Conflit de responsabilité en matière de copropriété et de conformité des installations sanitaires

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Conflit de responsabilité en matière de copropriété et de conformité des installations sanitaires

L’Essentiel : La SCI Westminster, copropriétaire d’un appartement à Paris, a subi des dégâts des eaux provenant de chambres de service. En octobre 2020, une ordonnance de référé a ordonné une expertise, révélant des installations sanitaires non conformes. En août 2023, la SCI a assigné plusieurs copropriétaires et le syndic pour demander la déconnexion des installations et des indemnités. Le tribunal a rejeté ces demandes, considérant qu’elles étaient excessives et non justifiées. Les demandes de provisions ont également été déboutées, et la SCI a été condamnée aux dépens, tandis qu’une indemnité a été accordée à un défendeur pour ses frais.

Contexte de l’affaire

La SCI Westminster est copropriétaire d’un appartement de 311 m² au 6ème étage d’un immeuble à Paris 16ème, ainsi que de deux chambres de service et deux caves. Des dégâts des eaux provenant des chambres de service ont affecté son appartement, incitant la SCI à assigner les copropriétaires, le syndicat des copropriétaires et le syndic pour ordonner une expertise.

Ordonnance de référé et expertise

Une ordonnance de référé a été rendue le 16 octobre 2020, ordonnant une expertise pour déterminer la cause des fuites d’eau. L’expert judiciaire a remis son rapport le 23 décembre 2022, établissant que les désordres provenaient de la non-conformité des installations sanitaires des chambres de service.

Demandes de la SCI Westminster

En août 2023, la SCI Westminster a de nouveau assigné plusieurs copropriétaires et le syndic, demandant la déconnexion des installations sanitaires des chambres de service, la fourniture de certificats de déconnexion, et la réalisation d’une étude de faisabilité pour des travaux de rénovation. Elle a également réclamé des indemnités pour les préjudices subis.

Réponses des défendeurs

Le syndicat des copropriétaires et la société Privilège Gestion ont demandé le déboutement de la SCI Westminster, arguant de l’irrecevabilité de ses demandes. D’autres copropriétaires ont également contesté les demandes de la SCI, certains n’ayant pas constitué avocat.

Motivations du tribunal

Le tribunal a examiné les exceptions de nullité et de non-recevoir soulevées par les défendeurs. Il a rejeté la demande de nullité de l’assignation, considérant que celle-ci était suffisamment claire. Concernant la qualité à agir, il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI Westminster à l’encontre de certains copropriétaires.

Demande de déconnexion des installations sanitaires

La demande de déconnexion des installations sanitaires a été rejetée, le tribunal estimant que la mesure était excessive et non préconisée par l’expert. La SCI Westminster n’a pas démontré l’existence d’un dommage imminent justifiant une telle intervention.

Demandes de provisions et condamnations

Les demandes de provisions formulées par la SCI Westminster à l’encontre des copropriétaires et du syndic ont été déboutées en raison de contestations sérieuses. La SCI a été condamnée aux dépens, et une indemnité a été accordée à Madame [B] [D] pour ses frais irrépétibles.

Conclusion de la décision

Le tribunal a statué en référé, rejetant les demandes de la SCI Westminster et déclarant certaines d’entre elles irrecevables. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire, avec des condamnations aux dépens et des indemnités pour les défendeurs.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’exception de nullité de l’assignation

L’article 56 du code de procédure civile stipule que l’assignation doit contenir, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit, en plus des mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice.

L’article 114 précise que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief causé par l’irrégularité, même s’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Dans le cas présent, Madame [B] [D] soutient que l’assignation est nulle en raison de l’absence d’un exposé en droit et en fait. Cependant, l’assignation de la SCI Westminster mentionne clairement le fondement textuel de ses demandes, notamment l’article 835 du code de procédure civile, et précise les griefs liés aux dégâts des eaux.

Ainsi, l’assignation est suffisamment claire et motivée pour permettre aux défendeurs d’y répondre. Par conséquent, la demande de nullité de l’assignation sera rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

L’article 122 du code de procédure civile définit une fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir.

