Validité du congé de vente et obligations locatives en matière de bail d’habitation

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Validité du congé de vente et obligations locatives en matière de bail d’habitation

L’Essentiel : En date du 03 août 1999, M. [I] [H] a consenti un bail à Mme [G] [Y] pour une maison à Toulouse, avec un loyer de 3000 francs. Après le décès de M. [I] [H], M. [O] [H] est devenu propriétaire. Le 23 février 2023, M. [O] [H] a délivré un congé pour vendre à Mme [G] [Y], mais celle-ci a continué à occuper les lieux, entraînant une procédure judiciaire. Le tribunal a jugé le congé nul en raison d’une description imprécise du bien, et a rejeté les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation, tout en ordonnant le paiement des charges récupérables.

Constitution du bail

Par acte sous seing privé en date du 03 août 1999, M. [I] [H] a consenti un bail à usage d’habitation à Mme [G] [Y] pour une maison située à Toulouse, avec un loyer mensuel de 3000 francs, soit 457,35 euros. Après le décès de M. [I] [H] le 08 juin 2000, M. [O] [H] est devenu propriétaire du bien.

Autorisation d’activité professionnelle

Le 24 juin 2013, Mme [R] [H], mère de M. [O] [H], a autorisé Mme [G] [Y] à exercer une activité professionnelle dans la dépendance de l’habitation, représentant ainsi une extension des droits de la locataire sur le bien.

Congé pour vendre et maintien dans les lieux

Le 23 février 2023, M. [O] [H] a délivré un congé pour vendre à Mme [G] [Y], prenant effet le 31 août 2023. Cependant, Mme [G] [Y] a continué à occuper les lieux après cette date, entraînant une procédure judiciaire.

Procédure judiciaire

M. [O] [H] a assigné Mme [G] [Y] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour valider le congé, déclarer l’occupante sans droit ni titre, ordonner son expulsion, et réclamer le paiement de charges récupérables. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises avant d’être retenue pour audience le 24 septembre 2024.

Demandes de M. [O] [H]

À l’audience, M. [O] [H] a demandé la validation du congé, la résiliation judiciaire du bail pour manquements de la locataire, et son expulsion sous astreinte. Il a également réclamé le paiement d’une indemnité d’occupation et des charges récupérables, ainsi qu’une indemnisation pour préjudice moral.

Réponse de Mme [G] [Y]

Mme [G] [Y] a contesté la validité du congé, arguant d’une description incomplète du bien loué. Elle a également demandé un délai pour quitter les lieux si le congé était jugé valide, et a sollicité des dommages et intérêts pour frais de justice.

Motifs de la décision

Le tribunal a examiné la validité du congé, concluant qu’il était nul en raison d’une description imprécise du bien. Le bail a donc continué aux conditions initiales, et les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ont été rejetées.

Résiliation judiciaire du bail

Concernant la demande de résiliation judiciaire, le tribunal a constaté que M. [O] [H] n’avait pas prouvé le non-paiement des charges ni un manquement grave de la locataire à ses obligations d’entretien. Les motifs avancés pour la résiliation ont été jugés insuffisants.

Paiement des charges récupérables

Le tribunal a reconnu que Mme [G] [Y] devait payer les charges récupérables pour les années 2021 à 2023, totalisant 578 euros, et a ordonné son paiement à M. [O] [H].

Demande en dommages et intérêts

M. [O] [H] a été débouté de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral, n’ayant pas démontré de préjudice imputable à Mme [G] [Y].

Décisions accessoires

M. [O] [H] a été condamné aux dépens, tandis que Mme [G] [Y] a reçu une indemnité de 400 euros pour ses frais de justice. Le jugement a été déclaré exécutoire par provision.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la validité du congé et la demande d’expulsion

Le congé pour vendre délivré par le bailleur doit respecter les dispositions de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, qui stipule :

“Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du préavis … A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.”

Il est également précisé que le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’un commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.

Dans cette affaire, le congé délivré le 23 février 2023 ne mentionne pas la dépendance ni le jardin, ce qui crée une ambiguïté sur la consistance du bien proposé à la vente.

