Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’appréciation de la menace à l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’appréciation de la menace à l’ordre public.

L’Essentiel : M. Xsd [R] [K], né le 30 juillet 1997 en Algérie, est actuellement retenu au centre de rétention administrative. Il a refusé de se présenter à l’audience, représenté par Me Tabet Korayten. Le 23 novembre 2024, le tribunal de Meaux a prolongé sa rétention de 15 jours. M. [R] [K] a été placé en rétention le 23 septembre 2024, et son comportement, notamment son refus de se présenter aux autorités consulaires et son passé criminel en Allemagne, a été pris en compte. La cour a confirmé l’ordonnance, considérant qu’aucune illégalité n’affectait les conditions de sa rétention.

Identité de l’Appelant

M. Xsd [R] [K], né le 30 juillet 1997 à [Localité 1] en Algérie, est retenu au centre de rétention administrative. Il a refusé de se présenter à l’audience, comme indiqué dans un courriel du centre de rétention de [Localité 2].

Représentation Légale

L’appelant est représenté par Me Tabet Korayten, avocat de permanence au barreau de Paris, qui était présent lors de l’audience à la Cour d’appel de Paris. L’intimé, le Préfet de Seine-et-Marne, est représenté par Me Alice Zarka du cabinet Centaure.

Ordonnance de Rétention

Le 23 novembre 2024, le magistrat du tribunal judiciaire de Meaux a déclaré la requête recevable et a ordonné une troisième prolongation de la rétention de M. [R] [K] pour une durée de 15 jours, à compter du 22 novembre 2024. L’appel de cette décision a été interjeté par M. [R] [K] le même jour.

Contexte de la Rétention

M. [R] [K] a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral le 23 septembre 2024. La prolongation de la rétention a été décidée par le magistrat en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté.

Arguments des Parties

Le conseil de M. [R] [K] a demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le conseil du Préfet a plaidé pour sa confirmation. La cour a examiné les observations des deux parties.

Critères de Prolongation de Rétention

Selon l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le magistrat peut prolonger la rétention au-delà de la durée maximale si certaines conditions sont remplies, notamment en cas d’obstruction à l’éloignement ou de menace pour l’ordre public.

Évaluation de la Menace à l’Ordre Public

La cour a souligné que la menace pour l’ordre public doit être appréciée in concreto, en tenant compte des comportements de l’intéressé. La simple commission d’infractions pénales ne suffit pas à établir une menace.

Comportement de l’Appelant

Il a été noté que M. [R] [K] avait refusé à trois reprises de se présenter devant ses autorités consulaires. De plus, il a un passé criminel, ayant été condamné en Allemagne pour plusieurs délits, ce qui a été pris en compte dans l’évaluation de la menace à l’ordre public.

Décision de la Cour

La cour a confirmé l’ordonnance du premier juge, considérant qu’il n’y avait pas d’illégalité affectant les conditions de la rétention. L’ordonnance sera notifiée à l’intéressé avec une traduction écrite.

Voies de Recours

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que :

« À titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. »

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder quatre-vingt-dix jours, et les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation.

Comment le juge évalue-t-il la menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative ?

L’évaluation de la menace pour l’ordre public est une question délicate qui doit être appréciée in concreto. Selon la jurisprudence, la menace doit être fondée sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration.

La jurisprudence précise que :

« La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé. »

Il est également important de noter que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé présente une menace pour l’ordre public.

Ainsi, l’administration doit démontrer que l’étranger en situation irrégulière fait peser des risques objectifs sur l’ordre public, en tenant compte de son comportement passé et des circonstances entourant sa situation.

Quelles sont les voies de recours disponibles pour contester une ordonnance de prolongation de rétention administrative ?

L’ordonnance de prolongation de la rétention administrative n’est pas susceptible d’opposition, mais elle peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Selon les dispositions applicables :

« Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. »

Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Il est donc crucial pour l’intéressé de respecter ce délai et de suivre la procédure adéquate pour contester la décision de prolongation de sa rétention.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/05468 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLM3

Décision déférée : ordonnance rendue le 23 novembre 2024, à 12h21, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nolwenn Hutinet, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. Xsd [R] [K]

né le 30 juillet 1997 à [Localité 1], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention : [3]

non comparant, ayant refusé de se présenter à l’audience selon un courriel reçu du centre de rétention du [Localité 2] à 10h16

représenté par Me Tabet Korayten, avocat de permanence au barreau de Paris, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris

INTIMÉ :

LE PRÉFET DE SEINE-ET-MARNE

représenté par Me Alice Zarka, du cabinet Centaure, avocats au barreau de Paris, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu l’ordonnance du 23 novembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une troisième prolongation de la rétention de l’intéressé au centre de rétention administrative du [3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 15 jours à compter du 22 novembre 2024 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 23 novembre 2024 , à 14h47 , par M. Xsd [R] [K] ;

– Après avoir entendu les observations :

– du conseil de M.Xsd [R] [K] qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de Seine-et-Marne tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [R] [K], né le 30 juillet 1997 à [Localité 1] (Algérie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 23 septembre 2024.

La mesure a été prolongée pour la troisième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Meaux le 23 novembre 2024.

Monsieur [R] [K] a interjeté appel de cette décision.

Réponse de la cour :

S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.

En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :

« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.

Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.

S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.

La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).

L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).

En l’espèce, il ressort des pièces de la procédure qu’après trois refus de Monsieur [R] [K] se présenter devant ses autorités consulaires, une reconnaissance est intervenue néanmoins le 08 novembre 2024, l’administration restant dans l’attente de la délivrance du laissez-passer consulaire devant dès lors intervenir à bref délai.

En outre, il est établi que Monsieur [R] [K] adopte un comportement susceptible de menacer l’ordre public, ayant été condamné et incarcéré en Allemagne du 28 novembre 2020 au 29 septembre 2022 pour vol avec arme, vol, vol aggravé, cambriolage, et un incident ayant nécessité une mise à l’isolement étant relaté au sein du centre de rétention administrative.

En l’absence de toute illégalité susceptible d’affecter les conditions (découlant du droit de l’Union) de légalité de la rétention, et à défaut d’autres moyens présentés en appel, il y a lieu confirmer l’ordonnance du premier juge.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance,

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l’intéressé par l’intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction écrite du dispositif de l’ordonnance dans la langue comprise par l’intéressé ),

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 25 novembre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète L’avocat de l’intéressé


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