L’Essentiel : Les débats concernant l’hospitalisation de Madame [P] [L] ont révélé des irrégularités dans la procédure d’admission. L’avocat commis d’office, Me Frédéric LAZAUD, a contesté la décision, soulignant qu’elle n’était pas signée par le Directeur de l’hôpital et que la fille de la patiente n’avait pas été informée dans les 24 heures. Il a également critiqué le certificat médical, jugé insuffisant pour justifier l’hospitalisation sous contrainte. Malgré ces arguments, le tribunal a conclu que les conditions légales étaient respectées et a ordonné le maintien de l’hospitalisation complète, considérant la nécessité d’une surveillance constante.
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Contexte de l’affaireLes débats concernant l’hospitalisation de Madame [P] [L] se sont déroulés en audience publique, bien que la patiente n’ait pas souhaité comparaître. L’avocat commis d’office, Me Frédéric LAZAUD, a soulevé plusieurs irrégularités dans la procédure d’admission de la patiente, qui a été hospitalisée en raison d’un péril imminent. Irrégularité de la décision d’admissionL’avocat a contesté la régularité de la décision d’admission, arguant que celle-ci n’était pas signée par le Directeur de l’hôpital, mais par la responsable du service des admissions, ce qui constituerait une incompétence. Il a également soulevé des questions concernant l’absence d’information d’un tiers, en l’occurrence la fille de la patiente, qui n’a pas été informée dans les 24 heures suivant l’admission. Examen du certificat médicalConcernant le certificat médical qui a justifié l’admission, l’avocat a fait valoir qu’il ne décrivait pas suffisamment l’état de santé de Madame [P] [L], se limitant à mentionner une « décompensation maniaque ». Il a soutenu que les conditions pour une hospitalisation sous contrainte n’étaient pas remplies, car le certificat ne précisait pas les symptômes ni le péril imminent. Décision du tribunalLe tribunal a examiné les arguments soulevés et a conclu que les conditions légales pour l’hospitalisation avaient été respectées. Il a rejeté les irrégularités concernant la signature de la décision d’admission, affirmant que la signataire avait une délégation de signature valide. De plus, bien qu’un tiers ait été identifié, l’absence d’information dans les délais requis n’a pas été jugée préjudiciable. Maintien de l’hospitalisation complèteLe tribunal a également statué sur la nécessité de maintenir l’hospitalisation complète de Madame [P] [L], en se basant sur les certificats médicaux qui attestaient de la persistance de ses troubles mentaux. Il a souligné que son état nécessitait une surveillance constante et que son consentement était impossible en raison de sa condition. Conclusion et notificationEn conséquence, le tribunal a autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète de la patiente, rejetant les irrégularités soulevées. La décision a été notifiée aux parties concernées, avec la possibilité d’appel dans un délai de 10 jours. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la décision d’admission en soins psychiatriques ?La régularité de la décision d’admission en soins psychiatriques est encadrée par l’article L 3211-12-1 I du Code de la Santé Publique. Cet article stipule que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire n’ait statué sur cette mesure. Il est précisé que : « 1° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission ; « 2° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission. » Dans le cas présent, la décision d’admission en date du 08 novembre 2024 a été prise dans le respect de ces délais, et la saisine du juge a été effectuée dans les formes et délais prévus par l’article R 3211-10 du même code. Ainsi, la décision d’admission est régulière. Quelles sont les conséquences de l’irrégularité tirée de l’incompétence de l’auteur de la décision d’admission ?L’irrégularité soulevée concernant l’incompétence de l’auteur de la décision d’admission repose sur le fait que la décision a été signée par la responsable du service des admissions et non par le directeur de l’établissement. Cependant, il est important de noter que les délégations de signature des directeurs d’hôpitaux sont publiques. L’article R 3211-10 du Code de la Santé Publique précise que : « Les décisions d’admission et de maintien en soins psychiatriques sans