Obligations contractuelles et conformité des locaux : Questions / Réponses juridiques

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Obligations contractuelles et conformité des locaux : Questions / Réponses juridiques

Le 2 août 2019, M. [F] [N], M. [H] [N] et Mme [D] [N] signent un bail commercial avec la SAS Gogi House pour des locaux destinés à la restauration. D’une durée de neuf ans, le bail débute le 8 août 2019 avec un loyer annuel de 56.400 euros HT. À l’entrée, la SAS constate l’absence d’une gaine d’extraction des fumées, essentielle à son activité. Malgré des demandes de travaux, ceux-ci sont refusés. En avril 2020, un commandement de payer est signifié pour loyers impayés, entraînant des actions judiciaires. Le tribunal annule le commandement et résout le bail, condamnant les bailleurs à rembourser des frais.. Consulter la source documentaire.

Quelle est l’obligation de délivrance du bailleur en matière de bail commercial ?

L’article 1719 du Code civil précise que le bailleur a plusieurs obligations, dont celle de délivrer au preneur la chose louée. Cette obligation est essentielle et se décline en plusieurs points :

1° Le bailleur doit délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent.

2° Il doit entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

3° Il doit en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En matière de bail commercial, cette obligation de délivrance implique que le local doit être conforme à la destination prévue au bail. Dans le cas présent, la SAS Gogi House a soutenu que les locaux loués ne disposaient pas d’une gaine d’extraction des fumées, ce qui est essentiel pour l’exploitation d’un restaurant.

Il est également important de noter que l’article 1720 du même code stipule que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce. Cela signifie que le bailleur ne peut pas se soustraire à cette obligation par le biais d’une clause limitative de responsabilité.

Ainsi, le manquement des consorts [N] à leur obligation de délivrance a été établi, ce qui engage leur responsabilité contractuelle.

Quelles sont les conséquences de la résolution du bail commercial ?

La résolution d’un contrat, selon l’article 1224 du Code civil, peut résulter de l’application d’une clause résolutoire, d’une notification du créancier au débiteur, ou d’une décision de justice en cas d’inexécution suffisamment grave.

L’article 1228 précise que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution du contrat, ordonner son exécution, ou allouer des dommages et intérêts.

En l’espèce, la SAS Gogi House a demandé la résolution judiciaire du bail en raison du manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance. Ce manquement a été jugé suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat aux torts exclusifs des bailleurs.

L’article 1229 indique que la résolution met fin au contrat, et que la date d’effet peut être fixée par le juge. Dans ce cas, la résolution a été prononcée rétroactivement à la date de prise d’effet du bail, soit le 8 août 2019, ce qui a des implications sur les obligations des parties, notamment en ce qui concerne les arriérés de loyers.

Comment évaluer le préjudice subi par la SAS Gogi House ?

La SAS Gogi House a sollicité des dommages et intérêts pour perte de gain, s’élevant à 104 222 euros, en se basant sur un bilan prévisionnel établi par un expert-comptable.

L’article 1228 du Code civil permet au juge d’allouer des dommages et intérêts dans le cadre de la résolution d’un contrat. Cependant, la réparation d’un préjudice doit être mesurée à la chance perdue, et ne peut pas être égale à l’entièreté de l’avantage qu’aurait procuré cette chance.

Dans cette affaire, bien que le manquement des consorts [N] ait privé la SAS Gogi House de la possibilité d’exploiter son activité, le tribunal a pris en compte d’autres facteurs qui peuvent influencer le résultat d’exploitation, tels que la concurrence et la conjoncture économique.

Ainsi, le préjudice a été évalué à 25 000 euros, correspondant à 25 % du résultat net d’exploitation estimé par l’expert-comptable, ce qui reflète une approche prudente et équilibrée dans l’évaluation du préjudice.

Quelles sont les implications de la nullité du commandement de payer ?

La SAS Gogi House a demandé la nullité du commandement de payer délivré le 7 avril 2020, en raison du manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance.

Il est établi qu’un commandement de payer visant des sommes qui ne sont pas dues encourt la nullité. En l’espèce, le manquement grave des consorts [N] à leur obligation de délivrance a entraîné la résolution du bail à la date de sa conclusion, rendant les sommes visées dans le commandement de payer sans objet.

Ainsi, le tribunal a prononcé la nullité du commandement de payer, ce qui signifie que la SAS Gogi House n’est pas tenue de régler les loyers réclamés, renforçant ainsi la protection des droits du preneur face à un bailleur qui n’a pas respecté ses obligations contractuelles.

Cette décision souligne l’importance de l’obligation de délivrance dans le cadre des baux commerciaux et les conséquences juridiques qui en découlent en cas de manquement.


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