Cour d’appel de Paris, 26 novembre 2024, RG n° 21/10405
Cour d’appel de Paris, 26 novembre 2024, RG n° 21/10405

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Licenciement et droits des salariés : enjeux de la preuve et de la régularité des procédures.

Résumé

Contrat de travail et embauche

La société Marionnaud Lafayette a embauché Mme [S] [T] par un contrat de travail à durée déterminée le 14 décembre 2017, en tant que responsable maintenance, avec un salaire brut mensuel de 4 616 euros. Ce contrat a été suivi d’un contrat à durée indéterminée à partir du 16 juin 2018, avec reprise d’ancienneté et des conditions similaires.

Rupture du contrat et licenciement

Le 15 février 2019, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 25 février. Le 28 février 2019, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis. Mme [T] a contesté ce licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 septembre 2019.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 21 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser à Mme [T] des indemnités pour licenciement, heures d’astreinte, et frais de justice, tout en déboutant Mme [T] du surplus de ses demandes.

Appel de Mme [T]

Mme [T] a interjeté appel du jugement le 16 décembre 2021, demandant une réformation partielle du jugement concernant les indemnités et la reconnaissance de l’ineffectivité de sa convention de forfait jours, ainsi que des rappels de salaire pour heures supplémentaires et astreintes.

Appel incident de la société

La société a également interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations financières et le déboutement de Mme [T] de ses demandes. Elle a également demandé des indemnités pour frais de justice.

Motivations de la cour

La cour a examiné les éléments relatifs à la convention de forfait jours, concluant que la société n’avait pas respecté les obligations légales de suivi de la charge de travail, rendant la convention inopposable à Mme [T]. Elle a également constaté que Mme [T] avait régulièrement effectué des heures supplémentaires et des astreintes non rémunérées.

Licenciement et comportement de Mme [T]

La cour a analysé les motifs du licenciement, considérant que les accusations de harcèlement moral et de comportement inapproprié n’étaient pas suffisamment étayées par des preuves concrètes. Elle a conclu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Indemnités et condamnations

La cour a infirmé certaines décisions des premiers juges, condamnant la société à verser des sommes précises à Mme [T] pour les heures supplémentaires, les astreintes, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également condamné la société aux dépens et à des frais de justice en faveur de Mme [T].

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024

(n° 2024/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10405 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3CJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/08200

APPELANTE

Madame [S] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON, toque : 1129

INTIMEE

S.A.S. MARIONNAUD LAFAYETTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alain LERICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G 015

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée en date du 14 décembre 2017, la société Marionnaud Lafayette (ci-après la société) a embauché Mme [S] [T] en qualité de responsable maintenance à compter du 14 décembre 2017 et jusqu’au 15 juin 2018, moyennant un salaire brut mensuel de 4 616 euros.

Par contrat à durée indéterminée du 14 juin 2018 à effet du 16 juin 2018, la société a embauché Mme [T] à durée indéterminée toujours en qualité de responsable maintenance avec reprise d’ancienneté au 14 décembre 2017, moyennant un salaire brut mensuel de 4 616 euros, outre un 13e mois ‘versé en décembre au prorata de son temps de présence sur l’année à la condition qu’elle justifie de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre de l’année de son embauche et conformément aux accords en vigueur dans l’entreprise’.

L’effectif de l’entreprise était d’au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail.

Par lettre du 15 février 2019, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 février suivant.

Par lettre recommandée en date du 28 février 2019, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 septembre 2019.

Par jugement du 21 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse; 

– condamné la société à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; 

* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte; 

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement; 

* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; 

– débouté Mme [T] du surplus de ses demandes; 

– débouté la société de sa demande relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 16 décembre 2021, Mme [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2024 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [T] demande à la cour de :

réformer partiellement le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; 

* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte;

– l’a déboutée du surplus de ses demandes ;

et statuant à nouveau,

– juger que sa convention de forfait jours est privée d’effet ;

en conséquence,

– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 350 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2017, outre 35 euros de congés payés afférents;

* 26 044,24 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2018, outre

2 604,42 euros de congés payés afférents;

* 3 191,81 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2019, outre 319,18 euros de congés payés afférents;

* 45,65 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2017, outre 4,56 euros de congés payés afférents;

* 21 608,42 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2018, outre 2 160,84 euros de congés payés afférents;

* 639,12 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2019, outre 63,91 euros de congés payés afférents;

– juger que la société s’est rendue coupable d’une exécution déloyale du contrat de travail quant à l’absence de contrepartie financière ou en repos en matière d’astreinte ;

en conséquence,

– condamner la société à lui verser la somme de 20 178 euros à titre de contrepartie financière des heures d’astreinte effectuées;

– condamner la société à lui verser la somme de 10 003,92 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

en tout état de cause,

– condamner la société au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

– la recevoir en son appel incident et en ses conclusions en réponse;

en conséquence,

sur l’appel incident,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte;

* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens;

et en ce qu’elle a été déboutée de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile;

statuant de nouveau,

– débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

– condamner Mme [T] au paiement d’une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner Mme [T] aux dépens de première instance et d’appel;

 

sur l’appel principal, s’il n’était pas fait droit à l’appel incident,

à titre principal,

– confirmer le jugement en raison de demandes formulées en cause d’appel non conformes aux articles 542 et 954 du code de procédure civile et attentatoires aux droits de la défense;

– débouter Mme [T] de toutes demandes complémentaires, contraires ou plus amples;

à titre subsidiaire,

– débouter Mme [T] de toutes demandes, fins et prétentions autres que celles énoncées dans la déclaration d’appel et transmises par voie électronique le 16 décembre 2021 à 14h58;

pour le surplus,

– débouter Mme [T] de ses demandes complémentaires, contraires ou plus amples telles qu’énoncées dans la déclaration d’appel transmise par voie électronique le 16 décembre 2021 à 14h58;

 

à titre très subsidiaire,

– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre du forfait jour, des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes, complémentaires ou plus amples;

– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre des contreparties obligatoires en repos;

– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre d’un prétendu temps d’astreinte;

– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre de la rupture de son contrat de travail;

 

à titre infiniment subsidiaire,

– ramener les prétentions financières de Mme [T] à de plus justes proportions;

– débouter Mme [T] du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Dit que l’effet dévolutif a opéré;

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [S] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse et sauf sur les dépens et les frais irrépétibles;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme [S] [T] les sommes suivantes :

– au titre des heures supplémentaires accomplies,

* 350 euros à titre de rappel pour l’année 2017, outre la somme de 35 euros au titre des congés payés afférents;

* 26 044,24 euros à titre de rappel pour l’année 2018, outre la somme de 2 604,42 euros au titre des congés payés afférents;

* 3 191,81 euros à titre de rappel pour l’année 2019, outre la somme de 319,18 euros au titre des congés payés afférents;

– au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

* 45,65 euros pour l’année 2017, outre la somme de 4,56 euros au titre des congés payés afférents;

* 21 608,42 euros pour l’année 2018, outre la somme de 2 160,84 euros au titre des congés payés afférents;

* 639,12 euros pour l’année 2019, outre la somme de 63,91 euros au titre des congés payés afférents;

– 20 178 euros au titre de la contrepartie financière pour les astreintes;

– 9 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Condamne la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme [S] [T] la somme de 2 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Marionnaud Lafayette aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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