Responsabilité de l’employeur et reconnaissance de la faute inexcusable en cas d’accident de trajet professionnel

·

·

Responsabilité de l’employeur et reconnaissance de la faute inexcusable en cas d’accident de trajet professionnel

L’Essentiel : Le 17 décembre 2019, Monsieur [M] [W], magasinier cariste, a subi un accident de trajet en rentrant d’une réunion. Un certificat médical a confirmé une fracture de L1, et la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident. Monsieur [W] a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société ADECCO, mais sa demande a été rejetée par le tribunal. Ce dernier a reconnu l’accident comme un accident de travail, mais a débouté Monsieur [W] de sa demande de faute inexcusable, condamnant ADECCO à verser des frais à la société ITRON FRANCE.

Accident de trajet de Monsieur [M] [W]

Le 17 décembre 2019, Monsieur [M] [W], magasinier cariste, a subi un accident de trajet alors qu’il rentrait d’une réunion du comité d’établissement. Un certificat médical daté du 20 décembre 2019 a confirmé une fracture de L1. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne a reconnu le caractère professionnel de cet accident par un courrier du 15 avril 2020.

Demande de reconnaissance de faute inexcusable

Monsieur [W] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société ADECCO, par lettre recommandée le 26 novembre 2020. En réponse, la CPAM a envoyé un procès-verbal de non-conciliation le 18 août 2021. Monsieur [W] a été déclaré consolidé le 27 octobre 2021, avec un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) fixé à 10 % par la CPAM.

Recours au tribunal

Le 7 avril 2022, Monsieur [W] a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Le 18 octobre 2023, le tribunal a fixé son taux d’IPP à 15 % à la date de consolidation. Une ordonnance du 3 avril 2024 a prévu des échanges de conclusions et une audience pour le 1er octobre 2024.

Arguments de Monsieur [W]

Monsieur [W] a demandé au tribunal de déclarer son action recevable et fondée, affirmant que l’accident était dû à la faute inexcusable de la société ADECCO. Il a soutenu que les heures de délégation des représentants du personnel sont considérées comme du temps de travail, et que l’employeur avait manqué à son obligation de santé et de sécurité en lui assignant une mission à risque sans respecter les temps de repos.

Position de la société ADECCO

La société ADECCO a contesté la reconnaissance de la faute inexcusable, arguant qu’aucune faute ne pouvait être caractérisée. Elle a demandé le déboutement de Monsieur [W] et a soutenu que ce dernier avait interrompu sa mission pour un motif personnel. ADECCO a également affirmé que Monsieur [W] avait bénéficié de temps de repos suffisant avant l’accident.

Demande de la société ITRON FRANCE

La société ITRON FRANCE a demandé à être mise hors de cause, affirmant qu’elle n’était pas concernée par l’accident survenu avant le début de la mission de Monsieur [W]. Elle a également demandé le remboursement de frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Position de la CPAM de la Vienne

La CPAM a jugé ses écritures recevables et a demandé que si la faute inexcusable était reconnue, la société ADECCO soit condamnée à rembourser le capital correspondant à la majoration de la rente. Elle a également demandé que le tribunal se prononce sur la nécessité d’une expertise.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que l’accident de Monsieur [W] était un accident de travail, mais a débouté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société ADECCO. La SAS ITRON FRANCE a été mise hors de cause, et la SAS ADECCO a été condamnée à verser des frais à ITRON. Monsieur [W] a été condamné aux dépens, et aucune exécution provisoire n’a été ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de l’accident de trajet et sa reconnaissance comme accident du travail ?

L’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale stipule que l’accident de trajet est considéré comme un accident du travail lorsqu’il survient entre la résidence principale et le lieu de travail, ou tout autre lieu où le travailleur se rend pour des motifs d’ordre familial.

Il est également précisé que l’accident doit intervenir au temps normal du trajet.

Le salarié en mission bénéficie de la protection prévue par cet article pendant toute la durée de sa mission, peu importe que l’accident soit survenu lors d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante.

L’employeur ou la caisse peut toutefois prouver que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel.

Dans le cas de Monsieur [W], l’accident s’est produit sur le trajet retour de la réunion à Nantes, ce qui, selon les dispositions précitées, le qualifie d’accident du travail.

La société ADECCO n’a pas réussi à prouver que Monsieur [W] avait interrompu sa mission pour un motif personnel, ce qui renforce la qualification de l’accident comme professionnel.

Quelles sont les conditions de la faute inexcusable de l’employeur ?

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale définit la faute inexcusable comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité envers son salarié.

Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, deux conditions doivent être réunies :

1. L’employeur devait avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé.
2. L’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.

Il est important de noter que la faute inexcusable n’a pas besoin d’être la cause déterminante de l’accident ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire.

