Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Droit de passage et obligations de sécurité : enjeux de responsabilité et de réparation.
→ RésuméPropriétaire et EffondrementM. [E] [Z] est le propriétaire d’une maison située à [Localité 9]. Le 6 août 2019, un effondrement partiel a eu lieu dans l’une des caves de l’immeuble voisin, appartenant à l’Association Diocésaine de [Localité 9]. Un expert judiciaire a constaté des fissures et un désordre évolutif dans la structure, attribuant l’origine de l’éboulement à des inondations répétées. Droit de Passage et Périmètre de SécuritéLa parcelle de M. [Z] a un droit de passage sur celle de l’Association pour accéder à son immeuble. Suite à l’effondrement, M. [Z] ne peut plus utiliser ce passage. En réponse, la mairie a instauré un périmètre de sécurité autour de l’immeuble de l’Association. Expertises et Travaux Non RéalisésUn second expert a été mandaté en 2021, constatant une situation grave nécessitant des travaux urgents. Malgré un arrêté municipal ordonnant à l’Association de réaliser ces travaux sous astreinte, aucune action n’a été entreprise. Assignation et MédiationM. [Z] a assigné l’Association en justice pour obtenir le rétablissement de son passage et une indemnisation pour le préjudice subi. Une tentative de médiation n’a pas abouti, et un nouveau dégât des eaux a été signalé en octobre 2022. Jugement du Tribunal JudiciaireLe tribunal a condamné l’Association à rétablir le passage et à indemniser M. [Z] pour ses préjudices. L’Association a interjeté appel, contestant la décision et invoquant des impossibilités légales et matérielles. Arguments de l’AssociationL’Association soutient qu’elle ne peut pas rétablir la servitude en raison de l’arrêté municipal et des expertises en cours. Elle affirme avoir engagé des dépenses importantes pour des travaux d’investigation et de sécurisation. Arguments de M. [Z]M. [Z] demande la confirmation du jugement, soulignant l’inaction de l’Association et le préjudice financier qu’il subit en raison de l’impossibilité d’accéder à son passage. Il a également produit des preuves de l’absence de dommages sur le porche. Appréciation de la CourLa cour a confirmé que l’Association n’a pas respecté ses obligations de rétablir le passage et a rejeté ses arguments concernant l’impossibilité d’effectuer les travaux. L’arrêté municipal reste en vigueur et les travaux n’ont pas été réalisés. Indemnisation et AstreinteLa cour a accordé à M. [Z] une indemnisation pour les loyers supplémentaires qu’il a dû payer en raison de l’impossibilité d’utiliser son passage. L’astreinte a été fixée pour contraindre l’Association à agir dans un délai déterminé. Conclusion de la DécisionLa cour a confirmé le jugement initial, actualisé le montant de l’indemnisation et a condamné l’Association à verser des frais supplémentaires à M. [Z]. L’astreinte a été prolongée pour garantir l’exécution de la décision. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 74A
DU 26 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/01523
N° Portalis DBV3-V-B7I-WMWT
AFFAIRE :
l’ASSOCIATION DIOCESAINE DE [Localité 9]
C/
[E], [G], [P] [Z]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2024 par le Tribunal judiciaire de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 23/00325
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS,
la SCP MERY – RENDA – KARM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
l’ASSOCIATION DIOCÉSAINE DE [Localité 9]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège sociale
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentée par Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 – N° du dossier 2473211
Me Samuel WILLEMETZ de la SELARL LAMORIL-WILLEMETZ-LETKO-BURIAN, avocat – barreau d’ARRAS, vestiaire : 44
APPELANTE
****************
Monsieur [E], [G], [P] [Z]
né le 24 Octobre 1946 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 9]
représenté par Me Mathieu KARM de la SCP MERY – RENDA – KARM, avocat – barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 – N° du dossier 20230095
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [E] [Z] est propriétaire d’une maison d’habitation située [Adresse 6] à [Localité 9] (Eure-et-Loir), cadastrée section AC n°[Cadastre 7].
Le 6 août 2019, le premier niveau de l’une des caves de l’immeuble voisin, situé [Adresse 3] et [Adresse 5], cadastré section AC n°[Cadastre 1], appartenant à l’Association Diocésaine de [Localité 9] (ci-après, autrement nommée, ‘l’Association’) s’est partiellement effondré. M. [I], expert judiciaire mandaté par le tribunal administratif d’Orléans le 8 août suivant, a déposé son rapport le 14 août 2019. Ce rapport énonce que l’enduit ciment de la façade de l’immeuble situé au [Adresse 2], [Adresse 5] est fissuré et décollé ; constate l’existence de fissures anciennes et récentes, à plus de 50% correspondant à un désordre évolutif ; qu’au sous-sol, un fontis s’est formé avec effondrement du sol et du mur du fond dans la partie inférieure sur 50 cm environ de hauteur, le désordre étant très avancé et très évolutif avec aggravation des effondrements. L’expert précise que l’origine de l’éboulement, et donc des désordres, au niveau supérieur réside sans doute dans l’effondrement d’une voûte souterraine ou celui de la cave inférieure qui a été minée par les inondations à répétitions.
La parcelle cadastrée section AC n°[Cadastre 7] dispose d’un droit de passage sur celle cadastrée section AC n°[Cadastre 1] et ce, pour accéder à l’arrière de l’immeuble au moyen du porche de l’immeuble situé [Adresse 5]. Depuis le 6 août 2019, M. [Z] ne peut plus emprunter le passage commun attaché à sa maison en utilisant le porche.
