L’Essentiel : La SCI BECY, propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 9], a engagé une procédure judiciaire contre Monsieur [X] et Madame [E] [H] suite à un empiètement causé par une gouttière installée par Monsieur [X]. Malgré une mise en demeure restée sans réponse, le tribunal a jugé l’action de la SCI recevable, ordonnant aux défendeurs de réaliser les travaux nécessaires pour remédier à la situation. Toutefois, la SCI a été déboutée de ses demandes de dommages-intérêts, et les dépens ont été partagés, tenant compte de la bonne foi des défendeurs.
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Propriété de la SCI BECYLa SCI BECY est propriétaire d’un bien immobilier situé à [Localité 9], acquis par acte notarié en 1994. Ce bien est mitoyen d’autres immeubles, dont celui de Monsieur [X], qui a fait une donation-partage de son immeuble à Madame [E] [H] en 2012. Monsieur [X] est usufruitier, tandis que Madame [E] [H] est nue-propriétaire. Des travaux ont été réalisés sur l’immeuble de Monsieur [X], incluant un permis de construire modificatif en 2015. Conflit sur les travaux et mise en demeureEn 2020, lors de travaux de réfection de la couverture de la SCI BECY, il a été signalé que Monsieur [X] avait installé une gouttière au débord de sa couverture, empiétant sur la propriété de la SCI BECY. Cette dernière a alors installé un caisson provisoire et a mis en demeure Monsieur [X] de rembourser les frais engagés et de remplacer la gouttière par un chéneau. La mise en demeure est restée sans réponse, et une tentative de conciliation a échoué. Procédure judiciaire et expertiseLa SCI BECY a ensuite engagé une procédure judiciaire, demandant une expertise sur la situation. Le tribunal a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé en 2022. Suite à cela, la SCI BECY a assigné Monsieur [X] et Madame [E] [H] pour obtenir la réalisation des travaux préconisés par l’expert et le remboursement des frais engagés. Demandes de la SCI BECYDans ses dernières écritures, la SCI BECY a demandé au tribunal de débouter Monsieur [X] et Madame [E] [H] de leurs demandes, de reconnaître un empiètement illégal sur sa propriété, d’homologuer le rapport d’expertise, et de condamner les défendeurs à réaliser les travaux nécessaires sous astreinte, ainsi qu’à payer des dommages-intérêts. Réponse de Monsieur [X] et Madame [E] [H]Monsieur [X] et Madame [E] [H] ont contesté les demandes de la SCI BECY, affirmant que la servitude d’écoulement des eaux pluviales était acquise par prescription. Ils ont également soutenu que la gouttière avait été installée à la demande de la SCI BECY et qu’aucun préjudice n’avait été causé. Ils ont demandé à être déboutés de toutes les demandes de la SCI BECY et ont formulé des demandes reconventionnelles pour procédure abusive. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et a déclaré l’action de la SCI BECY recevable. Il a ordonné à Monsieur [X] et Madame [E] [H] de procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser l’empiètement, tout en déboutant la SCI BECY de ses autres demandes, y compris les dommages-intérêts. Les défendeurs ont également été déboutés de leurs demandes reconventionnelles. Conclusion sur les dépensLe tribunal a décidé de partager les dépens entre les parties, tenant compte de la bonne foi des défendeurs et de l’absence de préjudice avéré. Les demandes en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ont également été rejetées pour les deux parties. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’action en responsabilité du fait d’un empiétement et sa prescription ?L’action en responsabilité du fait d’un empiétement est une action personnelle, soumise à la prescription quinquennale de droit commun. Cette prescription est régie par l’article 2224 du Code civil, qui stipule que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » En l’espèce, les défendeurs, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X], soutiennent que l’action de la SCI BECY est prescrite. Cependant, ils n’ont pas fourni de date précise concernant la réalisation des travaux contestés. La SCI BECY, quant à elle, a affirmé avoir pris connaissance de l’empiètement en 2020, ce qui n’a pas été contredit par les défendeurs. Ainsi, le tribunal a déclaré l’action de la SCI BECY non prescrite et recevable, rejetant la demande des défendeurs à ce titre. Quels sont les droits de propriété selon le Code civil en matière d’empiètement ?Les droits de propriété sont clairement établis dans le Code civil. L’article 544 dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » De plus, l’article 545 précise que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. » L’article 552 établit que « la propriété du sol emporte celle du dessus. » Dans le cas présent, la SCI BECY a soutenu que l’installation d’une gouttière par Monsieur [X] constituait un empiètement sur sa propriété. Le tribunal a constaté cet empiètement, mais a également noté que les défendeurs invoquaient l’existence d’une servitude. Toutefois, il a rappelé qu’une servitude ne peut pas justifier un empiètement sur la propriété d’autrui, ce qui a conduit à la condamnation des défendeurs à réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser cet empiètement. Quelles sont les conséquences de l’empiètement sur la propriété de la SCI BECY ?L’empiètement constaté a des conséquences directes sur le droit de propriété de la SCI BECY. L’article 1240 du Code civil stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Dans cette affaire, la SCI BECY a demandé l’exécution de travaux pour faire cesser l’empiètement, en se basant sur le rapport d’expertise qui a confirmé la présence de cet empiètement. Le tribunal a ordonné la réalisation de travaux spécifiques, tels que la dépose des gouttières et le dérasage de la tête de mur, afin de rétablir le droit de propriété de la SCI BECY. Cependant, il a également noté que certains travaux demandés par la SCI BECY n’étaient pas nécessaires pour rétablir son droit de propriété, ce qui a conduit à un rejet de ces demandes supplémentaires. Quelles sont les implications de l’astreinte dans ce litige ?L’astreinte est un outil juridique permettant d’assurer l’exécution d’une décision de justice. L’article L131-1 alinéa 1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. » En l’espèce, la SCI BECY a demandé une astreinte définitive de 200 euros par jour de retard pour l’exécution des travaux. Cependant, le tribunal a décidé d’ordonner une astreinte de 50 euros par jour de retard, précisant que celle-ci serait provisoire, car aucune astreinte préalable n’avait été prononcée. Cela signifie que l’astreinte ne sera pas définitive, ce qui limite la pression sur les défendeurs pour exécuter les travaux dans les délais impartis. Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes de dommages-intérêts ?Les demandes de dommages-intérêts sont régies par l’article 1240 du Code civil, qui impose la réparation du dommage causé par la faute d’autrui. La SCI BECY a demandé 572,90 euros en réparation du préjudice matériel qu’elle aurait subi en raison de l’empiètement. Cependant, le tribunal a constaté que la SCI BECY n’avait pas établi de lien de causalité entre la pose du caisson et la faute des défendeurs, qui était l’empiètement par la gouttière. Le rapport d’expertise a également indiqué que le caisson était inutile, ce qui a conduit le tribunal à débouter la SCI BECY de sa demande de dommages-intérêts. De même, les demandes de Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] pour obtenir des dommages-intérêts pour procédure abusive ont été rejetées, car la défense du droit de propriété ne peut être considérée comme un abus de droit. |
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON
Me Philippe HILAIRE-LAFON
TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
**** Le 19 Novembre 2024
1ère Chambre Civile
N° RG 22/05103 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JWNG
Minute n° JG24/
JUGEMENT
Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :
S.C.I. BECY,
inscrite au RCS de Nîmes sous le n° 387 526 619, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant
à :
M. [D] [X]
né le 13 Décembre 2003 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
Mme [E] [F], [Z] [H]
née le 13 Décembre 2003 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe HILAIRE-LAFON, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 17 Septembre 2024 devant Antoine GIUNTINI, Vice-président, statuant comme juge unique, assisté de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré.
La SCI BECY est propriétaire, aux termes d’un acte notarié passé par devant Maître [V] [Y], Notaire à [Localité 8], en date du 7 décembre 1994, d’un bien immobilier sis sur la commune de [Localité 9], lieudit [Localité 7], cadastré section E N°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour 44 et 48 ca.
Ce bien immobilier est directement mitoyen d’autres immeubles auxquels il est jumelé.
Monsieur [X], voisin de la SCI BECY, a procédé à une donation-partage de l’immeuble par acte du 15 mars 2012 à Madame [E] [H]. Monsieur [X] est usufruitier de l’immeuble, et Madame [E] [H] nue-propriétaire. Il a fait procéder à des travaux sur son bien immobilier.
Le permis de construire initial déposé par Monsieur [X] a fait l’objet d’un permis de construire modificatif en date du 30 mars 2015.
Dans le courant de l’année 2020, lors de travaux de réfection de la couverture de son immeuble la SCI BECY a été alertée par le maître d’œuvre que Monsieur [X] avait fait installer une gouttière au débord de la couverture, directement à l’aplomb de la propriété de la SCI BECY. Celle-ci a alors fait procéder à l’installation d’un caisson provisoire pour le prix de 572,90 euros.
Aux termes d’une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 10 septembre 2020, la SCI BECY a mis en demeure Monsieur [D] [X] de procéder au remboursement de la somme de 572,90 euros ainsi qu’à la pose d’un chéneau sans débord, et non d’une gouttière.
Cette mise en demeure est restée sans réponse.
Une tentative de conciliation a eu lieu le 14 janvier 2021, sans suite.
La SCI BECY a fait procéder à un procès-verbal de constat d’huissier de justice le 29 mars 2021.
Par assignations en référé délivrées les 7 mai et 25 juin 2021 à Monsieur [X] et Madame [E] [H], la SCI BECY a sollicité sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 15 septembre 2021, le Président du Tribunal Judiciaire de Nîmes a ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder Monsieur [B] [W]. Aux termes de l’ordonnance de changement d’expert en date du 22 novembre 2021, Monsieur [T] [A] a été désigné.
L’accedit a eu lieu le 7 janvier 2022 et le pré-rapport a été déposé le 19 avril 2022. Le rapport d’expertise définitif de l’expert est daté du 16 juin 2022.
Par acte de Commissaire de justice du 8 novembre 2022, enregistré au greffe le 16 novembre 2022, SCI BECY a assigné Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] devant le tribunal judiciaire de Nîmes, sur le fondement des articles 544 et suivants du Code civil, afin notamment de condamner solidairement Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] à procéder à la réalisation des travaux préconisés dans le rapport d’expertise sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à venir, ainsi qu’à payer la somme de 572,90 euros en réparation du préjudice subi.
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Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 16 juillet 2024, la SCI BECY demande au tribunal, sur le fondement des articles 544 et suivants du Code civil de :
DEBOUTER Monsieur [X] et Madame [H] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, tant au principal, subsidiaire qu’à titre reconventionnel
PRONONCER l’existence d’un empiètement illégal de la propriété [H]/[X] sur la propriété de la SCI BECY,
HOMOLOGUER le rapport d’expertise définitif en date du 16 juin 2022,
En conséquence,
CONDAMNER solidairement Monsieur [X] et Madame [E] [H] à procéder à la réalisation des travaux préconisés par Monsieur l’Expert au sein de son rapport d’expertise définitif, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
CONDAMNER solidairement Monsieur [X] et Madame [E] [H] à porter et lui payer la somme de 572,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] à lui porter et payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X], aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 2.733,19 euros et les frais de constat d’huissier du 29 mars 2021.
A l’appui de ses demandes la SCI BECY met en avant que M. [X] a fait installer une gouttière au débord de la couverture, directement à l’aplomb de sa propriété, en contradiction avec le permis de construire modificatif du mois de mars 2015, l’obligeant à faire installer un caisson provisoire afin d’assurer l’étanchéité de sa toiture et le reçu du surplus des eaux pluviales d’une partie de la toiture de la propriété de Monsieur [X]. Elle estime dès lors qu’il y a empiètement sur sa propriété. Elle pointe en outre que le rapport d’expertise constate que les travaux réalisés par Monsieur [X] ont eu pour conséquence une surélévation d’environ 30 cm de la toiture, qui modifie l’écoulement des eaux pluviales. Elle indique que Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] n’ont pas effectué les travaux préconisés par l’expert mis à la charge des défendeurs pour un montant de 3.639,70 euros. Elle soulève que les travaux chiffrés par l’expert sur la toiture de sa propriété sont sans lien avec le litige et sans incidence sur la propriété des défendeurs.
Elle estime que les travaux préconisés par l’Expert ont pour effet de faire cesser l’empiètement sur le fond de la SCI BECY et de respecter le permis de construire modificatif, non de violer une prescription acquise d’une servitude d’écoulement des eaux pluviales, qu’elle conteste de surcroît.
Elle réfute toute procédure abusive de sa part, ne souhaitant que le respect du permis de construire modificatif.
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Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 30 avril 2024, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X], demandent au tribunal, sur le fondement des articles 690, 693, 694, 708, 1240, 2229 et 2265 du Code civil, de :
JUGER que la servitude d’écoulement des eaux pluviales dont bénéficie leur propriété (fonds dominant) sur la propriété de la SCI BECY (fonds servant) est acquise par prescription trentenaire mais également par destination du père de famille.
Partant de là JUGER que la propriété de la SCI BECY (fonds servant) doit recevoir les mêmes eaux pluviales venant du fonds de Monsieur [D] [X] et de Madame [E] [H] (fonds dominant).
JUGER que la gouttière n’a été installée qu’à la demande de la SCI BECY et qu’elle a été supprimée à la demande de la SCI BECY.
JUGER que la SCI BECY ne justifie d’aucun préjudice découlant de cela.
DEBOUTER la SCI BECY de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement et si par impossible le Tribunal venait à ordonner leur condamnation à réaliser les travaux préconisés par l’expert :
CONDAMNER également la SCI BECY à supporter les frais mis à sa charge dans la réalisation des travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire.
RECONVENTIONNELLEMENT
JUGER abusive la procédure engagée par la SCI BECY à leur encontre,
CONDAMNER la SCI BECY à leur porter et payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant pour eux de cette procédure abusive et 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI BECY aux dépens en ce compris les frais d’expertise et de référé.
Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] reconnaissent un empiètement aérien sur la propriété de la SCI BERCY, qu’ils justifient par l’existence d’une servitude.
Ils soulignent qu’ils ont proposé à la SCI BECY de faire supprimer la gouttière, ce à quoi elle s’est opposée, ajoutant qu’elle n’a jamais été préjudiciable aux droits de la requérante. Ils relèvent que l’empiètement objet du litige n’existe que du fait des demandes de la SCI BECY de poser une gouttière et ne se maintient que du fait du refus par celle-ci de son enlèvement.
Ils estiment infondé le fait que les travaux n’aient pas été réalisés dans les formes de l’art et en toute hypothèse qu’ils sont les seuls à pouvoir s’en plaindre. Ils indiquent, s’agissant de la non-conformité au permis de construire, que l’action est prescrite, et que la SCI BECY n’établit pas l’existence d’un préjudice. Ils soulignent qu’il n’est établi aucune conséquence dommageable de la légère surélévation de la toiture.
Ils indiquent que la procédure engagée par la SCI BECY constitue un abus de droit d’ester en justice dans la mesure où la situation actuelle procède des propres demandes de dette dernière et que la demande de réalisation sous astreinte de travaux se heurte à une situation cristallisée par le jeu de la prescription acquisitive et de la destination du père de famille.
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Pour un exposé complet des faits, prétentions et moyens des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du Code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures.
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La clôture est intervenue le 10 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en l’état en date du 5 septembre 2024.
L’affaire a été fixée à l’audience de juge unique du 17 septembre 2024 pour être plaidée.
La décision a été mise en délibérée au 17 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
À titre liminaire, il est rappelé que les » demandes » tendant à voir » constater « , » déclarer « , » juger » ou » dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, mais des moyens invoqués par les parties. Il ne sera donc pas statué sur ces » demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Il en va également en l’espèce de la demande d’ » homologation » du rapport d’expertise.
I) SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
Quant à la prescription de l’action
Aux termes de l’article 2224 du Code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ».
L’action en responsabilité du fait d’un empiétement est une action personnelle, soumise à la prescription quinquennale de droit commun, s’écoulant à partir du moment où le titulaire du droit a eu ou aurait dû avoir connaissance dudit empiétement (Civ. 3e, 8 févr. 2023, no 21-20.535).
En l’espèce, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] soulèvent la prescription de l’action de la SCI BECY, sans cependant communiquer la date précise de réalisation des travaux. En outre, cette dernière indique n’avoir eu connaissance de l’empiètement querellé qu’en 2020, par le maître d’œuvre chargé des réparations de sa toiture, sans être contredite par les défendeurs.
Dès lors, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] n’établissent pas la prescription de l’action personnelle de la SCI BECY ; leur demande à ce titre sera rejetée et l’action déclarée recevable.
Quant à la demande d’exécution des travaux
L’article 544 du code civil dispose que » la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements « .
Selon l’article 545 du même code, » nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité « .
L’article 552 du même code établit que la propriété du sol emporte celle du dessus.
Aux termes de l’article 1240 du Code civil, » tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer « .
Sur le principe de l’exécution des travaux.
En l’espèce, la SCI BECY reproche à M. [X] d’avoir fait installer une gouttière au débord de la couverture, directement à l’aplomb de la propriété, au lieu d’un chéneau en retrait de la toiture ou en limite séparative, pointant que cela constitue un empiètement sur sa propriété.
Cet empiètement, effectivement constaté par l’expert désigné, n’est en toute hypothèse pas contesté par les défendeurs, qui arguent de l’existence d’une servitude.
Néanmoins, il est de jurisprudence établie et constante qu’une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui (Civ. 3e, 24 mai 2000, n° 97-22.255 ; Civ. 3e, 27 juin 2001, n° 98-15.216 ; Civ. 3e, 1er avril 2009, n° 08-11.079 ; Civ. 3e, 29 sept 2010, n° 09-69.608). En conséquence, et sans qu’il y ait lieu d’examiner la réalité ou non de la servitude invoquée, Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] seront condamnés solidairement à procéder aux travaux de nature à faire cesser l’empiétement aérien par la gouttière constaté.
Sur l’étendue des travaux à réaliser.
La SCI BECY sollicite l’exécution par Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] de l’ensemble des travaux préconisés par l’expert, lesquels visent cependant, selon ses propres termes à » reprendre et résoudre les non-non conformités et arrêter le litige « . Or l’action de la requérante se fonde sur l’article 544 du Code civil et la défense de son droit de propriété.
De surcroît, si l’expert relève différents empiétements et travaux non conformes aux règles de l’Art et à la règlementation, il ne constate aucun préjudice avéré pour la SCI BECY, évoquant uniquement des potentialités d’infiltrations, qu’il attribue d’ailleurs principalement à l’insuffisance d’entretien de sa toiture par la demanderesse et à la non-conformité aux règles de l’Art et à la règlementation de sa toiture.
Il s’en suit que seuls les travaux utiles à l’évacuation de l’empiètement dénoncés seront ordonnés, à savoir :
– La dépose des gouttières,
– La dépose et le sciage des tuiles,
– Le dérasage de la tête de mur existant et l’arase béton.
La SCI BECY sera déboutée de ses demandes pour le surplus des travaux qui ne correspondent pas au rétablissement de son droit de propriété.
Sur l’astreinte
Aux termes de l’article L131-1 alinéa 1 du Code des procédures civiles d’exécution » tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision « .
L’article L131-2 du même code précise que l’astreinte est provisoire sauf si le juge en précise son caractère définitif et qu’une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire.
En l’espèce, il sera ordonné une astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois après la signification du présent jugement. En l’absence d’astreinte provisoire préalablement prononcée, celle-ci ne sera pas définitive comme demandée par la SCI BECY.
Quant à la demande d’indemnisation de la SCI BECY
Aux termes de l’article 1240 du Code civil, » tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En l’espèce, la SCI BECY demande le paiement de la somme de 572,90 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel qu’elle aurait subi en installant le caisson qui, à la lecture du rapport d’expertise judiciaire, ressort parfaitement inutile. Il n’est pas justifié ici par la demanderesse de lien de causalité entre la pose de ce caisson, de son propre chef et sans nécessité avérée, et la seule faute identifiée des défendeurs à savoir l’empiètement du droit de propriété de la SCI BECY par la pose de gouttières.
La SCI BECY sera donc déboutée de ce chef de demande.
Quant à la demande subsidiaire de Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] de condamner la SCI BECY à supporter les frais mis à sa charge dans l’expertise
Les défendeurs seront déboutés de cette demande qui ne repose sur aucun fondement juridique.
Quant à la demande de dommages et intérêts de Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] pour procédure abusive
Aux termes de l’article 1240 du Code civil, » tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer « .
Néanmoins, il est là encore de jurisprudence établie et constante que la défense du droit de propriété contre un empiétement, si infime soit-il, ne saurait dégénérer en abus (Civ. 3e, 07 novembre 1990, n° 88-18.601 ; Civ. 3e, 21 déc 2017, n° 16-25.406). Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] seront dès lors déboutés de leur demande d’indemnisation à ce titre.
II) SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’article 695.4° du même code précise que les honoraires de l’expert entrent dans l’assiette des dépens.
En l’espèce, si Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] succombent à l’instance, il ressort des pièces versées qu’ils ont proposé amiablement mais vainement la suppression de la gouttière litigieuse, sans que l’autre partie n’oppose d’argument convaincant sur son refus. A cette bonne foi manifeste de la partie qui succombe, il y a lieu d’ajouter la très faible amplitude de l’empiètement constaté, qui tend en outre à correspondre à une demande antérieure de la SCI BECY de faire poser par Monsieur [D] [X] des gouttières à cet emplacement, ainsi que l’absence de préjudice constaté.
Au regard de ces éléments, il ressort équitable d’ordonner le partage des dépens entre les parties.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations
Au regard des éléments sus-exposés, l’équité commande en l’espèce de laisser à chacun la charge de ses frais irrépétibles et donc de débouter les parties de leurs demandes en ce sens.
Le tribunal statuant en audience publique, en premier ressort, par jugement contradictoire,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H],
DECLARE non prescrite et recevable l’action de la SCI BECY,
CONDAMNE Monsieur [X] et Madame [E] [H] solidairement à procéder aux travaux de nature à faire cesser l’empiétement aérien par la gouttière constaté, à la dépose des gouttières, la dépose et le sciage des tuiles, le dérasage de la tête de mur existant et l’arase béton, visés dans le rapport définitif de l’expert, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de condamnation pour le surplus des travaux ;
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de caractère définitif de l’astreinte,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande de condamnation de la SCI BECY à supporter les frais mis à sa charge dans la réalisation des travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande de dommages-intérêts au titre d’une procédure abusive,
CONDAMNE in solidum Madame [E] [H] et Monsieur [D] [X] au paiement de la moitié des dépens, comprenant les frais d’expertise et de référé,
CONDAMNE la SCI BECY au paiement de la moitié des dépens, comprenant les frais d’expertise et de référé,
DEBOUTE Monsieur [D] [X] et à Madame [E] [H] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la SCI BECY de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le présent jugement a été signé par Antoine GIUNTINI, Vice-président et par Aurélie VIALLE, greffière présent lors de sa mise à disposition.
Le Greffier, Le Président,
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