Remboursement d’un indu : enjeux de la responsabilité successorale et des versements erronés.

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Remboursement d’un indu : enjeux de la responsabilité successorale et des versements erronés.

L’Essentiel : Le 14 février 2013, Mme [S] [O] a demandé l’allocation de solidarité aux personnes âgées et la retraite de réversion suite au décès de son époux. La CARSAT a confirmé la retraite de réversion à partir du 1er février 2013. Après le décès de Mme [S] [O] en novembre 2018, un excédent de 1 707,95 euros a été signalé à son légataire, M. [H] [Y] [X]. Malgré deux mises en demeure, M. [H] [Y] [X] n’a pas remboursé la somme versée à tort. Le tribunal a condamné M. [H] [Y] [X] à rembourser cette créance, statuant en son absence.

Contexte de la demande d’allocation

Le 14 février 2013, Mme [S] [O] née [P] a soumis deux demandes auprès de la CARSAT Nord-Picardie : une pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et une autre pour la retraite de réversion suite au décès de son époux, M. [U] [O]. La CARSAT a confirmé l’attribution de la retraite de réversion à partir du 1er février 2013 par notification en date du 29 juillet 2013.

Décès de Mme [S] [O] et notifications ultérieures

Mme [S] [O] est décédée le 4 novembre 2018 en Algérie. En septembre et octobre 2021, la CARSAT Hauts-de-France a informé M. [H] [Y] [X], légataire universel de Mme [S] [O], d’un excédent de versement de 1 707,95 euros sur le compte de la défunte.

Mises en demeure et action en justice

La CARSAT a envoyé deux mises en demeure à M. [H] [Y] [X] en mai et novembre 2022, lui demandant de rembourser la pension de réversion versée à tort entre le 1er décembre 2018 et le 30 novembre 2019. Le 19 avril 2024, la CARSAT a saisi le tribunal pour obtenir le paiement de cette créance.

Arguments de la CARSAT

La CARSAT soutient que le versement de 1 707,95 euros a été effectué par erreur après le décès de Mme [S] [O]. Elle a produit des documents attestant des versements effectués et des mises en demeure envoyées à M. [H] [Y] [X], qui a reconnu ne pas avoir pu récupérer les fonds en raison de problèmes de visa.

Non-comparution de M. [H] [Y] [X]

M. [H] [Y] [X] n’a pas comparu à l’audience du 24 septembre 2024, bien qu’il ait indiqué par courrier qu’il serait présent si son visa était accordé. En son absence, le tribunal a statué par jugement réputé contradictoire.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné M. [H] [Y] [X] à rembourser la somme de 1 707,95 euros à la CARSAT, ainsi qu’à payer les frais de citation. Il a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, considérant que la créance était régulière et non contestée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la créance réclamée par la CARSAT des Hauts-de-France ?

La créance réclamée par la CARSAT des Hauts-de-France est fondée sur le principe de restitution d’un paiement indû.

Selon l’article 1302 du Code civil :

« Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

Cet article établit que lorsqu’un paiement est effectué sans qu’il y ait une obligation légale de le faire, le bénéficiaire de ce paiement doit le restituer.

Dans le cas présent, la CARSAT a versé à Mme [S] [O] une pension de réversion après son décès, ce qui constitue un paiement indû.

L’article 1302-1 du Code civil précise également :

« Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »

Ainsi, la CARSAT a le droit de réclamer le remboursement de la somme de 1 707,95 euros versée à tort à Mme [S] [O] entre le 1er décembre 2018 et le 30 novembre 2019.

Quelles sont les obligations des héritiers en matière de dettes successorales ?

Les obligations des héritiers en matière de dettes successorales sont régies par l’article 873 du Code civil, qui stipule :

« Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer. »

Cet article indique que les héritiers, y compris les légataires universels, sont responsables des dettes de la succession.

Dans le cas présent, M. [H] [Y] [X], en tant que légataire universel de Mme [S] [O], est tenu de rembourser la créance de la CARSAT, car il a hérité des biens et des obligations de la défunte.

Il est important de noter que cette responsabilité est à la fois personnelle et hypothécaire, ce qui signifie que M. [H] [Y] [X] doit rembourser la dette dans la mesure de sa part dans la succession, mais également que la créance peut être satisfaite par les biens de la succession.

Quelles sont les conséquences du non-remboursement de la créance par M. [H] [Y] [X] ?

Le non-remboursement de la créance par M. [H] [Y] [X] entraîne plusieurs conséquences juridiques.