Par arrêté municipal du 21 août 2019, la ville de [Localité 9] a mis en place un périmètre de sécurité au droit et en façade de la totalité de l’immeuble appartenant à l’Association.
Sur demande de la mairie de [Localité 8], le tribunal administratif d’Orléans en référé a ordonné une expertise dans le cadre de la procédure de péril imminent, et l’expert, M. [O], a rendu son rapport le 14 juin 2021. Il a constaté une situation grave et évolutive qui risque dans un futur proche d’occasionner des désordres irrémédiables et catastrophiques si rien n’est mis en oeuvre IMMÉDIATEMENT (en majuscules et caractères gras dans l’expertise). Il a ainsi préconisé la réalisation de travaux de sécurisation et de réparation à réaliser par le propriétaire, soit l’Association, sans attendre et à effectuer par des professionnels. A défaut d’exécution, il précise que le maire de [Localité 9] serait contraint de faire lui-même les travaux à la charge du propriétaire de la parcelle [Cadastre 1], donc l’Association.
Le 15 juin 2021, la municipalité de [Localité 9] a pris un nouvel arrêté de ‘mise en sécurité procédure urgente’, enjoignant à l’Association Diocésaine de [Localité 9] d’effectuer, sous trois semaines, lesdits travaux de sécurisation et de réparation, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Aucun des travaux préconisé n’a été entrepris par l’Association.
M. [Z] a fait assigner l’Association devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres le 29 octobre 2021 aux fins d’obtenir sa condamnation à rétablir le passage et à l’indemniser à titre provisionnel du préjudice découlant de cette privation.
La médiation ordonnée le 14 mars 2022, par le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres, n’a pas abouti.
Un nouveau dégât des eaux est survenu le 25 octobre 2022.
Par ordonnance du 23 janvier 2023, le juge des référés a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Chartres en application des dispositions de l’article 837 du code de procédure civile (procédure dite de ‘la passerelle’).
Par jugement contradictoire rendu le 17 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Chartres a :
– Condamné l’Association Diocésaine de [Localité 9] à rétablir dans les conditions de pleine sécurité le droit de passage sous le porche de l’immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 5] à [Localité 9], cadastré section AC n°[Cadastre 1] dont est créancier l’immeuble sis [Adresse 6] appartenant à M. [Z] et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé ce délai,
– Condamné l’Association Diocésaine de [Localité 9] à payer à M. [Z] la somme de 3 443,50 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et financier et la somme de 5 000 euros à titre de dommage-intérêts en réparation de son trouble de jouissance,
– Condamné l’Association Diocésaine de [Localité 9] à payer à M. [Z] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné l’Association Diocésaine de [Localité 9] aux dépens, en ce non compris les frais de constat d’huissier et de sommation,
– Rejeté le surplus des prétentions.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d’appel de Versailles le 14 mars 2024, l’Association Diocésaine de Chartres a interjeté appel de la décision à l’encontre de M. [Z].
Par dernières conclusions notifiées au greffe le 27 août 2024, l’Association Diocésaine de [Localité 9], appelante, demande à la cour de :
Vu l’impossibilité légale et matérielle de rétablir la servitude,
Vu la note de l’expert judiciaire, M. [H], du 20 février 2024,
Vu la force majeure et le fait du tiers,
Vu les articles L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation et 544 du code civil,
– La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– Infirmer le jugement rendu en ce qu’il :
* l’a condamnée à rétablir dans les conditions de pleine sécurité le droit de passage sous le porche de l’immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 5] à [Localité 9], cadastré section AC n°[Cadastre 1] dont est créancier l’immeuble sis [Adresse 6] appartenant à M. [Z] et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé ce délai,
* l’a condamnée à payer à M. [Z] la somme de 3 443,50 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et financier et la somme de 5 000 euros à titre de dommage-intérêts en réparation de son trouble de jouissance,
* l’a condamnée à payer à M. [Z] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens, en ce non compris les frais de constat d’huissier et de sommation,
* a rejeté le surplus des prétentions,
statuant à nouveau :
– Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner M. [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions notifiées au greffe le 24 juillet 2024, M. [Z], intimé, demande à la cour de :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles 544, 651, 682 et suivants et 701 al.1er et 2 du code civil,
Vu l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– Le dire recevable et fondé en toutes ses réclamations,
– Dire l’Association Diocésaine de [Localité 9] mal fondée en toutes ses contestations et l’en débouter,
– Actualiser son préjudice financier et matériel et, en conséquence, condamner l’Association Diocésaine de [Localité 9] à lui rembourser à ce titre la somme de 4 457 euros,
– Confirmer le jugement rendu pour le surplus,
– Condamner l’Association Diocésaine de [Localité 9] à lui verser la somme de 4 000 euros pour frais non répétibles devant la cour en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner l’Association Diocésaine de [Localité 9] aux entiers dépens d’appel.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement sauf sur le montant du préjudice financier et matériel à actualiser ;
Y ajoutant,
FIXE le terme de l’astreinte à l’expiration d’une durée de six mois à compter du prononcé du présent arrêt, soit au 26 mai 2025 ;
CONDAMNE l’Association Diocésaine de [Localité 9] à verser à M. [Z] la somme totale de 4 457 euros en réparation du préjudice matériel et financier (loyers du garage loué par ce dernier d’août 2019 à octobre 2024) ;
CONDAMNE l’Association Diocésaine de [Localité 9] aux dépens d’appel ;
DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’Association Diocésaine de [Localité 9] à verser à M. [Z] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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