Responsabilité et indemnisation en cas de faute inexcusable dans le cadre d’un accident du travail.

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Responsabilité et indemnisation en cas de faute inexcusable dans le cadre d’un accident du travail.

L’Essentiel : Le 3 juin 2024, le Tribunal Judiciaire de Tours a statué sur l’indemnisation de Madame [N] suite à la reconnaissance de la faute inexcusable de la Société [8]. Bien que sa demande de perte de promotion ait été déboutée, plusieurs sommes ont été allouées pour divers préjudices, déduisant la provision de 1.500€ déjà versée. Lors de l’audience du 7 octobre 2024, Madame [N] a sollicité 1.580€ pour son déficit fonctionnel permanent, évalué à 4% par l’expert. Le tribunal a confirmé cette indemnisation et a ordonné à la CPAM d’avancer la somme, tout en condamnant la Société [8] à rembourser les frais.

Demande de reconnaissance de faute inexcusable

Par requête déposée le 17 juin 2020, Madame [Z] [N] a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de la Société [8] suite à un accident du travail survenu le 26 octobre 2017.

Jugement du Tribunal Judiciaire de Tours

Le 31 mai 2021, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Tours a reconnu la faute inexcusable de la Société [8], ordonné une expertise médicale, et alloué à Madame [N] une provision de 1.500€. La CPAM a été désignée pour avancer cette somme, avec obligation de remboursement par la Société [8]. De plus, la Société [8] a été condamnée à verser 1.200€ à Madame [N] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Appel de la Société [8]

La Société [8] a interjeté appel de ce jugement le 30 juin 2021. Un rapport d’expertise a été déposé par le Docteur [D] le 27 octobre 2021.

Confirmation par la Cour d’Appel d’Orléans

Le 17 octobre 2023, la Cour d’Appel d’Orléans a confirmé le jugement du 31 mai 2021 dans son intégralité et a renvoyé l’affaire au Tribunal de Tours pour statuer sur la liquidation du préjudice de Madame [N] en se basant sur le rapport d’expertise du 22 octobre 2021.

Jugement du 3 juin 2024

Le 3 juin 2024, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Tours a ordonné la majoration du capital selon l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, débouté Madame [N] de sa demande de perte de promotion professionnelle, et a alloué plusieurs sommes à Madame [N] pour divers préjudices, tout en déduisant la provision de 1.500€ déjà versée.

Demande d’indemnisation de Madame [N]

Lors de l’audience du 7 octobre 2024, Madame [N] a demandé une indemnisation de 1.580€ pour son déficit fonctionnel permanent, ainsi que d’autres sommes et le remboursement des frais d’expertise par la Société [8].

Position de la Société [8] et de la CPAM

La Société [8] a demandé une réévaluation des dommages et intérêts à 900€, tandis que la CPAM a indiqué qu’elle s’en remettait à la justice pour l’évaluation des préjudices et a demandé le remboursement des sommes versées à Madame [N].

Expertise sur le déficit fonctionnel permanent

L’expert a évalué le déficit fonctionnel permanent de Madame [N] à 4%. Le tribunal a décidé d’allouer 1.580€ à Madame [N] pour ce déficit, en se basant sur son âge et le référentiel Mornet.

Décision finale du Tribunal

Le Tribunal a fixé l’indemnisation à 1.580€, a ordonné à la CPAM d’avancer cette somme, et a condamné la Société [8] à rembourser la CPAM ainsi que les frais d’expertise. La Société [8] a également été condamnée à verser 2.000€ à Madame [N] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« L’accident du travail est considéré comme ayant été causé par la faute inexcusable de l’employeur lorsque celui-ci a manqué à son obligation de sécurité envers son salarié. »

Pour établir cette faute, il faut prouver que l’employeur avait connaissance du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger.

Il est également nécessaire de démontrer que cette faute a directement contribué à l’accident. Dans le cas présent, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS a reconnu l’existence d’une telle faute, ce qui a été confirmé par la Cour d’Appel d’Orléans.

Comment se calcule l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent ?

L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent est déterminée selon les dispositions de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui précise que :

« L’indemnisation est calculée en fonction du taux d’incapacité, de l’âge de la victime et des séquelles conservées. »

Dans cette affaire, l’expert a évalué le déficit fonctionnel permanent de Madame [N] à 4 %.

L’indemnisation est ensuite calculée en se référant à des barèmes, comme le référentiel Mornet, qui fixe la valeur du point d’incapacité partielle.

Pour une personne âgée de 40 ans, comme c’était le cas de Madame [N], la valeur du point a été fixée à 1.580 €, ce qui a été retenu par le tribunal.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, la Société [8] a été condamnée à verser à Madame [N] la somme de 2.000 € au titre de cet article.

