« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
S’agissant des faits juridiques, selon l’article 9 du Code de procédure civile :
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les prétentions indemnitaires ne peuvent résulter d’une somme fixée forfaitairement, le préjudice devant être précisément établi.
En l’espèce, tel qu’il résulte de la relation des faits opérée par le demandeur, il sera précisé que l’ensemble des demandes du propriétaire, M [U] [N], reposent sur sa conviction qu’il existait entre les acquéreurs et le mandataire des liens particuliers et que le bien a été vendu à un prix qui n’était selon lui manifestement pas celui du marché ; qu’il aurait été victime d’une collusion frauduleuse entre son mandataire et son neveu acquéreur et qu’ainsi la valeur du bien a été minorée à ses dépens.
S’agissant des faits qui démontreraient selon le propriétaire le manquement de loyauté de son mandataire, il convient de relevé d’une part que les points A et B sont pas pertinents, en ce que d’une part, il résulte des pièces versées au débat que en toute logique le mandataire a, dans un premier temps, privilégié une vente à la locataire et après que celle-ci ait décliné l’offre, diffusé largement cette offre. D’autre part, la commission versée repose sur le mandat et sur la vente réalisée, laquelle n’a pas fait l’objet d’une résolution ou annulation. ; Enfin, les points C et D ne sont pas démontrés: la supposée collusion (mandataire/acquéreur) ne reposant que sur de simples allégations sans preuves rapportées, alors que le mandataire rapporte la preuve (sa pièce n°22) d’avoir informé par mail du 26/07/2019 le propriétaire du prochain départ de la locataire.
De surcroît, à supposer avérés, ces faits ne caractériseraient pas suffisamment un manquement à l’obligation de loyauté du mandataire ; alors que les deux prétentions indemnitaires n’ont pas de rapport direct avec les supposés préjudices invoqués.
Le propriétaire sera également débouté de ces deux demandes.
Sur la demande d’assortir les condamnations pécuniaires de la capitalisation des intérêts.
La capitalisation des intérêts de la condamnation est de droit dès lors qu’elle est demandée.
Cependant, le point de départ, s’agissant d’une condamnation portant sur des dommages et intérêts dont le montant est fixé par le Tribunal et non pas au titre d’une action en paiement, est celui du jugement.
Sur les autres demandes :
– sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l’article 696 du code de procédure civile, ici le mandataire et secondairement le propriétaire, qui a attrait la société GALAN pour finalement ne former aucune demande à son encontre.
– sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA
Le mandataire sera condamné à ce titre à verser 1.500€ au propriétaire.
Le propriétaire sera condamné à verser 1.500€ à la société GALAN pour l’avoir assignée sans former pour autant de demande à son encontre dans ses dernières conclusions.
– sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.
Le Tribunal,
– DÉBOUTE les défendeurs de leur demande de prendre acte du désistement de M [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN ;
– CONDAMNE la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à payer à M [U] [N] la somme de 48.074€, outre les intérêts au taux légal, avec capitalisation des dits intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du jugement ;
– DÉBOUTE M [U] [N] de ses demandes indemnitaires formées contre le mandataire sur les fondements d’un manquement de ce dernier à ses obligations de conseil relatif à la délivrance d’un congé et de loyauté ;
– CONDAMNE la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et M [U] [N] aux entiers dépens ;
– CONDAMNE au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile :
– la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à payer à M [U] [N] la somme de 1.500€ ,
– M [U] [N] à payer à la société GALIAN la somme de 1.500€ ;
– RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,
– REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;
Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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