Résiliation de bail commercial et contestation des obligations locatives en raison de désordres immobiliers.

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Résiliation de bail commercial et contestation des obligations locatives en raison de désordres immobiliers.

L’Essentiel : La SCI FONCIERE PICOT 1 a engagé une procédure contre la SARL JULAES pour résiliation de bail commercial en raison de loyers impayés. Le tribunal a constaté la résiliation et ordonné l’expulsion de la défenderesse, qui a contesté la validité de cette résiliation en invoquant des infiltrations d’eau ayant affecté son activité. Malgré ses arguments, la SARL JULAES a été condamnée à verser 97 550,40 euros pour arriérés de loyers, ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation. Ses demandes reconventionnelles ont été rejetées, et elle devra également couvrir les frais de la demanderesse.

Contexte de l’affaire

La SCI FONCIERE PICOT 1 a assigné la SARL JULAES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, invoquant la résiliation de plein droit d’un bail commercial en raison de loyers impayés. La demanderesse a demandé l’expulsion de la défenderesse des locaux loués, ainsi que le paiement de diverses sommes liées aux arriérés de loyers et à des indemnités.

Historique du bail

Le bail commercial a été initialement conclu le 20 mars 2017 entre la SCI HVP et la SAS PROCOPIO, qui a ensuite cédé son fonds de commerce à la SARL JULAES en septembre 2021. La SARL JULAES a rencontré des difficultés de paiement, entraînant un commandement de payer délivré le 6 juillet 2023, resté sans effet.

Demandes des parties

La demanderesse a maintenu ses demandes lors des audiences, actualisant le montant des arriérés de loyers à 97 550,40 euros. De son côté, la défenderesse a demandé le déboutement de la SCI FONCIERE PICOT 1, ainsi qu’une indemnisation pour préjudices subis, tout en contestant la validité de la résiliation du bail.

Arguments de la défenderesse

La SARL JULAES a soutenu que ses difficultés de paiement étaient dues à des infiltrations d’eau dans les locaux, aggravées par l’inaction de la bailleresse. Elle a affirmé que ces problèmes avaient conduit à la fermeture de son restaurant pendant dix mois, rendant ainsi contestable son obligation de paiement des loyers.

Réponse de la demanderesse

La SCI FONCIERE PICOT 1 a contesté les arguments de la défenderesse, soulignant qu’aucune notification de désordres n’avait été faite avant le début de la procédure. Elle a également produit des preuves de ses efforts pour remédier aux problèmes d’infiltration, affirmant que la défenderesse n’avait pas respecté un plan d’apurement des arriérés.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté la résiliation du bail commercial en raison de l’acquisition de la clause résolutoire, ordonnant l’expulsion de la SARL JULAES si les lieux n’étaient pas restitués volontairement. La défenderesse a été condamnée à payer des arriérés de loyers et une indemnité mensuelle d’occupation, tandis que ses demandes reconventionnelles ont été rejetées.

Conséquences financières

La SARL JULAES a été condamnée à verser 97 550,40 euros à la SCI FONCIERE PICOT 1, ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation de 4 282,92 euros à compter du 1er novembre 2024. De plus, elle a été condamnée à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais de la demanderesse.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L.145-41 du code de commerce dans le cadre de la résiliation d’un bail commercial ?

L’article L.145-41 du code de commerce stipule que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit d’un bail commercial ne produit effet que passé un mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Ce commandement doit reproduire ce délai, et le juge saisi d’une demande de délai de grâce peut suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire tant que la résiliation n’a pas été constatée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Ainsi, la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dans l’affaire en question, un commandement de payer a été délivré le 06 juillet 2023, et la résiliation du bail a été constatée le 06 août 2023, ce qui est conforme aux dispositions de cet article.

La demanderesse a donc pu faire valoir la résiliation du bail en raison de l’impayé locatif, et le juge a constaté cette résiliation conformément à l’article L.145-41.

Quelles sont les conditions pour qu’un juge des référés puisse ordonner une expulsion ?

Selon l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tel que l’occupation sans titre d’une propriété privée.

L’alinéa 2 de cet article précise que lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge peut ordonner l’exécution de cette obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Dans le cas présent, la société JULAES occupait les lieux sans titre valide après la résiliation du bail, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Le juge a donc pu ordonner l’expulsion de la SARL JULAES, car la résiliation du bail était intervenue et la dette locative n’était pas sérieusement contestable.

Ainsi, les conditions pour ordonner une expulsion étaient réunies, permettant au juge d’agir en référé.

Comment le juge a-t-il évalué la demande de délais de paiement formulée par la défenderesse ?

Le juge a rappelé que des délais de paiement ne peuvent être accordés que sur démonstration d’une situation difficile et d’efforts sérieux tendant à l’apurement de la dette, avec une perspective réaliste d’apurement dans les délais.

Dans cette affaire, la défenderesse, la SARL JULAES, n’a pas produit de justificatifs permettant de tenir pour réaliste sa proposition d’apurement.

De plus, la dette locative avait considérablement augmenté depuis le commandement de payer, et la défenderesse menaçait de déposer le bilan.

La demanderesse, quant à elle, avait dû vendre un de ses appartements pour faire face à l’impayé locatif, ce qui a conduit le juge à rejeter la demande de délais.

Ainsi, le juge a estimé que la situation de la défenderesse ne justifiait pas l’octroi de délais de paiement.

Quelles sont les conséquences de la résiliation du bail commercial sur les obligations de paiement des loyers ?

La résiliation du bail commercial entraîne des conséquences immédiates sur les obligations de paiement des loyers.

En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, la société JULAES est devenue redevable d’une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant la résiliation, à compter du 1er novembre 2024.

De plus, la société JULAES a été condamnée à payer une somme provisionnelle de 97 550,40 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, arrêtés au 1er octobre 2024.

Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 06 juillet 2023.

Ainsi, la résiliation du bail a eu pour effet de rendre la société JULAES redevable de loyers et d’indemnités d’occupation, même après la résiliation effective du contrat.

Le juge a donc appliqué ces principes pour établir les obligations de paiement de la défenderesse.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais engagés pour la procédure qui ne peuvent pas être récupérés par la voie des dépens.

Dans cette affaire, la défenderesse a été condamnée à verser à la demanderesse la somme de 1 500 euros sur le fondement de cet article.

Le juge a considéré qu’il était inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits.

Ainsi, l’article 700 a été appliqué pour compenser les frais engagés par la demanderesse dans le cadre de la procédure, renforçant l’idée que la partie perdante doit contribuer aux frais de justice de la partie gagnante.

Cette disposition vise à garantir un accès équitable à la justice et à éviter que la partie gagnante ne soit pénalisée par les frais qu’elle a dû supporter.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

30B

Minute n° 24/979

N° RG 24/00097 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YPKD

3 copies

GROSSE délivrée
le 25/11/2024
à Me Benoît COUSSY
Me Delphine TRANQUARD

Rendue le VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 21 Octobre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDERESSE

S.C.I. FONCIERE PICOT 1, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Delphine TRANQUARD, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. JULAES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Benoît COUSSY, avocat au barreau de BORDEAUX

I – FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par acte en date du 27 novembre 2023, la SCI FONCIERE PICOT 1 a fait assigner la SARL JULAES, au visa des articles L.145-41 du code de commerce, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin de voir :
– constater la résiliation de plein droit du bail la liant avec la SARL JULAES faute pour celle-ci de s’être acquittée dans le délai d’un mois qui lui a été imparti des causes du commandement dûment délivré le 06 juillet 2023 ;
– ordonner l’expulsion des lieux loués situés [Adresse 1] à [Localité 5], ainsi que celle de toute personne trouvée de son chef dans les lieux outre les meubles effets personnels, le tou au besoin avec le concours de la force publique ;
– condamner à titre provisionnel la SARL JULAES à lui verser les sommes :
– 35 742,99 euros au titre des arriérés de loyers selon décompte arrêté fin octobre 2023 ;
– 3 374,30 euros au titre de l’indemnité contractuelle ;
– 1 175,18 euros au titre des intérêts contractuels ;
– condamner la SARL JULAES à lui payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des chages jusqu’à la libération effective et complète des lieux ;
– condamner la SARL JULAES à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ceux compris le coût du commandement de payer en date du 06 juillet 2023 pour un montant de 209,88 euros.

La demanderesse expose que suivant acte sous seing privé en date du 20 mars 2017, la SCI HVP, aux droits de laquelle elle vient, a donné à bail à la SAS PROCOPIO des locaux à usage commercial situés[Adresse 1] à [Localité 5] ; que par acte notarié du 03 septembre 2021, la SAS PROCOPIO a cédé son fonds de commerce à la SARL JULAES ; que la locataire étant défaillante dans le paiement des loyers, par acte du 06 juillet 2023, elle lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire qui est resté sans suite.

L’affaire, appelée à l’audience du 12 février 2024, a fait l’objet de renvois pour échange et conclusions des parties avant d’être retenue à l’audience du 21 octobre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– la demanderesse, le 18 octobre 2024, par des conclusions dans lesquelles elle maintient toutes ses demandes et actualise à 97 550, 40 euros le montant de l’arriéré locatif selon décompte arrêté fin juin 2024, à 8 905,81 euros le montant au titre de l’indemnité contractuelle, à 1 175,18 euros le montant des intérêts contractuels et à 2 550 euros le montant au titre des frais irrépétibles ;

– la défenderesse, le 17 octobre 2024, par des conclusions dans lesquelles elle sollicite :
– à titre principal, de :
– débouter la SCI FONCIERE PICOT 1 de sa demande au titre de l’acquisition de la clause résolutoire ;
– condamner la SCI FONCIERE PICOT 1 à l’indemniser à hauteur d’une provision de 390 000 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– compenser judiciairement le montant de la provision et les impayés de loyer ;
– condamner la SCI FONCIERE PICOT 1 à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
– à titre subsidiaire, de :
– renvoyer la SCI FONCIERE PICOT 1 à mieux se pourvoir en raison de contestation sérieuse ;
– condamner la SCI FONCIERE PICOT 1 à l’indemniser à hauteur d’une provision de 50 000 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– compenser judiciairement le montant de la provision et les impayés de loyer ;
– condamner la SCI FONCIERE PICOT 1 à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– à titre très subsidiaire, de :
– lui accorder les plus larges délais de paiement pour apurer sa dette ;
– réduire la clause pénale à une indemnité forfaitaire de 1 euro et aux intérêts légaux;
– débouter la SCI FONCIERE PICOT 1 du surplus de ses demandes.

Elle fait valoir qu’elle a connu des difficultés pour payer son loyer du fait d’infiltrations récurrentes au niveau de la toiture depuis août 2022 qui se sont aggravées en septembre 2023; qu’elle a été contrainte de fermer son restaurant pendant 10 mois compte tenu du dégât des eaux et de l’inertie du bailleur qui a refusé, malgré ses relances, de faire les travaux nécessaires ; qu’ainsi l’obligation de payer les loyers est sérieusement contestable dans la mesure où sa carence trouve précisément son origine dans le propre manquement du bailleur, tenu des grosses réparations, qui doit lui délivrer un local étanche ; que le PV de constat du 27 octobre 2023 confirme les infiltrations d’eau (dalles du plafond humides, certaines dalles absentes laissant apparaître la laine de verre, murs humides avec écaillements de peinture et boursoufflures) ; qu’elle a par ailleurs dû entreprendre des démarches pour obtenir les autorisations nécessaires d’exploitation qui auraient dû exister dès l’origine ; subsidiairement, que compte tenu de sa bonne foi, elle est fondée à obtenir des délais pour s’acquitter des sommes dues ; que les manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance lui ont causé de graves préjudices moral (50 000 euros) et pécuniaire (perte de valeur du fonds de commerce de 300 000 euros).

II – MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

L’article 834 du code de procédure civile permet au juge des référés, en cas d’urgence, de prendre les mesures qui ne se heurtent pas à l’existence d’une contestation sérieuse. En outre, l’article 835 alinéa 1 permet au juge, même en présence d’une contestation sérieuse, de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tel que l’occupation sans titre d’une propriété privée.

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile permet au juge des référés, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, d’allouer une provision au créancier ou d’ordonner l’exécution de cette obligation même lorsqu’il s’agit d’une obligation de faire.

Aux termes de l’article L.145-41 du code du commerce, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit d’un bail commercial ne produit effet que passé un mois après un commandement de payer demeuré infructueux ; il impose au commandement de reproduire ce délai. Le juge saisi d’une demande de délai de grâce peut suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire tant que la résiliation n’a pas été constatée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire dans ce cas ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats et des observations respectives des parties :

– que le bail liant les parties comporte une clause résolutoire en cas de loyers impayés ;
– qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire et reproduisant le délai a été régulièrement signifié au preneur le 06 juillet 2023, à hauteur d’une somme de 21 155,45 euros dont 20 945,57 euros de dettes locatives selon décompte arrêté au 1er juin 2023 ;
– que le preneur ne s’est pas acquitté de son obligation de paiement intégral de sa dette dans le délai ci-dessus prescrit ;
– que la dette locative s’élève à 97 550,40 euros selon décompte arrêté au 1er octobre 2024, mensualité d’octobre incluse.

La défenderesse, qui ne conteste pas sa carence, soutient que ses difficultés pour payer son loyer sont dues aux infiltrations d’eau récurrentes depuis août 2022 qui se sont aggravées en septembre 2023 et qui, face à l’inertie du bailleur qui a refusé, malgré ses relances, de faire les travaux nécessaires, l’ont contrainte à fermer son restaurant pendant 10 mois ; que le procès-verbal de constat du 27 octobre 2023 confirme les infiltrations d’eau (dalles du plafond humides, certaines dalles absentes laissant apparaître la laine de verre, murs humides avec écaillements de peinture et boursouflures…) ; qu’ainsi l’obligation de payer les loyers est sérieusement contestable dans la mesure où sa carence trouve précisément son origine dans le propre manquement du bailleur, tenu des grosses réparations, qui doit lui délivrer un local étanche ; qu’elle a par ailleurs dû entreprendre des démarches pour obtenir les autorisations nécessaires d’exploitation qui auraient dû exister dès l’origine ; que la bailleresse ne saurait en conséquence revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire qui est invoquée de mauvaise foi.

La demanderesse, qui soutient que la défenderesse ne l’a pas informée d’un quelconque désordre avant l’engagement de la procédure, peut cependant soutenir utilement :
– que les seules pièces produites (rapport POLYEXPERT du 30 novembre 2023, constat du 27 octobre 2023) concernent le dégât des eaux d’octobre 2023 ;
– que la défenderesse n’a pas état de désordres avant cette date ; qu’ainsi ils n’ont pas été invoqués le 28 septembre 2022, à la réception de la mise en demeure de payer les loyers, ni à la réception du commandement de payer, ni à l’occasion de leurs rencontres sur les lieux notamment en août 2023
– que la défenderesse qui conteste les saisies conservatoires n’a pourtant formé aucune opposition à leur encontre ;
– que la copie du courrier adressé le 02 janvier 2024 par le gérant de la société JULAES, évoquant ses appels téléphoniques et relances depuis 2022, est inopérant puisqu’émanant de la défenderesse qui ne peut se constituer de preuve à elle même ;
– qu’il en va de même du rapport de Polyexpert et du constat qui ont retracé la chronologie des faits sur la seule foi des déclarations de la locataire ;
– qu’elle justifie quant à elle avoir fait toute diligence en effectuant, suite au dégât des eaux du 28 octobre 2023, une déclaration de sinistre qui a conduit son assureur à mandater, après la visite de l’expert du 31 janvier 2024, un charpentier-couvreur qui a établi le 13 février 2024 un devis (de 17 796 euros) qu’elle a accepté, et qui a réalisé les travaux, qui sont terminés, s’agissant de la toiture, depuis le 14 mars 2024.

La demanderesse produit par ailleurs un avenant daté du 22 mars 2023 conclu entre les parties, aux termes duquel la défenderesse s’est engagée à solder l’arriéré de 13 804,37 euros en 11 mois à compter d’avril 2023 tout en poursuivant le paiement du loyer. Ce plan d’apurement, que la société JULAES n’a pas respecté, ne fait aucunement mention de désordres justifiant l’arriéré locatif, et n’impute aucun manquement au bailleur alors pourtant qu’à en croire la défenderesse, sa baisse d’activité et ses difficultés de paiement trouvent leur origine exclusive dans les infiltrations datant de 2022.

En conséquence, la dette locative étant constituée pour partie de loyers antérieurs au sinistre d’octobre 2023, la défenderesse ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution, ni d’aucune contestation sérieuse s’agissant de son obligation de paiement des loyers.

Sur les délais :

La défenderesse sollicite à titre subsidiaire des délais pour s’acquitter de sa dette locative.

Toutefois, de tels délais ne peuvent être accordés que sur démonstration à la fois d’une situation difficile et d’efforts sérieux tendant à l’apurement de la dette, avec la perspective réaliste d’un apurement dans les délais.

Or la société JULAES ne produit aucun justificatif permettant de tenir pour réaliste sa proposition d’apurement, alors même que sa dette locative s’est notablement accrue depuis le commandement de payer, qu’elle menace de déposer le bilan, et que la demanderesse, qui a dû exposer des frais importants pour remédier aux désordres, justifie avoir vendu un de ses appartements pour faire face à l’impayé locatif.

La demande de délais sera donc rejetée.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, les contestations de la défenderesse ne pouvant être qualifiées de sérieuses, que la résiliation du bail commercial est intervenue le 06 août 2023 par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire, et qu’il convient donc :

– d’ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société JULAES, de ses biens et des occupants de son chef des locaux litigieux, et ce, avec l’assistance éventuelle de la force publique et d’un serrurier, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte ;

– de dire qu’à compter du 06 août 2023, et jusqu’à complète libération des lieux, la société JULAES est devenue redevable d’une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date ;

– de condamner la société JULAES au paiement de la somme provisionnelle de 97 550,40 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés arrêtés au 1er octobre 2024, mensualité d’octobre 2024 incluse, cette somme n’étant pas sérieusement contestable

– de dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal, à compter du commandement de payer délivré le 06 juillet 2023 sur la créance exigible à cette date, et de la date d’échéance pour le surplus ;

– de condamner la société JULAES au versement d’une indemnité mensuelle d’occupation de 4 282,92 euros à compter du 1er novembre 2024, et jusqu’à la libération effective des lieux.

Il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes au titre de l’indemnité contractuelle et des intérêts contractuels, fondées sur les clauses du contrat, qui s’apparentent à des clauses pénales dont l’appréciation relève de la compétence du juge du fond.

Sur la demande reconventionnelle

La défenderesse sollicite la condamnation de la SCI FONCIERE PICOT 1 à l’indemniser, en raison de la perte de valeur vénale de son fonds de commerce et d’un préjudice moral, à hauteur d’une provision d’un montant de 390 000 euros à titre principal ou de 50 000 euros à titre subsidiaire, et de procéder à la compensation entre le montant de la provision et les impayés de loyer.

En l’état des pièces et des débats, cette demande, qui ne repose sur aucun justificatif, doit être rejetée comme se heurtant à une contestation sérieuse.

Sur les demandes accessoires

Il apparait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits. La défenderesse sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse sera condamnée aux dépens.

III – DECISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel ;

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile
Vu l’article L.145-41 du code du commerce,

Constate la résiliation, par l’acquisition de la clause résolutoire, du bail commercial liant la SCI FONCIERE PICOT 1 et la SARL JULAES ;

Condamne la SARL JULAES à payer à la SCI FONCIERE PICOT 1 la somme provisionnelle de 97 550,40 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés arrêtés au 1er octobre 2024, mois d’octobre 2024 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer délivré le 06 juillet 2023 sur la créance exigible à cette date, et de la date d’échéance pour le surplus

Condamne la SARL JULAES au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 4 282,92 euros à compter du 1er novembre 2024 et jusqu’à complète libération des lieux

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la SARL JULAES, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés situés [Adresse 1] à [Localité 5] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d’un serrurier ;

Déboute la SARL JULAES de ses demandes

Déboute la SCI FONCIERE PICOT 1 du surplus de ses demandes

Condamne la SARL JULAES à payer à la SCI FONCIERE PICOT 1 DU [Adresse 3] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL JULAES aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 06 juillet 2023

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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