L’article 31 du même code stipule que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. En revanche, l’article 32 précise que toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir est irrecevable.

En vertu de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice, même contre certains copropriétaires. Dans ce cas, la SCI Westminster demande à Madame [D] de justifier ses installations sanitaires, mais cette demande ne concerne pas la jouissance de son lot.

Dès lors, la demande de la SCI Westminster à l’encontre de Madame [B] [D] sera déclarée irrecevable, car seul le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir à cet égard.

Sur la demande de déconnexion de l’arrivée d’eau des chambres de service

L’article 835 du code de procédure civile permet au juge des référés de prescrire des mesures conservatoires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est défini comme la violation flagrante d’une règle de droit. Le dommage imminent, quant à lui, nécessite une illicéité ou, à tout le moins, une potentielle illicéité due à l’urgence.

Dans cette affaire, l’expert judiciaire a conclu que les désordres dans l’appartement de la SCI Westminster proviennent de la non-conformité des installations sanitaires des chambres de service. Cependant, la demanderesse ne démontre pas que le préjudice est certain et imminent.

Ainsi, la demande de déconnexion des installations sanitaires sera rejetée, car elle n’est pas justifiée par les éléments présentés.

Sur les demandes de provisions

L’article 835 du code de procédure civile stipule que le juge peut accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

La provision doit être fondée sur une obligation non sérieusement contestable et peut être accordée pour des obligations contractuelles, quasi-délictuelles ou délictuelles.

Dans ce cas, la SCI Westminster demande des provisions à l’encontre de plusieurs copropriétaires, mais la solidarité ne se présume pas. De plus, les contestations sérieuses concernant la responsabilité des sinistres rendent ces demandes de provisions irrecevables.

Par conséquent, la SCI Westminster sera déboutée de ses demandes de provisions à l’encontre des copropriétaires et du syndic.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

La SCI Westminster, ayant perdu son affaire, sera donc condamnée à payer les dépens. En ce qui concerne les demandes des défendeurs au titre de l’article 700, l’équité commande de les rejeter, sauf pour Madame [B] [D], qui recevra une indemnité de 1 500 € pour ses frais irrépétibles.

Ainsi, la décision finale sera de rejeter les demandes de la SCI Westminster et de la condamner aux dépens, tout en allouant une indemnité à Madame [B] [D].

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/56540 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2RY3

N° : 14

Assignation du :
24, 25 et 29 Août 2023

[1]

[1] 7 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 novembre 2024

par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La S.C.I. WESTMINSTER
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentée par Me Marie-hélène ISERN-REAL, avocat au barreau de PARIS – #D0994

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la SARL Privilège Gestion
[Adresse 5]
[Localité 11]

représentée par Maître Joseph PANGALLO de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #L0281

La S.A.R.L. PRIVILEGE GESTION
[Adresse 8]
[Localité 11]

représentée par Me Marie-odile PEROT-CANNAROZZO, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE – #PC205

Monsieur [Z] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]

non constitué

Monsieur [F] [V]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Me Anais GUYOT, , avocat au barreau de PARIS – #J0042 (cabinet BARBIER)

La S.C.I. FLANDRIN (M. [W] [I])
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Me Inès AKIKA, avocat au barreau de PARIS – #D0005

Madame [A] [H]-[P]
[Adresse 2]
[Localité 1]

non constituée

Monsieur [X] [N]
[Adresse 7]
[Localité 1]

non constitué

Madame [E] [O]
[Adresse 7]
[Localité 1]

non constituée

Madame [T] [S]
chez le cabinet LARGIER GESTION
[Adresse 6]
[Localité 10]

représentée par Me Marie-astrid DUMAIS, avocat au barreau de PARIS – #B0101

Madame [B] [D]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Arthur ANQUETIL de l’AARPI ANQUETIL ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #D0156

Monsieur [K] [M]
[Adresse 3]
[Localité 9]

non constitué

DÉBATS

A l’audience du 28 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Westminster est copropriétaire, dans un immeuble situé [Adresse 2] à Paris 16ème, d’un appartement de 311 m2 au 6ème étage (lot 26), de deux chambres de service (n°4 et 5) au 7ème étage, et de deux caves (n°1 et 12).

Le 7ème étage de cet immeuble est composé de 20 chambres de services numérotées de 1 à 20.

Se prévalant de dégâts des eaux provenant des chambres de service et affectant son appartement du 6éme étage, la SCI Westminster a, par acte du 27 août 2020, fait assigner les copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 2], le syndicat des copropriétaires, et son syndic, aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance de référé du 16 octobre 2020, une expertise a été ordonnée aux fins notamment de déterminer la cause des fuites d’eau, et Monsieur [U] [R] a été désigné en qualité d’expert.

L’expert judiciaire a déposé son rapport d’expertise le 23 décembre 2022.

Par actes des 24, 25, et 29 août 2023, la SCI Westminster a fait assigner les copropriétaires : Monsieur [Z] [L], Monsieur [F] [V], Madame [A] [H] épouse [P], Monsieur [X] [N], Madame [E] [O], Madame [T] [S], Madame [B] [D], Monsieur [K] [M], la SCI Flandrin, et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], et son syndic la société Privilège Gestion devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés, aux fins de voir notamment ordonner la déconnexion de toutes les installations sanitaires par coupure de l’arrivée d’eau des chambres 1,2, et 6 à 19 au 7ème étage de l’immeuble sis [Adresse 2].

Seule une partie des défendeurs a accepté d’entrer en médiation qui n’a pu se poursuivre et aboutir à un accord.

Le 13 mars 2024, une réouverture des débats a été ordonnée.

Par conclusions déposées à l’audience du 28 octobre 2024 et soutenues oralement par son conseil, la SCI Westminster demande au juge des référés de :

– ordonner la déconnexion de toutes les installations sanitaires par coupure de l’arrivée d’eau des chambres 1,2, et 6 à 19 au 7ème étage de l’immeuble sis [Adresse 2] [Localité 1] dans l’attente de la réalisation des travaux de rénovation totale des chambres et équipements sanitaires du 7ème étage et ce dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance de référé,
– enjoindre à la SCI Flandrin et [T] [S], [F] [V], [Z] [L], [A] [H]-[P], [X] [N], [E] [O], [K] [M], de lui fournir et au syndicat des copropriétaires dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, et sous astreinte de 200 € par jour de retard, le certificat d’un professionnel attestant de la déconnexion de leurs chambres respectives du 7ème étage par coupe de l’arrivée d’eau,
– enjoindre à Madame [D] de justifier auprès de la demanderesse dans le mois à compter de la signification de l’ordonnance, et sous astreinte de 50 € par jour de retard, de ses demandes officielles d’autorisation pour ses installations sanitaires dans la chambre 20, d’une part auprès du syndic sous forme de mise à l’ordre du jour de la prochaine assemblée de copropriété et d’autre part auprès de la direction de l’habitat de la ville de [Localité 13],
– enjoindre le syndicat des copropriétaires de charger, dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à venir, l’architecte de l’immeuble ou tout bureau d’études spécialisé de son choix d’établir un rapport détaillé et chiffré de faisabilité des travaux de rénovation des équipements sanitaires avec suppression des anciennes installations non conformes pour les chambres 1 à 3 et 6 à 19 du 7ème étage de l’immeuble du [Adresse 2], incluant le cas échéant des propositions de regroupement de chambres, à l’exception des chambres 4 et 5, dans le délai de quatre mois à compter de l’ordonnance et être diffusé par le syndic dans le mois de son dépôt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, aux frais avancés des copropriétaires des chambres non conformes,
– ordonner à la société Privilège Gestion et au syndicat des copropriétaires, dans l’attente des travaux de rénovations programmés, de lui justifier, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, de l’envoi d’une mise en demeure aux copropriétaires de procéder à la déconnexion de chacune de leurs installations privatives non conformes par coupures de l’arrivée d’eau dans les chambres 1,2 et 6 à 19,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et les propriétaires des chambres de service à l’origine des dommages : Monsieur [F] [V], Madame [A] [H] épouse [P], Monsieur [X] [N], Madame [T] [S], Monsieur [K] [M], la SCI Flandrin, à lui verser une indemnité de 180 000 € à valoir sur les préjudices définitifs pour les sinistres pris en compte dans le rapport d’expertise,
– condamner Monsieur [F] [V], propriétaire des chambres de services 21 et 22 à lui verser la somme de à titre provisionnel de 90 000 € en lien direct avec sinistre du 12 août 2023,
– condamner la société Privilège Gestion à lui verser une indemnité de 30 000 € à valoir sur les préjudices définitifs en lien avec ses fautes de gestion,
– condamner in solidum les défendeurs à lui rembourser les frais ‘expertise judiciaire pour un total d’honoraires dl’expert de 10018€,
– condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] demande au juge des référés de :
– débouter la SCI Westminster de ses demandes,
– la condamner à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, la société Privilège Gestion demande au juge des référés de :
– débouter la SCI Westminster de l’ensemble de ses demandes,
– la renvoyer à mieux se pourvoir au fond, en raison de l’existence de contestations sérieuses,
– la condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, la SCI Flandrin demande au juge des référés de :
– débouter la SCI Westminster de ses demandes,
– la condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés selon les modalités de l’article 699 du même code.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, Madame [T] [S] demande au juge des référés de :
– débouter la SCI Westminster de ses demandes,
– la condamner à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, Madame [B] [D] demande au juge des référés de :
– à titre principal, dire nulle l’assignation délivrée le 24 août 2023,
– à titre subsidiaire, déclarer irrecevables les demandes de la SCI Westminster pour défaut de qualité et d’intérêt à agir et en raison de la prescription intervenue,
– à titre subsidiaire, débouter la SCI Westminster de l’ensemble de ses demandes,
– la condamner, ou tout succombant, à lui verser la somme de 3600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, Monsieur [F] [V] demande au juge des référés de :
– débouter la SCI Westminster de ses demandes,
– débouter les défendeurs de leurs demandes formées à son encontre,
– condamner la SCI Westminster, ou tout succombant, à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Bien que régulièrement assignés, Monsieur [Z] [L], Madame [A] [H] épouse [P], Monsieur [X] [N], Madame [E] [O], et Monsieur [K] [M] n’ont pas constitué avocat.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation, aux écritures déposées et développées oralement à l’audience, et à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024, date de la présente ordonnance.

MOTIVATION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l’exception de nullité de l’assignation

En application de l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 […] un exposé des moyens en fait et en droit.

L’article 114 du même code précise que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Au cas présent, Madame [B] [D] soutient que l’assignation délivrée par la demanderesse est nulle, faute de contenir un exposé en droit et en fait.

Cependant, il apparaît, à la lecture de l’assignation, que la SCI Westminster vise le fondement textuel de ses demandes, à savoir l’article 835 du code de procédure civile repris dans les motifs et le dispositif de l’assignation, et précise les griefs opposés aux défendeurs, en l’espèce, les dégâts des eaux qu’elle subit et qu’elle impute à leurs chambres de service, rendant ainsi l’acte introductif suffisamment clair et motivé pour y répondre.

Dès lors, la demande de Madame [B] [D] tendant à voir déclarer nulle l’assignation sera rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

A contrario, selon l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Aux termes de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.
Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic.

Au cas présent, la SCI Westminster demande de « enjoindre à Madame [D] de justifier auprès de la demanderesse dans le mois à compter de la signification de l’ordonnance, et sous astreinte de 50 € par jour de retard, de ses demandes officielles d’autorisation pour ses installations sanitaires dans la chambre 20, d’une part auprès du syndic sous forme de mise à l’ordre du jour de la prochaine assemblée de copropriété et d’autre part auprès de la direction de l’habitat de la ville de Paris. »

Madame [B] [D] expose que la demanderesse n’a pas qualité à agir pour formuler son encontre une demande de production d’autorisation de travaux pour sa chambre de service (n°20) auprès du syndic, puisque seul le syndicat des copropriétaires peut agir pour le compte de la copropriété, et qu’en tout état de cause, les installations sanitaires de sa chambre de service ne sont pas la cause des désordres allégués par la demanderesse.

Il ressort en effet du dossier que la demanderesse ne sollicite pas la coupure de l’arrivée d’eau pour la chambre de service de Madame [B] [D] (n°20), et que l’expert judiciaire n’a pas conclu que cette dernière était à l’origine des dégâts des eaux subis, contrairement à d’autres copropriétaires.

Dans ces circonstances, la demande de la SCI Westminster ne concerne pas la jouissance de son lot, et seul le syndicat des copropriétaires a qualité à agir contre Madame [B] [D] pour obtenir les justificatifs des autorisations du syndic et de la ville de Paris pour ses installations sanitaires.

Dès lors, il convient d’accueillir cette fin de non-recevoir soulevée par Madame [B] [D], sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres fins de non-recevoir opposées, et de déclarer irrecevables les demandes de la SCI Westminster à son encontre.

Sur la demande de déconnexion de l’arrivée d’eau des chambres de service

En application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est constitué par la violation flagrante d’une règle de droit, proche de la voie de fait.

Le dommage imminent suppose une illicéité ou, à tout le moins, du fait de l’urgence inhérente à l’imminence, une potentielle illicéité.

La seule exposition à un dommage ne suffit pas à justifier l’intervention du juge des référés au titre du dommage imminent, et le préjudice que causerait l’acte ou le fait, s’il devait être accompli ou réalisé, doit être certain.

Au cas présent, au vu du rapport d’expertise produit, l’expert judiciaire a conclu que :
« L’origine et les causes des désordres constatés au 6ème étage dans l’appartement de la SCI Westminster, proviennent de la non-conformité des installations sanitaires des chambres de service du 7ème étage :
– une seule canalisation surélevée de diamètre 30 mm pour évacuer sur la descente des
WC communs,
– trois WC broyeurs, six douches, six kitchenettes, deux lavabos et cinq éviers pour les chambres 14 à 19,
– quatre WC broyeurs, six douches, et quatre éviers et cinq lavabos pour les chambres 7 à13,
– deux douches, un évier, un lavabo pour les chambres 4-5 et 6 raccordés sur la descente située dans le studio 4.5 de la SCI Westminster,
– une douche, un lavabo, un WC broyeur pour la chambre 1 raccordés sur la descente située dans le prolongement de la cuisine du 6ème étage.

Concernant l’imputabilité des désordres, comme nous l’avons mentionné en réponse au dire complémentaire du 24 novembre 2022 du Conseil de la SCI Westminster, nous considérons que l’ensemble des copropriétaires des chambres du 7ème étage est responsable puisque les installations sanitaires sont non-conformes au règlement sanitaire de la Ville de Paris.
Toutefois, nous récapitulons ci-dessous la responsabilité des différents sinistres.
Sinistres 1, 7 : responsabilité Madame [S],
– Sinistres 2, 15 : responsabilité SDC,
Sinistres 3, 10, 13, 14 : responsabilité SCI Flandrin,
Sinistres 4, 5, 6, 8, 13 : responsabilité M. [V],
Sinistre 9 : responsabilité M. [N],
Sinistres 10, 13 : responsabilité Mme [P],
Sinistres 11, 13 et 14 : responsabilité [M] nouveau propriétaire.

Les travaux réalisés :
– ne sont pas conformes aux règles de l’art,
– ne sont pas conformes au règlement sanitaire de la Ville de [Localité 13], article 47,
– n’ont pas reçu l’accord de la copropriété réunie en AG,
– n’ont pas reçu l’autorisation des services techniques de l’habitat de la Ville de [Localité 13] pour la mise en place des WC broyeurs.

Nous estimons qu’il s’agit d’une rénovation totale des équipements sanitaires du 7ème étage avec suppression des équipements actuels.
Ce projet devra être confié à l’architecte de l’immeuble ou à un bureau d’études spécialisé dans ce domaine ».

Dans son pré-rapport, l’architecte de l’immeuble, Monsieur [Y] [J] a conclu que :
« La disparité entre la disposition des logements très vastes des étages courants et celle du dernier étage rend cette mission très aléatoire voire contestable. Cela implique les plus extrêmes réserves sur les propositions qui sont envisagées.
Même en admettant que les accords soient délivrés par les autorités administratives tant par la Préfecture que par la Mairie, ce projet va comporter des risques de troubles ou de nuisances rien que par la différence du nombre d’habitant et d’occupation des lieux.
Cette note reste donc dans tous les cas un pré-rapport compte tenu de la complexité de ce dossier. […]
La réglementation sanitaire est précise concernant la mise en place d’un « WC avec broyeur » : ceux-ci doivent être raccordés directement sur une chute d’eaux vannes sans prendre d’autres appareils au passage. Les écoulements ne doivent comporter aucun passage ascendant. Ces installations doivent faire l’objet d’une déclaration aux services techniques de la préfecture.
Dans ce contexte, il a été exploré la possibilité de mise en place de deux chutes dans la partie côté mitoyen du [Adresse 12]. Ces deux chutes seraient placées sans trop de difficulté dans les vestiaires des appartements de étages courants des niveaux 2 à 6, dans l’appartement du rez-de-chaussée dans la partie cuisine sans provoquer de troubles trop gênants ainsi qu’au final dans la chaufferie avant de rejoindre le collecteur général.
Ces nouvelles chutes pourraient reprendre les chambres de 11 à 17. Le travail en dehors des habillages et raccords de peinture peuvent être évalués à 20 000,00€ HT pour cette création de chutes.
En résumé, il ne s’agit pas seulement de pallier aux fuites qui se sont produites par engorgement des installations d’écoulement mais bien plus de réfléchir à la disposition des chambres très nombreuses à cet étage et à l’ensemble de l’aménagement. Il serait nécessaire d’envisager des regroupements et repenser la distribution des logements qui seraient moins nombreux et plus conformes aux règles actuelles. »

La demanderesse argue, en premier lieu, de l’existence d’un dommage imminent soutenant qu’un prochain dégât des eaux va se produire très prochainement dans son appartement du 6ème étage en l’absence de toute action du syndicat des copropriétaires pour faire cesser les fuites, et en raison de dégâts des eaux intervenus postérieurement à l’assignation en mai et juin 2024.

Toutefois, la seule exposition à un dommage ne suffit pas à justifier l’intervention du juge des référés au titre du dommage imminent, et le préjudice que causerait l’acte ou le fait, s’il devait être accompli ou réalisé, doit être certain, ce que ne démontre pas ici la demanderesse.

Dès lors, il convient de dire n’y avoir lieu à référé sur le fondement du dommage imminent.

La SCI Westminster invoque également le trouble manifestement illicite, en ce que l’expert judiciaire a estimé que les travaux effectués dans les chambres de services (WC sanibroyeurs, douches, et pompes de relevage) ne sont pas conformes aux règles de l’art et au règlement sanitaire de la ville de Paris.

La demanderesse sollicite en conséquence, à titre de mesure conservatoire, la déconnexion de toutes les installations sanitaires par coupure de l’arrivée d’eau des chambres 1,2, et 6 à 19 au 7ème étage de l’immeuble.

Toutefois, à la mission d’expertise : « donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties, évaluer le coût des travaux utiles à l’aide de devis fournis par les parties », l’expert judiciaire répond « les solutions appropriées pour y remédier n’ont pas été proposées par les parties. Nous estimons qu’il s’agit d’une rénovation totale des équipements sanitaires du 7ème étage avec suppression des équipements actuels. Ce projet devra être confié à l’architecte de l’immeuble ou à un bureau d’études spécialisé dans ce domaine ».

L’architecte de l’immeuble, dans son pré-rapport, n’envisage quant à lui que la rénovation des installations sanitaires en ces termes : « il a été exploré la possibilité de mise en place de deux chutes dans la partie côté mitoyen du [Adresse 12]. Ces deux chutes seraient placées sans trop de difficulté dans les vestiaires des appartements de étages courants des niveaux 2 à 6, dans l’appartement du rez-de-chaussée dans la partie cuisine sans provoquer de troubles trop gênants ainsi qu’au final dans la chaufferie avant de rejoindre le collecteur général. Ces nouvelles chutes pourraient reprendre les chambres de 11 à 17. Le travail en dehors des habillages et raccords de peinture peuvent être évalués à 20 000,00€ HT pour cette création de chutes. »

Dès lors, la demande de la SCI Westminster de coupure des arrivées d’eau dans les chambres de service litigieuses, mesure non préconisée par l’expert dans sa note de synthèse ni par l’architecte de l’immeuble, et excessive au stade du référé, sera rejetée.

Par conséquent, la demanderesse sera déboutée de ses demandes subséquentes d’injonction à l’encontre du syndicat des copropriétaires et du syndic, devenues sans objet.

Sur les demandes de provisions

En application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l’obligation sur laquelle elle repose n’est pas sérieusement contestable et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d’ailleurs correspondre à la totalité de l’obligation.

Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l’obligation en cause. La nature de l’obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.

Au cas présent, la demanderesse forme des demandes de provisions de :
– 180 000 € à l’encontre solidairement de Monsieur [F] [V], Madame [A] [H] épouse [P], Monsieur [X] [N], Madame [T] [S], Monsieur [K] [M], la SCI Flandrin, leur responsabilité ayant été établie par le rapport d’expertise,
– 90 000 € à l’encontre de Monsieur [V] pour le sinistre de 2023,
– 30 000 € à l’encontre du syndic pour fautes de gestion.

Cependant, il convient de rappeler que la solidarité ne se présume pas et que la demanderesse ne forme pas de demande de provision distincte pour chaque copropriétaire à l’origine de sinistres différents, alors que les imputabilités des sinistres en question ont été déterminées par l’expert dans son rapport.

En outre, s’agissant du sinistre d’août 2023 imputé par la demanderesse à Monsieur [V], celui-ci conteste en être le responsable, et l’expert judiciaire n’a pu se prononcer sur ce dégât des eaux, ayant rendu son rapport antérieurement.

Dès lors, en raison de ces contestations sérieuses, la SCI Westminster sera déboutée de ses demandes de provisions à l’encontre des copropriétaires.

La demanderesse expose aussi que la société Privilège Gestion a fait preuve de désinvolture en laissant les dégâts des eaux se multiplier dans l’immeuble sans intenter une action pour les faire cesser, ce qui constitue des fautes de gestion.

En réponse, la société Privilège Gestion fait valoir, d’une part, que si l’assemblée générale lui a donné mandat le 3 décembre 2013 pour introduire une action relative aux installations sanitaires des chambres de service, il n’a pas été suivi d’effet, la demanderesse n’ayant jamais transmis les coordonnées d’un avocat pour engager une telle action et que, d’autre part, elle a reçu quitus pour sa gestion de ces dernières années.

Dès lors, en raison de ces contestations sérieuses, la SCI Westminster sera déboutée de sa demande de provision à l’encontre du syndic.

Enfin, la demande de condamnation de l’ensemble des défendeurs aux frais d’expertise n’est pas formée à titre provisionnel et sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

La SCI Westminster, partie perdante, sera condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande de rejeter les demandes des défendeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à l’exception de Madame [B] [D], les demandes à son encontre étant irrecevables, à qui il sera alloué une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Rejetons la demande de Madame [B] [D] tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation ;

Déclarons irrecevables les demandes de la SCI Westminster formées à l’encontre de Madame [B] [D] ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes de la SCI Westminster ;

Condamnons la SCI Westminster aux dépens ;

Condamnons la SCI Westminster à payer à Madame [B] [D] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons les autres demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 25 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE


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