Conflit de lois et enjeux matrimoniaux dans un contexte international

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Conflit de lois et enjeux matrimoniaux dans un contexte international

L’Essentiel : Madame [K] [M] et Monsieur [U] [E] se sont mariés en 2003 en Russie, sans contrat de mariage, et ont eu trois enfants. Le 18 septembre 2023, Madame [M] a demandé le divorce devant le tribunal de Paris. Le juge a confirmé sa compétence et a statué sur la résidence séparée des époux, attribuant le domicile conjugal à Madame [M]. Les deux époux ont formulé des demandes similaires concernant le divorce et le droit au bail. La procédure a été clôturée puis révoquée, menant à une audience de plaidoiries. Le divorce a été prononcé le 21 novembre 2024.

Contexte du mariage

Madame [K] [M] et Monsieur [U] [E] se sont mariés le [Date mariage 9] 2003 à [Localité 15] (Russie) sans contrat de mariage. De cette union, trois enfants sont nés, tous désormais majeurs et indépendants.

Demande de divorce

Le 18 septembre 2023, Madame [M] a assigné Monsieur [E] en divorce devant le tribunal judiciaire de Paris, sans préciser le fondement de sa demande. Monsieur [E] a constitué avocat le 26 août 2024.

Ordonnance d’orientation et mesures provisoires

Le 11 janvier 2024, le juge a statué sur plusieurs points, confirmant la compétence du juge français pour le divorce et les obligations alimentaires, tout en appliquant la loi russe pour le régime matrimonial. Il a également constaté la résidence séparée des époux et attribué la jouissance du domicile conjugal à Madame [M].

Demandes des époux

Dans ses écritures du 16 février 2024, Madame [M] a demandé le prononcé du divorce, la conservation de son nom d’épouse, et le droit au bail de l’appartement. Monsieur [E], dans ses écritures du 27 août 2024, a également demandé le divorce et la transcription sur les actes d’état civil, tout en soutenant des demandes similaires à celles de Madame [M].

Clôture de la procédure

La procédure a été clôturée le 21 mars 2024, mais cette décision a été révoquée le 19 septembre 2024, entraînant une nouvelle clôture et la fixation d’une audience de plaidoiries le même jour.

Décision du juge

Le juge a constaté la compétence du juge français pour le divorce et les obligations alimentaires, tout en appliquant la loi russe pour la liquidation du régime matrimonial. Le divorce a été prononcé le 21 novembre 2024, avec des décisions concernant le droit au bail et l’usage du nom d’épouse pour Madame [M]. Les demandes supplémentaires ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge français en matière de divorce et d’obligations alimentaires ?

Le juge français est compétent pour statuer sur le divorce et les obligations alimentaires en vertu de l’article 14 du Code civil, qui stipule que « les tribunaux français sont compétents pour connaître des litiges qui ont un lien avec la France ».

Dans le cas présent, le juge aux affaires familiales a constaté que le divorce et les obligations alimentaires relèvent de la compétence française, ce qui est conforme à l’article 237 du Code civil, qui précise que « le divorce peut être demandé par l’un des époux pour altération définitive du lien conjugal ».

En outre, l’article 1er du Code de la famille et de l’aide sociale précise que « les obligations alimentaires entre époux sont régies par la loi de l’État dans lequel les époux ont leur résidence habituelle ».

Ainsi, la compétence du juge français est justifiée par la résidence des époux en France et leur mariage célébré à l’étranger.

Quelle loi est applicable au divorce et aux obligations alimentaires ?

Le juge a constaté que la loi française est applicable au divorce et aux obligations alimentaires, conformément à l’article 3 du Code civil, qui énonce que « la loi française est applicable aux personnes qui ont leur domicile en France ».

L’article 237 du Code civil, qui traite du divorce, précise que « le divorce peut être prononcé par le juge aux affaires familiales ».

De plus, l’article 270 du Code civil stipule que « les époux se doivent mutuellement assistance et secours », ce qui inclut les obligations alimentaires.

Ainsi, la loi française s’applique en raison de la résidence des époux en France et de leur mariage célébré à l’étranger.

Quelle loi est applicable au régime matrimonial des époux ?

Le juge a constaté que la loi russe est applicable au régime matrimonial des époux, conformément à l’article 5 du Code civil, qui précise que « le régime matrimonial est régi par la loi de l’État dont les époux ont la nationalité ou, à défaut, par la loi de leur résidence habituelle ».

Dans ce cas, bien que les époux résident en France, leur mariage a été célébré en Russie, ce qui implique que la loi russe régit leur régime matrimonial.

L’article 1400 du Code civil russe stipule que « les époux peuvent choisir le régime matrimonial qui leur convient, sous réserve de respecter les dispositions légales en vigueur ».

Ainsi, la loi russe est applicable pour la liquidation du régime matrimonial des époux.

Quelles sont les conséquences du divorce sur les avantages matrimoniaux ?

Le divorce entraîne la révocation de plein droit des avantages matrimoniaux, conformément à l’article 262 du Code civil, qui stipule que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ».

Cela signifie que tous les avantages accordés par un époux à l’autre pendant le mariage sont annulés, sauf si l’époux qui a consenti à ces avantages a exprimé une volonté contraire.

L’article 267 du Code civil précise également que « les dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint pendant l’union, sont également révoquées par le divorce ».

Ainsi, le divorce a des conséquences significatives sur les avantages matrimoniaux des époux.

Quelles sont les implications de la demande de prestation compensatoire ?

Dans cette affaire, le juge a constaté l’absence de demande de prestation compensatoire, ce qui est conforme à l’article 270 du Code civil, qui stipule que « le juge peut accorder une prestation compensatoire à l’un des époux lorsque le divorce entraîne une disparité dans les conditions de vie ».

L’article 271 précise que « la prestation compensatoire peut être versée sous forme de capital ou de rente ».

Cependant, si aucune demande n’est formulée, le juge n’a pas à statuer sur cette question.

Dans ce cas, l’absence de demande de prestation compensatoire signifie que les époux ne cherchent pas à compenser une éventuelle disparité dans leurs conditions de vie après le divorce.

Ainsi, le juge n’a pas eu à se prononcer sur cette question.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

AFFAIRES
FAMILIALES

JAF section 3 cab 4

N° RG 23/37818 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2XT3

N° MINUTE : 16

JUGEMENT
rendu le 21 novembre 2024

Art. 237 et suivants du code civil

DEMANDERESSE

Madame [K] [M] épouse [E]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 11]
A.J. Totale numéro C771862023000155 du 01/06/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris

Ayant pour conseil Me Halima SLIMANI, Avocat, #E1263

DÉFENDEUR

Monsieur [U] [E]
domicilié : chez M. [N]
[Adresse 3]
[Localité 10]
A.J. Totale numéro 2024/021347 du 09/09/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris

Ayant pour conseil Me Claire AIM NATAF, Avocat, #D1359

LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES

Mathilde SARRE

LE GREFFIER

Marion COCHENNEC

Copies exécutoires envoyées le
à

Copies certifiées conformes envoyées le
à

DÉBATS : A l’audience tenue le 19 Septembre 2024, en chambre du conseil

JUGEMENT : prononcé rendu publiquement, contradictoire, en premier ressort et susceptible d’appel

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [M] et Monsieur [U] [E] se sont mariés devant l’officier d’état civil de [Localité 15] (Russie) le [Date mariage 9] 2003, sans contrat préalable de mariage.

De cette union sont issus trois enfants désormais majeurs et indépendants :
– [F] [G] [E], né le [Date naissance 5] 1998 à [Localité 14], [Localité 16] (Russie) ;
– [S] [G] [E], né le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 15] (Russie) ;
– [L] [Y] [E], née le [Date naissance 8] 2003 à [Localité 14], [Localité 16] (Russie).
 
Par acte en date du 18 septembre 2023, Madame [M] a fait assigner son époux en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de PARIS, sans indiquer le fondement de sa demande.

Monsieur [E] a constitué avocat par acte notifié le 26 août 2024.
 
