L’Essentiel : Les époux [G]-[Y] ont acquis un appartement en 2005, mais ont rapidement rencontré des problèmes de chauffage, signalés au syndic en 2013. Après un sinistre déclaré à leur assureur Axa France Iard en 2015, qui a refusé de les indemniser, ils ont demandé une expertise judiciaire. Le rapport d’expertise, déposé en 2020, a conduit à des assignations entre les parties. Le tribunal a finalement débouté les époux, estimant qu’ils n’avaient pas prouvé que les désordres rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, tout en condamnant Axa aux dépens et à verser des sommes aux époux.
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Acquisition de l’appartementLes époux [G]-[Y] ont acquis un appartement et une place de stationnement en l’état futur d’achèvement le 27 décembre 2005, auprès de la société Arc Promotion II. La réception des travaux a eu lieu le 16 juillet 2007 pour plusieurs bâtiments, et la livraison de leur bien a été effectuée le 30 juillet 2007. Problèmes de chauffageLes époux [G]-[Y] ont signalé des problèmes d’insuffisance de chauffage dans leur appartement, en particulier dans les chambres. Ils ont informé le syndic en septembre 2013 et ont déclaré un sinistre à leur assureur, Axa France Iard, le 1er mars 2015, qui a refusé de garantir leur demande. Demande d’expertiseEn réponse à leur situation, les époux [G]-[Y] ont demandé une expertise en référé, impliquant plusieurs sociétés, dont l’architecte et les entreprises de construction. Le tribunal a ordonné une expertise, qui a été rendue commune à plusieurs parties au fil des années. Rapport d’expertise et assignationsLe rapport d’expertise a été déposé le 7 novembre 2020. Les époux [G]-[Y] ont assigné Axa France Iard pour obtenir une indemnisation, tandis qu’Axa a ensuite assigné plusieurs autres parties en appel en garantie. Les affaires ont été jointes à plusieurs reprises. Décisions judiciairesLe juge a déclaré irrecevables certaines demandes d’Axa France Iard et a condamné la société BDR Thermea Group à verser une somme aux époux [G]-[Y]. Les époux ont continué à demander des indemnités pour préjudice de jouissance et frais d’expertise. Arguments des partiesLes époux [G]-[Y] ont soutenu que les problèmes de chauffage rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, tandis qu’Axa France Iard et Arc Promotion II ont contesté la nature des désordres, arguant qu’ils relevaient de la garantie biennale et non de la garantie décennale. Conclusion du tribunalLe tribunal a conclu que les époux [G]-[Y] n’avaient pas prouvé que les désordres rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, déboutant ainsi leurs demandes. Axa France Iard a été condamnée aux dépens et à verser des sommes aux époux et à la société Cadot Beauplet. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature des désordres et leur qualification juridique ?Les désordres allégués par les époux [G]-[Y] concernent principalement l’insuffisance de la distribution du chauffage dans leur appartement, ce qui, selon eux, rend l’ouvrage impropre à sa destination. Selon l’article 1792 du Code civil, « le constructeur est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages causés par des désordres affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ». De plus, l’article 1792-1 précise que « sont réputés constructeurs de l’ouvrage, le vendeur d’immeuble à construire, ainsi que tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ». Dans cette affaire, le tribunal a constaté que les problèmes de chauffage provenaient d’un défaut de la vanne de départ du chauffage, ce qui a été corroboré par le rapport d’expertise. Il a également été noté que les températures mesurées dans l’appartement ne caractérisaient pas une impropriété à destination, les relevés indiquant des températures comprises entre 16 et 21°C, ce qui est considéré comme acceptable pour un logement. Ainsi, les époux [G]-[Y] n’ont pas réussi à prouver que les désordres rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, ce qui a conduit à leur déboutement. Quelles sont les implications des garanties décennales et biennales dans ce litige ?Les garanties décennales et biennales sont des protections juridiques importantes pour les maîtres d’ouvrage. L’article 1792-3 du Code civil stipule que « le constructeur est tenu de garantir le bon fonctionnement