Problématiques de l’interprétariat et des droits des retenus dans le cadre des procédures d’éloignement.

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Problématiques de l’interprétariat et des droits des retenus dans le cadre des procédures d’éloignement.

L’Essentiel : Le 19 novembre 2024, la décision concernant M. X a été rendue. La régularité de la procédure a été confirmée, malgré une contestation sur l’interprétariat téléphonique, jugé non substantiellement préjudiciable. La prolongation de sa rétention a été accordée, car il avait été informé de ses droits dans les délais requis. Sa demande d’assignation à résidence a été rejetée en raison de l’absence de passeport valide. Enfin, la question préjudicielle sur la conformité d’un article du Code de l’entrée et du séjour des étrangers avec la directive « Retour » a été également rejetée.

Contexte de l’affaire

La procédure concerne M. X, se présentant sous le nom de [L] [W], qui a été interpellé et placé en garde à vue le 13 novembre 2024. Un interprète en langue arabe a été désigné pour l’assister lors de l’audience publique, où ses droits lui ont été rappelés conformément au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Régularité de la procédure

Un moyen a été soulevé concernant l’irrégularité de l’interprétariat téléphonique. Selon l’article 706-71 du code de procédure pénale, l’interprétariat par téléphone doit être utilisé uniquement lorsque l’interprète ne peut se déplacer. Dans ce cas, les droits de M. X ont été notifiés par téléphone, mais il n’a pas été prouvé qu’il y ait eu une atteinte substantielle à ses droits, ce qui a conduit à l’écartement de ce moyen.

Prolongation de la rétention

La demande de prolongation de la rétention a été examinée. Il a été constaté que M. X avait été informé de ses droits dans les meilleurs délais après son placement en rétention. La mesure d’éloignement n’ayant pas pu être exécutée dans le délai de quatre jours, les diligences de l’administration ont été jugées conformes aux exigences légales, permettant ainsi la prolongation de la rétention.

Demande d’assignation à résidence

La demande d’assignation à résidence a été rejetée, car M. X ne remplissait pas les conditions requises, notamment l’absence de remise d’un passeport en cours de validité aux autorités compétentes.

Transmission de la question préjudicielle

Une question préjudicielle a été soulevée concernant la conformité de l’article L. 743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers avec la directive « Retour » de l’Union européenne. Il a été déterminé que la directive ne prohibe pas l’exigence de remise d’une pièce d’identité pour prévenir un risque de fuite. Par conséquent, la demande de transmission a été rejetée.

Décision finale

La décision a été prononcée le 19 novembre 2024, rejetant le moyen de nullité, déclarant la requête du préfet recevable, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X pour une durée de vingt-six jours. La demande de transmission de question préjudicielle a également été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la régularité de la procédure d’interprétariat

La question de la régularité de l’interprétariat téléphonique est soulevée en vertu de l’article 706-71 du Code de procédure pénale. Cet article stipule que :

« Le recours à l’interprétariat par téléphone doit être réservé aux situations dans lesquelles l’interprète est dans l’impossibilité de se déplacer, ce qui doit être constaté par procès-verbal. »

Dans le cas présent, il est constaté que l’interprète a été sollicité une minute avant la notification des droits, ce qui soulève des interrogations sur la conformité de cette procédure.

Cependant, le conseil n’a pas prouvé qu’il y a eu une atteinte substantielle aux droits de la personne retenue, conformément à l’article L743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui précise que :

« Toute atteinte substantielle aux droits de la personne doit être démontrée pour que le moyen soit retenu. »

Ainsi, le moyen tiré de l’irrégularité de l’interprétariat est écarté.

Sur la demande de prolongation de la rétention

La demande de prolongation de la rétention est examinée à la lumière des articles L. 744-2, L. 741-3 et L. 751-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L. 744-2 stipule que :

« La personne retenue doit être informée de ses droits dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention. »

Il est établi que la personne retenue a été informée de ses droits dès son arrivée au lieu de rétention.

De plus, l’article L. 741-3 précise que :

« La rétention ne doit pas excéder le temps strictement nécessaire au départ de la personne faisant l’objet de la mesure d’éloignement. »

Dans ce cas, il n’y a pas eu de critiques sur les diligences de l’administration, et la prolongation de la rétention est donc jugée régulière.

Sur la demande d’assignation à résidence

La question de l’assignation à résidence est régie par l’article L. 743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui stipule que :

« La personne doit avoir préalablement remis un passeport en cours de validité à un service de police ou à une unité de gendarmerie. »

Dans cette affaire, il est constaté que la personne retenue n’a pas remis de passeport valide, ce qui constitue un obstacle à l’assignation à résidence.