L’absence de description précise dans le congé empêche d’identifier clairement le bien, ce qui est contraire aux exigences légales. Par conséquent, le tribunal a déclaré le congé nul et sans effet, entraînant la poursuite du bail aux conditions originaires.

Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire

L’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 impose au locataire plusieurs obligations, notamment :

« a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ;
b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement. »

Le bailleur a fondé sa demande de résiliation sur plusieurs motifs, dont le non-paiement des charges récupérables. Cependant, il n’a pas prouvé avoir réclamé ces charges à la locataire, ce qui empêche d’imputer un manquement à Mme [G] [Y].

Concernant l’entretien de l’immeuble, les preuves fournies par le bailleur, notamment des photographies, ne permettent pas d’établir un manquement grave.

De plus, l’avenant signé entre les parties autorisait Mme [G] [Y] à réaliser des travaux pour son activité professionnelle, ce qui exclut toute faute à cet égard.

Ainsi, la demande de résiliation judiciaire a été rejetée.

Sur la demande en paiement des charges récupérables

L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 précise que les charges récupérables sont exigibles sur justification en contrepartie.

En l’espèce, bien que le contrat de bail ne mentionne pas explicitement les provisions sur charges, il stipule que les charges récupérables seront exigibles sur justification.

M. [O] [H] a justifié le montant des charges pour les années 2021 à 2023, totalisant 578 euros.

La locataire est donc redevable de cette somme, et sa demande de non-paiement des charges a été rejetée.

Sur la demande en dommages et intérêts

L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Dans cette affaire, M. [O] [H] a été débouté de ses demandes principales, ce qui signifie qu’il n’a pas démontré avoir subi un préjudice imputable à Mme [G] [Y].

Par conséquent, sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral a été rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens.

Étant donné que M. [O] [H] a perdu son action principale, il supportera la charge des dépens.

De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés.

Dans ce cas, M. [O] [H] a été condamné à verser 400 euros à Mme [G] [Y] pour les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Ainsi, toutes les demandes de M. [O] [H] ont été rejetées, et le jugement a été assorti de l’exécution provisoire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
Site Camille Pujol
2 allées Jules Guesde
BP 7015
31068 TOULOUSE cedex 7

NAC: 5AA

N° RG 24/00398 – N° Portalis DBX4-W-B7I-SU7B

JUGEMENT

N° B

DU : 21 Novembre 2024

[O] [H]

C/

[G] [Y]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 21 Novembre 2024

à CABINET SERDAN

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Jeudi 21 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection,statuant en matière civile, assistée de Olga ROUGEOT Greffier, lors des débats et chargé des opérations de mise à disposition.

Après débats à l’audience du 24 Septembre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDEUR

M. [O] [H], demeurant 9 RUE DE CHAMBORD – 31170 TOURNEFEUILLE

représenté par Me Aurélien DELECROIX, avocat au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDERESSE

Mme [G] [Y], demeurant 32 RUE JACQUES CARTIER – 31100 TOULOUSE

représentée par Maître Jean-manuel SERDAN de la SELARL CABINET J.M. SERDAN, avocats au barreau de TOULOUSE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 03 août 1999, prenant effet au 1er septembre 1999, M. [I] [H] a consenti un bail à usage d’habitation à Mme [G] [Y] pour une maison d’habitation située 32 rue Jacques Cartier à TOULOUSE moyennant un loyer mensuel de 3000 francs, soit 457,35 euros.

Suite au décès de M. [I] [H] survenu le 08 juin 2000, M. [O] [H] est devenu propriétaire du bien immobilier.

Le 24 juin 2013, Mme [R] [H], mère de M. [O] [H], a autorisé, pour le compte de celui-ci, mineur, Mme [G] [Y] à exercer une activité professionnelle dans la dépendance de l’habitation.

Suivant exploit d’huissier en date du 23 février 2023, M. [O] [H] a délivré congé pour vendre à Mme [G] [Y] pour le 31 août 2023.

Mme [G] [Y] s’est maintenue dans les lieux après cette date.

M. [O] [H] a fait assigner Mme [G] [Y], par exploit de commissaire de justice, devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse aux fins notamment de voir valider le congé, déclarer cette dernière occupante sans droit ni titre, ordonner son expulsion sous astreinte, ordonner la communication de l’attestation assurance habitation et de l’entretien de la chaudière sous astreinte, et la condamner au paiement de la somme de 578 euros au titre des charges récupérables.

Appelée à l’audience du 12 février 2024, l’affaire a fait plusieurs renvois avant d’être retenue à l’audience du 24 septembre 2024.

A l’audience du 24 septembre 2024, M. [O] [H], représenté par son conseil, se rapporte à ses conclusions responsives n° 2 déposées et sollicite :
* à titre principal,
– de constater la validité du congé délivré le 23 février 2023 à effet au 1er septembre 2023,
* à titre subsidiaire :
– de prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la locataire pour manquement à son obligation d’entretien et de conservation de l’immeuble et du paiement de l’intégralité du loyer et des charges ;
* en tout état de cause,
– d’ordonner l’expulsion de Mme [G] [Y] sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de tout occupant de son chef,
– de rejeter l’intégralité des demandes de Mme [G] [Y] tant au titre de la contestation du congé que de la tentative de rejet des sommes dues au titre des charges, ainsi qu’au titre des délais pour quitter les lieux,
– de condamner Mme [G] [Y] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges actuels, soit 520 euros, jusqu’à la libération des lieux,
– de condamner Mme [G] [Y] à lui verser la somme de 578 euros au titre des charges récupérables pour les années 2021 à 2023,
– de condamner Mme [G] [Y] à lui verser la somme de 2000 euros au titre du préjudice moral subi,
– de condamner Mme [G] [Y] au paiement de 2000€ en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, et au visa des articles 7, 15, 21 et 23 de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que de l’article 544 du Code civil, il fait valoir que le congé pour vendre délivré n’encourt aucune nullité lorsqu’il est fait référence au “ local objet du bail” dans le congé pour vendre et qu’ainsi aucune équivoque n’est présente sur la consistance du bien vendu et que l’absence d’une mention d’un local dans le congé ne peut l’invalider dans la mesure où les locataires occupant le bien depuis longue durée ne pouvait se tromper sur la consistance des biens vendus. Il affirme que la défenderesse était locataire de l’intégralité de la maison, ainsi que du jardin et de la dépendance et qu’occupant les lieux depuis plus de 23 ans elle avait une parfaite connaissance du bien. Il soutient que, par acte du 24 juin 2013, la location a été étendue à la dépendance de sorte que le bail et le second contrat précisent clairement et sans ambiguïté l’objet du bail. Il fait valoir que le congé pour vendre indique qu’il comporte offre de vente des “locaux objet de la location”.
À titre subsidiaire, il sollicite la résiliation judiciaire du bail faisant valoir que la locataire ne s’est pas acquittée du règlement des charges et qu’elle n’a pas rempli ses obligations en n’entretenant pas régulièrement le jardin et en détruisant un mur sans accord du propriétaire. Il affirme de plus qu’elle sous-loue l’ensemble (maison et habitation ) à une association sans autorisation du bailleur et qu’elle exerce une activité professionnelle dans la maison alors qu’elle n’est autorisée à occuper ces lieux que pour un usage d’habitation.
Il sollicite la condamnation de Mme [G] [Y] à payer la somme due au titre des charges récupérables des années 2021 à 2023 ainsi qu’une indemnisation de son préjudice moral en ce qu’il a subi un stress important puisqu’il ne peut plus vendre le bien ni réaliser les visites, entraînant un préjudice financier conséquent. Il s’oppose à la demande de délai pour quitter les lieux.

