Cour d’appel de Versailles, 25 novembre 2024, RG n° 22/01665
Cour d’appel de Versailles, 25 novembre 2024, RG n° 22/01665

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Rectification et autorité de la chose jugée : enjeux procéduraux et limites des recours

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 21 octobre 2019, Monsieur [R] conteste son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise, accompagnant sa demande de plusieurs requêtes financières. Un jugement est rendu le 26 novembre 2021.

Demande de rectification

Le 6 janvier 2022, la société Continentale Protection Services (CPS) demande la rectification du jugement de novembre 2021, souhaitant que soient ajoutées des mentions concernant le rejet des conclusions de Monsieur [R] et le retranchement de certaines condamnations financières à son encontre.

Jugement de rectification

Le 22 avril 2022, le tribunal accorde la demande de CPS, ordonnant la rectification du jugement initial et le retrait des condamnations financières. La décision rectificative est intégrée au jugement du 26 novembre 2021.

Appel de la décision

CPS forme appel le 5 octobre 2022 contre le jugement de retranchement du 2 septembre 2022, en se limitant aux points expressément critiqués dans le jugement.

Cadre juridique

Les articles 463 et 464 du code de procédure civile permettent à une juridiction de compléter un jugement sans affecter les autres décisions. La cour souligne que l’appel remet en question la chose jugée, et que la décision rectificative est soumise aux mêmes règles que la décision initiale.

Décision finale

Le jugement du 26 novembre 2021 est devenu définitif et ne peut plus faire l’objet d’un appel. Les décisions de rectification des 22 avril et 2 septembre 2022, étant attachées au jugement initial, ne sont également pas susceptibles d’appel. L’appel de Monsieur [R] est déclaré irrecevable, et les dépens sont laissés à la charge du trésor public.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre sociale 4-3

Prud’Hommes

Minute n°

N° RG 22/01665 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VGW6

AFFAIRE : [R] C/ S.A. CONTINENTALE PROTECTIONS SERVICES,

ORDONNANCE D’INCIDENT

Rendue publiquement par mise à disposition de la décision au greffe le VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

par Madame Laurence SINQUIN, conseiller de la mise en état de la Chambre sociale 4-3, assistée de Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante, sans audience après avoir recueilli les observations des parties,

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DANS L’AFFAIRE ENTRE :

Monsieur [P] [R]

né le 25 Mai 1977 à [Localité 5] (Côte d’Ivoire)

de nationalité Ivoirienne

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Christian BOUSSEREZ, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 89

APPELANT

C/

S.A. CONTINENTALE PROTECTIONS SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sébastien TO de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 209

INTIMEE

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Expéditions exécutoires délivrées aux avocats le —————

Par jugement du 26 novembre 2021, opposant M. [P] [R] et la SA Continentale Protection Services, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise a jugé le licenciement de M. [R] fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société au remboursement de frais de transport, de frais de santé, de prélèvement de la prévoyance AG2R et au paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il a aussi débouté M.[R] du surplus de ses demandes, ordonné l’exécution provisoire du jugement, mis les dépens à la charge de la société et débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À la suite d’une requête en omission de statuer, un jugement d’omission de statuer a été rendu le 2 septembre 2022 par le même conseil des prud’hommes et mention de ce jugement a été portée en annexe du jugement du 26 novembre 2021.

Le conseil des prud’hommes a également rendu le 22 avril 2022, un jugement de retranchement dont le dispositif a été également annexé à la décision du 26 novembre 2021.

Par déclaration du 23 mai 2022, Monsieur [P] [R] a interjeté appel du jugement du 22 avril 2022 comportant en objet les mentions suivantes : « Dispositif de la décision critiquée : Ordonne la rectification du jugement prononcé le 26 novembre 2021 encontre de la SA continentale protection service ‘ CPS étant donné le rejet des conclusions et pièces de M. [P] [R] communiqué le 2 et 3 septembre 2021 ;

Ordonne le retranchement du dispositif du jugement rendu le 26 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise s’agissant de la condamnation prononcée à l’encontre de la SA Continentale Protection Services ‘ CPS au paiement de M. [P] [R] des sommes ci-dessous visée à savoir :

‘ 2693,11 € s au titre du remboursement des prélèvements de frais de santé

‘ 131,27 euros au titre du remboursement des prélèvements de la prévoyance AG2R.

Dit et ordonne la mention de la décision rectificatif sur la minutée sur les expéditions de la décision rectifiée ;

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Par message RPVA transmis le 2 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a sollicité les observations des parties sur la régularité de la déclaration d’appel.

En retour, par un message en date du 29 octobre 2024, l’avocat de M. [R] fait valoir que le jugement rendu le 22 avril 2022 ne constitue pas une rectification d’erreur matérielle mais une décision qui modifie sur le fond la décision initiale de manière défavorable aux intérêts de Monsieur [R] et considère que cette nouvelle décision peut faire l’objet d’un appel indépendamment du jugement modifié. Il ajoute que la recevabilité de la requête en retranchement de la société Continentale Protection Services sur laquelle le conseil des prud’hommes a statué est contestée par M.[R] au motif que le jugement du 26 novembre 2021 était revêtu de l’autorité de la chose jugée et ne pouvait qu’être frappé de pourvoi.

La société Continentale Protection Services a adressé un message le 28 octobre 2024 suite à la demande d’observations du conseiller de la mise en état. Elle rappelle que M. [R] n’a pas interjeté appel du jugement du 26 novembre 2021 et considère en conséquence que l’appel de Monsieur [R] n’est pas recevable dans la mesure où si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificatif ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.

MOTIFS

Le 21 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise est saisi d’une contestation de son licenciement par Monsieur [R] et de plusieurs demandes financières complémentaires.

Un jugement est rendu le 26 novembre 2021.

Par une requête en date du 6 janvier 2022 la société Continentale Protection Services ‘ CPS a sollicité la rectification et l’ajout au dispositif du jugement de la mention : « Ordonner le rejet des conclusions et pièces de Monsieur [R] communiqué les 2 et 3 septembre 2021 », retrancher du dispositif la mention suivante : « condamner la SA continentale protection service ‘ CPS à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

‘ 2693,11 € au titre du remboursement des prélèvements de frais de santé

‘ 131,27 euros au titre des remboursements des prélèvements de la prévoyance AG2R ».

Elle demande que la décision rectificatif soit mentionné sur la minutée et les expéditions de la décision rectifiée et que les dépens soient mis à la charge du trésor public.

Le jugement du 22 avril 2022 a fait droit aux demandes de la société puisqu’il ‘ordonne la rectification du jugement prononcé le 26 novembre 2021 encontre de la SA Continentale Protection Services ‘ CPS étant donné le rejet des conclusions et pièces de Monsieur [P] [R] communiqué le 2 et 3 septembre 2021 ;

Ordonne le retranchement du dispositif du jugement rendu le 26 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise s’agissant de la condamnation prononcée à l’encontre de la SA Continentale Protection Services ‘ CPS au paiement de M.[P] [R] des sommes ci-dessous visée à savoir :

‘ 2693,11 € s au titre du remboursement des prélèvements de frais de santé

‘ 131,27 euros au titre du remboursement des prélèvements de la prévoyance AG2R.

Dit et ordonne la mention de la décision rectificatif sur la minutée sur les expéditions de la décision rectifiée ;

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.’

La dite mention est portée au jugement du 26 novembre 2021.

La SA Continentale Protection Services a formé appel le 5 octobre 2022 à l’encontre du jugement de retranchement du 2 septembre 2022. L’objet de l’appel est ainsi libellé : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqué : la requérante sollicite l’infirmation du jugement rendu le 2 septembre 2022 du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (RG 22/00 66), sur les chefs suivants, et tous ceux qui en dépendent implicitement ou explicitement’ »

Les dispositions de l’article 463 du code de procédure civile prévoient que « la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs sauf à rétablir s’il y a lieu le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens’ la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement elle et notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci. » L’article 464 du code de procédure civile ajoute « les dispositions de l’article précédent sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé »

Le jugement de retranchement relève des dispositions de l’article 463 et de l’article 464 du code de procédure civile. La cour relève également les dispositions de l’article 561 du même code en vertu desquelles l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Il est de jurisprudence constante que la décision rectificative à quant aux voies de recours le même caractère et est soumis aux mêmes règles que la décision interprétée. Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée la décision rectificatif ne peut être attaqué que par la voie du recours en cassation. Enfin, l’article 463 alinéa 1er, dès lors qu’il prévoit que la décision est mentionnée sur la minute et les expéditions jugement, induit que la décision rectificative vient s’incorporer à la décision initiale et il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte et en empreinte tous les caractères.

Au regard de toutes ces dispositions cumulées, le jugement du 26 novembre 2021 qui n’a fait l’objet d’aucun recours est devenu définitif suite à sa notification aux parties le 26 novembre 2021. Le juge en vertu des dispositions de l’article 481 du code de procédure civile se trouve désssaisi des contestations qu’il tranche.

Les requêtes en retranchement et en rectification d’erreur matériellesont régulières et ont donné lieu à deux jugements en date du 22 avril 2022 et du 2 septembre 2022 ; Ces deux décisions ont été mentionnées sur la minute et les expéditions du jugement du 26 novembre 2021 et sont venues s’incorporer à cette décision initiale. Dès lors que le jugement initial n’est plus succeptible d’appel en raison de l’autorité de la chose jugée, les décisions des 22 avril et 2 septembre 2022 qui lui sont attachés et qui sont assujettis aux mêmes règles ne sont pas non plus susceptibles d’appel.

 


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