L’Essentiel : Le litige entre IMMORENTE et TOFFEE découle d’un bail commercial modifié à plusieurs reprises. En mars et décembre 2023, IMMORENTE a délivré des commandements de payer pour des loyers impayés, entraînant une assignation en référé le 6 mai 2024. Lors de l’audience, IMMORENTE a actualisé la dette à 104.114,05 euros, tandis que TOFFEE a demandé des délais de paiement. Le tribunal a constaté la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de TOFFEE et condamné cette dernière à payer la somme due, tout en rejetant sa demande de délais et d’autres requêtes. La décision a été rendue le 21 novembre 2024.
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Contexte du litigeLe litige oppose la société IMMORENTE à la société TOFFEE, suite à un bail commercial initialement consenti par la société URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT. Ce bail, portant sur des locaux situés à [Adresse 6], a été modifié par plusieurs avenants, dont le dernier en date du 28 juillet 2021. En septembre 2022, IMMORENTE a acquis l’ensemble immobilier, devenant ainsi le nouveau bailleur. Commandements de payerEn mars et décembre 2023, la société IMMORENTE a délivré à TOFFEE deux commandements de payer, le premier pour un montant de 16.634,77 euros et le second pour 44.081,79 euros. Ces commandements visaient la clause résolutoire du bail en raison de loyers impayés. Assignation en référéLe 6 mai 2024, IMMORENTE a assigné TOFFEE en référé, demandant la constatation de la résiliation du bail, l’expulsion de TOFFEE, la séquestration des meubles, ainsi que le paiement de diverses sommes à titre provisionnel. L’affaire a été retenue pour audience le 11 octobre 2024. Demandes des partiesLors de l’audience, IMMORENTE a actualisé le montant de la dette à 104.114,05 euros et s’est opposée à la demande de TOFFEE de bénéficier de délais de paiement de 48 mois. TOFFEE a, quant à elle, sollicité ces délais pour suspendre les effets de la clause résolutoire. Analyse juridiqueLe tribunal a rappelé que, selon le code de commerce, la résiliation du bail ne prend effet qu’un mois après un commandement de payer resté infructueux. Le commandement du 29 décembre 2023 étant resté sans effet, le bail a été résilié de plein droit le 30 janvier 2024. L’obligation de TOFFEE de quitter les lieux est donc incontestable. Indemnité d’occupationLe tribunal a également reconnu le droit d’IMMORENTE à une indemnité d’occupation, mais a limité cette indemnité au montant du loyer contractuel, considérant que la demande d’IMMORENTE excédait ce montant et pouvait être perçue comme une clause pénale excessive. Décision du tribunalLe tribunal a ordonné l’expulsion de TOFFEE, constaté la résiliation du bail, et condamné TOFFEE à payer à IMMORENTE la somme provisionnelle de 104.114,05 euros, avec intérêts. La demande de délais de paiement a été rejetée, tout comme les demandes relatives à la clause pénale et au dépôt de garantie. TOFFEE a également été condamnée aux dépens. ConclusionLa décision a été rendue le 21 novembre 2024, confirmant la résiliation du bail et les obligations de TOFFEE envers IMMORENTE, tout en précisant que la décision est exécutoire par provision. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la clause résolutoire dans le bail commercial selon l’article L. 145-41 du code de commerce ?La clause résolutoire dans un bail commercial, selon l’article L. 145-41 du code de commerce, stipule que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ». Ce commandement doit mentionner ce délai, à peine de nullité. Les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. Dans le cas présent, un commandement de payer a été délivré le 29 décembre 2023, et il est resté infructueux, entraînant la résiliation du bail le 30 janvier 2024. Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé selon l’article 835 du code de procédure civile ?L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile précise que, « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ». Cela signifie que pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’obligation soit claire et incontestée. Dans le litige en question, la société IMMORENTE a justifié sa demande de provision par la production du bail, du commandement de payer et du décompte des sommes dues. Le juge a donc pu constater que la société TOFFEE avait une dette certaine, ce qui a permis d’accorder une provision à la société IMMORENTE. Quelles sont les obligations de preuve en matière d’exécution d’une obligation selon l’article 1353 du code civil ?L’article 1353 du code civil stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Réciproquement, « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Dans le cadre de ce litige, la société IMMORENTE a prouvé l’existence de la dette par la production de documents pertinents, tandis que la société TOFFEE n’a pas apporté de preuves suffisantes pour justifier son prétendu paiement ou sa libération de l’obligation. Cela a conduit le tribunal à conclure que la société TOFFEE devait s’acquitter de sa dette. Quels sont les délais de paiement prévus par l’article 1343-5 du code civil ?L’article 1343-5 du code civil précise que « le juge peut accorder des délais de paiement, mais le délai maximal d’échelonnement est de deux années ». Dans le cas présent, la société TOFFEE a demandé des délais de paiement sur 48 mois, ce qui excède le délai légal prévu. Le tribunal a donc rejeté cette demande, considérant que le montant de la dette et son augmentation constante justifiaient un refus de délais supplémentaires. Ainsi, la société TOFFEE a été condamnée à payer la somme due sans possibilité de bénéficier de délais de paiement prolongés. Quelles sont les conséquences de la résiliation du bail sur l’indemnité d’occupation ?La résiliation du bail entraîne des conséquences sur l’indemnité d’occupation. Le tribunal a constaté que le maintien dans les lieux de la société TOFFEE causait un préjudice à la société IMMORENTE, qui a donc droit à une indemnité d’occupation. Cependant, cette indemnité ne peut excéder le montant du loyer contractuel, charges en sus, car le juge des référés ne peut pas accueillir une demande d’indemnité qui serait manifestement excessive. Ainsi, la société TOFFEE a été condamnée à payer une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes, jusqu’à la libération des lieux. |
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/00860 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZGVJ
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 21 NOVEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03059
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Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Monsieur Tuatahi LEMAIRE, Greffier,
Après avoir entendu les parties à notre audience du 11 Octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
La société IMMORENTE
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Philippe RENAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0139
ET :
La société TOFFEE
dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Max HALIMI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :C1860
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 5 décembre 2018, la société URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT a consenti à la société CHOUCHOU LOULOU, à laquelle s’est substituée la société TOFFEE par avenant n°1 du 17 janvier 2019, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 6], lot n°18 à [Localité 7], dépendant d’un ensemble immobilier situé 1, 3, 7, 11, 13, 15, 17, [Adresse 2], [Adresse 5], [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 7]. Le bail était modifié par avenant n°2 du 28 juillet 2021.
Par acte notarié en date du 23 septembre 2022, la société IMMORENTE a fait l’acquisition de l’ensemble immobilier précité, dont dépendent les lieux loués, et est ainsi venue aux droits de la société URBAN RENAISSANCE DEVELOPPEMENT.
Le 9 mars 2023, la société IMMORENTE a fait délivrer à TOFFEE un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 16.634,77 euros et en date du 29 décembre 2023, un second commandement de payer la somme en principale de 44.081,79 euros.
Par acte délivré le 6 mai 2024, la société IMMORENTE a assigné la société TOFFEE en référé devant le président de ce tribunal aux fins de :
constater l’acquisition, au 29 janvier 2024, de la clause résolutoire figurant au bail ;ordonner l’expulsion immédiate de la société TOFFEE ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier ;ordonner la séquestration des meubles garnissant les locaux ;lui voir attribuer le dépôt de garantie ;condamner la société TOFFEE à lui payer à titre provisionnel :une somme de 67.255,11 euros à valoir sur les loyers, charges, taxes et accessoires impayés, arrêtée au 26 avril 2024 inclus, augmenté des intérêts au taux EONIA légal majoré de 250 points à compter du 29 janvier 2024 ; une somme de 3.362,75 euros correspondant à la clause pénale,une indemnité d’occupation mensuelle égale à 5.415,08 euros HT, augmenté des charges et taxes, jusqu’à la libération complète des locaux ;condamner la société TOFFEE au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, lesquels comprendront le coût du commandement de payer du 29 décembre 2023 et le coût de l’état des privilèges et des nantissements, dont distraction pour ce qui le concerne, au profit de Maitre Philippe RENAUD.
Après renvoi, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 11 octobre 2024.
A l’audience, la société IMMORENTE sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance.
Elle actualise le montant de la dette à 104.114,05 euros, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse, et s’oppose à la demande de délais de paiement de 48 mois.
À l’audience, la société TOFFEE sollicite des délais de paiement sut 48 mois.
L’état des inscriptions sur le fonds de commerce ne porte mention d’aucune inscription en date du 3 mars 2024.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.
Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, » toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »
Par ailleurs, les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Enfin, en application de l’article 1353 du code civil, » Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation « .
En l’espèce, le bail stipule qu’à défaut de paiement d’un terme du loyer à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré dans les formes prévues à l’article L. 145-41 du code de commerce le 29 décembre 2023 pour le paiement de la somme en principal de 44.081,79 euros.
Il résulte du décompte joint à l’assignation, arrêté au 26 avril 2024, que ledit commandement est resté infructueux dans le délai d’un mois.