Cette somme vise à couvrir les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits, tels que les honoraires d’avocat ou d’expertise.

Le tribunal a jugé qu’il n’était pas équitable de laisser à la charge de Madame [N] ces frais, d’où cette condamnation.

Quelles sont les obligations de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) dans le cadre de cette décision ?

La CPAM a des obligations spécifiques en vertu de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit que :

« La Caisse est tenue d’avancer les sommes dues à la victime au titre des préjudices subis. »

Dans cette affaire, la CPAM doit avancer à Madame [N] la somme de 1.580 € pour son déficit fonctionnel permanent.

Elle pourra ensuite se retourner contre la Société [8] pour récupérer cette somme, ainsi que les frais d’expertise engagés.

Cette procédure permet de garantir que la victime reçoit rapidement l’indemnisation à laquelle elle a droit, tout en préservant les droits de la CPAM à récupérer les sommes avancées.

Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal ?

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le jugement est exécutoire même en cas d’appel, sauf disposition contraire. »

Dans cette affaire, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision, ce qui signifie que les sommes allouées à Madame [N] doivent être versées immédiatement, même si la Société [8] interjette appel.

Cette mesure vise à protéger les droits de la victime en lui permettant de bénéficier rapidement de l’indemnisation, sans attendre la décision finale de la cour d’appel.

Cependant, si la décision est finalement infirmée, la Société [8] pourra demander le remboursement des sommes versées.

Minute n° : 24/00395
N° RG 20/00187 – N° Portalis DBYF-W-B7E-HTB5
Affaire : [N]-S.A.S. [8]

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE TOURS

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PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

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DEMANDERESSE

Madame [Z] [N],
demeurant [Adresse 5] – [Localité 4]

non comparante, représentée par Me MARSAULT de la SELARL 2BMP, avocats au barreau de TOURS

DEFENDERESSE

S.A.S. [8],
[Adresse 9] – [Localité 3]

Représentée par Me DAMIENS-CERF substituant Me Damien CHENU, avocat au barreau de TOURS

MIS EN CAUSE :

CPAM D’INDRE ET LOIRE,
[Adresse 1] – [Localité 2]

Représentée par M. [O], conseiller juridique du service contentieux, muni d’un mandat permanent depuis le 29 septembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET LORS DU DELIBERE :
Président : Madame P. GIFFARD
Assesseur : Mme K. RAGUIN, Assesseur employeur/travailleur indépendant
Assesseur : M. G. MAILLIEZ, Assesseur salarié

DÉBATS :
L’affaire ayant été appelée à l’audience publique du 07 octobre 2024, assisté de A. BALLON, faisant fonction de greffier, puis mise en délibéré pour être rendue ce jour, par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

Le Tribunal a rendu le jugement suivant :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par requête adressée au Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS le 17 juin 2020, Madame [Z] [N] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de la Société [8], suite à l’accident du travail dont elle a été victime le 26 octobre 2017.

Par jugement du 31 mai 2021, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS a :
– reconnu l’existence d’une faute inexcusable commise par la Société [8], – ordonné une expertise médicale et alloué à Madame [N] une provision de 1.500€ ;
– dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire (CPAM) devra en faire l’avance, à charge pour la Société [8] de la rembourser à la caisse,
– condamné la Société [8] à payer à Madame [N] la somme de 1.200€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Société [8] a interjeté appel dudit jugement le 30 juin 2021.

Le Docteur [D] a déposé son rapport au greffe le 27 octobre 2021.

Par arrêt en date du 17 octobre 2023, la Cour d’Appel d’ORLÉANS a confirmé le jugement rendu le 31 mai 2021 par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS en toutes ses dispositions et renvoyé l’affaire devant ladite juridiction afin qu’il soit statué sur la liquidation du préjudice de Madame [N] à la suite du rapport d’expertise du 22 octobre 2021 du Docteur [D].

Par jugement du 3 juin 2024, le pôle social du tribunal judiciaire de TOURS a :
– ordonné la majoration au taux maximal du capital servi en application de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale :
– débouté Madame [Z] [N] de sa demande au titre de la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle ;
– dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire devra avancer à Madame [Z] [N], au titre des préjudices qu’elle a subis, les sommes suivantes:

– 4.000€ au titre des souffrances endurées
– 1.500€ au titre du préjudice esthétique temporaire
– 1.000€ au titre du préjudice esthétique définitif
– 2.500€ au titre du préjudice d’agrément
– 1.999,20€ au titre du déficit fonctionnel temporaire
– 1.757,28€ euros au titre de l’assistance tierce personne

– dit que de ces sommes sera déduite la provision de 1.500€ déjà allouée par le Tribunal ;
– condamné la Société [8] à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire toutes les sommes versées à Madame [Z] [N], indemnisant ses préjudices ;
– ordonné un complément d’expertise judiciaire sur le déficit fonctionnel permanent subi par Madame [Z] [N] et commis pour y procéder le Docteur [D]

Le Docteur [D] a déposé son rapport le 25 septembre 2024.

A l’audience du 7 octobre 2024, Madame [N] demande à la juridiction de :
– fixer à la somme de 1.580 € l’indemnisation de son déficit fonctionnel permanent
– déclarer que la CPAM procédera au paiement de cette somme à charge pour elle d’en récupérer ensuite le remboursement auprès de la société [8] ainsi que des frais d’expertise ;
– condamner la Société [8] à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– condamner la Société [8] aux entiers dépens de l’instance.

La Société [8] sollicite de :
– évaluer à de plus justes proportions les dommages et intérêts à verser au titre du déficit fonctionnel permanent dans la limite de 900 € ;
– fixer à de plus justes proportions le montant alloué à Madame [N] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La CPAM demande au tribunal de :
– dire qu’elle s’en rapporte à la justice quant à l’évaluation des préjudices personnels
– dire qu’elle procédera à l’indemnisation des préjudices prévus à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, ainsi que ceux non déjà couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale
– condamner la Société [8] à lui rembourser toutes les sommes versées à Madame [N] indemnisant ses préjudices prévus à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, ainsi que ceux non déjà couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

– sur le déficit fonctionnel permanent

L’expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 4 % en précisant qu’à la consolidation du 27 novembre 2018, « Madame [N] présente des douleurs ponctuelles nécessitant la prise ponctuelle d’un antalgique, mais la nécessité de porter des semelles orthopédiques, la flexion extension de la cheville est complète et symétrique, la sous-astragalienne a une fonction complète et symétrique. Il persiste un déficit de la flexion extension des 4ème et 5ème orteils qui est douloureuse mais il n’y a pas de blocage en flexion ou en extension des orteils blessés. »
Les parties ne critiquent pas le taux de 4 % retenu par l’expert.
Le prix du point d’incapacité partielle est fixé selon les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime.

En l’espèce, Madame [N] était âgée de 40 ans à la date de la consolidation.
Elle sollicite une indemnisation à hauteur de 1.580 €, en se référant au référentiel Mornet et à la tranche 41- 50 ans laquelle prévoit une indemnisation sur la base d’une valeur du point à 1.580 €.

La Société [8] offre une indemnisation à hauteur de 900 €.

Le tribunal ne pouvant statuer ultra petita, il sera alloué à Madame [N] une somme de 1.580 € au titre de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent.

La CPAM devra assurer l’avance de l’indemnisation ci-dessus allouée à Madame [N] et pourra en poursuivre le recouvrement à l’encontre de la Société [8] sur le fondement de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

Au regard de l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire sera ordonnée.

Il n’est pas équitable de laisser à la charge de Madame [N] les frais irrépétibles qu’elle a exposés. La Société [8] qui succombe sera condamnée à payer à Madame [N] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Société [8] sera condamnée aux entiers dépens et devra rembourser à la CPAM d’Indre et Loire les frais d’expertise qu’elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire par mise à disposition et en premier ressort,

Vu le jugement du 31 mai 2021 du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS ;
Vu l’arrêt du 17 octobre 2023 de la Cour d’Appel d’ORLÉANS ;
Vu le jugement du 3 juin 2024 du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de TOURS
Vu les rapports d’expertise du Docteur [D], expert judiciaire,

FIXE l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 1.580 € ;

DIT que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire devra avancer à Madame [Z] [N] au titre du déficit fonctionnel permanent une somme de 1.580 € ;

CONDAMNE la Société [8] à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire la somme versée au titre du déficit fonctionnel permanent et les frais d’expertise qu’elle a exposés ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

CONDAMNE la Société [8] à payer à Madame [N] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société [8] aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise.

ET DIT que conformément aux dispositions de l’article 538 du code de procédure civile, chacune des parties ou tout mandataire pourra interjeter appel de cette décision dans le délai d’UN MOIS à peine de forclusion, à compter de la notification de la présente décision, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour : Palais de Justice – Cour d’Appel – chambre sociale – [Adresse 6] – [Localité 7].
Elle devra être accompagnée d’une copie de la décision.

Ainsi fait et jugé au Tribunal judiciaire de TOURS, le 25 Novembre 2024.

A.BALLON P.GIFFARD
Faisant fonction de greffier Présidente


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