L’Essentiel : Mme [M] [P] a été engagée par la SAS Les P’tits’Nounettes en tant qu’auxiliaire petite enfance depuis le 17 octobre 2016. Après avoir constaté le non-paiement des primes conventionnelles, elle a assigné son employeur devant le conseil de prud’hommes d’Arras, qui a condamné la société à verser des sommes dues. En appel, la SAS conteste cette décision, arguant de l’inapplicabilité de la convention collective. Le premier président de la cour d’appel a relevé des moyens sérieux concernant l’absence de calcul des sommes dues, conduisant à l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement initial.
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Engagement de Mme [M] [P]Par contrat à durée indéterminée en date du 17 octobre 2016, Mme [M] [P] est engagée par la SAS Les P’tits’Nounettes en tant qu’auxiliaire petite enfance. Ce contrat mentionne l’application de la convention collective « médico sociaux », rédigée par l’Association Régionale de Gestion et de Comptabilité (AGRECO). Demande de paiement des primesMme [M] [P] et deux autres salariées constatent qu’elles n’ont pas perçu les primes conventionnelles. Elles sollicitent leur paiement, mais l’employeur refuse, arguant que la mention de la convention collective était une erreur, car la société n’y a pas adhéré. Rupture conventionnelle et assignationSuite à ce désaccord, une rupture conventionnelle est conclue. Le 17 octobre 2022, Mme [M] [P] assigne la SAS Les P’tits’Nounettes devant le conseil de prud’hommes d’Arras pour obtenir le paiement des primes prévues par la convention collective. Jugement du conseil de prud’hommesLe 6 mai 2024, le conseil de prud’hommes d’Arras condamne la SAS Les P’tits’Nounettes à verser plusieurs sommes à Mme [M] [P], incluant 5 500 euros pour les primes conventionnelles et 1 466 euros pour résistance abusive. La décision ordonne également l’exécution provisoire et le paiement des sommes avec intérêts. Appel de la SAS Les P’tits’NounettesLe 12 juillet 2024, la SAS Les P’tits’Nounettes interjette appel de cette décision. Elle demande la suspension de l’exécution provisoire et avance plusieurs arguments, notamment l’inapplicabilité de la convention collective et l’absence de justification des primes. Arguments de la SAS et opposition de Mme [M] [P]La SAS soutient que la convention collective ne s’applique pas, que certaines primes sont discrétionnaires et que le maintien de salaire n’est pas justifié. Mme [M] [P], assistée par un défenseur syndical, s’oppose à cette demande. Conditions d’arrêt de l’exécution provisoireL’article R 1454-28 du code du travail stipule que l’exécution des décisions du conseil de prud’hommes ne porte que sur le paiement des rémunérations et indemnités dans certaines limites. L’article 514-3 du code de procédure civile permet d’arrêter l’exécution provisoire en cas de moyens sérieux d’annulation. Décision du premier président de la cour d’appelLe premier président de la cour d’appel constate que la mention de la convention collective dans le contrat de travail ne constitue pas une reconnaissance de son application. Cependant, il note des moyens sérieux concernant l’absence de calcul des sommes dues et la situation financière fragile de la SAS. Ordonnance rendueLe 25 novembre 2024, une ordonnance est rendue, ordonnant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du conseil de prud’hommes du 6 mai 2024, laissant chaque partie à la charge de ses dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la convention collective dans le contrat de travail de Mme [M] [P] ?La convention collective mentionnée dans le contrat de travail de Mme [M] [P] est celle des « médico sociaux ». Selon l’article L. 2221-1 du Code du travail, les conventions collectives ont pour but de déterminer les conditions d’emploi et de travail ainsi que les garanties sociales des salariés. L’article L. 2232-1 précise que les conventions collectives s’appliquent aux employeurs et aux salariés qui en sont signataires ou qui y adhèrent. Dans ce cas, la SAS Les P’tits’Nounettes, bien qu’elle ait mentionné la convention collective, conteste son application en raison de son absence d’adhésion à un syndicat signataire. Il est donc essentiel de vérifier si la convention collective est étendue, ce qui, selon l’article L. 2261-1, permettrait son application à tous les employeurs et salariés d’une branche d’activité. En l’absence d’extension, la convention ne s’applique qu’aux parties signataires, ce qui pourrait justifier le refus de l’employeur de verser les primes conventionnelles. Quelles sont les conditions d’exécution provisoire selon le Code de procédure civile ?L’exécution provisoire est régie par l’article 514-3 du Code de procédure civile, qui stipule que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque : 1. Il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation. Dans le cas présent, la SAS Les P’tits’Nounettes a avancé des arguments concernant l’absence de calcul des sommes dues et la fragilité de sa situation financière, ce qui pourrait constituer un moyen sérieux d’annulation. L’article 517-1 du même code précise que ces conditions s’appliquent également à l’exécution provisoire facultative, notamment pour les condamnations aux dommages et intérêts. La cour a donc jugé que les conditions légales étaient remplies pour ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire. Quels sont les droits de Mme [M] [P] concernant les primes conventionnelles ?Les droits de Mme [M] [P] en matière de primes conventionnelles sont encadrés par les dispositions de la convention collective applicable. L’article L. 3221-1 du Code du travail stipule que les primes doivent être versées conformément aux stipulations de la convention collective. Cependant, l’employeur a contesté le versement de certaines primes, arguant qu’elles étaient discrétionnaires ou non justifiées. L’article L. 3221-2 précise que les primes doivent être clairement définies dans la convention collective pour être exigibles. Il est donc crucial de déterminer si les primes en question sont effectivement prévues par la convention collective et si Mme [M] [P] remplit les conditions pour en bénéficier. En l’absence de preuve de l’application de ces primes, l’employeur pourrait avoir raison de refuser leur paiement. Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive au paiement des sommes dues ?La résistance abusive au paiement des sommes dues est sanctionnée par l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’accorder des dommages et intérêts à la partie qui a subi un préjudice en raison de cette résistance. Dans le jugement du 6 mai 2024, le conseil de prud’hommes a condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser des dommages et intérêts à Mme [M] [P] pour résistance abusive. L’article 1382 du Code civil, qui impose une obligation de réparation du préjudice causé par un acte illicite, peut également s’appliquer dans ce contexte. Il est donc important de prouver que l’employeur a agi de manière délibérée et sans justification valable pour que la résistance soit qualifiée d’abusive. Si tel est le cas, Mme [M] [P] pourrait légitimement réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi. |
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024
N° de Minute : 158/24
N° RG 24/00116 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTD
DEMANDEUR :
S.A.S. LES P’TITS NOUNETTES
dont le siège social est situé [Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Alain COCKENPOT, avocat au barreau de Douai
DÉFENDERESSE:
Madame [M] [L] épouse [P]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
assistée de M. [G] [F], délégué syndical
PRÉSIDENTE : Michèle Lefeuvre, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 19 juillet 2024 pour remplacer le premier président empêché
GREFFIER : Christian Berquet
DÉBATS : à l’audience publique du 14 Octobre 2024
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt cinq novembre deux mille vingt quatre, date indiquée à l’issue des débats, par Michèle Lefeuvre, présidente, ayant signé la minute avec Christian Berquet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
116/24 – 2ème page
Par contrat à durée indéterminée en date du 17 octobre 2016, Mme [M] [P] est engagée par la SAS Les P’tits’Nounettes, exploitant une micro-crèche, en qualité d’auxiliaire petite enfance.
Ce contrat, rédigé par l’Association Régionale de Gestion et de Comptabilité (AGRECO) à laquelle a adhéré la société Les P’tits’Nounettes, mentionne que la convention collective «’médico sociaux’» s’applique à la relation de travail.
Constatant ne pas avoir perçu les primes conventionnelles, Mme [M] [P], ainsi que deux autres salariées, a sollicité leur paiement, ce qu’a refusé l’employeur faisant valoir que cette convention collective à laquelle elle n’a pas adhéré a été mentionnée par erreur.
A la suite de ce désaccord, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue.
Par actes du 17 octobre 2022, Mme [M] [P] a fait assigner la SAS Les P’tits’Nounettes devant le conseil de prud’hommes d’Arras aux fins d’être remplie de ses droits, notamment le paiement des différentes primes prévues par la convention collective «’médico sociaux’».
Par jugement du’6 mai 2024, le conseil de prud’hommes d’Arras a’:
– condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser à Mme [M] [P] les sommes de’:
– 5’500 euros au titre des primes conventionnelles’;
– 300 euros au titre du maintien de salaire pour avril/mai 2022′;
– 30 euros au titre des congés payés y afférents’;
– 1’466 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et non-respect de la convention collective’;
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision’;
– ordonné la condamnation au paiement de ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 4 novembre 2022 s’agissant des créances de nature salariale, et à compter du jugement s’agissant des créances de nature indemnitaire avec capitalisation des intérêts’;
– débouté la SAS Les P’tits’Nounettes de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné la SAS Les P’tits’Nounettes aux dépens et frais de commissaire de justice (en cas d’exécution forcée de la décision).
La SAS Les P’tits’Nounettes a interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2024.
Par acte en date du’16 juillet 2024, la SAS Les P’tits’Nounettes a fait assigner Mme [M] [P] devant le premier président de la cour d’appel de Douai aux fins de’voir, au visa de l’article 517-1 du code de procédure civile:
– ordonner la suspension de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Arras le 6 mai 2024′;
– condamner les défenderesses aux entiers dépens.
Elle avance que’:
– sur les moyens sérieux d’annulation ou de réformation’:
– la convention collective des centres médico-sociaux, dont a fait application le premier juge, n’avait pas vocation à s’appliquer puisqu’elle n’est pas adhérente à l’un des syndicats d’employeurs signataire de ladite convention collective et que cette convention n’est pas étendue,
– Il appartenait à Mme [M] [P] de chiffrer et détailler ses demandes et ce, d’autant que le droit au versement de certaines primes, qu’elle n’avait pas vocation à percevoir, ne lui aurait pas été ouvert’;
– la prime de service et d’assiduité’est discrétionnaire pour l’employeur et aucun salarié ne l’a jamais perçue,
– la prime de technicité’a pour référence la filière sociale, éducative et enseignement, qui ne correspond absolument pas aux fonctions dévolues aux salariées au sein de l’entreprise,
– la prime de sujétion spéciale’ est destinée aux directeurs et en outre a été supprimée,
– la prime vêtements de travail n’est pas justifiée en absence de vêtement de travail
le maintien du salaire n’est pas justifié et non détaillé,
116/24 – 3ème page
– elle n’a commis aucune résistance abusive puisqu’elle s’est heurtée à l’incompréhension des salariées qui ont souhaité, malgré l’explication de l’erreur commise par l’expert-comptable, l’application d’une convention collective qui n’a pas vocation à s’appliquer entre les parties ,
– sur les conséquences manifestement excessives’: le montant total des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes dans les trois jugements du 6 mai 2024 totalise hors charges salariales la somme de 30’000 euros, alors qu’elle présente une fragilité économique et que sa trésorerie est insuffisante pour supporter le montant total des condamnations, au risque de devoir déclarer son état de cessation des paiements,
A l’audience, Mme [M] [P] assistée par M. [F], défenseur syndical, s’est opposée à cette demande.
L’article R 1454-28 du code du travail prévoit que l’exécution de droit des décisions du conseil de prud’hommes ne porte que sur’le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2ème de l’article R1454-14 dans la limite maximale de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile s’appliquant à l’exécution provisoire de droit, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives.
L’article 517-1 du code de procédure civile, s’appliquant à l’exécution provisoire facultative, concernant en l’espèce la condamnation aux dommages-et-intérêts pour résistance abusive, prévoit les mêmes conditions pour que son arrêt puisse être ordonné.
Il ressort des pièces produites que le contrat de travail de Mme [M] [P] prévoit l’application d’une convention collective non étendue, le moyen contestant le fait que cette mention contractuelle vaut reconnaissance de son application à la salariée ne paraissant pas suffisamment sérieux pour entrainer une infirmation sur ce point.
Il n’en est cependant pas de même du moyen tenant à l’absence de calcul et de vérification des sommes qui seraient dues en application de cette convention collective litigieuse, une somme semblant forfaitaire ayant été accordée à la salariée au titre des différentes primes dont le paiement a été sollicité et le maintien du salaire n’est pas davantage détaillé. Il justifie ainsi de moyens sérieux susceptibles d’entrainer l’infirmation du jugement sur ces dispositions comme sur celles concernant la résistance abusive au paiement des sommes réclamées.
Par ailleurs, la société Les P’tites Nounettes, petite structure, a une situation financière fragile ne lui permettant pas de faire face au paiement des sommes qu’elle a été condamnée à verser tant à Mme [M] [P] qu’à deux autres salariées, au risque de se trouver en état de cessation des paiements.
Les conditions légales étant ainsi remplies, il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du conseil de prud’hommes du 6 mai 2024.
Par ordonnance contradictoire rendue après débats en audience publique,
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement du conseil de prud’hommes d’Arras du 6 mai 2024,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Ainsi jugé et prononcé le 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe
Le greffier La présidente
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