consentement doivent être signées par le directeur de l’établissement ou par une personne ayant reçu délégation de signature. » Dans ce cas, il a été établi que Madame [O] [U], signataire des décisions, bénéficiait d’une délégation de signature de la part du directeur de l’hôpital. Par conséquent, l’irrégularité tirée de l’incompétence de l’auteur de la décision d’admission est rejetée. Quelles sont les implications de l’absence de recherche d’un tiers ?L’absence de recherche d’un tiers est également un point soulevé dans cette affaire. Selon la procédure, un tiers doit être informé dans les 24 heures suivant l’admission du patient. Il est mentionné dans le dossier qu’un tiers, en l’occurrence la fille de la patiente, a bien été identifié. Toutefois, il a été constaté que cette personne n’a pas été informée dans le délai imparti. L’article L 3211-12-1 du Code de la Santé Publique stipule que : « Le directeur de l’établissement doit s’assurer que les proches du patient sont informés de son hospitalisation. » Bien que l’impossibilité d’informer le tiers n’ait pas été justifiée, il n’a pas été allégué de grief résultant de cette imprécision. Ainsi, l’irrégularité tirée de l’absence de recherche d’un tiers est également rejetée. Le certificat médical est-il suffisamment circonstancié pour justifier l’hospitalisation ?L’article L 3212-1, II, 2° du Code de la Santé Publique précise les conditions d’admission en soins psychiatriques contraints pour péril imminent. Il stipule que : « L’admission en soins psychiatriques contraints pour péril imminent suppose la réunion de deux conditions cumulatives : Dans cette affaire, le certificat médical initial mentionne une « décompensation maniaque » sans en préciser les symptômes. Il est également noté que le certificat doit être établi par un médecin extérieur à l’établissement et ne doit pas avoir de lien de parenté avec le patient. Bien que le certificat médical initial semble insuffisamment circonstancié, les certificats médicaux ultérieurs ont confirmé la nécessité de l’hospitalisation complète. Ainsi, bien que le certificat initial puisse être considéré comme insuffisant, aucun grief ne peut être retenu, et l’irrégularité soulevée est rejetée. |
JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
Procédure de Soins Psychiatriques Contraints
Recours Obligatoire
Ordonnance Du Mardi 19 Novembre 2024
N°Minute : 24/1250
N° RG 24/12643 – N° Portalis DBW3-W-B7I-5VW4
Demandeur
LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [7]
HOPITAL [7] – POLE PSYCHIATRIE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non comparant
Défendeur
Madame [P] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
née le 24 Novembre 1958
Non comparante
Partie Jointe
Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Marseille
Non comparant
Nous, Clara GRANDE, Vice-présidente, juge des libertés et de la détention, assistée de Pauline SAMMARTANO, Greffier ;
Vu la requête de Monsieur LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [7] à [Localité 6] en date du 14 Novembre 2024 reçue au greffe du Magistrat du siège du Tribunal Judiciaire le 14 Novembre 2024, tendant à voir examiner la situation de Madame [P] [L], dans le cadre du contrôle obligatoire de soins psychiatriques contraints sous le régime de l’hospitalisation complète institué par l’article L 3211-12-1 1°, 2°,3° du Code de la Santé Publique en sa rédaction issue de la loi n° 2011-803 du 05 juillet 2011 modifiée par la Loi n°2013-869 du 27 septembre 2013;
Vu les articles L 3211-12 et L 3211-12-1 et R 3211-30 du Code de la Santé Publique résultant du décret n°2014-897 du 15 août 2014;
Les communications et les avis prévus et imposés par l’article R 3211-11 du Code de la Santé Publique ayant été faites et donnés par le Greffe ;
Vu l’avis écrit de Monsieur le Procureur de la République en date du 18 Novembre 2024 tendant au maintien en soins contraints sous le régime de l’hospitalisation complète;
A l’appel de la cause, les parties n’ont pas sollicité le huis clos ; les débats ont donc été publics ;
Madame [P] [L] n’ayant pas souhaité comparaître à l’audience, n’a pas été entendue ;
Me Frédéric LAZAUD, avocat commis d’office en application de l’article L 3211-12-2 alinéa 2 du Code de la Santé Publique , déclare soulever l’irrégularité de la procédure : Madame a été hospitalisée sous la procédure de péril imminent.
Tout d’abord, sur la régularité de la décision d’admission en date du 08 novembre 2024, la décision doit être signée par le Directeur. Quand on regarde la décision, c’est la responsable du service des admissions qui a signé. Pour moi c’est une incompétence de l’auteur de l’acte.
Ensuite, concernant la recherche d’un tiers. J’ai du mal à interpréter le document car visiblement ,il y a une fille donc un tiers qui existe et on dit dans le document, que cette personne a pu être informée dans les 24h. Il y a donc bien un tiers mais qu’il n’a pas été informé. A mon sens, cela pose une difficulté.
Enfin, concernant le certificat médical à l’appui duquel le directeur a pris la décision. C’est un certificat du Docteur [Z] en date du 08 novembre 2024. Quand on le regarde, on a seulement la mention “décompensation maniaque”. Pour moi les conditions ne sont pas remplies et le certificat médical ne fait pas assez état de l’état de santé de Madame.
Sur le fond, en l’absence de la patiente, je m’en rapporte.
A l’issue de l’audience, les parties ont été avisées que la décision est mise en délibéré ;
Attendu que selon l’article L 3211-12-1 I du Code de la Santé Publique
L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II ou par le représentant de l’Etat dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, n’ait statué sur cette mesure :
« 1° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission ;
« 2° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3 ; le juge est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission “;
Attendu en l’espèce que [P] [L] a fait l’objet d’une admission en soins psychiatriques et en hospitalisation complète par décision du 08 novembre 2024 ; Que la période de 12 jours en cours expire donc le 19 novembre 2024 ;
Que les conditions énoncées dans ces textes ont été respectées ;
Attendu que la saisine en vue du contrôle a été émise dans les formes et délais des articles R 3211-10 du Code de la Santé Publique;
Sur l’irrégularité tirée de l’incompétence de l’auteur de la décision d’admission
Attendu que Madame [O] [U], signataire des décisions d’amission et de maintien en soins pschiatriques sans consentement en date des 8 et 11 novembre 2024, bénécifie bien d’une délégation de signature de la part du directeur de l’hôpital [7] ;
Qu’il est rappelé au surplus que les délégations de signatures des directeurs d’hôpitaux ou représentants de l’Etat sont publiques ; que la consultation du recueil des actes administratifs avant l’audience permet ainsi de s’assurer de la capacité du signataire et de l’existence d’une délégation de signature ;
Qu’en conséquence, l’irrégularité sera rejetée.
Sur l’irrégularité tirée de l’absence de recherche d’un tiers
Attendu qu’il ressort de l’examen de la procédure qu’un tiers a bien été identifié dans l’entourage de la patiente, en la personne de sa fille, ainsi que cela est renseigné sur le formulaire prévu à cet effet ; qu’il apparaît toutefois, malgré cette identification, que l’intéressée n’a pas pu être informée dans les 24h de l’hospitalisation de sa mère ; que si aucun motif n’est précisé pour expliquer cette impossibilité de communiquer avec l’intéressé dans ce délai, il n’en demeure pas moins qu’il n’est allégué aucun grief résultant de cette imprécision ;
Qu’en conséquence, l’irrégularité sera rejetée.
Sur l’irrégularité tirée du caractère insuffisamment circonstancié du certificat médical initial (péril imminent)
Attendu que l’article L.3212-1, II, 2° du CSP prévoir que l’admission en soins psychiatriques contraints pour péril imminent suppose la réunion de deux conditions cumulatives :
– l’ impossibilité d’obtenir la demande d’un tiers,
– l’existence à la date de l’admission d’un péril imminent pour la santé de la personne constaté dans un certificat médical circonstancié, datant de moins de 15 jours, établi par un médecin extérieur à l’établissement accueillant le malade et qui ne peut être parent ou allié, jusqu’au 4ème degré, ni avec le directeur de cet établissement, ni avec la personne malade, constatant l’état mental de la personne, les caractéristiques de la maladie ainsi que la nécessité
de recevoir des soins et mettant en évidence le péril imminent pour la santé de la personne.
Que si les textes ne proposent pas de définition du péril imminent, il y a lieu de considérer qu’il est nécessaire de justifier d’un danger immédiat pour la santé ou la vie du patient en cas de refus de soins ;
Qu’en l’espèce, le certificat médical initial en date du 8 novembre 2024 se borne à constater l’existence d’une “décompensation maniaque” sans en préciser les symptômes ; qu’il en déduit que ces troubles nécessitent des soins immédiats assortis d’une surveillance constante dan sun établissement hospitalier ;
Que si ce certificat a été visé par la décision d’admission de la patiente en date du 8 novembre 2024, il résulte toutefois :
– du certificat médical de 24h en date du 9 novembre 2024, que la patiente se montre sthénique, dans l’opposition, refuse de parler d’elle, et présente des troubles relevant de la tachypsychie, avec tension interne ;
– du certificat de 72h en date du 11 novembre 2024, ayant fondé la décision de maintien de la mesure de soins en date du 11 novembre 2024, que la patiente a un meilleur contact, mais garde un discours diffluant, avec réponses tangentielles, et évasif lorsqu’on aborde les questions en lien avec le trouble bipolaire ;
Qu’il apparaît ainsi que la prise en charge de cette patiente était nécessaire au regarde de son état, quand bien même le certificat médical initial semble en effet insuffisamment circonstancié ; qu’aucun grief ne peut donc être retenu comme conséquence de cette irrégularité ;
Qu’il y a lieu de rejeter l’irrégularité soulevée.
ATTENDU qu’il résulte du dossier et des débats que l’hospitalisation complète continue à s’imposer;
Qu’en effet, [P] [L] a été hospitalisée en présentant divers troubles décrits dans le certificat médical initial, imposant son hospitalisation complète sous contrainte. En l’espèce, la patiente présentait à son arrivée, selon les termes du certificat médical initial, les troubles suivants : décompensation maniaque.
Il était souligné que ses troubles mentaux rendaient son consentement impossible et que son état rendait nécessaire une hospitalisation complète avec une surveillance constante afin de préserver son intégrité.
Les certificats médicaux établis pendant la période d’observation font état de la persistance des troubles (sthénie, opposition, tachypsychie, tension interne, ludique par moments) avec une amélioration progressive et démontrent la nécessité de maintenir la mesure d’hospitalisation complète. L’avis médical établi en vue de l’audience préconise également le maintien de la mesure en la forme actuelle. La procédure étant régulière, le JLD ne saurait se prononcer sur les soins dont doit bénéficier la patiente, qui relèvent de la compétence exclusive des médecins.
Il y a lieu dans ces conditions d’autoriser la poursuite de l’hospitalisation complète de la patiente.
Nous, Clara GRANDE, Vice-présidente, juge des libertés et de la détention, statuant par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;
REJETONS les irrégularités soulevées ;
DISONS que les soins psychiatriques dont [P] [L] fait l’objet pourront se poursuivre sous la forme de l’hospitalisation complète ;
DISONS que cette décision sera notifiée à [P] [L], au Directeur requérant, à Monsieur le Procureur de la République et au tiers ayant demandé l’hospitalisation, avec copie pour information à Monsieur le Préfet de Bouches du Rhône ;
RAPPELONS que la présente décision peut être frappée d’appel devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’Aix en Provence dans un délai de 10 jours à compter de sa notification.
Le recours doit être formé par déclaration motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel d’Aix en Provence, [Adresse 2] et notamment par courriel à [Courriel 5] ;
Le délai et le recours ne sont pas suspensifs ; seul le Procureur de la république peut demander au Premier Président de déclarer le recours suspensif.
LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat en application de l’article R93-2 du Code de Procédure Pénale ;
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.
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