Conflit locatif et obligations contractuelles : enjeux de la délivrance et de la résiliation.

·

·

Conflit locatif et obligations contractuelles : enjeux de la délivrance et de la résiliation.

L’Essentiel : En février 2007, un bail commercial a été signé entre Madame [K] [S] et Monsieur [R] [L] pour des locaux commerciaux. En avril 2013, la société E-PENICHE a acquis ce fonds. En octobre 2016, Madame [K] [S] a délivré un commandement de payer pour arriérés locatifs, suivi d’une assignation en référé. Après une expertise ordonnée par le juge en juin 2017, le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 16 novembre 2017, ordonnant l’expulsion de la société E-PENICHE et condamnant celle-ci à payer un arriéré locatif de 73 832,94 euros.

Contexte du litige

En février 2007, un bail commercial a été signé entre Madame [K] [S] et Monsieur [R] [L] ainsi que son épouse, pour des locaux destinés à l’exploitation d’un fonds de commerce. En avril 2013, la société E-PENICHE a acquis ce fonds de commerce.

Commandements de payer et assignations

En octobre 2016, Madame [K] [S] a délivré un commandement de payer à la société E-PENICHE pour un arriéré locatif. En décembre 2016, elle a assigné cette société en référé pour obtenir l’acquisition de la clause résolutoire. En mars 2017, la société E-PENICHE a assigné le syndicat des copropriétaires pour faire constater un préjudice de jouissance.

Expertise et décisions judiciaires

Le juge des référés a ordonné une expertise en juin 2017, et en octobre 2018, les opérations d’expertise ont été étendues à la société VEOLIA. Le rapport d’expertise a été déposé en juin 2020. En juillet 2020, Madame [K] [S] a de nouveau assigné la société E-PENICHE pour l’acquisition de la clause résolutoire.

Demandes des parties

En février 2021, la société E-PENICHE a demandé des dommages et intérêts à Madame [K] [S] pour manquement à son obligation de délivrance, ainsi que la dispense de paiement de loyer. En avril 2023, le syndicat des copropriétaires a demandé à être mis hors de cause, tandis qu’AXA a sollicité le rejet de la demande de garantie.

Décisions du tribunal

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 16 novembre 2017, ordonnant l’expulsion de la société E-PENICHE. Il a également condamné cette dernière à payer une indemnité d’occupation et un arriéré locatif de 73 832,94 euros. Les frais d’expertise ont été mis à la charge du syndicat des copropriétaires, avec garantie de la société AXA.

Conclusion

Le tribunal a débouté la société E-PENICHE de ses demandes et a statué en faveur de Madame [K] [S], tout en condamnant les parties aux dépens. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de délivrance du local loué ?

Selon l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

Cette obligation de délivrance implique que le local doit être conforme aux normes d’hygiène et de sécurité, et doit permettre au locataire d’exercer son activité sans entrave.

En cas de manquement à cette obligation, le preneur peut demander des dommages et intérêts, mais il doit prouver que ce manquement a causé un préjudice.

L’article 1219 du Code civil précise qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne, à condition que cette inexécution soit suffisamment grave.

Dans le cas présent, la société E-PENICHE a allégué des désordres liés à des engorgements des canalisations, mais le tribunal a constaté qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’un préjudice en lien avec ce manquement.

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans un bail commercial ?

L’article L. 145-41 du Code de commerce stipule que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Ce commandement doit mentionner ce délai, à peine de nullité.

En l’espèce, le commandement de payer délivré le 13 octobre 2016 ne reproduisait pas la clause résolutoire ni ne mentionnait le délai d’un mois, ce qui a conduit le tribunal à le déclarer nul.

En revanche, le commandement du 16 octobre 2017, qui respectait les conditions légales, a permis l’acquisition de la clause résolutoire, car la société E-PENICHE n’a pas réglé la somme due dans le délai imparti.

Quels sont les droits du bailleur en cas d’occupation sans droit ?

L’occupation sans droit d’un local après l’expiration du bail constitue une faute quasi-délictuelle, ouvrant droit pour le propriétaire à une indemnité d’occupation.

Selon l’article 1103 du Code civil, le preneur est tenu de s’acquitter du loyer et des charges dues.

Dans cette affaire, la société E-PENICHE a continué d’occuper les lieux après l’acquisition de la clause résolutoire, ce qui a entraîné son obligation de payer une indemnité d’occupation.

Cette indemnité est égale au montant du dernier loyer, augmentée des taxes et charges exigibles, et doit être versée jusqu’à la libération effective des lieux.

Comment se calcule l’arriéré locatif dû par le locataire ?

L’article 1103 du Code civil impose au preneur de s’acquitter des loyers et charges contractuellement dus.

Dans le cas présent, le décompte produit par Madame [K] [S] a établi que la société E-PENICHE était redevable de 73 832,94 euros au titre des loyers impayés au 1er janvier 2023.

Ce montant inclut les arriérés de loyers, les charges et les indemnités d’occupation.

Le tribunal a donc condamné la société E-PENICHE à payer cette somme, conformément aux stipulations du bail.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens et les frais d’expertise ?

L’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Dans cette affaire, la société E-PENICHE, en tant que partie perdante, a été condamnée à payer les dépens, y compris les frais du commandement de payer valide.

De plus, le syndicat des copropriétaires a été condamné à payer les frais de l’expertise judiciaire, car les désordres avaient leur origine dans les parties communes.

La société AXA, en tant qu’assureur, a également été condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires pour les frais liés à cette condamnation.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 25 NOVEMBRE 2024

Chambre 5/Section 3
AFFAIRE: N° RG 20/07547 – N° Portalis DB3S-W-B7E-UPFT
N° de MINUTE : 24/01579

DEMANDEUR

Madame [K] [S] épouse [V]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Morgane OJALVO DENIEL de la SELAS KARILA SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0063

C/

DEFENDEURS

S.A.R.L. E-PENICHE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Audrey CHELLY SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1406

INTERVENTION FORCÉE

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, le cabinet NEXITY LAMY, SASU.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Florian CANDAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1869

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Maître Vincent BOIZARD de la SELARL SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0456

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Aliénor CORON, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 07 Octobre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Aliénor CORON, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous signature privée en date du 13 février 2007, en renouvellement d’une convention locative antérieure, Madame [K] [S], épouse [V] et Madame [F] [S], au droit de laquelle vient désormais Madame [K] [S], ont consenti un bail à usage commercial au profit de Monsieur [R] [L] et Madame [W] [X], son épouse, portant sur des locaux situés [Adresse 1], à l’effet d’y exploiter un fonds de commerce de CAFE, BAR, RESTAURANT, EPICERIE, BOISSONS A EMPORTER et moyennant un loyer annuel en principal de 6 860 euros.

Par acte du 17 avril 2013, la société E-PENICHE a acquis le fonds de commerce anciennement exploité par Monsieur [R] [L] et Madame [W] [X].

Par acte du 13 octobre 2016, Madame [K] [S] a fait délivrer à la société E-PENICHE un commandement de payer visant la clause résolutoire et portant sur la somme de 7 824,60 euros.

Par acte du 7 décembre 2016, Madame [K] [S] a assigné la société E-PENICHE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny en acquisition de la clause résolutoire.

Suivant exploit du 28 mars 2017, la société E-PENICHE a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé du [Adresse 1] notamment aux fins de voir constater son préjudice de jouissance et que soit ordonnée une mesure d’expertise.

Les deux affaires ont été jointes par décision du 28 avril 2017.

Par ordonnance du 14 juin 2017, le juge des référés a constaté l’existence de contestations sérieuses et a confié une mesure d’expertise à Monsieur [E] [T].

Suivant ordonnance de référé du 17 octobre 2018, les opérations d’expertise ont été rendues communes à la société VEOLIA.