des éléments d’équipement de l’ouvrage pendant une durée de deux ans à compter de la réception ». En revanche, l’article 1792-2 précise que « la garantie décennale couvre les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination ». Dans le cas présent, les époux [G]-[Y] ont tenté de faire valoir la garantie décennale en raison des désordres affectant le chauffage. Cependant, le tribunal a conclu que les désordres n’étaient pas de nature décennale, car ils ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage ni ne rendaient celui-ci impropre à sa destination. Le tribunal a également noté que les désordres étaient apparents et n’avaient pas été signalés dans le délai de deux ans, ce qui aurait pu les soumettre à la garantie biennale. Ainsi, les demandes des époux [G]-[Y] fondées sur ces garanties ont été rejetées. Comment les exclusions de garantie de l’assureur Axa France Iard ont-elles été justifiées ?La société Axa France Iard a opposé des exclusions de garantie en raison de la nature du préjudice immatériel allégué par les époux [G]-[Y]. L’article L. 121-1 du Code des assurances précise que « l’assureur est tenu de garantir l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il peut encourir ». Cependant, les conditions générales de l’assurance peuvent prévoir des exclusions spécifiques. Axa a soutenu que les conditions générales de la police d’assurance ne couvraient pas le préjudice immatériel, à moins qu’il ne corresponde à la définition précise dans les conditions générales. Le tribunal a noté que les conditions générales n’avaient pas été signées par l’assuré, ce qui a soulevé des questions sur leur opposabilité. Cependant, Axa a également fait valoir que les conditions particulières, qui étaient signées, renvoyaient aux conditions générales, ce qui lui permettait d’opposer les exclusions de garantie. En conséquence, le tribunal a considéré que les exclusions de garantie étaient valables, ce qui a conduit à un rejet des demandes d’indemnisation des époux [G]-[Y]. Quelles sont les conséquences des décisions de justice sur les dépens et les frais irrépétibles ?Les dépens et les frais irrépétibles sont régis par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile. L’article 696 stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens », tandis que l’article 700 permet au tribunal d’allouer une somme à la partie gagnante pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Dans cette affaire, le tribunal a condamné la société Axa France Iard aux dépens, y compris les frais d’expertise, pour un montant total de 13 768 euros TTC. De plus, en application de l’article 700, Axa a été condamnée à verser 3 000 euros aux époux [G]-[Y] pour couvrir leurs frais, ainsi qu’à payer 1 000 euros à la société Cadot Beauplet. Ces décisions visent à compenser les frais engagés par les parties dans le cadre du litige, en tenant compte de la situation économique des parties et de la complexité de l’affaire. Ainsi, les conséquences financières de la décision de justice ont été significatives pour Axa, qui a été tenue de couvrir les frais liés à la procédure. |
COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
AFFAIRE N° RG 21/09012 – N° Portalis DB3S-W-B7F-VSZZ
N° de MINUTE : 24/00686
Chambre 6/Section 3
JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024
Monsieur [M] [G] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 22]
Madame [X] [L] épouse [G] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 22]
Ayant tous pour Avocat :
Me Christophe GUIBLAIS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 12
DEMANDEURS
C/
La S.A. AXA FRANCE IARD es qualité d’assureur “Dommages Ouvrage”et assureur “CNR”de la société ARC PROMOTION II
[Adresse 8]
[Localité 18]
représentée par Maître Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON, Société d’Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C0675
La société CADOT BEAUPLET
[Adresse 12]
[Localité 20]
représentée par Me Jean-Denis GALDOS DEL CARPIO, SELARL GALDOS & BELLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R056
La société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES-BARTH
[Adresse 24]
[Adresse 24]
[Localité 11]
représentée par Me Laurent CRAPART, AARPI NORTH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0338
La COMPAGNIE ALLIANZ es qualite d’assureur de la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES-BARTH
[Adresse 2]
[Localité 17]
représentée par Me Jean-Marc ZANATI, SELAS COMOLET- ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0435
La société OUEST DEPANNAGE
[Adresse 1]
[Localité 16]
représentée par Me Bruno PHILIPPON, la SCP d’Avocats BOUSSAGEON- GUITARD-PHILIPPON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0055
La Compagnie d’assurance GENERALI ès qualites d’assureur de la société CPE MAINTENANCE
[Adresse 5]
[Localité 14]
représentée par Me Jean-Baptiste PAYET GODEL, la SCP PREEL HECQUET PAYET-GODEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R282
La société EUROMAF ( MAF) es qualite d’assureur de la société BATIPLUS
[Adresse 4]
[Localité 15]
représentée par Me Chantal MALARDE, SELAS d’Avocats LARRIEU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J073
La société BDR THERMEA GROUP (la société CHAPPÉE
[Adresse 10]
[Localité 13]
représentée par Me Pierre CUSSAC, la SELAS CUSSAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C0544
La société ARC PROMOTION II représentée par son gérant la SAS GROUPE ARC
[Adresse 3]
[Localité 9]
représentée par Me Emmanuelle SOLAL, SOLAL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R171
La société BATIPLUS
[Adresse 6]
[Localité 19]
non comparante
La société CPE MAINTENANCE
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 21]
non comparante
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge
Assistés aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier
DEBATS
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 30 Septembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, greffier.
Monsieur François DEROUAULT a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
Il a rédigé le jugement rendu.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.
JUGEMENT
La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice- Présidente, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
Suivant acte authentique du 27 décembre 2005, les époux [G]-[Y] ont acquis en l’état futur d’achèvement un appartement et une place de stationnement au sein du bâtiment B d’un immeuble sis [Adresse 7] à [Localité 22] (Seine-Saint-Denis) auprès de la société Arc Promotion II.
La société Arc Promotion II a souscrit une assurance dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la société Axa France Iard.
La réception des travaux est intervenue le 16 juillet 2007 pour les bâtiments B, C et D et le 26 septembre 2007 pour les bâtiments A, E et F.
La livraison de leur bien aux époux [G]-[Y] est intervenue le 30 juillet 2007.
Les époux [G]-[Y] se sont plaints de l’insuffisance de la distribution du chauffage au gaz dans les chambres de leur appartement.
Ils ont signalé le désordre au syndic le cabinet Cadot Beauplet en septembre 2013 et ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Axa France Iard le 1er mars 2015, qui leur a opposé un refus de garantie.
Les époux [G]-[Y] ont sollicité en référé une expertise au contradictoire de la société Arc Promotion, laquelle a mis dans la cause les sociétés suivantes :
– la société Cenci & Jacquot, architecte ;
– la société Eiffage Energie Systèmes-Barth, titulaire du lot VMC plomberie chauffage ;
– la société Batiplus, contrôleur technique ;
– la MAF en qualité d’assureur de la société Cenci & Jacquot ;
– la société Allianz Iard en qualité d’assureur de la société Batiplus ;
– la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur.
Suivant ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 octobre 2017, il a été fait droit à cette demande d’expertise et M. [S] a été désigné afin d’y procéder.
Suivant ordonnance de référé du 16 mai 2018, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la société Chappée – devenue depuis la société Thermea France –, fabriquant de la chaudière.
Suivant ordonnance de référé du 14 juin 2019, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la société Ouest Dépannage – première société de maintenance de 2007 au 10 novembre 2011 –, la société CPE Maintenance – deuxième société de maintenance du 10 novembre 2011 au 31 décembre 2016 – et la société Nordtherm – actuelle société de maintenance.
Suivant ordonnance de référé du 6 janvier 2020, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la société Generali, assureur de la société CPE Maintenance, et à la SMABTP, assureur de la société Nordtherm.