Dans le cas de Monsieur [W], le tribunal a jugé que la société ADECCO n’avait pas commis de manquement à son obligation de sécurité, car elle ne pouvait pas avoir conscience d’un danger au moment de l’accident.

Les horaires de travail de Monsieur [W] avant l’accident n’étaient pas excessifs, ce qui a conduit à débouter Monsieur [W] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable.

Comment sont déterminés les frais irrépétibles et les dépens dans ce type de litige ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais engagés pour la procédure qui ne peuvent être récupérés.

Dans le cas présent, Monsieur [W] a été débouté de l’ensemble de ses demandes, ce qui signifie qu’il n’a pas droit à une indemnisation au titre de l’article 700.

En revanche, la SAS ADECCO, ayant mis en cause à tort la SAS ITRON FRANCE, a été condamnée à lui verser une somme de 1 500 € pour couvrir ses frais.

Monsieur [W], en tant que partie succombante, a également été condamné aux dépens, ce qui signifie qu’il devra payer les frais de justice liés à la procédure.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans ce jugement ?

L’exécution provisoire est une mesure qui permet à une décision de justice d’être mise en œuvre immédiatement, même si elle est susceptible d’appel.

Cependant, l’article 514 du code de procédure civile précise que l’exécution provisoire n’est pas automatique et doit être justifiée par des circonstances particulières.

Dans le jugement rendu, le tribunal a décidé qu’aucune circonstance particulière ne justifiait l’exécution provisoire.

Cela signifie que les parties devront attendre la décision définitive sur les recours éventuels avant que les effets du jugement ne soient appliqués.

Ainsi, Monsieur [W] ne pourra pas bénéficier des mesures ordonnées par le tribunal tant que le jugement n’est pas devenu définitif.

MINUTE N°24/00404
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00098 – N° Portalis DB3J-W-B7G-FVC7
AFFAIRE : [M] [W] C/ Société ADECCO FRANCE, Société ITRON FRANCE
CPAM de la Vienne

TRIBUNAL JUDICIAIRE de POITIERS

PÔLE SOCIAL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [M] [W], né le 20 Septembre 1968 à EL ABADIA (ALGÉRIE), demeurant 40 résidence du Vieux Noyer – 86000 POITIERS,

représenté par Maître Sylvie MARTIN, substituée par Maître Elise BONNET, avocates au barreau de POITIERS ;

DÉFENDERESSE :

Société ADECCO FRANCE, S.A.S.U., dont le siège social est sis 2 rue Henri Legay – 69100 VILLEURBANNE,

représentée par Maître Denis ROUANET, substitué par Maître Alexis DOSMAS, avocats au barreau de LYON ;

APPELEES A LA CAUSE :

Société ITRON FRANCE, S.A.S., dont le siège social est sis Immeuble les Montalets – 2 rue de Paris – 92190 MEUDON,

représentée par Maître Maïténa LAVELLE, avocate au barreau de PARIS ;

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VIENNE, dont le siège est sis 41 rue du Touffenet – 86043 POITIERS CEDEX 9,

représentée par Madame [S] [B], munie d’un pouvoir ;

DÉBATS

A l’issue des débats en audience publique le 1er Octobre 2024, le tribunal a indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au Greffe le 19 Novembre 2024.

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRÉSIDENTE : Nicole BRIAL,
ASSESSEUR : Céline SCHWEBEL, représentant les employeurs,
ASSESSEUR : Catherine LEFEVRE, représentant les salariés
GREFFIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe : Olivier PETIT

LE : 19/11/2024
Notifications à :
– M. [M] [W]
– Société ADECCO FRANCE
– Société ITRON FRANCE
– CPAM DE LA VIENNE
Copies à :
– Me Sylvie MARTIN – Me Denis ROUANET – Me Maïténa LAVELLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 17 décembre 2019, Monsieur [M] [W], magasinier cariste, a été victime d’un accident de trajet au retour d’une réunion du comité d’établissement à laquelle il avait été convoqué en sa qualité de représentant du personnel. Le certificat médical initial établi le 20 décembre 2019 mentionne « fracture de L1 ».

Par courrier du 15 avril 2020, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne (CPAM) a reconnu le caractère professionnel de son accident.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 novembre 2020, Monsieur [W] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et une conciliation en ce sens auprès de la CPAM de la Vienne.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 18 août 2021, la CPAM de la Vienne a adressé à Monsieur [W] un procès-verbal de non-conciliation.

Monsieur [W] a été considéré comme consolidé à la date du 27 octobre 2021, et le 9 décembre 2021, la CPAM a fixé son taux d’incapacité permanente partielle (IPP) à 10 %.

Par requête déposée au greffe le 7 avril 2022, Monsieur [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Poitiers d’un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur suite à son accident du 17 décembre 2019.

