Compétence juridictionnelle et contestation d’une aide financière exceptionnelle

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Compétence juridictionnelle et contestation d’une aide financière exceptionnelle

L’Essentiel : En septembre 2022, Mme [W] [S] a reçu une aide financière exceptionnelle de 150 euros de la CAF. Cependant, un contrôle effectué en janvier 2023 a soulevé des soupçons de fraude, entraînant un rapport indiquant qu’elle résidait hors de France depuis 2010. En mai 2023, la CAF a notifié un indu de 72 212,84 euros. Mme [W] [S] a contesté cette dette, mais la commission de recours amiable a confirmé l’indu en octobre 2023. En avril 2024, elle a saisi le tribunal, qui a déclaré son recours irrecevable, condamnant Mme [W] [S] aux dépens.

Versement de l’aide financière exceptionnelle

En septembre 2022, Mme [W] [S] a reçu une aide financière exceptionnelle de 150 euros de la part de la caisse d’allocations familiales (CAF) du [Localité 2].

Contrôle et suspicion de fraude

Le 27 janvier 2023, un contrôle au domicile de Mme [W] [S] a été effectué par un agent assermenté de la CAF, entraînant un rapport d’enquête qui a soulevé des soupçons de fraude.

Notification de changement de droits

Le 11 mai 2023, la CAF a informé Mme [W] [S] d’un changement de ses droits, indiquant qu’elle résidait hors du territoire français depuis le 27 août 2010, ce qui a généré un indu de prestations familiales s’élevant à 72 212,84 euros.

Contestation de la dette

Mme [W] [S] a contesté cette dette par courrier recommandé le 19 mai 2023, affirmant ne pas devoir d’argent à la CAF.

Confirmation de l’indu par la commission de recours amiable

Le 19 octobre 2023, la commission de recours amiable a confirmé l’indu de 150 euros et a rejeté le recours de Mme [W] [S].

Saisine du tribunal

Le 19 avril 2024, Mme [W] [S] a saisi le tribunal pour contester la décision de la commission, notifiée le 2 novembre 2023.

Arguments de Mme [W] [S]

Elle a soutenu que son domicile en Belgique était connu de la CAF, que les paiements lui étaient adressés à cette adresse, et que le rapport de contrôle avait été réalisé de manière irrégulière. Elle a également évoqué la prescription de la créance.

Position de la CAF

La CAF a demandé au tribunal de déclarer le recours de Mme [W] [S] irrecevable pour incompétence matérielle, arguant que l’aide financière exceptionnelle relève de la compétence de la juridiction administrative.

Incompétence matérielle du tribunal

Le tribunal a conclu qu’il n’était pas compétent pour statuer sur l’indu d’aide financière exceptionnelle, renvoyant ainsi Mme [W] [S] à mieux se pourvoir.

Condamnation aux dépens

Mme [W] [S], en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence matérielle en matière d’aide financière exceptionnelle ?

La compétence matérielle en matière d’aide financière exceptionnelle est régie par plusieurs articles du code de procédure civile et par des décrets spécifiques.

L’article 73 du code de procédure civile stipule que :

« Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Cet article souligne l’importance de la compétence de la juridiction saisie pour traiter le litige.

De plus, l’article 75 du même code précise que :

« S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »

Cela signifie que la partie qui conteste la compétence doit clairement indiquer la juridiction appropriée.

Enfin, l’article 81 du code de procédure civile mentionne :

« Lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. »

Dans le cas présent, il est établi que l’aide financière exceptionnelle, en tant qu’aide de l’État, relève de la compétence du tribunal administratif, comme le précise le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, qui indique que :

« L’aide attribuée en application du présent décret est à la charge de l’État. »

Ainsi, la juridiction administrative est la seule compétente pour traiter les litiges relatifs à cette aide.

Quels sont les effets de la décision de la commission de recours amiable ?

La décision de la commission de recours amiable a des effets juridiques importants, notamment en ce qui concerne la contestation des indu d’aide financière.

Selon l’article 696 du code de procédure civile :

« Il résulte de l’article 696 que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Cela signifie que la décision de la commission de recours amiable, qui a confirmé l’indu d’aide financière exceptionnelle, est susceptible d’être contestée devant une juridiction compétente.

Dans le cas de Mme [W] [S], la commission a rejeté son recours, ce qui a conduit à la saisine du tribunal. Toutefois, le tribunal a déclaré son incompétence pour statuer sur cette affaire, renvoyant ainsi Mme [W] [S] à mieux se pourvoir.

Il est également important de noter que la notification des voies de recours, mentionnée dans le courrier de la CAF, a précisé que seul le tribunal administratif était compétent pour traiter ce type de litige.

Ainsi, la décision de la commission de recours amiable a des conséquences directes sur la possibilité de contester l’indu, mais cette contestation doit être portée devant la juridiction administrative.

Quelles sont les implications de la prescription en matière de remboursement d’indu ?

La question de la prescription en matière de remboursement d’indu est régie par l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« Les actions en répétition de l’indu se prescrivent par cinq ans à compter du jour où l’indu a été constaté. »

Cet article établit un délai de prescription de cinq ans pour les actions visant à récupérer des sommes indûment perçues.

Dans le cas de Mme [W] [S], elle fait valoir que la CAF est prescrite concernant le remboursement de l’aide financière exceptionnelle perçue en septembre 2022, car la prestation dont il est demandé le remboursement remonte à août 2020.

Il est donc essentiel de déterminer si la CAF a effectivement respecté ce délai de prescription. Si la demande de remboursement a été faite après l’expiration de ce délai, Mme [W] [S] pourrait avoir un argument solide pour contester la décision de la CAF.

En résumé, la prescription joue un rôle crucial dans les litiges relatifs aux indu d’aide financière, et son respect est fondamental pour la validité des demandes de remboursement.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00874 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YI63
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/00874 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YI63

DEMANDERESSE :

Mme [W] [S]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
BELGIQUE

comparante, assistée de Me Eric DEBEURME, avocat au barreau de LILLE

DEFENDERESSE :

CAF DU [Localité 2] – SERVICE JURIDIQUE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Madame [B], munie d’un pouvoir,

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Benjamin PIERRE, Vice-Président
Assesseur : Michel VAULUISANT, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Anne-Lise LELIEVRE, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Dorothée CASTELLI, lors des débats
Jessica FRULEUX, lors du délibéré

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 25 novembre 2024.

Exposé du litige :

En septembre 2022, Mme [W] [S] a perçu une aide financière exceptionnelle d’un montant de 150 euros versée par la caisse d’allocations familiales (CAF) du [Localité 2].

Le 27 janvier 2023, suite à un contrôle réalisé au domicile de Mme [W] [S] par un agent assermenté de la CAF du [Localité 2] en date du 11 janvier 2023, un rapport d’enquête faisant état d’une suspicion de fraude de l’allocataire a été établi.

Par courrier du 11 mai 2023, la CAF du [Localité 2] a informé Mme [W] [S] du changement de ses droits à compter du 1er mai 2020 en raison de sa résidence hors du territoire français depuis le 27 août 2010, générant un indu de prestations familiales d’un montant de 72 212,84 euros.

Par courrier recommandé en date du 19 mai 2023 réceptionné le 22 mai 2023, Mme [W] [S] a contesté toute dette provenant de la CAF du [Localité 2].

Le 19 octobre 2023, la commission de recours amiable a confirmé l’indu d’aide financière exceptionnelle perçue en septembre 2022 d’un montant de 150 euros et a rejeté le recours de Mme [W] [S].

Par requête déposée le 19 avril 2024, Mme [W] [S], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la présente juridiction afin de contester la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable notifiée par courrier en date du 2 novembre 2023.

L’affaire, enregistrée sous le numéro RG 24/00874, a été appelée le 24 septembre 2024, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.

* Mme [W] [S], par l’intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de :

– la juger recevable et bien fondée en sa contestation relative à l’indu d’aide financière perçue en septembre 2022 d’un montant de 150 euros ;
– annuler la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable le 19 octobre 2023 notifiée le 2 novembre 2023 ;
– condamner la CAF du [Localité 2] en tous les dépens.

Mme [W] [S] fait notamment valoir que son domicile en Belgique est connu de la caisse depuis de nombreuses années ; que les attestations de paiement de la caisse lui sont adressées à son adresse actuelle ; que la CAF de [Localité 4] reçoit l’attestation E411 de la CAF du [Localité 2] ; qu’aucune pension alimentaire ne lui est versée par M. [K] [S], conformément à l’accord de séparation du 1er mars 2017 ; que le rapport de contrôle mené par l’agent agréé et assermenté de la caisse a été réalisé et adressé dans des conditions irrégulières ; que la caisse est prescrite par application de l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale puisque la prestation dont il est demandé le remboursement remonte à août 2020.

* La caisse d’allocations familiales du [Localité 2], dûment représentée, a soutenu oralement ses conclusions écrites auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens.

La caisse demande au tribunal de :
– Déclarer irrecevable le recours de Mme [W] [S] contre la décision de la directrice du 19 octobre 2023 confirmant un indu d’aide financière exceptionnelle d’un montant de 150 euros au titre du mois de septembre 2022 pour cause d’incompétence matérielle ;
– rejeter le recours de Mme [W] [S] et de toute autre demande additionnelle.

La caisse expose que l’aide financière exceptionnelle, en sa qualité d’aide de l’Etat, relève de la compétence matérielle de la juridiction administrative.

L’affaire est mise en délibéré au 25 novembre 2024.

MOTIFS :

-Sur l’incompétence matérielle de la juridiction :

L’article 73 du code de procédure civile dispose que :  » Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours « .

L’article 75 du code de procédure civile précise que :  » S’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée « .

L’article 81 du code de procédure civile mentionne :  » Lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.
Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente. Cette désignation s’impose aux parties et au juge de renvoi « .

L’article 3 du décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022 portant attribution d’une aide financière exceptionnelle pour les ménages les plus modestes relève que :  » L’aide attribuée en application du présent décret est à la charge de l’État « .

***

En l’espèce, Mme [W] [S], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la présente juridiction d’une contestation de la décision de rejet explicite rendue par la commission de recours amiable en date du 19 octobre 2023 et notifiée le 2 novembre 2023 (pièce n°4 de la caisse) confirmant l’indu d’aide financière exceptionnelle versée par la CAF du [Localité 2] d’un montant de 150 euros.

Or, il résulte de la combinaison des dispositions susvisées que seul le tribunal administratif est compétent en matière d’aide financière exceptionnelle ce qui apparaît clairement dans la notification des voies de recours mentionnées dans le courrier du 28 septembre 2023 de la CAF du [Localité 2] (pièce n°4 de la caisse) accusant réception du recours formulé par Mme [W] [S].

Dès lors, il convient de déclarer la présente juridiction incompétente en matière de toute contestation d’indu d’aide financière exceptionnelle.

En conséquence, Mme [W] [S] sera donc renvoyée à mieux se pourvoir concernant l’indu d’aide financière exceptionnelle.

– Sur les dépens :

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Mme [W] [S], partie succombante, est condamnée aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

SE DÉCLARE incompétent pour statuer sur l’indu d’aide financière exceptionnelle perçue en septembre 2022 par Mme [W] [S] ;

RENVOIE, de ce chef, Mme [W] [S] à mieux se pourvoir ;

RESERVE les dépens ;

CONDAMNE Mme [W] [S] aux éventuels dépens de l’instance ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 25 novembre 2024 et signé par le président et la greffière.

La GREFFIÈRE Le PRÉSIDENT

Jessica FRULEUX Benjamin PIERRE

Expédié aux parties le :

– 1 ccc Mme [S]
– 1 ccc Me DEBEURME
– 1 ce CAF du [Localité 2]


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