Par voie de conséquence, le bail s’est trouvé résilié de plein droit un mois plus tard, soit le 30 janvier 2024. L’obligation de la société TOFFEE de quitter les lieux n’étant dès lors pas contestable, il convient d’accueillir la demande d’expulsion.
Par ailleurs, le maintien dans les lieux de la société TOFFEE causant un préjudice à la société IMMORENTE, celle-ci est fondée à obtenir, à titre provisionnel, à compter de la résiliation du contrat et jusqu’à la libération des lieux, une indemnité d’occupation.
Toutefois, elle sollicite à ce titre une somme supérieure au montant du loyer contractuel. Cette somme excède le revenu locatif dont elle se trouve privée du fait de la résiliation du bail et peut s’analyser en une clause pénale que le juge du fond peut réduire si, comme en l’espèce, elle est susceptible d’apparaître manifestement excessive au regard de la situation financière du locataire.
Elle relève donc de l’appréciation de ce juge et ne peut ainsi être accueillie devant le juge des référés, juge de l’évidence, qu’à concurrence du montant du loyer courant, charges en sus, auquel le bailleur peut prétendre en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail.
La partie défenderesse sera donc condamnée au paiement à titre provisionnel d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes, jusqu’à la libération des lieux.
La société IMMORENTE justifie, par la production du bail, du commandement de payer et du décompte arrêté au 10 octobre 2024, que la société TOFFEE reste lui devoir à cette date une somme de 104.114,05 euros (incluant loyers et indemnités d’occupation), échéance du 4ème trimestre 2024 incluse.
La société TOFFEE sollicite des délais de paiement sur 48 mois suspendant les effets de la clause résolutoire, ce à quoi la société bailleresse s’oppose.
Il convient de rappeler au préalable que le délai maximal d’échelonnement prévu par l’article 1343-5 du code civil est de deux années.
En tout état de cause, au vu des éléments produits et des débats, compte tenu du montant de la dette et de son augmentation constante, et étant démontré que la société défenderesse ne règle plus les loyers courants et ne produit aucun élément probant sur ses difficultés financières, il convient de rejeter la demande de délais de paiement sur le fondement des articles 1343-5 du code civil et L.145-41 du code de commerce.
La société TOFFEE sera condamnée à titre provisionnel au paiement de la somme de 104.114,05 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance. La demande de majoration du taux d’intérêt étant soumise à l’interprétation et à l’appréciation du juge, elle présente en effet les caractéristiques d’une contestation sérieuse qui ne peut être tranchée en référé.
La société IMMORENTE sollicite en outre une somme de 3.362,75 en application de la clause pénale prévue au contrat. Cette somme pouvant être réduite par le juge du fond si elle apparaît manifestement excessive au regard de la situation financière du locataire, elle ne peut être accueillie devant le juge des référés. Il n’y a donc pas lieu à référé de ce chef de demande.
Il n’y a pas lieu au stade des référés de prévoir que le montant du dépôt de garantie versé par la société TOFFEE restera acquis à la société IMMORENTE dès lors que ce dépôt de garantie ne peut être conservé par elle qu’à la reddition définitive des comptes entre les parties et sous réserve de justifier de l’existence de désordres susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts, lesquels excèdent l’office du juge des référés.
La société TOFFEE, succombant, sera condamnée aux dépens lesquels comprendront le coût du commandement de payer du 29 décembre 2023 et le coût de l’état des privilèges et des nantissements, dont distraction pour ce qui le concerne, au profit de Maitre Philippe RENAUD.
Enfin, l’équité commande d’allouer à la société IMMORENTE la somme prévue au dispositif au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Constatons la résiliation du bail par l’effet d’une clause résolutoire le 30 janvier 2024 ;
Ordonnons, si besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier, l’expulsion de la société TOFFEE ou de tous occupants de son chef hors des locaux situés [Adresse 6], lot n°18 à [Localité 7] ;
Disons que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamnons la société TOFFEE à payer à la société IMMORENTE la somme provisionnelle de 104.114,05 euros, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;
Rejetons la demande tendant à l’octroi de délais de paiement ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation au paiement de la clause pénale, d’attribution du dépôt de garantie et de majoration du taux d’intérêt légal ;
Condamnons la société TOFFEE à supporter la charge des dépens lesquels comprendront le coût du commandement de payer du 29 décembre 2023 et le coût de l’état des privilèges et des nantissements, dont distraction pour ce qui le concerne, au profit de Maitre Philippe RENAUD de la SELARL RENAUD-ROUSTAN ;
Condamnons la société TOFFEE à payer à la société IMMORENTE la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 21 NOVEMBRE 2024.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
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