Responsabilité du vendeur et obligations d’information dans la vente immobilière

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Responsabilité du vendeur et obligations d’information dans la vente immobilière

L’Essentiel : Le 16 février 2021, M. [K] a vendu un appartement à Mme [Y] pour 183 000 euros, via la société Arbeles Transactions. Après des travaux, Mme [Y] a découvert des vices cachés, notamment un plancher en mauvais état et des poutres corrodées. Un rapport d’audit de 2018, reçu le 6 juillet 2021, a confirmé l’état préoccupant de l’immeuble. Le 4 mai 2023, Mme [Y] a assigné M. [K] et d’autres parties pour obtenir une indemnisation de 56 481,32 euros. Le tribunal a reconnu la responsabilité de M. [K], le condamnant à verser 28 000 euros à Mme [Y] pour réduction de prix.

Contexte de la vente

Le 16 février 2021, M. [K] a vendu à Mme [Y] un appartement et une cave dans un immeuble en copropriété pour un montant de 183 000 euros, via la société Arbeles Transactions. La vente a été officialisée par un acte notarié le 11 juin 2021.

Découverte des vices cachés

Après avoir entrepris des travaux d’aménagement, Mme [Y] a découvert des dégradations importantes, notamment un plancher supérieur en mauvais état, des poutres corrodées et des problèmes de plâtre. Un rapport d’audit datant de 2018, reçu par Mme [Y] le 6 juillet 2021, révélait également l’état préoccupant de l’immeuble.

Actions en justice

Le 4 mai 2023, Mme [Y] a assigné M. [K], la société Arbeles Transactions, et le notaire Me [T] pour obtenir une indemnisation. Dans ses conclusions, elle a demandé des compensations financières pour divers préjudices, totalisant 56 481,32 euros, ainsi que des frais de justice.

Arguments de Mme [Y]

Mme [Y] a invoqué la présence de vices cachés, affirmant que M. [K] n’avait pas informé sur l’état de l’immeuble ni sur l’existence de l’audit. Elle a également soutenu que le carnet d’entretien ne lui avait pas permis d’évaluer correctement l’état de l’immeuble et qu’elle avait cherché des informations auprès de l’agence immobilière.

Réponse de M. [K]

M. [K] a contesté les demandes de Mme [Y], arguant qu’elle avait connaissance de l’état de l’immeuble avant la vente. Il a également demandé à être garanti par les autres parties en cas de condamnation.

Position de la société Arbeles Transactions

La société Arbeles Transactions a soutenu qu’elle avait fourni toutes les informations nécessaires à Mme [Y] et qu’elle n’avait pas commis de faute. Elle a également demandé à être garantie par M. [K] en cas de condamnation.

Arguments des notaires

Les notaires ont affirmé qu’ils n’avaient pas été informés des désordres et que Mme [Y] avait accès à des informations suffisantes sur l’état de l’immeuble avant la vente. Ils ont également demandé à être garantis par M. [K].

Décision du tribunal

Le tribunal a reconnu la responsabilité de M. [K] pour vices cachés, condamnant ce dernier à verser 28 000 euros à Mme [Y] pour réduction de prix. Les autres demandes de Mme [Y] ont été rejetées, et M. [K] a été condamné aux dépens. Les demandes de frais irrépétibles ont été déboutées pour chaque partie.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la garantie des vices cachés

L’article 1641 du code civil stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Il est également précisé dans l’article 1644 que « l’acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix (action rédhibitoire), ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire). »

L’article 1645 ajoute que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. »

Dans cette affaire, il est établi que Mme [Y] a découvert des vices affectant l’immeuble après la vente, ce qui engage la responsabilité de M. [K].

Le tribunal a constaté que le vice était caché et qu’il n’était pas apparent au moment de la vente, ce qui justifie la demande de Mme [Y] sur ce fondement.

Sur le manquement à l’obligation d’information

L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans le cas présent, la responsabilité de l’agence immobilière et du notaire est engagée pour leur manquement à l’obligation d’information.

Cependant, le tribunal a noté que Mme [Y] avait accès à des informations suffisantes sur l’état général de l’immeuble, notamment à travers le carnet d’entretien.