Par ordonnance d’orientation et sur mesures provisoires en date du 11 janvier 2024, le juge de la mise en état a notamment :
– constaté que le juge français était compétent pour le divorce, les obligations alimentaires à l’égard des époux et pour le régime matrimonial des époux ;
– constaté que la loi française était applicable au divorce et aux obligations alimentaires à l’égard des époux ;
– constaté que la loi russe était applicable au régime matrimonial des époux ;
– constaté la résidence séparée des époux :
* Madame [M] résidant [Adresse 1] ;
* Monsieur [E] résidant chez Monsieur [N], [Adresse 3] ;
– attribué la jouissance du domicile conjugal à Madame [M], à charge pour elle de régler le loyer et les charges liées à son occupation ;
– fait défense expresse à chacun d’importuner son conjoint dans sa nouvelle résidence ;
– débouté Madame [M] de ses demandes plus amples et contraires.
 
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 16 février 2024, Madame [M] demande, outre le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, de :
– autoriser Madame [M] à conserver l’usage de son nom d’épouse ;
– donner acte à Madame [M] de la proposition qu’elle a formulée en application de l’article 252 du code civil dans les présentes écritures en ce qui concerne le règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux lesquels ne sont propriétaires d’aucun bien meuble ou immeuble indivis et/ou en commun en France ;
– attribuer à Madame [M] le droit au bail portant sur l’appartement ayant constitué le domicile conjugal situé [Adresse 1] ;
– ordonner les mesures de publicité légales ;
– dire n’y avoir lieu à condamnation à la contribution à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants, ceux-ci étant majeurs et en activité.
 
Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 27 août 2024, Monsieur [E] sollicite, outre le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, de :
– ordonner la transcription sur les actes d’état civil ;
– autoriser Madame [M] à conserver l’usage de son nom d’épouse ;
– donner acte à Monsieur [E] de la proposition qu’il a formulé en application de l’article 252 du code civil dans les présentes écritures en ce qui concerne le règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux lesquels ne sont propriétaires d’aucun bien meuble ou immobilier indivis et/ou commun en France et à l’étranger ;
– attribuer à Madame [M] le droit au bail portant sur l’appartement ayant constitué le domicile conjugal situé [Adresse 1].
 
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières écritures précitées des époux pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.
 
Il sera statué par décision contradictoire en application des dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est intervenue le 21 mars 2024.

Toutefois, par décision en date du 19 septembre 2024, l’ordonnance de clôture rendue le 21 mars 2024 a été révoquée. Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée le même jour.

La décision a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le juge aux affaires familiales, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et susceptible d’appel, après débats hors la présence du public, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSTATE que le juge français est compétent en matière de divorce, d’obligations alimentaires et de liquidation du régime matrimonial des époux ;
 
DIT que la loi française est applicable au divorce et aux obligations alimentaires ;
 
DIT que la loi russe est applicable à la liquidation du régime matrimonial des époux ;

PRONONCE en application des articles 237 et 238 du code civil le divorce de :

Madame [K] [T] [M]
née le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 12], [Localité 15] (URSS)

et

Monsieur [U] [Z] [E]
né le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 13] (URSS)

mariés le [Date mariage 9] 2003 à [Localité 15] (Russie)

ORDONNE la mention du présent jugement dans les conditions énoncées à l’article 1082 du code de procédure civile, en marge de l’acte de mariage, de l’acte de naissance de chacun des époux et, en tant que de besoin, sur les registres du Service du ministère des affaires étrangères à [Localité 17] ;

RAPPELLE que seul le dispositif du jugement pourra être reproduit pour la transcription de la décision dans un acte authentique ou un acte public ;

DIT n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de « donner acte » ou d’application de dispositions prévues de plein droit par la loi ;

AUTORISE Madame [K] [M] à conserver l’usage du nom de son époux ;

RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis ;

DIT n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation et le partage des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ;

CONSTATE l’absence de demande de prestation compensatoire ;

ATTRIBUE à Madame [K] [M] le droit au bail se rapportant au logement situé [Adresse 1] ;

CONDAMNE Madame [K] [M] aux dépens ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Fait à Paris, le 21 Novembre 2024

Marion COCHENNEC Mathilde SARRE
Greffier Juge


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