Conflit sur l’existence d’obligations contractuelles en matière locative et impact des désordres sur la jouissance des lieux.

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Conflit sur l’existence d’obligations contractuelles en matière locative et impact des désordres sur la jouissance des lieux.

L’Essentiel : La SCI TRANSMISSIONS a assigné la SAS LE PETIT MARCHE en référé pour obtenir le paiement de 57.862,68 euros, incluant des indemnités d’occupation. Elle a soutenu que le preneur avait cessé de payer les loyers et qu’une ordonnance avait constaté la clause résolutoire. En défense, la SAS a contesté ces demandes, invoquant un arrêté de péril et arguant que les loyers n’étaient pas dus en raison de l’état de l’immeuble. Le juge des référés a constaté des contestations sérieuses sur l’obligation de paiement et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé, chaque partie supportant ses dépens.

Contexte de l’affaire

La SCI TRANSMISSIONS est propriétaire d’un local commercial et d’un local à usage d’habitation dans un immeuble en copropriété. Ces locaux ont été donnés à bail à M. [P] [K], désormais remplacé par la SAS LE PETIT MARCHE, qui gère un commerce d’épicerie. L’immeuble est composé de deux bâtiments, dont l’un abrite un autre commerce.

Demande de la SCI TRANSMISSIONS

Le 5 juin 2024, la SCI TRANSMISSIONS a assigné la SAS LE PETIT MARCHE en référé pour obtenir le paiement de 57.862,68 euros, incluant des indemnités d’occupation et des charges. Elle a également demandé 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et le remboursement des dépens. L’affaire a été entendue le 11 octobre 2024, où la SCI a maintenu ses demandes et a proposé une somme provisionnelle de 30.000 euros.

Arguments de la SCI TRANSMISSIONS

La SCI TRANSMISSIONS a fait valoir que le preneur avait cessé de payer les loyers et qu’une ordonnance du juge des référés avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire. Elle a également mentionné un congé avec refus de renouvellement de bail et un commandement visant la clause résolutoire. Malgré un arrêté de péril concernant une partie de l’immeuble, elle a soutenu que les locaux loués étaient conformes à leur destination.

Réponse de la SAS LE PETIT MARCHE

En défense, la SAS LE PETIT MARCHE a contesté les demandes de la SCI, invoquant l’existence d’une contestation sérieuse liée à l’arrêté de péril. Elle a demandé la condamnation de la SCI à lui verser une somme provisionnelle pour les loyers versés entre mars 2019 et décembre 2022, arguant que les loyers ne sont pas dus en raison de l’état de l’immeuble.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a constaté qu’il existait des contestations sérieuses concernant l’obligation de paiement des loyers, notamment en raison des désordres dans l’immeuble. Il a rappelé que l’octroi d’une provision nécessite une obligation non sérieusement contestable, ce qui n’était pas le cas ici. Par conséquent, il a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé et que chaque partie devait supporter ses propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de l’obligation à prouver pour obtenir une provision en référé ?

Pour obtenir une provision en référé, il est nécessaire de prouver l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile stipule que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. »

Cela signifie que le créancier doit démontrer que sa créance est certaine, liquide et exigible.

En l’espèce, la SCI TRANSMISSIONS devait prouver que les loyers et indemnités d’occupation étaient dus par la SAS LE PETIT MARCHE.

Cependant, le juge des référés a constaté qu’il existait des contestations sérieuses concernant les conséquences des désordres dans l’immeuble sur la conformité des lieux loués.

Ainsi, l’existence d’une obligation non sérieusement contestable n’a pas été établie, ce qui a conduit à un rejet de la demande de provision.

Quelles sont les conséquences d’un arrêté de péril sur les obligations locatives ?

L’arrêté de péril a des conséquences significatives sur les obligations locatives, notamment en ce qui concerne le paiement des loyers.

Les articles L 184-1 et L 512-2 du Code de la construction et de l’habitation précisent que :

« Le bailleur est tenu de délivrer un logement décent, en bon état d’usage et de réparation. »

En cas de péril, le locataire peut contester le paiement des loyers, arguant que le bien loué n’est pas conforme à sa destination.

Dans cette affaire, la SAS LE PETIT MARCHE a soutenu que l’arrêté de péril affectait l’ensemble de l’immeuble, ce qui justifiait son refus de payer les loyers.

Le juge a noté que des contestations sérieuses existaient quant à l’impact des désordres sur la jouissance des lieux, ce qui a influencé sa décision de ne pas accorder de provision.

Comment le juge des référés apprécie-t-il les contestations sérieuses ?

Le juge des référés doit apprécier les contestations sérieuses en fonction des éléments présentés par les parties.

Il s’agit d’une appréciation qui se fait à la date de la décision et non à celle de la saisine.

Le juge doit s’assurer que la créance est certaine, liquide et exigible, comme le précise l’article 835 du Code de procédure civile.

Dans le cas présent, le juge a examiné les pièces produites, y compris l’arrêté de péril et les rapports d’expertise, pour déterminer s’il existait des contestations sérieuses.

Il a conclu que les désordres constatés dans l’immeuble soulevaient des questions sur la conformité des lieux loués, ce qui a conduit à un rejet des demandes de la SCI TRANSMISSIONS.

Quelles sont les implications de la décision du juge des référés sur les dépens ?

La décision du juge des référés a des implications directes sur la charge des dépens.

Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, chaque partie conserve la charge de ses dépens lorsque la demande est rejetée.

Dans cette affaire, le juge a décidé que chaque partie conserverait la charge de ses dépens, ce qui signifie que la SCI TRANSMISSIONS et la SAS LE PETIT MARCHE devront assumer leurs propres frais de justice.

Cette décision est importante car elle souligne que, même en cas de litige, les frais engagés par chaque partie ne seront pas remboursés par l’autre partie, sauf décision contraire du juge.

Ainsi, la SCI TRANSMISSIONS n’a pas obtenu gain de cause, et les conséquences financières de cette décision lui incombent.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01015 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZLUJ

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 21 NOVEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03060
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Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Monsieur Tuatahi LEMAIRE, Greffier,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 11 Octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

La société SCI TRANSMISSION
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Philomène CONRAD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1958

ET :

La société LE PETIT MARCHE
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Lucille VALLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 197

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EXPOSE DU LITIGE

La SCI TRANSMISSIONS est propriétaire d’un local commercial et d’un local à usage d’habitation au sein de l’immeuble en copropriété sis [Adresse 2], donnés à bail par acte sous seing privé du 8 janvier 2014 à M. [P] [K], au droit duquel vient désormais la SAS LE PETIT MARCHE, qui exploite un commerce d’épicerie.

L’immeuble comporte deux bâtiments accolés, l’un [Adresse 5] et l’autre en retour sur la [Adresse 4], comportant un autre commerce en rez-de-chaussée.

Par acte délivré le 5 juin 2024, la SCI TRANSMISSIONS a assigné la SAS LE PETIT MARCHE devant le juge des référés de ce tribunal aux fins d’obtenir par provision sa condamnation à lui régler la somme de 57.862,68 euros à titre d’indemnités d’occupation, de provisions sur charges et de taxe foncière, échéance du 2e trimestre 2024 incluse, outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que le paiement des dépens, comprenant le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Après renvoi, l’affaire a été évoquée à l’audience du 11 octobre 2024.

A cette audience, par conclusions soutenues oralement, la SCI TRANSMISSIONS maintient ses demandes et subsidairement, demande de condamner la SAS LE PETIT MARCHE à payer par provision la somme de 30.000 euros correspondant à tout ou partie des loyers et indemnités d’occupation dus, à charge pour le juge du fond d’établir un compte entre les parties en tenant compte du rapport d’expertise à intervenir. Elle s’oppose à la demande reconventionnelle de la SAS LE PETIT MARCHE.

Elle expose au soutien de ses demandes que le preneur ayant cessé de régler les loyers, elle a obtenu le 10 août 2020 une ordonnance du juge des référés constatant l’acquisition de la clause résolutoire, condamnant la SAS LE PETIT MARCHE à régler une somme provisionnelle de 22.083,96 euros au titre des arriérés de loyers et charges, 4e trimestre 2019 inclus, accordant au preneur un délai de 24 mois pour régler sa dette et suspendant les effets de la clause résolutoire durant ce délai. Elle ajoute avoir fait délivrer à la SAS LE PETIT MARCHE un congé avec refus de renouvellement de bail par exploit du 7 juin 2023 ainsi qu’un nouveau commandement visant la clause résolutoire.

Elle soutient que si l’immeuble a été visé par un arrêté de péril en date du 20 février 2019, seul le bâtiment donnant sur la [Adresse 4] est concerné ; que néanmoins, la SAS PETIT MARCHE l’a assignée en référé aux fins d’expertise judiciaire, demande rejetée par ordonnance du 15 juin 2020 ; qu’il l’a de nouveau assignée aux mêmes fins et qu’un expert a été désigné par ordonnance de référé du 26 février 2021 ; que la SAS LE PETIT MARCHE n’a réglé la consignation que deux ans plus tard, après avoir obtenu un relevé de caducité ; que l’expert finalement désigné a constaté des désordres structurels mais a relevé que ni la boutique ni l’appartement ne sont impropres à destination. Elle affirme que le preneur, en toute mauvaise foi, ne paye plus les loyers alors que les désordres constatés n’empêchent ni l’exploitation de son commerce ni la jouissance du logement, de sorte que les loyers sont incontestablement dus.

En défense, la SAS LE PETIT MARCHE conclut au rejet des demandes de la SCI TRANSMISSIONS compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse, tenant notamment à l’existence du péril affectant l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 3] depuis le 20 février 2019, et demande de dire n’y avoir lieu à référé. A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de la SCI TRANSMISSIONS à lui régler la somme provisionnelle de 49.723,19 euros au titre des loyers versés entre le 1er mars 2019 et le 31 décembre 2022 et la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En substance, elle conteste le décompte versé par la SCI TRANSMISSIONS, compte tenu des versements qu’elle a opérés. Elle fait également valoir, au visa des articles L 184-1 et 512-2 du code de la construction et de l’habitation, que l’arrêté de péril concerne incontestablement tout l’immeuble, que s’il a été levé le 23 novembre 2021, il a été suivi d’un arrêté de péril ordinaire, que l’immeuble reste interdit à l’habitation, que les loyers dus en contrepartie de l’occupation des lieux ne sont pas dus et qu’ils doivent ainsi lui être restitués.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et le cas échéant, aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

Les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée.

Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer l’existence d’une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande, qui s’apprécie à la date de sa décision et non à celle de sa saisine.

En l’espèce, au vu des pièces produites aux débats, notamment l’arrêté de péril imminent du 20 février 2019, l’arrêté du 23 novembre 2021, les deux notes aux parties de M. [J] [X], expert judiciaire, les justificatifs des travaux réalisés dans l’immeuble, ainsi que les décomptes versés de part et d’autre, il doit être relevé qu’il existe d’évidentes contestations sérieuses relatives aux conséquences des désordres constatés dans l’immeuble sur la conformité des lieux loués par la SAS LE PETIT MARCHE à leur destination et donc, par voie de conséquence, sur les sommes dues au titre des loyers.

Etant rappelé que le juge des référés doit s’assurer avec l’évidence requise en référé que la créance dont le paiement est réclamé est certaine, liquide et exigible, et alors que l’expertise judiciaire est encore en cours, le juge des référés ne peut davantage apprécier les éventuels manquements contractuels allégués, les préjudices invoqués, ni déterminer le montant des sommes dues en exécution du contrat de bail ou indûment perçues par le bailleur.

Ainsi, l’intégralité des demandes excèdent les pouvoirs du juge des référés relèvent de l’appréciation du juge du fond.

Au vu de ces éléments, il n’y a pas lieu à référé.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé ;

Disons n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 21 NOVEMBRE 2024.

LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT


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