Il a été établi que Mme [Y] avait connaissance des dégâts des eaux et de l’état vétuste de l’immeuble, ce qui limite la responsabilité de l’agence et du notaire.

Ainsi, bien que l’omission de communication du rapport d’audit puisse constituer une faute, elle n’entretient pas de lien de causalité avec les préjudices allégués par Mme [Y].

Sur la réduction du prix

La demande de réduction du prix est fondée sur l’article 1644 du code civil, qui permet à l’acquéreur de demander une réduction du prix en raison d’un vice caché.

Mme [Y] a produit des estimations de son bien, indiquant une valeur de 155 000 euros.

Le tribunal a retenu cette estimation pour calculer la réduction du prix, aboutissant à la conclusion que M. [K] doit payer à Mme [Y] la somme de 28 000 euros.

Cette décision est conforme aux dispositions légales relatives à la garantie des vices cachés et à l’action estimatoire.

Sur les dépens

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge de l’autre partie. »

Dans cette affaire, M. [K] a été condamné aux dépens, ce qui est en accord avec la règle générale.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile stipule que « le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Le tribunal a décidé de débouter chacune des parties de sa demande en application de cet article, considérant l’équité de la situation.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du code de procédure civile précise que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Le tribunal a rappelé l’exécution provisoire du jugement, conformément à cette disposition légale.

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COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

AFFAIRE N° RG 23/04640 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XUFU
N° de MINUTE : 24/00691
Chambre 6/Section 5

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

Madame [D] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Thomas WEST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 445

DEMANDEUR

C/

Monsieur [F] [K]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté par Me Stéphane LEVILDIER, LGAVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B0765

Maître [J] [T], Notaire associé, membre de la SAS 14 PYRAMIDES NOTAIRES
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0848

La S.A.S 14 PYRAMIDES NOTAIRES
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0848

La S.A.S. ARBELES TRANSACTIONS
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Arnaud MAGERAND, la SCP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P132

DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré

Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assistés aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DEBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 30 Septembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, greffier.

Monsieur François DEROUAULT a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
Il a rédigé le jugement rendu.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.

JUGEMENT

La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant compromis de vente du 16 février 2021 instrumenté par la société Arbeles Transactions, M. [K], en qualité de vendeur, a cédé à Mme [Y], en qualité d’acquéreuse, un appartement et une cave dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 2] à [Localité 9] (Seine-Saint-Denis), moyennant le prix de 183 000 euros.

La vente a été réitérée devant Me [T], de l’études notariale 14 Pyramides Notaires, suivant acte authentique du 11 juin 2021.

Mme [Y] a par la suite entrepris des travaux d’aménagement et a constaté, à la suite de la démolition du faux-plafond, la dégradation avancée du plancher supérieur, la forte corrosion des poutres ainsi que l’écroulement d’une partie du plâtre entre les poutrelles et les poutres.

Le 6 juillet 2021, Mme [Y] a été destinataire d’un rapport d’audit réalisé en 2018 par le cabinet Opus Architecture sur l’immeuble, lequel mettait en évidence son mauvais état général.

Par acte d’huissier en date du 4 mai 2023, Mme [Y] a assigné M. [K], la société Arbeles Transactions, Me [T], l’étude notariale 14 Pyramides Notaires aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, Mme [Y] demande au tribunal de :
– condamner in solidum M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions à payer la somme de 56 481,32 euros au titre du préjudice subi ;
– débouter les défendeurs de leurs demandes ;
– condamner in solidum M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions aux dépens.

Mme [Y] engage la responsabilité du vendeur sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, en faisant valoir que :
– le vice était caché au moment de la vente et n’a été découvert par elle qu’à l’occasion de travaux ;
– le vendeur n’a pas attiré son attention sur l’état de l’immeuble et de l’appartement, ni même porté à sa connaissance l’existence de l’audit du cabinet Opus Architecture ;
– que la seule lecture du carnet d’entretien, document recueillant sur plus de 350 pages des échanges de courriels entre des copropriétaires et le syndic de copropriété, ne permettait aucunement à Mme [Y] d’avoir une idée précise de l’état de l’immeuble ;
– qu’elle s’est enquise d’obtenir des renseignements auprès de l’agence immobilière sur l’état actuel de l’immeuble ;
– que le vendeur entretient la confusion entre l’état de l’immeuble et le dégât des eaux intervenu en 2018, de telle sorte que Mme [Y] était dans l’impossibilité d’avoir connaissance du vice ;
– que Mme [Y] est bien fondée à réclamer une réduction du prix de vente à hauteur de 39 250 euros, une réduction des frais de notaire à hauteur de 3 268,75 euros, un préjudice de jouissance estimé à 6 200 euros, un préjudice matériel à hauteur de 7 762,57 euros.

A l’égard de l’agence, Mme [Y] soutient, sur le fondement de l’article 1240 du code civil et des dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 que ses préjudices sont en lien causal direct avec la faute de la société Arbeles, qui a failli à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde envers Mme [Y] :
– en s’abstenant de procéder à des vérifications complémentaires auprès du syndic et du vendeur ;
– en s’abstenant de demander la communication de l’audit 2018 et de mentionner son existence à Mme [Y] ;
– en s’abstenant d’attirer l’attention de Madame [Y], qui a exprimé ses inquiétudes à plusieurs reprises, sur l’état alarmant de l’immeuble ;
– en s’abstenant de partager avec Madame [Y] l’information relative aux caves, reçue quelques jours avant la vente.

A l’égard du notaire, Mme [Y] soutient, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, qu’au moment de la signature de l’acte authentique de vente, Madame [Y] n’a pas été informée des désordres affectant l’immeuble dans leur nature, ampleur et conséquences alors que les mentions explicites dans le carnet d’entretien auraient dû l’alerter et l’obliger à exiger la communication d’éléments complémentaires, et plus particulièrement l’audit de 2018, en vertu de son obligation de conseil.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, M. [K] demande au tribunal de :
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner la société Arbeles Transactions, Me [T] et l’office notarial 14 Pyramides Notaires à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– écarter l’exécution provisoire ;
– condamner Mme [Y] à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

M. [K] expose que Mme [Y] avait connaissance de l’état de l’immeuble et de l’appartement avant la signature de l’acte le 11 juin 2018, ainsi qu’en témoignent les documents communiqués, notamment le carnet d’entretien, auquel l’audit du cabinet Opus Architecture n’aurait rien apporté.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la valeur du bien aurait été diminuée du fait de son état, M. [K] soutient qu’il est impossible, au regard des estimations produites, de connaître la part de la perte de valeur liée à la conjoncture et la part imputable aux désordres. Il ajoute que Mme [Y] avait connaissance des travaux qui allaient être entrepris dans l’immeuble, de telle sorte qu’elle est mal fondée à réclamer des dommages et intérêts correspondant au montant de sa quote-part des travaux votés par la copropriété et rendus nécessaires par le rapport d’audit du cabinet Opus Architecture de février 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, la société Arbeles Transactions demande au tribunal de :
– in limine litis, enjoindre à Mme [Y] de produire la totalité des annexes à l’acte de vente du 11 juin 2021 ;
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner M. [K] à garantir la société Arbeles de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant du préjudice de jouissance à la somme de 1 300 euros ;
– condamner les parties succombantes à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société Arbeles Transactions expose qu’elle n’a pas commis de faute dès lors qu’elle a communiqué à Mme [Y] le carnet d’entretien de l’immeuble qui fait référence en plusieurs points à l’état général de l’immeuble et qu’en tout état de cause, Mme [Y] a reconnu elle-même, dans sa correspondance avec l’agence, qu’elle était informée des dégâts de l’immeuble. L’agence immobilière soutient qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que le rapport d’audit du cabinet Opus Architecture aurait été un élément déterminant dans sa volonté de conclure ou non l’acte de vente. Enfin, s’agissant des caves, la société Arbeles Transaction fait valoir que Mme [Y] était parfaitement informée de ce que des mesures urgentes devaient être prises sur l’immeuble à tout moment compte tenu de son état alarmant, et des risques sur sa structure, de telle sorte que le défaut d’information relatif à l’intervention en urgence dans le sous-sol de l’immeuble suite à l’affaissement du plancher ne revêt pas de caractère déterminant susceptible d’engager la responsabilité de l’agence immobilière.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2024, l’étude notariale 14 Pyramides Notaires et Me [T] demandent au tribunal de :
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– débouter M. [K] de son appel en garantie ;

– à titre subsidiaire, condamner M. [K] à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
– rejeter l’exécution provisoire ;
– condamner Mme [Y] à payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [Y] aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Les notaires exposent que Me [T] n’a pas commis de faute dès lors qu’il n’a pas été informé des désordres d’ampleur affectant l’immeuble ; qu’il n’a pas été porté destinataire du rapport d’audit du cabinet Opus Architecture, qui, au demeurant, n’apporte aucun élément nouveau autre que ceux déjà connus de l’acquéreuse ; qu’il lui était impossible de constater l’existence des désordres sans se déplacer sur les lieux, ce qu’il n’était pas tenu de faire ; que Mme [Y] disposait de renseignements précis sur l’état de l’immeuble avant la vente ; que seule la responsabilité de M. [K] peut être recherchée pour avoir tu les défauts structurels de l’immeuble ; qu’en tout état de cause, la cause du préjudice allégué se trouve dans le compromis de vente et non dans l’acte authentique, de telle sorte que le lien de causalité n’est pas caractérisé ; qu’enfin, Mme [Y] ne justifie pas d’un préjudice certain relatif à la perte de valeur, et ne rapporte pas la preuve du bien-fondé des autres postes allégués.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2024.

L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 30 septembre 2024, où elle a été appelée.

Sur quoi elle a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 afin qu’y soit rendue la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur les demandes de Mme [Y]

A. Sur la garantie des vices cachés

L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Il résulte de la combinaison des articles 1644 et 1645 du même code que l’acquéreur a la choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix (action rédhibitoire), ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire) ; que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur, une telle action indemnitaire pouvant être exercée cumulativement avec l’action rédhibitoire ou estimatoire, ou de manière autonome.

Mais, conformément à l’article 1643 du même code, le vendeur peut stipuler qu’il ne sera obligé à aucune garantie – quelle que soit l’action exercée -, pour les vices cachés dont il n’avait pas connaissance.

En l’espèce, il est justifié – et au demeurant non contesté – que Mme [Y] a découvert, à la suite de la démolition du faux-plafond, la dégradation avancée du plancher supérieur, la forte corrosion des poutres ainsi que l’écroulement d’une partie du plâtre entre les poutrelles et les poutres.

Il n’est pas contestable, à l’appui des pièces, que cet état de délabrement avancé est constitutif d’un vice affectant l’usage normal du bien, et qui, compte tenu de la chronologie de la procédure et de l’état général de l’immeuble, existait au moment de la vente.

Le caractère caché doit se déduire des circonstances de sa découverte, à savoir la démolition d’un faux-plafond. Le fait, pour Mme [Y], d’avoir eu connaissance, au moyen notamment du carnet d’entretien de l’immeuble, de l’état général de vétusté de l’immeuble ne peut suffire à considérer que le vice en question, précis dans sa localisation et sa matérialité, était apparent.

Contrairement à ce qui est soutenu par Mme [Y], il n’est pas exact que M. [K] avait connaissance du vice affectant le bien vendu. En effet, le fait que ce dernier ait eu communication du rapport d’audit du cabinet Opus Architectures n’emporte pas pour lui connaissance du vice litigieux dès lors que ce document ne fait pas état de l’état spécifique de l’appartement de M. [K], mais traite de la situation – vétuste et inquiétante – des façades, des caves, des combles et de la cage d’escalier.

M. [K] ne se prévaut d’aucune clause d’exclusion de garantie de vice caché et le tribunal n’en a pas trouvé dans l’acte de vente.

Il s’ensuit que la garantie des vices cachés est mobilisable et que la responsabilité de M. [K] est ainsi engagée.

B. Sur le manquement à l’obligation d’information

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, il sera rappelé que le vice affectant l’immeuble – qui ne se confond pas avec l’état général de l’immeuble – était caché au moment de la vente et inconnu du vendeur.

Le tribunal note que la faute reprochée à l’agence immobilière et au notaire se rapporte au défaut d’information de l’état général de l’immeuble et à l’absence de communication du rapport d’audit du cabinet Opus Architectures – et non au vice caché pour lequel la responsabilité de M. [K] est retenue.

