Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire d’Avignon
Thématique : Levée du secret professionnel et preuve des donations indirectes dans le cadre d’une succession complexe
→ RésuméContexte de l’AffaireMonsieur [M] [B], héritier réservataire de feu son père [W] [B], a engagé une procédure contre la SCP [E] et Associés devant le juge des référés. L’assignation a été délivrée le 28 août 2024, et les conclusions de la SCP ont été déposées lors de l’audience du 4 novembre 2024. Succession de Feu [W] [B]Feu [W] [B], décédé le 7 septembre 2017, était marié en secondes noces à Madame [I] [T]. Sa succession, ouverte en Belgique, se répartit entre son fils [M] [B] et son épouse, selon les règles de droit belge. [M] [B] reçoit une moitié en nue-propriété, tandis que [I] [T] bénéficie de la moitié en pleine propriété et de l’usufruit. Litige sur les Biens ImmobiliersLe litige concerne des biens immobiliers acquis par [I] [T] et ses filles, qui pourraient avoir été financés par des donations indirectes. [M] [B] conteste l’origine des fonds ayant permis l’achat de ces biens, notamment des terrains viticoles en Vaucluse. Demande de Levée du Secret Professionnel[M] [B] a demandé au juge des référés de lever le secret professionnel du notaire [R] [E] afin d’obtenir des informations sur l’origine des fonds utilisés pour ces acquisitions. Le notaire a refusé de communiquer ces informations en raison des restrictions imposées par la législation française. Décision du Juge des RéférésLe juge a décidé d’ordonner la levée du secret professionnel, permettant ainsi à [M] [B] d’accéder aux actes de propriété et aux transactions immobilières. En parallèle, il a condamné [M] [B] aux dépens et à verser une somme de 1500 euros à la SCP [E] pour couvrir les frais engagés. Conclusion de la DécisionLa décision a été rendue publique et est exécutoire à titre provisoire. Elle permet à [M] [B] d’obtenir les documents nécessaires pour poursuivre son action en justice, tout en réservant les droits et moyens des parties pour d’éventuels recours futurs. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON
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ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 25 NOVEMBRE 2024
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N° du dossier : N° RG 24/00463 – N° Portalis DB3F-W-B7I-JZIG
Minute : n° 24/541
PRÉSIDENT : Jean-Philippe LEJEUNE
GREFFIER : Béatrice OGIER
DEMANDEUR
Monsieur [M] [B]
né le 14 Mai 1972 à [Localité 8] (BELGIQUE)
[Adresse 22]
[Localité 5]
[Localité 5] (BELGIQUE)
représenté par Me Marc GEIGER, avocat postulant au barreau de CARPENTRAS
DÉFENDEUR
S.C.P. [E] et associés prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1],
[Localité 2]
représentée par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES
DÉBATS :
Après avoir entendu à l’audience du 04 Novembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, le président les a informés que l’affaire était mise en délibéré et que l’ordonnance serait rendue ce jour, par mise à disposition au greffe.
Le :25/11/2024
exécutoire & expédition
à :Me GEIGER-Me CHIARINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l’assignation délivrée le 28 août 2024 par monsieur [M] [B] à l’encontre de la SCP [E] et Associés devant le juge des référés du tribunal de céans, à laquelle référence sera faite pour plus ample exposé des moyens et prétentions ultimes du demandeur conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions responsives déposées lors de l’audience du 4 novembre 2024 auxquelles référence sera faite pour plus ample exposé des moyens et prétentions ultimes de la SCP [E] conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile,
Faits et prétentions des parties,
[M] [B], employé d’une société de pompes funèbres, Registre National
belge n° 72.05.14-099.58, de nationalité belge, ne le 14 mai 1972, domicilié [Localité 5], [Adresse 23], BELGIQUE, est le fils unique et l’héritier réservataire de:
-Feu son père, [W] [B], entrepreneur en travaux publics, de nationalité belge, époux en secondes noces de Madame [I] [T], né à [Localité 17], section [Localité 14], BELGIQUE, le 04 mars 1942, en son vivant retraité.
-Feu [W] [B] s’était marié à [Localité 17], BELGIQUE, le 15 mars 2008, sous le régime de la séparation de biens pure et simple défini par les articles 1536 et suivants du Code civil belge, aux termes du contrat de mariage reçu par Maître [O] [J], notaire à [Localité 19], section [Localité 16], le 27 février 2008, avec Madame [I] [T] mieux identifiée ci-après ;
Feu [W] [B] était divorce en premières noces de Madame [U]
[D] ;
-Feu [W] [B] était domicilié en son vivant à [Localité 17], section [Localité 14], BELGIQUE, [Adresse 28] et était de nationalité belge, de sorte que sa succession a été déclarée ouverte en Belgique.
Feu [W] [B] est décédé à [Localité 10], section [Localité 18], BELGIQUE, [Adresse 24], le 07 septembre 2017, à l’hôpital [12] ;
Feu [W] [B] était marié en secondes noces avec Madame [I]
[T], née à [Localité 19], section [Localité 16], cette dernière en troisièmes noces, ayant été auparavant mariée, en deuxièmes noces.
En effet, [I] [T] est divorcée [X] en premières noces, est divorcée
[N] en deuxièmes noces et est veuve [B] en troisièmes noces ;
De son deuxième mariage, sont issues deux filles :
-[A] [N], Registre national belge 74.04.26-414.97, née le 26 avril 1974 et qui est domiciliée à [Localité 4], section HERCHIES, [Adresse 26], BELGIQUE ;
-[G] [N], Registre national belge 77.07.01-394.78, née le 01 juillet
1977, domiciliée à [Localité 4], section [Localité 13], [Adresse 11],
[Adresse 11], Belgique ;
La succession de Feu [W] [B] se répartit donc comme suit, en droit belge :
– [M] [B], fils unique et héritier réservataire, reçoit une moitié en nue-
propriété ;
– [I] [T], veuve et bénéficiant d’un testament, nonobstant le régime matrimonial de la séparation des biens pure et simple, reçoit la moitié en pleine propriété et la moitié en usufruit ;
Dans son arrêt n° 2022/TF/527 du 04 décembre 2023, la Cour d’appel de MONS, Chambre 34, a décidé en substance, concernant le présent litige, a jugé par des attendus décisoires à la page 27:
“Il (lire [M] [B]) reproche ou notaire [P] [K] de refuser d’investiguer et d’analyser les comptes bancaires belges et [S] de Feu [W] [B] pour constater l’origine des fonds qui ont permis l’achat des terrains viticoles de [Localité 20].
Le notaire rappelle, à juste titre, que la charge de la preuve de l’existence d’éventuelles donations indirectes incombe à [M] [B] et qu’il ne lui appartient pas (au notaire [P] [K]) de se substituer aux parties pour effectuer des recherches” ;
ll apparaît du relevé des formalités publiées, relevé obtenu par le notaire [L]
LETURGIE à la résidence de [Localité 9], NORD, FRANCE, que [I] [T] et ses deux filles [A] [N] et [G] [N] sont devenues propriétaires de divers biens à [Localité 21], VAUCLUSE (une villa et un terrain), et à [Localité 20], VAUCLUSE (trois terrains viticoles ).
ll apparaît que les actes ont été reçus par le notaire [R] [E], à la résidence de [Localité 2], [Adresse 3].
Par lettre recommandée du 03janvier 2024, le conseil belge d'[M] [B], à savoir Maître [Y] [F], avocat à [Localité 7], [Localité 15] BELGIQUE [Adresse 27], a sollicité du notaire [R] [E] copie des actes passés en son étude et surtout dévoiler l’origine des fonds ayant financé les achats (qui seraient des donations indirectes déguisées de nature à impacter la réserve de moitié du fils unique [M] [B]), c’est-à-dire des comptes bancaires belges et/ou français qui ont alimenté la comptabilité de l’étude [E] pour l’acquisition de la villa et du terrain de [Localité 21] et des trois terrains viticoles de [Localité 20].
ll a d’ailleurs été suggéré au notaire [R] [E] de communiquer les informations, sous le secret professionnel, à son confrère, Maître [P] [K], notaire à la résidence de [Localité 6], [Localité 15], BELGIQUE, [Adresse 25], charge de la liquidation et du partage de la succession de Feu [W] [B], mandaté pour ce par la Justice belge.
Le notaire [R] [E] a répondu le 04 mars 2024 dans un courrier affranchi le 15 mars 2024 et reçu fin mars 2024 qu’il ne lui est pas possible de communiquer les relevés de comptes relatifs aux acquisitions faites par des tiers en raison du nouveau règlement du notariat français pris par Arrêté ministériel du 29 janvier 2024.
“ Le notaire n’est tenu de témoigner dans un litige ou une instance judiciaire concernant /’un de ses clients ou un dossier suivi par son Office que dans les cas prévus par la loi.
ll ne peut donner communication des actes déposés en son étude qu’aux seules parties, à leurs héritiers, ayants-droits, mandataires conventionnés ou toute personne autorisée par la loi ou par décision judiciaire, sous réserve qu’il justifie devant lui de leurs identité et qualité”.
Le notaire [E] conclut que seule une décision judiciaire française l’autoriserait à produire les documents demandés, c’est-à-dire les actes d’achat et la comptabilité des actes d’achats pour identifier l’origine des fonds.
M [M] [B] demande au juge des référés de :
-ORDONNER la levée du secret professionnel de Maître [E] s’agissant des
actes ci-après visés ;
-AUTORISER et, au besoin enjoindre le notaire Maître [R] [E] à délivrer à Monsieur [M] [B] une expédition des actes de propriété, des actes de transactions immobilières concernant les biens de [Localité 21] et les biens de [Localité 20] aux noms de [W] [B] et/ou de [I] [T] et/ou de [A] [N] et/ou de [G] [N]
-JUGER les frais et dépens comme de droit.
La SCP [E] demande au juge des référés :
-Prendre acte de ce que la SCP [E] s’en rapporte à justice sur la demande de lever le secret professionnel, et exécutera la décision sur justificatif de son caractère définitif ou exécutoire,
-Condamner le demandeur à payer à la SCP [E] la somme de 1 500 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamner la partie demanderesse aux dépens,
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des référés, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, exécutoire à titre provisoire et en premier ressort,
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ; cependant, dès à présent, vu l’article 145 du code de procédure civile,
Tous droits et moyens des parties étant réservés,
Ordonnons la levée du secret professionnel de maître [E] relativement aux actes de propriété, aux transactions immobilières concernant les biens de [Localité 21] et les biens de [Localité 20] aux noms de [W] [B] et/ou de [I] [T] et/ou de [A] [N] et/ou de [G] [N],
Autorisons Maître [R] [E] à délivrer à M [M] [B] une expédition de ces actes,
Condamnons M [M] [B] aux entiers dépens ;
Condamnons M [M] [B] à payer à la SCP [E] une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La présente décision a été signée par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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