Tout d’abord, selon l’article 696 du Code de procédure civile :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

En tant que partie perdante dans cette affaire, M. [H] [Y] [X] sera condamné aux dépens de l’instance, ce qui signifie qu’il devra également couvrir les frais de justice engagés par la CARSAT.

De plus, l’article R. 142-10-6 du Code de la sécurité sociale permet au tribunal d’ordonner l’exécution par provision de toutes ses décisions.

Cela signifie que la CARSAT peut demander l’exécution immédiate de la décision, même si M. [H] [Y] [X] conteste la créance ou n’est pas en mesure de la rembourser immédiatement.

Ainsi, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de la décision, ce qui permet à la CARSAT de récupérer la somme due sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00893 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YJEE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/00893 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YJEE

DEMANDERESSE :

CARSAT HAUTS DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Madame [D], munie d’un pouvoir,

DEFENDEUR :

M. [H] [Y] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2]
ALGERIE

non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Benjamin PIERRE, Vice-Président
Assesseur : Michel VAULUISANT, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Anne-Lise LELIEVRE, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Dorothée CASTELLI, lors des débats
Jessica FRULEUX, lors du délibéré

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 25 novembre 2024.

Exposé du litige :

Le 14 février 2013, Mme [S] [O] née [P] a complété deux formulaires de demande d’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de demande de retraite de réversion suite au décès de son époux, M. [U] [O], pour transmission auprès de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Nord-Picardie.

Par notification de retraite en date du 29 juillet 2013, la CARSAT Nord-Picardie a informé Mme [S] [O] de l’attribution d’une retraite de réversion en application de la convention franco-algérienne et de l’ASPA à compter du 1er février 2013.

Mme [S] [O] est décédée le 4 novembre 2018 en Algérie.

Par courriers du 1er septembre 2021 et du 25 octobre 2021, la CARSAT Hauts-de-France a notifié à M. [H] [Y] [X], en sa qualité de légataire universel de Mme [S] [O], l’excédent de versement effectué sur le compte de cette dernière d’un montant de 1 707,95 euros.

Par deux mises en demeure du 3 mai 2022 et du 7 novembre 2022, la CARSAT Hauts-de-France a sollicité auprès de M. [H] [Y] [X] le remboursement de la pension de réversion versée à tort après le décès de Mme [S] [O] entre le 1er décembre 2018 et le 30 novembre 2019 pour un montant de 1 707,95 euros.

Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée en date du 19 avril 2024, la CARSAT Hauts-de-France a saisi la présente juridiction afin d’obtenir le paiement de sa créance auprès de M. [H] [Y] [X].

L’affaire enregistrée sous le numéro RG 24/00893 a été plaidée à l’audience du 24 septembre 2024.

* * *

* Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la CARSAT Hauts-de-France demande au tribunal de :
– Condamner M. [H] [Y] [X] au paiement de la somme de 1 707,95 euros en sa qualité de légataire universel de la succession de Mme [S] [P] veuve [O] ;
– Condamner M. [H] [Y] [X] au remboursement éventuel des frais de citation nécessaires pour l’exécution de la procédure ;
Ordonner la délivrance de la grosse revêtue de la formule exécutoire.

Au soutien de ses prétentions, la caisse fait notamment valoir que postérieurement au décès de Mme [S] [P] veuve [O], elle a versé à tort sur son compte bancaire détenu à la [6] une somme de 1 707,95 euros correspondant au paiement des mensualités de décembre 2018 à octobre 2019 de sa retraite de réversion et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ; que M. [H] [Y] [X] est le légataire universel de sa succession ; qu’elle lui a réclamé ladite somme par notification du 1er septembre 2021, rappel du 25 octobre 2021, mise en demeure de payer en date du 3 mai 2022 ; que par courrier reçu le 20 juin 2022, M. [H] [Y] [X] a informé la caisse que faute d’obtention de visa pour rentrer en France, il ne pouvait pas récupérer les fonds de la succession et qu’il autorisait la caisse à appréhender les fonds ; que faute de remboursement, le 7 novembre 2022, la caisse a envoyé de nouveau une mise en demeure à M. [H] [Y] [X] ; qu’à ce jour, la créance s’élève à la somme de 1 707,95 euros.

* M. [H] [Y] [X], régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé réception signé, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience de plaidoirie du 24 septembre 2024.

Par courrier rédigé en date du 10 mai 2024, le défendeur a informé la juridiction qu’à moins d’un refus de visa de la part du Consulat de France à [Localité 5], il serait présent à l’audience du mardi 24 septembre 2024.

Le défendeur étant non comparant à l’audience de plaidoirie, il sera ainsi statué par jugement réputé contradictoire en dernier ressort conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

L’affaire est mise en délibéré au 25 novembre 2024.

MOTIFS :

L’article 1302 du code civil dispose :
« Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ».

L’article 1302-1 du code civil dispose :
« Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

L’article 873 du code civil précise :
« Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer ».

***

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [S] [O] a bénéficié du versement d’une pension de réversion à compter du 1er février 2013 par la CARSAT des Hauts-de-France suivant la notification de retraite établie le 29 juillet 2013 (pièce n°3 de la caisse).

Mme [S] [O] est décédée le 4 novembre 2018 en Algérie (cf. acte de décès établi le 15 octobre 2019 – pièce n°4 de la caisse).

Durant la période du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2019, la CARSAT des Hauts-de-France a poursuivi les versements de pension de réversion sur le compte bancaire [6] de la défunte (cf. courrier de la CARSAT du 18 décembre 2019 adressé à la banque [6] de [Localité 7] – pièce n°6 de la caisse).

Au soutien de sa demande de confirmation de la créance réclamée, la CARSAT produit notamment :
– le relevé détaillé des mensualités établi par le directeur comptable et financier de la CARSAT des Hauts-de-France en date du 15 mars 2024 selon lequel Mme [S] [P] a perçu la somme de 1 707,95 euros durant la période du 1er décembre 2018 au 1er octobre 2019 (pièce n°5 de la caisse) ;
le retour de la banque [6] de Mme [S] [P] informant de la clôture du compte et de l’identité du notaire en charge de la succession (pièce n°7 de la caisse) ;
les courriers échangés avec le notaire en charge de la succession de Mme [S] [P], Maître [K], renseignant à la CARSAT des Hauts-de-France l’identité et la dernière adresse connue de l’unique légataire universel (pièces n°12 et 13 de la caisse) ;
les deux courriers de mise en demeure en date du 3 mai 2022 et du 7 novembre 2022 adressés par la CARSAT des Hauts-de-France à M. [H] [Y] [X] par courriers recommandés avec accusés réception signés (pièces n°14 et 16 de la caisse).

La CARSAT des Hauts-de-France communique également le courrier rédigé par M. [H] [Y] [X] en date du 30 mai 2022 suite à la réception de la mise en demeure du 3 mai 2022 portant sur le remboursement de l’indu de pension de réversion d’un montant de 1 707,95 euros versé à tort du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2019 sur le compte de Mme [S] [P] ; le défendeur expliquant notamment dans ce courrier que :

« (…) n’ayant pas pu obtenir le visa pour rentrer en France, je n’ai donc pas retiré les sommes que vous avez versées et vous autorise donc à les récupérer s’il existe un moyen légal pour le faire. Dans le cas contraire, je vous saurai gré de me donner le temps nécessaire pour trouver un moyen de régler ce problème, et donc de m’acquitter de cette somme » (pièce n°15 de la caisse).

Au vu de ces éléments, la créance réclamée par la CARSAT des Hauts-de-France – au titre d’un indu de pension de réversion versée à tort à Mme [S] [P] durant la période du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2019 pour un montant de 1 707,95 euros – est régulière tant en son principe qu’en son montant et est, par ailleurs, non contestée par le défendeur.

Par conséquent, il y a lieu de condamner M. [H] [Y] [X] au paiement de la somme de 1 707,95 euros en sa qualité de légataire universel de la succession de Mme [S] [P] ainsi qu’au remboursement des frais de citation pour l’exécution de la procédure.

– Sur les demandes accessoires :

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

M. [H] [Y] [X], partie succombante, est condamné aux éventuels dépens de l’instance.

Il résulte de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale, que le tribunal peut ordonner l’exécution par provision de toutes ses décisions.

Compte tenu de la nature du litige, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, par décision réputée contradictoire rendue en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE M. [H] [Y] [X] à payer à la CARSAT des Hauts-de-France la somme de 1 707,95 euros au titre de l’indu de pension de réversion versée à tort à Mme [S] [P] durant la période du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2019 ainsi qu’au paiement des frais de citation pour l’exécution de la procédure ;

CONDAMNE M. [H] [Y] [X] aux éventuels dépens de l’instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la décision ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 25 novembre 2024 et signé par le président et la greffière.

La GREFFIÈRE Le PRÉSIDENT

Jessica FRULEUX Benjamin PIERRE

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