Il ressort du carnet d’entretien, communiqué à Mme [Y] le 5 février 2021, soit antérieurement à la signature du compromis de vente, qu’à plusieurs reprises, sont évoqués l’état général de l’immeuble et les dégâts des eaux qui l’ont affecté. Notamment, le tribunal note que :
– en page 23, sont répertoriés cinq dégâts des eaux survenus entre 2016 et 2018 ;

– en page 69, il est écrit que « suite à des dégâts des eaux à répétition, suite aux problèmes constants d’humidité dans les appartements et à l’insalubrité croissante de l’immeuble […], le conseil syndical a demandé au syndic de procéder à un audit de l’immeuble. Celui-ci (document joint) fait apparaître un état de l’immeuble préoccupant dans sa structure même ».
– sont évoquées, en pages 80, 200, 206 et 325, des infiltrations ou des « pathologies soutenues » affectant l’immeuble justifiant l’audit et l’appel à un architecte.

Le tribunal relève également que l’agence immobilière a produit à Mme [Y] un courrier de l’ancienne propriétaire relatif à un dégât des eaux survenu en 2018.

Mme [Y] ne peut valablement alléguer ne pas avoir eu connaissance de l’état général de l’immeuble dès lors qu’il résulte d’un de ses propres courriels envoyés à l’agence immobilière qu’elle a pris connaissance des « dégâts des eaux dans l’immeuble […], répertoriés en page 23 du carnet d’entretien, ainsi que mentionnés à nouveau en de très nombreux endroits dans la section des courriers relatifs aux parties communes », ce qui témoigne de ce que la demanderesse a su prendre en main ce document et y trouver les informations relatives à l’état général de l’immeuble.

De la même façon, il s’infère des pièces précitées que Mme [Y] avait en réalité connaissance de l’état de vétusté générale de l’immeuble et de la survenance de multiples dégâts des eaux, indépendamment de la communication du rapport d’audit du cabinet Opus Architectures. Il ne peut donc être valablement reproché à l’agence immobilière ou au notaire de n’avoir pas attiré l’attention de Mme [Y] sur l’état alarmant de l’immeuble.

Il est constant que Mme [Y] n’a pas eu en sa possession, avant la vente, le rapport d’audit du cabinet Opus Architectures, alors même que l’agence immobilière ou le notaire avaient connaissance dudit rapport sans pour autant chercher à l’obtenir.

L’omission de communication du rapport d’audit, fût-elle constitutive d’une faute, n’entretient pas de lien de causalité avec les préjudices allégués dès lors que les pièces à disposition de Mme [Y] au moment de la signature de la vente fournissaient des renseignements suffisants sur l’état vétuste de l’immeuble (y compris l’état des caves, sur lequel Mme [Y] reconnaît avoir été informée quelques jours avant la vente), sans pour autant la dissuader d’acquérir le bien litigieux au prix convenu.

Au surplus, le préjudice né d’un manquement à l’obligation d’information ne peut consister qu’en une perte de chance, non alléguée en l’espèce.

Partant, la responsabilité de la société Arbeles Transactions, de Maître [T] et de l’étude notariale 14 Pyramides Notaires n’est pas engagée.

C. Sur la réduction du prix

Il sera rappelé qu’il a été démontré supra que M. [K] était de bonne foi en ce qu’il n’avait pas connaissance du vice, de telle sorte que seule l’action estimatoire en raison du vice caché (et non de l’état général de l’immeuble) de Mme [Y] est susceptible de prospérer, à l’exclusion de ses autres demandes.

Mme [Y] produit deux estimations actualisées de son bien, l’une proposant le prix de 155 000 euros (fourchette haute), l’autre 140 000 euros (fourchette basse).

Il sera retenu l’estimation la plus haute pour le calcul de la réduction du prix.

Ainsi, M. [K] sera condamné à payer à Mme [Y] la somme de :
183 000 – 155 000 = 28 000 euros.

II. Sur les mesures de fin de jugement

A. Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge de l’autre partie.

M. [K] sera condamné aux dépens.

B. Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

L’équité commande de débouter chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

C. Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,

Condamne M. [K] à payer à Mme [Y] la somme de 28 000 euros au titre de la réduction du prix ;

Déboute Mme [Y] de ses autres demandes ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

Déboute chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle l’exécution provisoire du jugement.

La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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