Ainsi, même si les garanties de représentation sont jugées satisfaisantes, l’absence de remise d’un passeport valide entraîne le rejet de la demande d’assignation à résidence.

Sur la transmission de la question préjudicielle

La question préjudicielle concerne la conformité de l’article L. 743-13 avec la directive « Retour » n°2008/115/CE. L’article 15-1 de cette directive stipule que :

« Les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement. »

Il est précisé que la rétention doit être nécessaire, raisonnable et proportionnée.

L’article L. 241-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que :

« L’autorité administrative peut placer en rétention un étranger dans les cas prévus par la loi, en tenant compte des garanties de représentation. »

Il est donc établi que l’exigence de remise d’un passeport valide ne contrevient pas à la directive, car elle vise à prévenir un risque de fuite.

Ainsi, la demande de transmission de question préjudicielle est rejetée, car il n’y a pas d’incompatibilité entre les textes nationaux et européens.

Dossier N° RG 24/03022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
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CONTENTIEUX DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE
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[Adresse 17]

Ordonnance statuant sur la première requête en prolongation d’une mesure de rétention administrative

Ordonnance du 19 Novembre 2024
Dossier N° RG 24/03022

Nous, Catherine MORIN, magistrat du siège au tribunal judiciaire de Meaux, assisté de Romane HUAN, greffier ;

Vu les articles L742-1 à L 742-3, L 741-10, L 743-3, L 743-19, L 743-20, R 741-1 à R 743-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté pris le 14 novembre 2024 par le préfet de Seine-Saint-Denis faisant obligation à M. X se disant [L] [W] de quitter le territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 14 novembre 2024 par le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS à l’encontre de M. X se disant [L] [W], notifiée à l’intéressé le 14 novembre 2024 à 17h34 ;

Vu la requête du PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS datée du 18 novembre 2024, reçue et enregistrée le 18 novembre 2024 à 15h21 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt six jours de :

Monsieur X se disant [L] [W], né le 10 Novembre 1994 à [Localité 19] (EGYPTE), de nationalité Egyptienne

Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En l’absence du procureur de la République régulièrement avisé par le greffier, dès réception de la requête, de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la présente audience ;

En présence, serment préalablement prêté, de [M] [H], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue ;

Après avoir, en audience publique, rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puis entendu en leurs observations, moyens et arguments :
– Me Jérôme BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, choisi par la personne retenue pour l’assister, régulièrement avisé ;
– Me ZERAD (cab Adam-Caumeil), avocat représentant le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;
– M. X se disant [L] [W] ;
Dossier N° RG 24/03022

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE

Sur le moyen tiré de l’irrégularité de l’interprétariat téléphonique :
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 706-71 du code de procédure pénale, applicables à la notification des droits attachés à la garde à vue, que le recours à l’interprétariat par téléphone doit être réservé aux situations dans lesquelles l’interprète est dans l’impossibilité de se déplacer, ce qui doit être constaté par procès-verbal ;
Attendu que, dans le cas présent, l’intéressé a été interpellé puis placé en garde à vue le 13 novembre 2024 à 19 heures 31 et que les droits ont été notifiés par le truchement téléphonique ; qu’il est également constant qu’une réquisition à interprète est intervenue 1 minute avant ;
Attendu toutefois que le conseil n’apporte pas la preuve d’une atteinte substantielle aux droits au sens des dispositions de l’article L743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile; que le moyen sera donc écarté;

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION:
Attendu que la procédure est régulière ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces jointes à la requête et des mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la personne retenue a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informée de ses droits et placée en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention ;
Attendu que la mesure d’éloignement n’a pu être mise à exécution dans le délai de quatre jours qui s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention ;
Attendu qu’il n’est émis aucune critique sur les diligences accomplies jusqu’à présent par l’Administration pour que, conformément aux exigences de l’article L. 741-3 et L. 751-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la rétention n’excède pas le temps strictement nécessaire au départ de la personne faisant l’objet de la mesure d’éloignement étant précisé que les autorités consulaires algériennes ont été saisies le 15 novembre 2024 à 10 heures 08 ;

SUR LA DEMANDE D’ASSIGNATION A RESIDENCE
Attendu que la personne retenue ne remplit pas les conditions d’une assignation à résidence, telles que fixées par l’article L. 743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en ce sens qu’elle n’a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, quels que soient les mérites de ses garanties de représentation ;
Dossier N° RG 24/03022

SUR LA TRANSMISSION DE LA QUESTION PREJUDICIELLE
Attendu qu’il est soutenu que les dispositions de l’article L. 743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile seraient contraires à l’article 15 §1 et 6 de la directive « Retour » n°2008/115lCE du 16 décembre 2008 au motif que le maintien en rétention ne pourrait dépendre de l’absence de remise préalable d’un passeport en cours de validité.
Attendu que l’article 15-1 de la directive précitée dispose que : « À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant a l’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement en particulier lorsque _’ a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerne’ d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ››.
Attendu que la directive prévoit que la rétention doit être prescrite par la loi et être nécessaire, raisonnable et proportionnée aux objectifs à atteindre et qu’el1e doit être la plus courte possible. Par ailleurs, il est permis aux législations nationales transposant la directive d’adopter une définition du risque de fuites différant sensiblement selon Etats membres.
Attendu qu’en France, l’article L. 241-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce que : l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L731-1 du CESEDA garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Attendu que le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente ››.
Attendu que la remise d’un passeport en cours de validité aux services de police ou de gendarmerie compétents est un des éléments permettant d’apprécier les garanties de représentation et donc le risque de fuite;
Attendu qu’il ne résulte pas de la lecture de l’article 15 de la directive retour l’interdiction pour les Etats membres d’exiger la remise préalable d’une pièce d’identité dès lors que cette exigence a pour objectif de prévenir un risque de fuite, risque précisément visé par la directive; qu’il s’en déduit qu’en l’absence de toute incertitude sur l’interprétation devant être donnée au texte de l’Union précité et d’incompatibilité des textes nationaux avec eux, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de transmission de question préjudicielle, moyen qui sera donc écarté;

Attendu qu’en définitive, rien ne s’oppose à ce que soit ordonnée la prolongation de la rétention administrative de la personne visée par la requête du préfet ;

Dossier N° RG 24/03022

PAR CES MOTIFS,

REJETONS le moyen de nullité soutenu in limine litis ;

DÉCLARONS la requête du PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS recevable et la procédure régulière ;

REJETONS la demande d’assignation à résidence ;

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. X se disant [L] [W] au centre de rétention administrative [20] (77), ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 18 novembre 2024 à 17h34 ;

DECLARONS la demande relative à la tranmission de la question préjudicielle recevable ;
REJETONS la demande susmentionnée ;
DISONS n’y avoir lieu à transmission ;

Prononcé publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot, le 19 Novembre 2024 à 15h56 .

Le greffier, Le juge,

qui ont signé l’original de l’ordonnance.

Pour information :

– La présente ordonnance est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris dans les 24 heures de sa notification. Le délai d’appel qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Le premier président est saisi par une déclaration écrite motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel de [Localité 21] (Service des étrangers – Pôle 1 Chambre 11), notamment par télécopie au [XXXXXXXX03] ou par courriel à l’adresse [Courriel 18]. Cet appel n’est pas suspensif. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice jusqu’à l’audience qui se tiendra à la cour d’appel.
– Vous pouvez, pendant toute la durée de votre rétention, demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec votre consulat ou toute personne de votre choix.
– Vous avez également le droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([Adresse 12] ; www.cglpl.fr ; tél. : [XXXXXXXX05] ; fax : [XXXXXXXX02]) ;
• le Défenseur des droits ([Adresse 15] ; tél. : [XXXXXXXX08]) ;
• France Terre d’Asile ([Adresse 13] ; tél. : [XXXXXXXX04]) ;
• Forum Réfugiés Cosi ([Adresse 14] ; tél. : [XXXXXXXX07]) ;
• Médecins sans frontières – MSF ([Adresse 16] ; tél. : [XXXXXXXX01]).
– La CIMADE, association indépendante de l’administration présente dans chacun des centres de rétention du Mesnil-Amelot (Tél. CIMADE CRA2 : [XXXXXXXX010] / [XXXXXXXX011] – Tél. CIMADE CRA 3 : [XXXXXXXX09] / [XXXXXXXX06]) est à votre disposition, sans formalité, pour vous aider dans l’exercice effectif de vos droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
– Vous pouvez aussi demander, à tout moment, qu’il soit mis fin à votre rétention par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.

Reçu le 19 novembre 2024, dans une langue comprise, notification de la présente ordonnance avec remise d’une copie intégrale, information du délai d’appel et des modalités d’exercice de cette voie de recours, ainsi que le rappel des droits en rétention.
La personne retenue, L’interprète ayant prêté son concours

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 19 novembre 2024, à l’avocat du PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, absent au prononcé de la décision.
Le greffier,

Copie intégrale de la présente ordonnance a été transmise par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication comportant un accusé de réception, le 19 novembre 2024, à l’avocat de la personne retenue, absent au prononcé de la décision.
Le greffier,


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