Suivant ordonnance de référé du 24 janvier 2020, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la société Cabinets Provinciaux d’Erget et à la société Cadot Beauplet.
Le rapport d’expertise a été déposé le 7 novembre 2020.
Par acte d’huissier en date du 9 septembre 2021, les époux [G] [Y] ont fait assigner la société Axa France Iard devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’indemnisation de leur préjudice.
Par actes d’huissier en date des 2 et 3 décembre 2021, la société Axa France Iard a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Bobigny la société Chappée (BDR Thermea Group), la société Cadot Beauplet, la société Eiffage Energie Systèmes-Barth et son assureur la compagnie Allianz, la société Ouest Dépannage, la société CPE Maintenance, la compagnie Generali, la société Batiplus, la société Euromaf aux fins d’appel en garantie.
Les affaires ont été jointes le 1er février 2022.
Par acte d’huissier en date du 29 juin 2022, les époux [G] [Y] ont fait assigner la société Arc Promotion II aux fins d’indemnisation de leur préjudice.
Les affaires ont été jointes le 13 octobre 2022.
Par ordonnance du 13 février 2023, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes des sociétés Axa France Iard, Ouest Dépannage, Euromaf, Eiffage Energie Systèmes Barth et Arc Promotion II à l’encontre de la société BDR Thermea Group en raison d’une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt.
Par ordonnance du 15 janvier 2024, le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société BDR Thermea Group tirée du défaut d’intérêt à agir des époux [G]-[Y] ;
– déclaré irrecevables les demandes de la société Allianz contre la société BDR Thermea Group du fait d’un défaut d’intérêt à agir ;
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société BDR Thermea Group tirée du défaut d’intérêt à agir de la société Generali ;
– dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité des demandes de la société Arc Promotion II ;
– condamné la société BDR Thermea Group à payer aux époux [G]-[Y] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2023, les époux [G]-[Y] demandent au tribunal de :
– condamner in solidum la société Arc Promotion II, la société Axa France Iard et toutes parties succombantes à payer les sommes suivantes :
– 83 108,84 € au titre de leur préjudice de jouissance ;
– 3 076,31 € au titre des frais avancés durant l’expertise ;
– assortir lesdites sommes de l’intérêt au taux légal à compter du jugement ;
– condamner in solidum la société Arc Promotion II, la société Axa France Iard et toutes parties succombantes à payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement ;
– condamner in solidum la société Arc Promotion II, la société Axa France Iard et toutes parties succombantes aux dépens, en ce compris les frais de référé et d’expertise arrêtés à la somme de 13 768 euros TTC.
Se fondant sur les articles 1792 et 1792-1 du code civil, les époux [G]-[Y] exposent que les températures anormalement basses relevées dans l’appartement, et plus particulièrement les chambres, rendent l’ouvrage impropre à sa destination dès lors que les températures atteintes au maximum ne peuvent assurer un confort de vie au quotidien ; que les vices d’une installation de chauffage empêchant l’obtention d’une température suffisante ou une température réglementaire dans chaque pièce à vivre sont des désordres de nature décennale ; que les tuyauteries du circuit de chauffage sont situées dans le plancher béton de l’appartement, de telle sorte que l’installation de chauffage qui comprend la chaudière et les tuyauteries coulées dans le béton ne peut pas être qualifiée d’élément d’équipement dissociable relevant de l’article 1792-3 du code civil ; que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
Les demandeurs soutiennent également que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir des exclusions de garantie relatives au préjudice immatériel dès lors que les conditions générales ne sont pas signées et que les conditions particulières ne précisent pas qu’un exemplaire des conditions générales – non daté – a été remis à son assurée la société Arc Promotion II.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2024, la société Arc Promotion II demande au tribunal de :
– dire irrecevables les époux [G]-[Y] à agir sur le fondement des garanties légales visées aux articles 1792 et 1792-3 du code civil ;
– les débouter de leurs demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum les sociétés Eiffage Energie Systèmes Barth et son assureur la société Allianz, Batiplus et son assureur Euromaf, Ouest Dépannage, CPE Maintenance et son assureur la société Generali, le syndic Cadot Beauplet, la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage et assureur constructeur non réalisateur à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner tout défaillant à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
La société Arc Promotion II soutient que l’impropriété à destination n’a pas été retenue par l’expert et que les désordres relèvent de la garantie biennale de bon fonctionnement. Elle fait remarquer au besoin que le rapport d’expertise est opposable à la société Ouest Dépannage – qui prétend le contraire – dès lors que celle-ci a été attraite aux opérations d’expertise à la suite de l’ordonnance du 14 juin 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2024, la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur demande au tribunal de :
– débouter les demandeurs de leurs prétentions ;
– à titre subsidiaire, condamner les sociétés Eiffage Energie Systèmes Barth et son assureur la société Allianz, Batiplus et son assureur Euromaf, Ouest Dépannage, CPE Maintenance et son assureur la société Generali à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner tous les succombants à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Axa France Iard fait valoir que la demande au préjudice de jouissance est insusceptible de prospérer dès lors que les polices dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur ne couvrent le préjudice immatériel qu’à la condition que ce dernier corresponde à la définition visée dans les conditions générales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le préjudice immatériel ne pouvant être assimilé à un préjudice pécuniaire.
La société Axa France Iard fait observer que les dispositions du code des assurances n’imposent aucunement, au titre des mentions obligatoires du contrat d’assurance, la signature des conditions générales ; que l’exemplaire des conditions particulières est signé et qu’il opère un renvoi vers les conditions générales, référencées et identifiables, de telle sorte qu’elle est bien fondée à opposer aux [G]-[Y] les limites des risques couverts, les différentes exclusions et les franchises applicables.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, la société Eiffage Energie Systèmes Barth demande au tribunal de :
– débouter les parties de leurs demandes contre elle ;
– à titre subsidiaire, limiter toute condamnation au titre du préjudice de jouissance à la somme de 6 976,06 euros ;
– à titre subsidiaire, condamner les sociétés Batiplus et son assureur Euromaf, Ouest Dépannage, CPE Maintenance et son assureur la société Generali, le syndic Cadot Beauplet, la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage et assureur constructeur non réalisateur à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– écarter l’exécution provisoire ;
– condamner tous les succombants à payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– réserver les dépens.
La société Eiffage Energie Systèmes Barth fait valoir que le désordre allégué n’est pas de nature décennale ; qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que la casse de la poignée de vanne sous la chaudière – à l’origine du désordre – ait eu lieu à l’occasion de la mise en service de la chaudière, et ce d’autant moins que les époux [G] [Y] ont signalé le désordre en 2013 après être entrés dans les lieux en 2007, de telle sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, la société Allianz en qualité d’assureur de la société Eiffage Energie Systèmes Barth demande au tribunal de :
– débouter les époux [G]-[Y] de leurs demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la société Batiplus et son assureur la société Euromaf, la société Ouest Dépannage, la société CPE Maintenance et son assureur Generali, et la société Cadot Beauplet à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– dire et juger qu’elle est fondée à opposer le montant de la franchise contractuelle prévue au contrat applicable à l’ensemble des garanties ;
– condamner la société Axa France Iard ou tout succombant à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Axa France Iard aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Allianz expose que la mobilisation de la garantie décennale est mal fondée et que la preuve de l’imputabilité des désordres allégués aux travaux confiés à son assurée n’est pas rapportée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2023, la société Ouest Dépannage demande au tribunal de :
– lui déclarer inopposable le rapport d’expertise ;
– débouter toute partie de ses demandes contre elle ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la société Eiffage Energie Systèmes Barth et son assureur la société Allianz, et la société Batiplus et son assureur la société Euromaf à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner la société Axa France Iard ou tout défaillant à payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
La société Ouest Dépannage indique n’avoir pas souvenir d’avoir été partie aux opérations d’expertise, de telle sorte que le rapport d’expertise doit lui être déclaré inopposable. Elle ajoute par ailleurs qu’ayant achevé son intervention sur le chantier 2011, elle ne peut être tenue pour responsable des désordres dont les demandeurs ne se sont plaints qu’en 2013.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2024, la société Generali en qualité d’assureur de la société CPE Maintenance demande au tribunal de :
– rejeter tout appel en garantie contre elle ;
– à titre subsidiaire, condamner les sociétés Chappée, Eiffage Energie Systèmes Barth et son assureur Allianz, Batiplus et son assureur Euromaf, Ouest Dépannage, Cadot Beauplet à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner in solidum tous les succombants à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Generali fait valoir que son assurée la société CPE Maintenance n’a été en charge de la maintenance de la chaudière qu’à compter du mois de novembre 2011 et jusqu’au 31 décembre 2016 ; qu’elle n’a pas commis de faute et qu’à supposer établie une faute, aucun des désordres apparus après le 31 décembre 2016 ne pourrait lui être imputé.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2024, la société Euromaf en qualité d’assureur de la société Batiplus demande au tribunal de :
– rejeter les demandes de condamnation solidaire adressées contre elle ;
– rejeter l’exécution provisoire ;
– à titre subsidiaire, condamner la société Cadot Beauplet, la société Ouest Dépannage, la société CPE Maintenance et son assureur Generali, la société Eiffage Energie Systèmes Barth et son assureur Allianz à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– dire qu’elle est bien fondée à opposer les limites de sa police ;
– condamner les demandeurs ou tout succombant à payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Euromaf fait valoir que le désordre n’est pas décennal et que la faute de son assurée la société Batiplus n’est pas démontrée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, la société BDR Thermea Group demande au tribunal de constater qu’aucune des parties ne formule de demande contre elle.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, la société Cadot Beauplet demande au tribunal de :
– débouter les parties défenderesses de leurs demandes en garantie ;
– condamner les succombants à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2024.
L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 30 septembre 2024, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 afin qu’y soit rendue la présente décision.
I. Sur la nature du désordre
Il appartient à celui qui se prévaut de désordres survenus à l’occasion de travaux d’en établir la matérialité, conformément à l’article 9 du code de procédure civile.
Les responsabilités encourues par les intervenants à l’acte de construire au titre de ces désordres pouvant, selon leur nature, relever de garanties d’ordre public, exclusives du droit commun de la responsabilité civile, il importe également de les qualifier.
Ainsi, les désordres cachés au jour de la réception – qui incluent les désordres ayant fait l’objet d’une réserve à réception, mais qui ne se sont révélés que par la suite dans leur ampleur et leurs conséquences – peuvent relever :
de la garantie décennale prévue par les articles 1792 et 1792-2 du code civil, laquelle couvre, d’une part, les dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, et, d’autre part, les dommages affectant la solidité des éléments d’équipement de l’ouvrage faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ;de la garantie biennale prévue par l’article 1792-3 du code civil, laquelle renvoie au mauvais fonctionnement, dans les deux années suivant la réception, des autres éléments d’équipement de l’ouvrage ;de la responsabilité civile de droit commun sinon.
A l’inverse, les désordres apparents au jour de la réception peuvent :
relever de la responsabilité civile de droit commun s’ils ont fait l’objet d’une réserve non levée par l’entrepreneur dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ;ne relever, en eux-mêmes, d’aucune garantie ni responsabilité s’ils n’ont fait l’objet d’aucune réserve, sauf application de la garantie prévue par l’article 1642-1 du code civil, selon lequel le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Les constructeurs concernés par des désordres relevant des garanties décennale ou biennale, et le vendeur d’immeuble à construire concerné par un désordre apparent relevant de l’article 1642-1 du code civil, engagent leur responsabilité de plein droit – autrement dit sans que soit exigée la démonstration d’une faute – à l’égard du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur, sauf s’ils établissent que les désordres proviennent d’une cause étrangère ou ne rentrent pas dans leur sphère d’intervention, étant précisé que la mission de chaque intervenant à l’acte de construire s’interprète strictement.
A ce titre, il convient de rappeler que, selon les articles 1646-1 et 1792-1 du même code, sont réputés constructeurs de l’ouvrage le vendeur d’immeuble à construire, ainsi que tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.
En l’espèce, le tribunal observe, notamment à l’appui du rapport d’expertise, que :
– les problèmes de chauffage proviennent d’un défaut de la poignée en plastique de la vanne de départ du chauffage, qui empêchait la circulation de l’eau de chauffage de se faire dans les radiateurs ;
– l’expert n’a pas, au cours des opérations d’expertise, procédé à des mesures de température dans le logement des époux [G]-[Y] ;
– le rapport d’expertise ne met pas en évidence un écart entre le thermostat sélectionné et la température effective du logement ;
– l’expert évoque, malgré les dysfonctionnements avérés du système de chauffage, le maintien d’une température correcte dans les pièces de jour et dans les chambres ;
– la seule mesure objective de température a eu lieu dans le cadre de l’expertise de l’assureur dommages-ouvrage, dont le rapport indique une température entre 16 et 17°C dans la chambre et le bureau, mais sans que cette donnée soit exploitable dès lors que n’a pas été reporté le réglage du thermostat ni la température extérieure ;
– la pièce n°13 des demandeurs intitulée « Relevés de températures de l’année 2018 » – qui consiste en un tableau, réalisé par les demandeurs, dans lequel ont été reportées les températures matin et soir des dix premiers jours de janvier 2018 dans le bureau, la chambre et le salon, avec mention du thermostat – n’est pas exploitable en ce que les résultats procèdent de mesures établies sans le concours d’un professionnel, d’un expert ou d’un huissier de justice.
Dans ces conditions, les demandeurs, qui se fondent sur la responsabilité décennale des constructeurs, échouent à démontrer que les désordres – dont la matérialité n’est pas contestée et qui ont aujourd’hui cessé – rendent l’ouvrage impropre à sa destination.
Il sera relevé qu’à supposer probante la pièce n°13, les températures relevées sont comprises entre 18,1 et 21°C dans la chambre, entre 17,7 et 19,5°C dans la chambre et entre 19 et 21,5 °C dans le salon, soit des fourchettes de températures insusceptibles de caractériser une impropriété de l’ouvrage à destination.
Partant, les époux [G]-[Y] seront déboutés de leurs demandes.
Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les appels en garantie.
II. Sur les mesures de fin de jugement
A. Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge de l’autre partie.
L’article 699 du code de procédure civile prévoit que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
En l’espèce, le tribunal entend condamner la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage aux dépens – en ce compris les frais d’expertise pour un montant de 13 768 euros TTC – pour avoir rendu les opérations d’expertise communes et opposables à d’autres parties alors même que la nature décennale des désordres n’était pas caractérisée, et ainsi avoir fait augmenter le coût de l’expertise.
Il sera autorisé l’application de l’article 699 du code de procédure civile.
B. Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société Axa France Iard, tenue aux dépens, sera condamnée à payer aux époux [G]-[Y] la somme de 3 000 euros.
Elle sera également condamnée à payer à la société Cadot Beauplet la somme de 1 000 euros.
C. Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.
Le tribunal, publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
Déboute les époux [G]-[Y] de leurs demandes ;
Condamne la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage aux dépens ;
Condamne la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage à payer aux époux [G]-[Y] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa France Iard en qualité d’assureur dommages-ouvrage à payer à la société Cadot Beauplet la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute chacune des parties de leurs autres demandes ;
Rappelle l’exécution provisoire du jugement.
La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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