L’expert a déposé son rapport le 16 juin 2020.

Par actes de commissaire de justice des 20 et 22 juillet 2020, Madame [K] [V] a assigné la société E-PENICHE en acquisition de la clause résolutoire.

Par acte extrajudiciaire du 7 mai 2021, Madame [K] [V] a assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que son assureur la société AXA en intervention forcée.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 12 janvier 2022.

Par ordonnance du 17 juin 2024, le juge de la mise en état a condamné la société E-PENICHE à payer à Madame [K] [S] à titre provisionnel la somme de 50 000 euros à valoir sur l’arriéré locatif arrêté au 16 novembre 2023 inclus.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, Madame [K] [S] sollicite du tribunal de :
-Débouter la société E-PENICHE de l’ensemble de ses demandes
-Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et son assureur la société AXA à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre du fait du défaut de conformité du réseau d’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales,
-Constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail à l’échéance du commandement délivré le 13 octobre 2016, ou encore à l’échéance du commandement délivré le 16 octobre 2017 et au plus tard à l’échéance du commandement délivré le 19 décembre 2019,
-A titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du bail consenti à la E-PENICHE et ordonner en conséquence son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier, du local donné à bail
-Ordonner en conséquence l’expulsion de la société E-PENICHE ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier, du local donné à bail
En toute hypothèse,
-L’autoriser à faire procéder à l’enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux, soit dans l’immeuble, soit chez un garde-meubles, soit au rebut en l’absence de valeur vénale, aux frais, risques et périls de la société E-PENICHE
-Condamner la société E-PENICHE à lui payer une somme de 73 832,94 euros au titre de son arriéré de loyers et/ou indemnités d’occupation, charges et accessoires arrêté au 1er janvier 2023,
Subsidiairement et dans l’hypothèse ou des délais étaient accordés,
-Dire que les sommes qui seront versées par la société E-PENICHE s’imputeront en priorité sur les loyers, charges et accessoires courants, puis sur les termes venus à échéance postérieurement à la délivrance du commandement, l’arriéré dû au titre des commandements n’étant apuré qu’en outre ;
-Dans cette hypothèse, dire que faute pour la société E-PENICHE de respecter les délais accordés, et de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants à leur date d’échéance contractuelle, les termes échus postérieurement aux commandements, et l’arriéré, l’intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, le bailleur pourra dès lors poursuivre l’expulsion de la société ainsi que celle de tous occupants de son chef du local susvisé, avec au besoin le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier ;
-Condamner la société E-PENICHE à lui payer des indemnités d’occupation correspondant au dernier loyer, outre tous charges, indexation et accessoires dudit loyer jusqu’à parfaite libération des locaux ;
-Dire que le dépôt de garantie détenu par Madame [V] lui demeurera acquis ;

-Condamner la société E-PENICHE à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner le syndicat des copropriétaires et son assureur AXA à lui payer la somme de 1 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner solidairement la société E-PENICHE, le syndicat des copropriétaires et la société AXA aux dépens, en ce compris pour la société E-PENICHE le coût des commandements de payer ;
-Ordonner l’exécution provisoire.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2021, la société E-PENICHE sollicite du tribunal de :
-Condamner Madame [K] [S] à lui payer en réparation de son manquement à son obligation de délivrance les sommes de :
-8 014 euros au titre des frais d’expertise
-60 000 euros au titre de son préjudice de jouissance
-10 000 euros au titre de son préjudice moral
-La dispenser du paiement de son loyer jusqu’à ce que les lieux soient remis en état, soit fin octobre 2019
-Débouter Madame [K] [S] de ses demandes d’acquisition de la clause résolutoire et de rappels de loyers et de charges
A titre subsidiaire,
-Ordonner la suspension de la clause résolutoire
-Ordonner la compensation des sommes dues
-Lui octroyer les plus larges délais de paiement
En tout état de cause,
-Condamner Madame [K] [S] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 29 novembre 2023, le syndicat des copropriétaires sollicite du tribunal de :
-Le mettre hors de cause
A titre subsidiaire,
-Débouter la société E-PENICHE de l’ensemble de ses demandes
A titre très subsidiaire,
-Débouter Madame [K] [S] de sa demande en garantie
-Condamner la société AXA à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre
En tout état de cause,
-Ordonner l’exécution provisoire
-Condamner le succombant à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 21 avril 2023, la société AXA sollicite du tribunal de :
-Rejeter la demande de garantie du syndicat des copropriétaires
-La mettre hors de cause
-Condamner Madame [K] [S] ou tout autre succombant à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux conclusions des parties pour un complet exposé des moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne sera répondu que dans les présents motifs aux demandes de constat et de « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui ne doivent à ce titre pas apparaître au dispositif des conclusions des parties.

Sur l’obligation de délivrance

La société E-PENICHE se prévaut d’un manquement de Madame [K] [S] à son obligation de délivrance afin de solliciter sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts, et de faire échec à l’acquisition de la clause résolutoire. Se fondant sur la jurisprudence, elle fait valoir qu’elle a subi à compter de septembre 2014 des désordres à répétition en lien avec un engorgement des canalisations, l’ayant conduite à devoir fermer son local jusqu’au mois d’avril 2015 et à devoir financer seule les travaux de remise en état. Elle ajoute que bien que le raccordement au tout-à-l’égout ait été voté par l’assemblée générale des copropriétaires le 15 décembre 2014, ce n’est que le 12 février 2016 qu’elle a été informée des travaux à venir, qui n’ont été réalisés que courant mars 2016 mais ont été interrompus. Elle fait valoir à ce titre que la chape en béton située dans le local mitoyen à la salle de bar est toujours cassée, rendant impossible toute utilisation d’une partie de la surface louée, et rendant encore plus perceptible les odeurs des eaux usées. Elle se prévaut à ce titre d’un constat d’huissier en date du 13 décembre 2016. Elle nie avoir fait obstacle à la réalisation des travaux et indique avoir seulement sollicité que les frais de déménagement de son garage soient pris en charge par le syndicat des copropriétaires. Elle indique que ce n’est qu’au mois d’octobre 2019 que les travaux ont été finalisés et qu’elle a pu jouir de son local.

Se fondant sur les articles 1728 du code civil et L. 145-41 du code de commerce, ainsi que sur la jurisprudence, Madame [K] [S] fait valoir que la société E-PENICHE n’a versé aucun loyer depuis le 19 avril 2017, ce alors qu’elle ne démontre pas avoir été dans l’impossibilité totale d’exploiter les locaux donnés à bail et que les derniers travaux réalisés sur l’installation d’évacuation l’ont été en octobre 2019. S’agissant des demandes indemnitaires de la société E-PENICHE, elle soutient que cette dernière n’apporte aucune preuve au soutien de celles-ci, l’expert judiciaire ayant conclu à l’absence de préjudice et au fait que le retard dans les travaux avait été causé par le comportement de la société E-PENICHE.

Il résulte de l’article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

En application de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, la société E-PENICHE verse aux débats :
-une fiche d’intervention d’une entreprise de plomberie datée du 15 septembre 2014 et relative à un dégorgement
-une fiche d’intervention d’une entreprise de plomberie datée du 6 octobre 2014 et relative à un dégorgement de la colonne
-des courriers de son conseil faisant état des troubles de jouissance subis par la société et de sa volonté que les travaux puissent être effectués le plus rapidement possible

-un procès-verbal de constat en date du 13 décembre 2016 dont il ressort que la chape en béton du garage à usage de stockage est cassée dans le sens de la longueur sur environ 1,20 mètres de large et 3 mètres de long. Dans cette cavité sont présentes trois cuves dont deux sont entièrement remplies, de très fortes odeurs nauséabondes s’en dégageant.

Il ressort du rapport d’expertise que les fosses d’eaux usées de l’immeuble et d’eau pluviale n’étaient pas raccordées aux installations communales, causant des problèmes d’odeur des eaux usées des fosses dans le restaurant, ainsi que la présence de rats dans le garage. L’expert indique que des travaux de mise en conformité ont été votés en décembre 2014 par l’assemblée générale des copropriétaires et étaient prévus pour le mois de mai 2015, mais que ces travaux ont été retardés par l’encombrement du garage exploité par la société E-PENICHE. L’expert indique que l’impact sur l’activité de la société E-PENICHE n’est pas démontré et que si celle-ci n’avait pas fait obstacle aux travaux, leur réalisation aurait été rapide. Il conclut à l’absence de préjudice subi par la société E-PENICHE.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que si Madame [K] [S] a manqué à son obligation de délivrance en louant un local non raccordé au tout-à-l’égout, la société E-PENICHE n’apporte aucun élément de nature à démontrer l’existence d’un préjudice en lien avec ce manquement, étant rappelé que les frais d’expertise judiciaire relèvent des dépens. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner la demande en garantie formée par Madame [K] [S].

La société E-PENICHE n’apporte pas davantage la preuve qu’elle ait été dans l’impossibilité d’exploiter son local du fait de ces dégorgements, et elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dispense de loyer faute de pouvoir se prévaloir d’une quelconque exception d’inexécution.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

En application de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause.

En l’espèce, le bail stipule qu’à défaut de paiement d’un terme du loyer à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

Par acte extrajudiciaire du 13 octobre 2016, Madame [K] [S] a délivré commandement à la société E-PENICHE de payer la somme de 7 824,60 euros au titre de l’arriéré locatif.

Cependant, faute pour ce commandement de payer de reproduire la clause résolutoire prévue au bail, ni de mentionner le délai d’un mois prévu à l’article L. 145-41 précité, il ne pouvait faire jouer la clause résolutoire. Madame [K] [S] sera donc déboutée de sa demande en acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer du 13 octobre 2016.

Par acte extrajudiciaire du 16 octobre 2017, reproduisant la clause résolutoire du bail, Madame [K] [S] a délivré commandement à la société E-PENICHE de payer, dans le délai d’un mois, la somme de 13 478,05 euros en principal, au titre des loyers impayés.

Il n’est pas contesté que la société E-PENICHE ne s’est pas acquittée de cette somme dans un délai d’un mois.

Le commandement de payer délivré dans les formes prévues à l’article L 145-41 du code de commerce le 16 octobre 2017 étant demeuré infructueux, la clause résolutoire a donc été acquise le 16 novembre 2017.

La société E-PENICHE sollicite des délais de paiement pour s’acquitter de sa dette.

Elle ne verse cependant aucun élément à l’appui de cette demande, de sorte que le tribunal n’est pas en mesure d’apprécier sa situation financière et sa capacité à honorer les termes de l’échéancier de remboursement qu’elle sollicite.

Dès lors, il convient de la débouter de sa demande de délais de paiement, de constater l’acquisition de la clause résolutoire à effet du 16 novembre 2017, et d’ordonner en conséquence l’expulsion du preneur selon les termes du dispositif ci-après.

Sur l’indemnité d’occupation

Celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l’expiration de son titre d’occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d’une indemnité d’occupation.

En l’espèce, la société E-PENICHE occupante des lieux loués sans droit ni titre depuis le 16 novembre 2017, doit être condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’à la libération complète des lieux.

La société E-PENICHE devra s’acquitter au profit de Madame [K] [S] d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier loyer, outre toutes les taxes et charges exigibles conformément au bail expiré, et ce à compter du 16 novembre 2017 et jusqu’à la libération effective des lieux avec remise des clefs.

Sur l’arriéré locatif

Selon l’article 1103 du code civil, il appartient au preneur de s’acquitter du loyer et des charges contractuellement dus entre les mains de son bailleur.

En l’espèce, il résulte du décompte produit par Madame [K] [S] et arrêté au 27 janvier 2023, que la société E-PENICHE est redevable de la somme de 73 832,94 euros au titre des loyers impayés au 1er janvier 2023.

Elle sera par conséquent condamnée à payer cette somme à Madame [K] [S].

En application des clauses contractuelles (page 5 du bail, article « LOYER »), le dépôt de garantie restera acquis à Madame [K] [S].

Sur les mesures de fin de jugement

-Sur les dépens et les frais de l’expertise judiciaire ordonnée en référé

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être exécutés de bonne foi, conformément à l’article 1104 du même code.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise judiciaire que les désordres subis par la société E-PENICHE, ayant abouti à ce que ladite expertise soit ordonnée, avaient leur origine dans l’absence de raccordement de l’immeuble au tout-à-l’égout, donc dans les parties communes.

Il convient par conséquent de condamner le syndicat des copropriétaires à payer les frais de l’expertise judiciaire ordonnée le 16 juin 2017 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny.

La police d’assurance conclue par le syndicat des copropriétaires prévoit que la société AXA le garantit de sa responsabilité en qualité de propriétaire et des frais de défense-recours. En application de cette clause il convient de condamner la société AXA à garantir le syndicat des copropriétaires de la condamnation au paiement des frais d’expertise judiciaire.

La société E-PENICHE, partie perdante, sera condamnée aux autres dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 16 octobre 2017, mais n’incluant pas les frais du commandement de payer non valable du 13 octobre 2016, et ceux du commandement de payer du 19 décembre 2019 dont il n’est pas justifié de l’utilité.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de Madame [K] [S] l’intégralité de ses frais de procédure non compris dans les dépens. La société E-PENICHE sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient en équité de ne pas faire droit aux autres demandes relatives aux frais irrépétibles.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit, sans qu’il soit nécessaire de le rappeler au dispositif de la décision.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

-Déboute la société E-PENICHE de ses demandes de dommages et intérêts et de compensation des sommes dues,

-Déboute la société E-PENICHE de sa demande de dispense de loyer,

-Déboute la société E-PENICHE de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

-Déboute la société E-PENICHE de sa demande au titre des frais irrépétibles,

-Déboute Madame [K] [S] de sa demande en acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer du 13 octobre 2016,

-Constate l’acquisition de la clause résolutoire au 16 novembre 2017 du bail commercial conclu entre les parties et portant sur le local sis [Adresse 1],

-Ordonne, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la société E-PENICHE et de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail,

-Rappelle que les meubles et objets se trouvant dans les lieux suivront le sort prévu par l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

-Condamne la société E-PENICHE à payer à Madame [K] [S] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des taxes et charges, à compter du 16 novembre 2017 et ce, jusqu’à la libération effective des lieux,

-Condamne la société E-PENICHE à payer à Madame [K] [S] la somme de 73 832,94 euros au titre des loyers, taxes, charges et indemnités d’occupation dus au 1er janvier 2023,

-Dit que le dépôt de garantie restera acquis à Madame [K] [S],

-Condamne la société E-PENICHE à payer à Madame [K] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

-Condamne la société E-PENICHE aux dépens, en ce non compris les frais d’expertise judiciaire, les frais du commandement de payer du 13 octobre 2016 et les frais du commandement de payer du 19 décembre 2019, en ce compris les frais du commandement de payer du 16 octobre 2017,

-Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer les frais de l’expertise judiciaire ordonnée le 14 juin 2017,

-Condamne la société AXA à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de la condamnation prononcée à son encontre.

Fait au Palais de Justice, le 25 novembre 2024

La minute de la présente décision a été signée par Madame Aliénor CORON, Juge, assistée de Madame Zahra AIT, greffière présente lors de son prononcé.

LA GREFFIERE LA JUGE

Madame AIT Madame CORON


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon