Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Prêt d’argent et preuve écrite : enjeux de la reconnaissance de dette et de la prescription.
→ RésuméContexte de l’affaireMadame [P] [W] a mis en demeure Madame [N] [B] par lettre recommandée le 2 septembre 2019, lui réclamant le remboursement d’un prêt de 30 000 euros consenti le 28 février 2014, ainsi que des intérêts de 900 euros pour les années 2015 à 2019. Face à l’absence de réponse, elle a assigné Madame [B] devant le tribunal judiciaire de Nantes le 11 mai 2020, demandant le remboursement de plusieurs sommes totalisant 90 000 euros. Décisions du tribunalLe juge de la mise en état a, par ordonnance du 20 mai 2021, déclaré irrecevables certaines demandes de remboursement de Mme [P] [W] pour cause de prescription, tout en déclarant recevables d’autres demandes, notamment celles relatives au capital du prêt et aux intérêts pour les années 2016 à 2019. Une demande de sursis à statuer de Mme [N] [B] a été rejetée par ordonnance du 5 mai 2022. Arguments de Madame [P] [W]Dans ses conclusions du 9 novembre 2022, Mme [P] [W] a demandé au tribunal de débouter Mme [B] de toutes ses demandes et de lui verser diverses sommes, y compris 30 000 euros pour le prêt du 28 février 2014, des intérêts contractuels, et d’autres montants liés à des prêts et à des préjudices subis. Elle a justifié ses demandes par des documents attestant de l’existence des prêts et des engagements de remboursement. Arguments de Madame [N] [B]Dans ses conclusions du 12 septembre 2022, Mme [N] [B] a contesté la compétence du tribunal judiciaire de Nantes, arguant que les demandes de Mme [W] étaient liées à des actes de commerce. Elle a également soutenu que les demandes de remboursement étaient prescrites et a demandé le rejet des demandes de Mme [W], tout en réclamant une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Analyse des prêtsLe tribunal a examiné les preuves des prêts allégués. Pour le prêt de 30 000 euros, il a constaté l’existence d’une reconnaissance de dette et d’un contrat de prêt, ce qui a conduit à la condamnation de Mme [B] à rembourser cette somme avec intérêts. Concernant le prêt de 5 000 euros, bien qu’aucun écrit n’ait été établi, le tribunal a jugé que les éléments fournis par Mme [W] constituaient un commencement de preuve suffisant pour établir l’existence du prêt. Remboursement des cautionsLe tribunal a également statué sur la demande de remboursement de 26 694,71 euros, liée à la caution que Mme [W] avait fournie pour une société. Il a constaté que Mme [W] avait payé sa quote-part et a condamné Mme [B] à lui rembourser cette somme. Demande de dommages-intérêtsLa demande de dommages-intérêts de Mme [W] a été rejetée, le tribunal estimant qu’elle n’avait pas démontré un préjudice distinct de celui causé par le défaut de paiement, qui était déjà réparé par les intérêts de retard. Conclusion du jugementLe tribunal a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Mme [B] et a condamné cette dernière à verser plusieurs sommes à Mme [W], tout en rejetant ses demandes et en la condamnant aux dépens de l’instance. |
IC
FC
LE 19 NOVEMBRE 2024
Minute n°
N° RG 20/02090 – N° Portalis DBYS-W-B7E-KUNJ
[P] [W]
C/
[N] [B]
Le 19.11.124
copie exécutoire
copie certifiée conforme
délivrée à :
– Me Bruno Denis
– Me Cédric Robert
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du DIX-NEUF NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
Assesseur : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Greffier : Isabelle CEBRON
En présence d’[Y] [S], greffier stagiaire
Débats à l’audience publique du 10 SEPTEMBRE 2024 devant Marie-Caroline PASQUIER, vice-présidente, siégeant en juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 12 NOVEMBRE 2024 prorogé le 19 NOVEMBRE 2024
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
Madame [P] [W]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 7] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 3]
Rep/assistant : Maître Bruno DENIS de la SCP CADORET TOUSSAINT DENIS & ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE, avocats plaidant
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
Madame [N] [B]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6] (ESSONNE), demeurant [Adresse 5]
Rep/assistant : Maître Cédric ROBERT de la SELEURL CEDRIC ROBERT, avocats au barreau de NANTES
DEFENDERESSE.
D’AUTRE PART
Exposé du litige
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 septembre 2019, Madame [P] [W], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure Madame [N] [B] de lui payer la somme de 34 500 euros correspondant à la somme de 30 000 euros qu’elle lui avait prêtée le 28 février 2014 et qui était exigible à compter du 1er mars 2019, outre les intérêts de 900 euros sur les années 2015 à 2019.
Cette mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effet, par acte d’huissier du 11 mai 2020, Madame [P] [W] a fait assigner Madame [N] [B] devant le tribunal judiciaire de Nantes en remboursement de plusieurs sommes d’argent qu’elle prétend lui avoir prêtées pour un montant total de 90 000 euros.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le juge de la mise en état, saisi par Mme [N] [B], a notamment :
Déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de remboursement présentées par Mme [P] [W] :- Au titre des intérêts du prêt du 28 février 2014 pour l’année 2015, portant sur la somme de 900 euros,
– Au titre des chèques émis les 8 mars, 23 mai, 17 et 24 juillet 2014, portant sur la somme globale de 55 000 euros ;
Déclaré recevables le surplus des demandes formées par Mme [P] [W] :- Au titre du remboursement du capital du prêt du 28 février 2014 et des intérêts pour les années 2016 à 2019,
– Au titre du chèque de 5 000 euros du 7 janvier 2015 ;
Débouté Mme [N] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par ordonnance du 5 mai 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par Mme [N] [B].
En l’état de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 9 novembre 2022, Mme [P] [W] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1902 et 1904, 1347 anciens et suivants, 1154 et 1326 anciens, 2312 du code civil, de :
Débouter Mme [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 30 000 euros au titre du prêt du 28 février 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2019 ;Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 3 600 euros au titre des intérêts contractuels avec intérêt au taux légal sur chaque échéance de 900 euros de 2016 à 2019 ;Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du prêt du 15 janvier 2015, avec intérêts au taux légal à compter du jugement jusqu’à parfait paiement ;Condamner Mme [B] à lui verser la somme de 26 694,71 euros ;Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice ;Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner Mme [B] aux entiers dépens ;Rejeter toute demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire de la décision.
A l’appui de sa demande en remboursement de la somme de 30 000 euros, elle expose que le 26 novembre 2013, elle a remis un chèque d’un montant de 30 000 euros à Mme [B] dans le cadre d’un investissement dans un restaurant « Hôtel du commerce », encaissé le lendemain, et que par acte sous seing privé du 10 janvier 2014, celle-ci a reconnu avoir personnellement reçu cette somme et s’engager à la rembourser au bout de cinq années. Elle précise que le 28 février 2014, un contrat de prêt a été signé entre les parties et déclaré aux services des impôts. Elle souligne que la reconnaissance de dette a été constatée dans un titre qui comporte sa signature ainsi que la mention écrite par elle-même de la somme due en toutes lettres et chiffres. Elle relève que Mme [B] admet elle-même l’existence du prêt qu’elle qualifie de personnel.
Elle s’oppose à l’exception soulevée par Mme [B]. D’une part, elle conteste la qualification d’acte de commerce, soulignant qu’elle n’exerce ni la profession de commerçante, ni n’accomplit d’acte de commerce à titre habituel. D’autre part, elle précise que s’il avait été effectivement évoqué initialement un apport pour constituer une société, celle-ci n’a jamais été créée.
A l’appui de sa demande en remboursement de la somme de 5 000 euros, Mme [W] expose avoir prêté la somme de 5 000 euros par chèque le 7 janvier 2015. Elle précise que Mme [B] lui avait alors remis un chèque du même montant, à encaisser au mois d’avril de la même année, mais que ce chèque avait été refusé pour défaut ou insuffisance de provision.
A l’appui de sa demande en paiement de la somme de 26 694,71 euros, elle expose qu’elle s’était portée caution des engagements souscrits par la société TTH créée par Mme [B] et son compagnon, M. [U], qu’à la suite du jugement du 9 mai 2019 du tribunal de commerce de Nantes, elle a payé sa quote-part le 17 juillet 2019 et qu’elle a reçu un commandement de payer le 28 septembre 2022 portant sur la somme de 26 694,71 euros, au titre des sommes dues par Mme [B] et non remboursées, qu’elle a donc dû régler à l’huissier.
A l’appui de sa demande en dommages-intérêts, Mme [W] fait valoir que le refus de Mme [B] de rembourser les prêts contractés lui a causé un préjudice, dans la mesure où, du fait de leur relation amicale, elle n’a pas exigé un écrit à chaque emprunt, de sorte que la plupart des sommes versées ne sera pas recouvrée. Elle expose se sentir trahie. Elle précise qu’elle a dû contracter un prêt moindre pour l’achat de sa résidence principale, ne disposant plus des fonds suffisants et qu’elle a été contrainte d’abandonner son projet d’achats de parts sociales de la SARL Le Club Bio qui l’embauchait à l’époque, alors que ce rachat aurait pu lui permettre d’assurer sa retraite.
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Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 12 septembre 2022, Mme [N] [B] demande au tribunal de:
In limine litis, déclarer le tribunal judiciaire de Nantes incompétent pour toutes les demandes de Mme [W], au profit du tribunal de commerce de Nantes ;débouter en tout état de cause Mme [P] [W] de l’ensemble de ses demandes ;condamner Mme [P] [W] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
In limine litis, elle soutient que Mme [W] réclame le paiement de sommes liées à des actes de commerce, ce qui a pour conséquence de rendre le tribunal judiciaire de céans incompétent matériellement au détriment du tribunal de commerce de Nantes, dans la mesure où la somme de 30 000 euros a été consentie dans le cadre d’un engagement et dépôt de fonds pour une société à constituer. Elle fait valoir qu’il en est de même pour la cause du chèque du 7 janvier 2015.
Sur le fond, elle relève que de janvier à octobre 2014, Mme [W] a émis vingt chèques, dont un de 50 000 euros le 7 janvier 2014, de sorte qu’elle serait familière des libéralités. S’agissant de la dette de 30 000 euros, elle soutient que celle-ci est née le [Date naissance 4] 2014, si bien qu’elle était éteinte lors de l’assignation du 11 mai 2020. Elle en conclut que les demandes de Mme [W] concernant le capital et les intérêts de ce prêt sont prescrites. S’agissant de la somme de 5 000 euros, elle fait observer que la demanderesse admet n’avoir aucun écrit de sa part et qu’elle a attendu cinq ans pour venir réclamer le paiement d’un chèque non provisionné.
Elle s’oppose en outre à la demande en dommages-intérêts, Mme [W] ne démontrant aucun préjudice.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2024.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
le Tribunal:
Déclare Madame [N] [B] irrecevable à soulever l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire de Nantes ;
Condamne Madame [N] [B] à verser à Madame [P] [W] les sommes suivantes :
30 000 euros au titre du remboursement du capital prêté le 28 février 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2019, date d’échéance du prêt ;3600 euros au titre des intérêts contractuels, avec intérêt au taux légal sur chaque échéance annuelle de 900 euros, du 28 février 2016 au 28 février 2019 ;5 000 euros au titre du remboursement du prêt du 7 janvier 2015 ;26 694,71 euros au titre de son recours personnel entre cautions ;3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Madame [P] [W] ;
Rejette la demande présentée par Madame [N] [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [N] [B] aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Isabelle CEBRON Marie-Caroline PASQUIER
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