Par jugement en date du 18 octobre 2023, le Tribunal judiciaire de Poitiers a fixé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de Monsieur [W] à 15 % à la date de consolidation.

Par ordonnance modificative du 3 avril 2024, le juge de la mise en état a organisé les échanges de conclusions et pièces entre les parties, et a fixé la clôture des débats au 23 septembre 2024, ainsi que les plaidoiries à l’audience du 1er octobre 2024.

A cette audience, Monsieur [M] [W], représenté par son avocat, a demandé au tribunal de :
– déclarer recevable et bien fondée l’action de Monsieur [M] [W] ;
– dire que l’accident du travail dont Monsieur [M] [W] a été victime le 17 décembre 2019 est dû à la faute inexcusable de la société ADECCO ;
– ordonner en conséquence la majoration maximum de la rente servie à Monsieur [M] [W], en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale;
– dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la saisine du pôle social du tribunal judiciaire de Poitiers ;
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– ordonner, avant dire droit, une expertise médicale avec pour mission de :
o examiner Monsieur [M] [W],
o décrire son état de santé résultant de l’accident du travail,
o étudier les documents médicaux,
o procéder à tout examen nécessaire,
o entendre les parties, conclusions des parties et s’entourer de tous les documents utiles,
o donner tous les éléments permettant d’évaluer :
. l’IPP
. les souffrances physiques et morales endurées
. le préjudice esthétique
. le préjudice d’agrément
. le préjudice sexuel
. la perte ou la diminution d’une chance de promotion professionnelle ;
– fixer, en application de l’article 269 du code de procédure civile, le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de l’expert ;

– ordonner la consignation de cette provision par la société ADECCO ou la CPAM ;
– condamner la société ADECCO ou la CPAM à verser à Monsieur [M] [W] une provision de 10 000 € à valoir sur les dommages et intérêts qui lui sont dus ;
– les condamner aux entiers dépens et à verser à Monsieur [M] [W] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner l’exécution provisoire.

A l’appui de ses prétentions, Monsieur [W] a invoqué l’article L. 2315-3 du code du travail ainsi que la jurisprudence pour soutenir que les heures de délégation des représentants du personnel étaient considérées comme du temps de travail, de sorte que le caractère professionnel de l’accident de trajet dont il a été victime ne faisait aucun doute.

Il a également soutenu que la société ADECCO, en rédigeant une lettre de mission pour Monsieur [W] à Chasseneuil du Poitou à partir de 22h sur un emploi à risque, alors qu’elle savait qu’il avait une réunion le même jour à Nantes jusqu’à 12h, a manqué à son obligation de santé et de sécurité dès lors qu’elle savait que le temps de repos et l’amplitude journalière de travail ne seraient pas respectés.

En défense, la SAS ADECCO FRANCE, représentée par son conseil, a demandé au tribunal de :
A titre principal :
Dire et juger qu’aucune faute inexcusable à l’origine de l’accident dont a été victime Monsieur [M] [W] ne peut être caractérisé en l’espèce ;
En conséquence,
– débouter Monsieur [M] [W] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
– dire et juger que le taux opposable à la société ADECCO est celui qui lui a été initialement notifié par la CPAM de la Vienne ;
– débouter Monsieur [M] [W] de toute demande de provision et de condamnation de la société ADECCO au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter Monsieur [M] [W] du surplus de ses demandes ;
– limiter la mission d’expertise à la détermination des postes de préjudices suivants :
o déficit fonctionnel temporaire,
o souffrances physiques et morales endurées,
o déficit fonctionnel permanent,
o préjudice esthétique,
o préjudice d’agrément suivant la définition donnée par la Cour de cassation,
o préjudice sexuel,
– d ébouter Monsieur [M] [W] du surplus de ses demandes.

Au soutien de ses intérêts, la SAS ADECCO FRANCE a invoqué l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et la jurisprudence pour soutenir que l’accident de Monsieur [W] n’était pas d’origine professionnelle dès lors que ce dernier avait interrompu sa mission pour un motif d’ordre personnel qui n’était pas inhérent à ses fonctions de représentant du personnel.

Elle a également fait valoir qu’en tout état de cause, elle n’avait commis aucun manquement constitutif d’une faute inexcusable puisque Monsieur [W] bénéficiait de 8 heures de repos après la réunion et avant de commencer sa prestation de travail, d’autant plus qu’il avait quitté la réunion du comité d’établissement à 10h22.

A titre subsidiaire, la SAS ADECCO FRANCE s’est fondée sur l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale pour rappeler que seul le taux de 10 % d’IPP lui était opposable.

La SAS ITRON FRANCE, représentée par son conseil, a demandé au tribunal de :
– prononcer la mise hors de cause de la société ITRON FRANCE ;
– condamner la société ADECCO à verser à la société ITRON FRANCE la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la SAS ITRON FRANCE a soutenu que l’accident de Monsieur [W] avait eu lieu aux alentours de 14 heures, alors qu’il ne devait commencer à travailler pour la société ITRON qu’à 22 heures, de sorte qu’elle n’était en aucune cas concernée par l’accident.

