Recevabilité de l’appel et qualification des demandes indéterminées dans le cadre d’une contestation médicale en milieu professionnel.

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Recevabilité de l’appel et qualification des demandes indéterminées dans le cadre d’une contestation médicale en milieu professionnel.

L’Essentiel : La Poste est une entreprise nationale dédiée à la collecte, au tri, au transport et à la distribution d’envois postaux, tout en assurant une mission de service public. Mme [X], recrutée en 2007, a occupé divers postes, dont celui de chargée de clientèle. En raison de problèmes de santé, un médecin du travail a jugé qu’elle ne pouvait pas travailler. Contestant cet avis, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a déclaré ses demandes irrecevables. Elle a interjeté appel, soutenant que ses demandes étaient indéterminées, ce qui a conduit à la recevabilité de son appel par le conseiller de la mise en état.

Présentation de La Poste

La société La Poste est une entreprise nationale à conseil d’administration, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris. Elle est engagée dans des activités de collecte, tri, transport et distribution d’envois postaux et de marchandises, tout en remplissant une mission de service public. La Poste emploie plus de 50 salariés.

Engagement de Mme [X]

Mme [W] [X] a été recrutée par La Poste le 6 décembre 2007 en tant que guichetier, niveau II.1. À la fin de sa relation de travail, elle occupait le poste de chargée de clientèle dans le secteur de [Localité 4] et percevait un salaire brut mensuel de 1 768,19 euros. Son emploi était régi par la convention d’entreprises La Poste ‘ France Télécom.

Intervention du médecin du travail

Le 31 juillet 2020, le personnel d’encadrement a demandé l’intervention du médecin du travail en raison de l’état de santé de Mme [X]. Ce dernier a conclu que son état de santé l’empêchait d’exercer son activité jusqu’à la fin de sa journée de travail.

Procédure judiciaire

Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres le 14 août 2020 pour contester l’avis médical. Le 13 octobre 2020, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent et a conseillé aux parties de se pourvoir devant les juges du fond. Le 11 janvier 2021, Mme [X] a introduit diverses demandes devant le même conseil.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 7 février 2022, le conseil de prud’hommes a déclaré irrecevables les demandes de Mme [X] et a débouté La Poste de ses demandes reconventionnelles. Mme [X] a été condamnée aux dépens. Elle a interjeté appel de ce jugement le 15 mars 2022.

Demandes des parties

La société La Poste a demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’appel de Mme [X], tandis que cette dernière a contesté cette demande et a demandé des condamnations à l’encontre de La Poste, notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Recevabilité de l’appel

La société La Poste a soutenu que l’appel était irrecevable en raison du montant des demandes en première instance, qui était inférieur à 5 000 euros. Cependant, Mme [X] a argué que ses demandes étaient indéterminées, ce qui rendait l’appel recevable. La cour a finalement jugé que le jugement était susceptible d’appel en raison de la nature indéterminée des demandes de Mme [X].

Décision du conseiller de la mise en état

Le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel de Mme [X] recevable et a laissé à la charge de La Poste les dépens de la procédure sur incident. Il a également rappelé que cette ordonnance pouvait être contestée dans un délai de 15 jours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par Mme [X] ?

La recevabilité de l’appel interjeté par Mme [X] est une question centrale dans cette affaire. La société La Poste soutient que l’appel est irrecevable en vertu de l’article R 1462-1 du code du travail, qui stipule que le conseil de prud’hommes statue en dernier ressort lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret, soit 5 000 euros.

L’article R 1462-1 du code du travail précise :

1° Lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret ;

2° Lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes.

Cependant, l’article D.1462-3 du même code indique que les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas prises en compte dans le calcul du taux de ressort.

Il est également important de noter que, selon l’article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d’une décision par les juges qui l’ont rendue est sans effet sur le droit d’exercer un recours.

Ainsi, même si le jugement a été qualifié de dernier ressort, la cour a constaté que les demandes de Mme [X] étaient indéterminées, ce qui, selon l’article 40 du code de procédure civile, rend le jugement susceptible d’appel.

En conclusion, l’appel interjeté par Mme [X] a été déclaré recevable, car les demandes formulées étaient par nature indéterminées, permettant ainsi l’exercice d’un recours.

Quels sont les effets de la qualification inexacte d’une décision sur le droit d’exercer un recours ?

L’article 536 du code de procédure civile stipule que la qualification inexacte d’une décision par les juges qui l’ont rendue n’affecte pas le droit d’exercer un recours. Cela signifie que même si un jugement est qualifié de dernier ressort à tort, cela ne prive pas les parties de leur droit d’appel.

L’article 536 précise :

« La qualification inexacte d’une décision par les juges qui l’ont rendue est sans effet sur le droit d’exercer un recours. »

Dans le cas présent, bien que le conseil de prud’hommes ait qualifié son jugement de dernier ressort, cette qualification ne peut pas empêcher Mme [X] d’exercer son droit d’appel.

La cour a donc rappelé que la recevabilité de l’appel doit être appréciée non pas en fonction de l’indication portée sur le jugement, mais selon les textes applicables à la juridiction concernée.

Ainsi, même si le jugement a été qualifié de dernier ressort, cela n’a pas d’incidence sur le droit d’appel de Mme [X], qui a pu faire valoir ses demandes devant la cour d’appel.

Quelles sont les implications des demandes indéterminées sur la recevabilité de l’appel ?

Les demandes indéterminées jouent un rôle crucial dans la détermination de la recevabilité de l’appel. Selon l’article 40 du code de procédure civile, un jugement qui statue sur des demandes indéterminées est susceptible d’appel, même si le montant des demandes ne dépasse pas le seuil de compétence fixé.

L’article 40 du code de procédure civile dispose :

« Les demandes qui ne sont pas déterminées dans leur montant sont susceptibles d’appel. »

Dans cette affaire, bien que le montant des demandes de Mme [X] soit inférieur à 5 000 euros, la nature indéterminée de ses demandes a permis à la cour de considérer que le jugement était susceptible d’appel.

Les demandes de Mme [X] incluaient des requêtes pour annuler un avis médical et pour saisir la Cour de cassation, ce qui, par leur nature, ne permettait pas de fixer un montant précis.

Ainsi, la cour a conclu que, malgré le montant des demandes, la nature indéterminée de celles-ci justifiait la recevabilité de l’appel interjeté par Mme [X].

En résumé, les demandes indéterminées permettent d’ouvrir la voie à un recours, indépendamment du montant en jeu, ce qui a été déterminant dans la décision de la cour d’appel.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre sociale 4-3

Prud’Hommes

Minute n°

N° RG 22/00845 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VCEA

AFFAIRE : [X] C/ S.A. LA POSTE

ORDONNANCE D’INCIDENT

Rendue publiquement par mise à disposition de la décision au greffe le VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

par Mme Florence SCHARRE, conseiller de la mise en état de la Chambre sociale 4-3, avons rendu l’ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience, le vingt cinq Septembre deux mille vingt quatre,

assistée de Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière,

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DANS L’AFFAIRE ENTRE :

Madame [W] [X]

née le 27 Juillet 1980 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

Plaidant : Me Sandra RENDA de la SCP MERY – RENDA – KARM, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018

APPELANTE au principal – DÉFENDERESSE à l’incident

C/

S.A. LA POSTE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Eric DI COSTANZO de la SELARL ACT’AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN, vestiaire : 97

INTIMÉE au principal – DEMANDERESSE à l’incident

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FAITS ET PROCÉDURE

La société La Poste est une société anonyme nationale à conseil d’administration immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris sous le n° 356 000 000. Elle exploite des activités de collecte, de tri, de transport et de distribution d’envois postaux, de courriers sous toutes ses formes, d’objets et de marchandises dans le cadre d’une mission de service public et d’intérêt général.

Elle emploie plus de 50 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 6 décembre 2007, Mme [W] [X] a été engagée par la société La Poste en qualité de guichetier, niveau II.1.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [X] exerçait les fonctions de chargée de clientèle sur le secteur de [Localité 4] (28) et percevait un salaire moyen brut de 1 768,19 euros par mois.

La relation de travail était régie par les dispositions de la convention d’entreprises La Poste ‘ France Télécom.

Le 31 juillet 2020, le personnel d’encadrement a sollicité l’intervention du médecin du travail au regard de l’état de santé apparent de Mme [X] lors de sa prise de poste.

Par avis rendu le même jour, le médecin du travail a indiqué que l’état de santé de Mme [X] faisait obstacle à l’exercice de son activité jusqu’au terme de sa journée de travail.

Par requête introductive reçue au greffe le 14 août 2020, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres, en sa formation de référé, d’une demande tendant à l’annulation de l’avis médical rendu le 31 juillet 2020.

Par ordonnance en date du 13 octobre 2020, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Chartres s’est déclarée incompétente et a invité les parties à mieux se pourvoir devant les juges du fond.

Par requête reçue au greffe le 11 janvier 2021, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres, en sa formation de jugement de diverses demandes.

Par jugement en date du 7 février 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Chartres a :

En la forme :

– reçu Mme [X] en ses demandes ;

– reçu la société La Poste en ses demandes reconventionnelles ;

Au fond :

– dit que les demandes de Mme [X] sont irrecevables ;

– débouté Mme [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sa demande au titre de l’exécution provisoire ;

– débouté la société La Poste de ses demandes reconventionnelles ;

– condamné Mme [X] aux entiers dépens.

Par déclaration remise au greffe de la cour d’appel de Versailles, le 15 mars 2022, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 30 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société La Poste demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer irrecevable l’appel du 15 mars 2022 formé par Mme [X] du jugement du conseil de prud’hommes de Chartres du 7 février 2022 notifié à Mme [X] ;

– condamner Mme [X] en tous les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 14 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande au conseiller de la mise en état de :

– déclarer la société La Poste mal fondée en son incident, l’en débouter ;

– condamner la société La Poste à payer à Mme [X] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens du présent incident.

Les parties ont donc été convoquées à l’audience d’incident le 25 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

La société La Poste, sur le fondement de l’article R 1462-1 du code du travail, demande au conseiller de la mise en état de juger irrecevable l’appel interjeté le 15 mars 2022 par Mme [X], en ce que le montant de ses demandes en première instance s’élève à moins de 5 000 euros et que le jugement dont appel, qui a été rendu le 7 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Chartres, a été justement qualifié comme ayant été rendu en dernier ressort.

Elle fait observer que la salariée demandait aux premiers juges de saisir la Cour de cassation d’une demande d’avis mais également d’annuler, ou de prononcer l’inopposabilité, de l’avis émis par le médecin du travail à la suite de la téléconsultation ainsi réalisée.

Mme [X] lui oppose que la société La Poste doit être déboutée de son incident car c’est à la suite d’une erreur que le conseil de prud’hommes a qualifié le jugement comme étant rendu en dernier ressort. Elle soutient que ses demandes sont par nature indéterminées. Elle considère qu’en application de l’article 40 du code de procédure civile, le jugement dont s’agit est donc susceptible d’appel.

L’article D.1462-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 20 août 2020, issue du décret n°2020-1066 du 17 août 2020, précise que le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud’hommes est de 5 000 euros étant précisé que les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’entrent pas dans le calcul du taux de ressort, ni dans l’appréciation de la nature déterminée ou non des demandes.

L’article R 1462-1 du code du travail prévoit par ailleurs que le conseil de prud’hommes statue en dernier ressort :

1° lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret ;

2° lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autre demandes.

En vertu de l’article 536 du code de procédure civile, la qualification inexacte d’une décision par les juges qui l’ont rendue est sans effet sur le droit d’exercer un recours.

Cependant, la recevabilité de l’appel s’apprécie non pas au regard de l’indication portée sur le jugement mais sur les textes applicables à la juridiction concernée.

Il est constant que le jugement dont s’agit a été qualifié comme étant rendu en dernier ressort.

Il apparaît que Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres le 14 Août 2020, des demandes suivantes :

– Saisir la Cour de cassation pour avis sur une question : le conseil de prud’hommes est-il compétent pour prononcer la nullité ou l’inopposabilité selon de procédure de droit commun au fond des avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail sans que les procédures et diligences prescrites par la loi et le règlement aient été respectées ‘

– Déclarer la téléconsultation organisée par la poste irrégulière en la forme ;

– Annuler l’avis médical rendu sur demande de la poste le 31 juillet 2020 ;

– condamner la société La Poste au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 2 000 euros.

La cour constate que même si le taux de ressort n’est pas atteint, la salariée a formé des demandes principales qui, par leur nature, sont indéterminées.

Dès lors, rappelant les dispositions de l’article 40 du code de procédure civile, il convient de retenir que le jugement dont appel, qui a statué sur des demandes indéterminées, est ainsi susceptible d’appel.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état,

DÉCLARE l’appel interjeté le 14 mars 2022 par Mme [W] [X] recevable ;

LAISSE à la charge de la société La Poste les éventuels dépens de la présente procédure sur incident ;

RAPPELLE que la présente ordonnance peut être déférée à la cour dans les 15 jours à compter de ce jour.

Expéditions exécutoires et certifiées conformes délivrées aux avocats le —————

La Greffière, La Conseillère,


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