En réponse, Mme [G] [Y], représentée par son conseil, et se rapportant à ses conclusions responsives déposées, sollicite :
* à titre principal,
– de prononcer la nullité du congé pour vente délivré le 22 février 2023,
– de débouter en conséquence M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,
* À titre subsidiaire si le congé délivré était considéré valable,
– Octroyer à Mme [Y] un délai de 12 mois à compter de la signification de la décision à intervenir pour quitter le logement,
* en tout état de cause,
– De condamner M. [H] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 37 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Elle fait valoir au soutien de ses demandes, et au visa de l’article 15 de la loi du 06 juillet 1989, qu’elle conteste la validité du congé comme comportant une description non conforme du bien loué en ce que la description est imprécise et incomplète car elle ne vise ni la dépendance de 36 m² ni le jardin, au contraire de l’annonce de vente du bien réalisée par l’agence immobilière en charge de la vente, et qui interroge sur le prix de vente qui lui a été proposé. Elle conteste les charges sollicitées en ce que celles-ci ne lui ont jamais été réclamées et qu’elles ne sont pas prévues par le bail. Elle conteste également la demande subsidiaire aux fins de résiliation judiciaire du bail en ce qu’il n’est pas démontré qu’elle a failli à ses obligations alors qu’elle entretient le logement et règle l’intégralité des loyers dus. Elle affirme que le demandeur ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral et doit ainsi être débouté de sa demande. A titre subsidiaire, si une résiliation était prononcée, elle demande à bénéficier d’un délai de 12 mois pour trouver un autre logement.

Il convient de se reporter aux conclusions de chacune des parties pour un plus ample exposé des moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La date du délibéré a été fixée au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I-SUR LA VALIDITÉ DU CONGÉ ET LA DEMANDE D’EXPULSION

L’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 dispose: “ Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire: l’offre est valable pendant les deux premiers mois du préavis … A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local” ;

Le congé doit par ailleurs être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’un commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.

L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 fait obligation au bailleur de faire connaître à son locataire les conditions de la vente projetée.

Il convient ainsi de rappeler que la validité du congé pour vendre suppose une concordance exacte entre les biens loués et ceux qui font l’objet de l’offre de la vente au locataire.

En l’espèce, le congé aux fins de vente délivré par le bailleur le 23 février 2023, précisant l’intention de vendre, le prix de vente et la possibilité pour la locataire de faire valoir son droit de préférence, indique en visant le contrat de bail du 3 août 1999, une maison d’habitation désignée comme suit “ deux chambres, une salle de bains, un séjour, une cuisine”.

Le bail du 03 août 1999 produit aux débats, précise qu’il comprend le jardin mais indique dans la case “dépendance” le mot “non”.

Il est toutefois constant et non contesté par les parties que, par acte signé le 24 juin 2013 par le bailleur et la locataire et qualifié d’avenant par ceux-ci, Mme [G] [Y] a été autorisée à exercer une activité professionnelle dans la “dépendance”.

Or le congé ne fait pas mention d’annexe ni de dépendance. Il ne vise pas plus l’avenant. Si la locataire savait que la dépendance et le jardin était compris dans les lieux loués, pour autant, l’absence de description de ces annexes dans le congé délivré ne permet pas d’identifier précisément le bien offert à la vente.

Par ailleurs, l’annonce de l’agence immobilière, qui propose le bien pour le même prix, est plus précise et mentionne “ à l’extérieur, une dépendance habitable et rénovée de 36 m2 comprenant coin cuisine et une chambre. A l’extérieur se trouve également un WC supplémentaire (…), un garage”.

Dans ces conditions, Mme [G] [Y] pouvait légitimement s’interroger sur la consistance du bien, objet du congé, et sur l’adéquation avec l’offre de vente formulée.

Il y a lieu, en conséquence, de déclarer nul et de nul effet le congé pour vendre délivré par le bailleur le 22 février 2023. Dans ces conditions, le bail conclu entre M. [O] [H] et Mme [G] [Y] en date du 03 août 1999 s’est poursuivi aux clauses et conditions originaires.

Par voie de conséquence, il convient de débouter M. [O] [H] de sa demande d’expulsion sous astreinte et de sa demande corollaire de condamnation à une indemnité d’occupation à ce titre.

II-SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE DE RÉSILIATION JUDICIAIRE

L’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 rappelle le principe que « le locataire est obligé:
a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire ;
b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement ;
d) De prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. (…);
f) De ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l’accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l’état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d’exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l’état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Toutefois, des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie ou des travaux de rénovation énergétique peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l’objet d’une demande écrite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès du bailleur. L’absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d’acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l’état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

Le locataire est tenu des petites réparations et de l’entretien courant du logement loué. Ainsi, selon le décret du 26 août 1987 n°87-712, sont considérées comme des réparations locatives à la charge du locataire s’agissant des parties extérieures dont le locataire a l’usage exclusif les réparations suivantes :
 » a) dans les jardins privatifs : Entretien courant, notamment des allées, pelouses, massifs, bassins et piscines ; taille, élagage, échenillage des arbres et arbustes ; Remplacement des arbustes ; réparation et remplacement des installations mobiles d’arrosage.  »
b) Auvents, terrasses et marquises : Enlèvement de la mousse et des autres végétaux.
c) Descentes d’eaux pluviales, chéneaux et gouttières : Dégorgement des conduits.  »
Au contraire, le bailleur est tenu des autres réparations qui ne relèvent pas des réparations locatives et notamment de l’entretien des toitures.

Le paiement du loyer et des charges est une obligation essentielle du contrat de location, de telle sorte qu’un défaut de paiement est de nature à justifier la résiliation du contrat aux torts du locataire en application des articles 1224 et suivants du code civil, à condition toutefois que le manquement apprécié à la date de l’audience soit considéré comme suffisamment grave.

En application de l’article 23 de la loi susvisée , les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie :(…)
3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

En l’espèce, le bailleur fonde sa demande de résiliation judiciaire sur trois motifs:
– le non-paiement par la locataire des charges récupérables,
– le défaut d’entretien de l’immeuble et la transformation des lieux sans autorisation du propriétaire
– l’exercice d’une activité professionnelle dans la maison sans autorisation et la sous-location de la maison à une association sans autorisation.

– sur le non-paiement par la locataire des charges récupérables

En l’espèce, M. [O] [H] ne justifie ni avoir réclamé le paiement de ces charges pour les années 2021 à 2023 à Mme [G] [Y] ni que celle-ci ne s’est pas exécutée.

En conséquence, aucun manquement ne peut être imputé à Mme [G] [Y] à ce titre.

– Sur le défaut d’entretien de l’immeuble et la réalisation de travaux sans autorisation

La seule production de photographies Google Maps ne permet pas d’établir un manquement grave de la locataire dans l’entretien du jardin en ce que les quatre autres photographies produites, que M. [O] [H] affirme avoir été prises en 2019, 2022 et 2023, ne sont pas datées. En outre, le tribunal relève que, sur l’une des photos Google maps, il est fait mention de la tempête de 2009. Dès lors, rien n’indique que les photographies produites ne sont pas concomitantes à cette période alors même que les photographies google maps de 2022 entrent en contradiction avec ces autres photographies et ce d’autant plus que la clôture apparaît abîmée par un cas de force majeure et non par la faute de la locataire. De surcroît, l’état des lieux d’entrée indique que le jardin/pelouse est à retaper de même que les allées et les bordures.

En conséquence, ces éléments ne peuvent suffire à imputer à la locataire un manquement grave à ses obligations.

Concernant les travaux, aucun état des lieux n’ayant été établi concernant la dépendance, rien ne permet d’affirmer qu’il existait un mur que Mme [G] [Y] aurait détruit sns autorisation. Par ailleurs, l’avenant signé entre les parties autorisait expressément Mme [G] [Y] à réaliser les travaux de mise en conformité pour accueillir son activité professionnelle. Par ailleurs, Par conséquent, aucun défaut d’entretien ne peut être reproché à Mme [G] [Y] de sorte que ce motif ne peut valablement servir pour fonder la résiliation du bail.

– sur l’activité professionnelle exercée dans la dépendance et l’habitation principale,

Aucun élément probant ne permet de corroborer les affirmations du propriétaire selon lesquelles Mme [G] [Y] exercerait son activité professionnelle dans la maison d’habitation et non seulement dans l’annexe ni qu’elle sous louerait l’ensemble (habitation et annexe).

En effet, s’il est justifié par Mme [G] [Y] qu’une partie du loyer (et non la totalité) est réglée par l’association, le paiement pour autrui ne permet pas, à lui seul, de démontrer l’existence d’une sous-location. En outre, ce paiement partiel démontre que la locataire règle elle-même une partie des loyers puisque le bailleur ne conteste pas que ceux-ci sont intégralement payés.

Ainsi, en l’absence de démonstration certaine, ce motif ne peut être considéré comme pertinent.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, la résiliation du bail sera rejetée et les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation deviennent sans objet.

III-SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DES CHARGES RÉCUPÉRABLES

En l’espèce, l’absence de mention relative à la provision sur charges dans le contrat de bail liant les parties ne dispense pas la locataire de payer les charges locatives récupérables, s’il est établi que les parties n’ont pas entendu conventionnellement inclure forfaitairement le règlement de ces charges dans le montant du loyer. C’est ainsi le cas lorsqu’il est prévu dans le bail un paragraphe intitulé « obligations du locataire » dans lequel figure celle de payer les charges récupérables aux termes convenus et qu’il est expressément stipulé, à la suite des modalités relatives au loyer, que le locataire est tenu de s’acquitter des charges, prestations et impositions récupérables dont le détail est ainsi libellé : « eau, poubelles, communs entretien et électricité ».

Mme [G] [Y] produit aux débats le contrat de location accompagné de ses conditions générales qui comportent un paragraphe “ charges et prestations” prévoyant que les charges récupérables, sommes accessoires loyer principal, seront exigibles sur justification en contrepartie (…).

Mme [G] [Y] est donc redevable des sommes dues au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

M. [O] [H] justifie de leur montant pour l’année 2021 à la somme de 184 €, pour l’année 2022 la somme de 190 € et pour l’année 2023 la somme de 204 € soit un total de 578€.

La réclamation de M. [O] [H] n’apparait pas déloyale ni en son principe ni en son quantum.

En conséquence, Mme [G] [Y] sera condamnée à payer à M. [O] [H] la somme de 578 € au titre des charges récupérables pour les années 2021 à 2023.

IV-SUR LA DEMANDE EN DOMMAGES ET INTERETS

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, M. [O] [H] étant débouté de ses demandes au titre du congé pour vendre et de la résiliation judiciaire du bail, il ne démontre pas avoir subi un préjudice imputable à Mme [G] [Y].

En conséquence, M. [O] [H] sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

V-SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, M. [O] [H], partie perdante au principal, supportera la charge des dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, si Mme [G] [Y], aux termes de ses écritures, sollicite la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 37 du code de procédure civile, il s’agit manifestement d’une erreur de plume sur le numéro de l’article visé qu’il convient de rectifier.

Mme [G] [Y] ayant été contrainte d’exposer des frais pour faire valoir ses droits en justice et se défendre, M. [O] [H], sera condamné à lui payer la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Condamné aux dépens, M. [O] [H] ne peut prétendre à une indemnisation au titre des frais irrépétibles et sera, en conséquence, débouté de sa demande.

Le jugement est de plein droit assorti de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant au fond, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

DECLARE nul le congé pour vendre délivré par M. [O] [H] le 23 février 2023 avec effet au 1er septembre 2023,

DIT que le bail s’est poursuivi aux clauses et conditions originaires.

DEBOUTE M. [O] [H] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de bail conclu avec Mme [G] [Y] ;

DEBOUTE ainsi M. [O] [H] de ses demandes d’expulsion sous astreinte et d’indemnité d’occupation;

CONDAMNE Mme [G] [Y] à payer à M. [O] [H] la somme de 578€ au titre des charges récupérables des années 2021 à 2023;

DEBOUTE M. [O] [H] de sa demande indemnitaire pour préjudice moral ;

CONDAMNE M. [O] [H] à verser Mme [G] [Y] la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [O] [H] de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] [H] aux entiers dépens de la présente instance;

RAPPELLE que le jugement est de plein droit exécutoire par provision.

Le Greffier La Vice-Présidente


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