La CPAM de la Vienne, valablement représentée, a demandé au tribunal de :
– juger les écritures de la caisse recevables et bien fondées ;
– juger que la CPAM de la Vienne s’en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ADECCO ;
– juger que si la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la société ADECCO sera condamnée à rembourser à la CPAM le capital correspondant à la majoration de la rente calculée sur un taux d’IPP de 10 % ;
– juger que la caisse exercera son action récursoire à l’encontre de la Société ADECCO;
– juger que la caisse s’en remet à l’appréciation du tribunal quant à la nécessité de diligenter une expertise ;
– constater que la caisse s’en remet à justice sur l’attribution d’une provision ;
– débouter Monsieur [W] de sa demande tendant à faire produire les intérêts à compter de la saisine du tribunal ;
– juger que les intérêts ne produiront d’effet qu’à compter du jugement ;
– débouter Monsieur [W] de sa demande de capitalisation des intérêts.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le caractère professionnel de l’accident :

L’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale prévoit que l’accident de trajet est considéré comme un accident du travail lorsqu’il est survenu, dans l’un ou l’autre sens, entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial, et le lieu du travail. Il faut en outre qu’il soit intervenu au temps normal du trajet.

Le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue par l’article précité pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel.

Il résulte des dispositions de l’article L. 2143-17 du code du travail que les heures de délégation sont considérées comme du temps de travail, y compris en ce qui concerne le temps de trajet.

Le salarié protégé exerçant son mandat en dehors de l’entreprise est assimilé à un salarié en mission.

En l’espèce, Monsieur [W] s’est rendu à Nantes pour assister à une réunion en qualité de délégué du personnel. L’accident dont il a été victime s’est produit sur le trajet du retour à son domicile.

La SAS ADECCO FRANCE allègue que Monsieur [W] a interrompu sa mission pour se rendre à une manifestation, c’est-à-dire pour un motif d’ordre personnel, de sorte que l’accident ne peut être considéré comme un accident du travail.

Pour autant, la SAS ADECCO FRANCE ne rapporte pas la preuve que Monsieur [W] a interrompu sa mission pour un motif personnel. En effet, le fait qu’il ait quitté la réunion après seulement 22 minutes de présence ne suffit pas, à lui seul, à établir qu’il a effectivement participé à une manifestation.

Ainsi, dès lors que l’accident s’est produit sur le trajet direct entre le lieu de la réunion et le domicile de Monsieur [W], ce qui n’est pas contesté, il y a lieu de le prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de trajet.

Sur la faute inexcusable :

Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

De plus, il résulte de la combinaison des articles L. 4121-1 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité. Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 susvisé lorsque deux conditions cumulatives sont réunies : d’une part, l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié; d’autre part, il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

En l’espèce, eu égard au temps de trajet afin de se rendre sur le lieu de la réunion, Monsieur [W] a dû prendre la route à 7h30 le matin du 17 décembre 2019. L’accident s’est produit sur le trajet retour, aux alentours de 14 heures.

Il en résulte qu’au moment où l’accident de Monsieur [W] a eu lieu, la SAS ADECCO FRANCE n’avait commis aucun manquement à son obligation de santé et de sécurité. Elle ne pouvait en outre avoir conscience d’un quelconque danger auquel elle exposait son salarié dès lors que les horaires de travail effectués par Monsieur [W] avant l’accident n’étaient pas excessifs. Il importe peu de se prononcer sur le respect du temps de repos quotidien et de l’amplitude horaire dès lors que l’accident s’est produit antérieurement au début de la mission dans la SAS ITRON FRANCE.

Monsieur [W] sera donc débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et des demandes qui y sont afférentes.

En outre, il conviendra de mettre hors de cause la SAS ITRON FRANCE dès lors que la mission de Monsieur [W] ne débutait qu’à 22 heures, de sorte qu’elle n’est pas directement concernée par l’accident qui s’est réalisé aux alentours de 14 heures.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Monsieur [W] étant mal fondé en son action, il sera débouté de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS ADECCO FRANCE ayant, à tort, mis en cause la SAS ITRON FRANCE, elle sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civil.

Monsieur [W], partie succombante, sera condamné aux dépens.

Sur l’exécution provisoire :

Aucune circonstance particulière ne justifie l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

MET hors de cause la SAS ITRON FRANCE ;

DEBOUTE Monsieur [M] [W] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SAS ADECCO FRANCE à payer à la SAS ITRON FRANCE la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [M] [W] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.

Ainsi dit et jugé les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
O. PETIT N. BRIAL


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon