Prolongation de la rétention : enjeux de l’éloignement et de l’ordre public

·

·

Prolongation de la rétention : enjeux de l’éloignement et de l’ordre public

L’Essentiel : Le tribunal judiciaire de Toulouse a prolongé la rétention de Monsieur X pour 15 jours, conformément à l’article 455 du code de procédure civile et du CESEDA. Me Valérie LECOMTE a interjeté appel, arguant de l’absence de perspectives d’éloignement et de menace à l’ordre public. Lors de l’audience, le juge a constaté qu’aucune autorité consulaire n’avait reconnu Monsieur X comme ressortissant, rendant improbable l’obtention rapide de documents de voyage. Malgré les condamnations passées de son client, la préfecture a souligné leur gravité, justifiant ainsi la prolongation de la rétention, confirmée par le tribunal.

Contexte juridique

Les faits se déroulent dans le cadre des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et du CESEDA, qui régissent la rétention administrative des étrangers. Le vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné le 17 novembre 2024 la prolongation de la rétention de Monsieur X, se disant [B] [P], pour une durée de 15 jours.

Appel de la décision

Me Valérie LECOMTE a interjeté appel de cette ordonnance le 18 novembre 2024, demandant la remise en liberté de son client. Elle a soutenu que l’absence de perspective d’éloignement dans un délai raisonnable et l’absence de menace à l’ordre public justifiaient cette demande.

Observations des parties

Lors de l’audience du 19 novembre 2024, l’appelant a présenté ses arguments, tandis que la préfecture du Var a transmis ses observations par mail. Le préfet du Var et le ministère public étaient absents à l’audience.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les délais et les formes légales.

Analyse des critères de rétention

Selon l’article L.742-5 du CESEDA, le juge peut prolonger la rétention au-delà de la durée maximale si certaines conditions sont remplies. Ces conditions incluent l’obstruction à l’éloignement, la présentation d’une demande de protection ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement en raison de l’absence de documents de voyage.

Absence de perspectives d’éloignement

Le conseil de Monsieur X a fait valoir que, malgré les efforts de l’autorité préfectorale, aucune des autorités consulaires sollicitées n’a reconnu son client comme ressortissant. Le juge a conclu qu’il n’existait pas d’éléments sérieux permettant d’espérer une délivrance rapide de documents de voyage.

Menace à l’ordre public

Le conseil a également argumenté que les condamnations passées de Monsieur X, datant de plus de dix ans, ne constituaient pas une menace actuelle. Cependant, la préfecture a souligné la gravité et la multiplicité des condamnations, notamment pour des faits de violence, justifiant ainsi une menace pour l’ordre public.

Conclusion de la décision

Le tribunal a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, considérant que les conditions de menace à l’ordre public étaient remplies. L’appel a été déclaré recevable, et l’ordonnance initiale a été confirmée dans toutes ses dispositions.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par Me Valérie LECOMTE est jugé recevable car il a été effectué dans les termes et délais légaux.

En vertu de l’article 455 du Code de procédure civile, il est stipulé que :

« Le jugement doit être motivé. La motivation est réputée suffisante lorsque le juge a exposé les éléments de fait et de droit qui fondent sa décision. »

Dans le cas présent, l’appel a été reçu au greffe de la cour le 18 novembre 2024, soit dans le délai imparti, et a été soutenu oralement à l’audience.

Ainsi, la cour a pu examiner la demande de prolongation de la rétention administrative de M. X, se disant [B] [P], en toute légalité.

Sur le fond : Prolongation de la rétention

L’article L.742-5 du CESEDA précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour proroger le maintien en rétention d’un étranger.

Cet article énonce que :

« À titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prorogation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : […] »

Les situations énumérées incluent l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, la présentation d’une demande de protection ou d’asile, ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement en raison d’un défaut de délivrance des documents de voyage.

Dans le cas de M. X, le vice-président du tribunal a constaté qu’aucune des autorités consulaires sollicitées n’a reconnu l’intéressé comme ressortissant, ce qui a conduit à la conclusion que les critères légaux pour la prolongation de la rétention n’étaient pas remplis.

Sur l’absence de perspectives d’éloignement

Le conseil de M. X a soutenu qu’il n’existe aucune perspective d’éloignement dans un délai raisonnable, en raison de l’absence de reconnaissance par les autorités consulaires.

L’article L.742-5 du CESEDA stipule que :

« Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. »

Le vice-président a noté que, malgré les efforts de l’administration, aucune réponse positive n’avait été obtenue des autorités étrangères.

Ainsi, il a été jugé que les conditions pour justifier une prolongation de la rétention n’étaient pas remplies, car il n’y avait pas d’éléments sérieux permettant d’espérer une délivrance rapide des documents de voyage.

Sur la menace à l’ordre public

Concernant la menace à l’ordre public, le conseil de M. X a fait valoir que ses condamnations étaient anciennes et qu’il n’y avait pas d’éléments prouvant une menace actuelle.

L’article L.742-5 du CESEDA précise que :

« Il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention. »

La préfecture a mis en avant la gravité des faits reprochés à M. X, qui incluent des condamnations pour des actes de violence, de cambriolage et d’extorsion.

L’appréciation de la menace à l’ordre public doit se faire in concreto, en tenant compte des comportements passés et de la volonté d’insertion de l’intéressé.

Dans ce contexte, la cour a considéré que la multiplicité et la gravité des condamnations de M. X justifiaient la prolongation de sa rétention, car elles caractérisaient une menace actuelle pour l’ordre public.

Conclusion

En conséquence, l’ordonnance du vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse a été confirmée en toutes ses dispositions.

La cour a déclaré recevable l’appel interjeté par M. X et a confirmé la prolongation de sa rétention administrative pour une durée supplémentaire de 15 jours, en se fondant sur les éléments de menace à l’ordre public et l’absence de perspectives d’éloignement.

Cette décision a été notifiée à la préfecture du Var, à M. X et à son conseil, ainsi qu’au ministère public.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1212

N° RG 24/01208 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QTN6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 19 Novembre à 14h45

Nous F. ALLIEN, Conseillère, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 16 Septembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 17 novembre 2024 à 16H44 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

X se disant [P] [B]

né le 04 Décembre 1988 à [Localité 1](BOSNIE HERZEGOVINE)

de nationalité Bosniaque

Vu l’appel formé le 18 novembre 2024 à 16 h 34 par courriel, par Me Valérie LECOMTE, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l’audience publique du 19 novembre 2024 à 11h15, assistée de H.BEN-HAMED, greffier lors des débats, et de M.QUASHIE, greffier lors de la mise à disposition, avons entendu :

X se disant [P] [B]

assisté de Me Valérie LECOMTE, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant de la PREFECTURE DU VAR régulièrement avisée qui a fait parvenir un mémoire écrit ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse du 17 novembre 2024, ordonnant la prolongation du placement au centre de rétention de Monsieur X se disant [B] [P] pour une durée de 15 jours,

Vu l’appel interjeté par Me Valérie LECOMTE, reçu au greffe de la cour le 18 novembre 2024 à 16h34, soutenu oralement à l’audience, auquel il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants : absence de perspective d’éloignement dans un délai raisonnable et absence de menace à l’ordre public.

Entendu les explications fournies par l’appelant à l’audience du 19 novembre 2024 ;

Vu les observations de la préfecture du Var reçues par mail le 19 novembre 2024 ;

Vu l’absence du préfet du VAR, non représenté à l’audience ;

Vu l’absence du ministère public, avisé de la date d’audience, qui n’a pas formulé d’observation.

M. X se disant [B] [P] a eu la parole en dernier.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le fond

Aux termes de l’article L.742-5 CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prorogation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L742-4, lorsqu’une des situations suivantes, apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement ;

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3) La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison d’un défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Sur l’absence de perspectives d’éloignement

Le conseil de l’intéressé fait valoir que malgré les diligences soutenues de l’autorité préfectorale, M. [B] [P] n’est pas reconnu par les autorités consulaires bosniennes, slovènes, serbes, croates et monténégrines. Le préfet indique être dans l’attente de la réponse des autorités macédoniennes saisies le 15 novembre 2024 et le conseil de l’intéressé indique que dans le cadre de précédentes rétentions, les diligences des préfets étaient restées vaines. Il estime de ce fait qu’il n’existe aucun élément sérieux permettant d’espérer que les diligences de l’autorités préfectorale vont aboutir à la délivrance d’un document de voyage dans un délai raisonnable, ce qu’a retenu le juge des libertés et de la détention en estimant que les critères légaux n’étaient pas remplis sur ce fondement.

En l’espèce, il convient de rappeler que les critères visés par l’article L 742-5 du CESEDA ne sont pas cumulatifs et qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.

Le vice-président du tribunal judiciaire a considéré qu’en effet après deux mois de rétention aucune des nombreuses autorités consulaires sollicitées n’a reconnu [B] [P] comme l’un de ses ressortissants. Malgré les diligences de l’administration, en l’absence de réponse positive des autorités étrangères, il n’existe aucun élément sérieux permettant de penser que la délivrance d’un document de voyage pourrait intervenir à bref délai et ce d’autant plus que M. [B] [P] a maintenu à l’audience être de nationalité bosnienne.

C’est à juste titre que le vice-président du tribunal judiciaire a considéré que le critère concernant l’absence d’exécution de la decision d’éloignement en raison d’un défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé avec des perspectives que cette délivrance intervienne à bref délai prévu par l’article L 742-5 du CESEDA n’était pas rempli.

Sur la menace à l’ordre public

Le conseil de M. [P] fait valoir qu’il a été condamné par la cour d’assises pour des faits remontant à 2014, soit plus de 10 ans et que compte tenu de l’ancienneté des faits et qu’aucun élément du dossier ne prouve qu’il constitue une menace actuelle à l’ordre public, les conditions d’une troisième prolongation ne sont pas réunies.

Les critères énoncés à l’article L 742-5 du CESEDA ne sont pas cumulatifs. Il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.

Pour l’application de l’alinéa relatif à l’urgence absolue et à l’ordre public, il appartient à l’administration de caractériser cette urgence absolue ou la menace pour l’ordre public.

Dans ce contexte, la menace pour l’ordre public fait l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé et, le cas échéant, sa volonté d’insertion ou de réhabilitation.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l’ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.

L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public.

En l’espèce, la requête préfectorale est motivée par le fait que l’intéressé a été signalisé pour des faits de cambriolages de locaux industriels commerciaux ou financiers, d’extorsion de signature de secret ou de valeur, d’outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique, de rébellion, de violences aggravées, de coups et blessures, d’escroquerie et abus de confiance, de séquestration et enlèvement. La préfecture du Var relève en outre qu’il a été condamné pour des faits de violence aggravée par deux circonstances en récidive, de violence sur conjoint en récidive, de destruction d’un bien appartenant à autrui, d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique, de vol en réunion, de violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours, de vol aggravé par trois circonstances (tentative) et de violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner commise en réunion. Elle estime de ce fait qu’il représente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.

Il résulte de la fiche pénale de M. [P] qu’il a été placé en détention provisoire le 23 août 2024 dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate pour violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité n’excédant pas 8 jours et violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité. Il a néanmoins été relaxé pour ces faits.

Son casier judiciaire fait quant à lui état de 8 condamnations entre 2007 et 2017 dont 3 condamnations pour des violences.

Il résulte par ailleurs de la procédure qu’il a été condamné par la cour d’assises des mineurs des Alpes de Haute-Provence le 15 décembre 2017 à la peine de 8 ans d’emprisonnement, à l’interdiction de détenir ou de porter une arme pendant 5 ans.

Au vu de ces éléments, la multiplicité des condamnations et leur gravité sont de nature à permettre la caractérisation d’une menace actuelle pour l’ordre public.

L’administration peut donc se fonder sur cette disposition pour solliciter une nouvelle prolongation de la rétention. De manière surabondante, la préfecture indique dans son mail que le nombre de non reconnaissance révèle une obstruction de la part de l’intéressé.

Au vu de ces éléments, il apparaît que la condition de menace à l’ordre public prévue par la loi est caractérisée et permet d’autoriser, à titre exceptionnel, la prolongation de la rétention administrative d’une durée supplémentaire de 15 jours.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur X se disant [B] [P] à l’encontre de l’ordonnance du vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse du 17 novembre 2024,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU VAR, service des étrangers, à X se disant [P] [B], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

M.QUASHIE F. ALLIEN


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon