Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 26 novembre 2024, RG n° 23/02160
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 26 novembre 2024, RG n° 23/02160

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion

Thématique : Rupture des pourparlers : enjeux de la bonne foi et des obligations contractuelles préalables.

Résumé

Contexte de l’affaire

Un compromis de vente a été signé le 13 avril 2021 concernant des parcelles cadastrées, appartenant à Madame [C] et ses enfants, pour un montant de 850 000 euros. Ce compromis, établi en l’étude de Me [N], stipulait des conditions suspensives, notamment l’obtention d’un permis de construire dans un délai de huit mois, sans mention d’une condition suspensive d’obtention de prêt ou de dépôt de garantie.

Avenant et non-signature de l’acte authentique

Un avenant a été signé le 7 décembre 2021, prévoyant une avance de 10 000 euros à chaque vendeur et reportant la date de signature de l’acte authentique au 2 mai 2022. Cependant, aucun acte authentique n’a été signé entre les parties.

Assignation en justice

Les sociétés impliquées, ainsi que Monsieur [V], ont assigné les consorts [A] devant le tribunal judiciaire en mai et juin 2023, demandant des indemnités pour rupture brutale des pourparlers contractuels. Les demandeurs réclamaient des sommes importantes pour divers préjudices, y compris des dommages et intérêts pour frais engagés et préjudice moral.

Réponses des consorts [A]

Les consorts [A] ont demandé le rejet des demandes des sociétés et ont formulé des demandes reconventionnelles, invoquant la clause pénale du compromis et des préjudices subis en raison de la rupture. Ils ont soutenu qu’ils n’avaient pas manqué à la bonne foi et que la dénonciation du compromis était justifiée par la défaillance de l’acquéreur.

Arguments des parties

Les demandeurs ont accusé les consorts [A] de mauvaise foi, notamment en ne fournissant pas un plan de bornage et en dénonçant la caducité du compromis sans justification. En revanche, les consorts [A] ont affirmé que l’acquéreur n’avait pas respecté les délais pour l’obtention du permis de construire, ce qui justifiait leur position.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes des sociétés, considérant que les négociations avaient abouti à un compromis de vente, rendant inapplicables les dispositions sur la bonne foi. Concernant les demandes reconventionnelles, le tribunal a constaté que l’acquéreur n’avait pas respecté ses obligations, ce qui engageait sa responsabilité contractuelle.

Indemnités accordées

Le tribunal a condamné la SCCG Les Voiles d’Or à verser des indemnités aux consorts [A] pour perte de chance de vendre leurs biens et pour préjudice de jouissance, tout en rejetant les autres demandes. Les demandeurs ont été condamnés aux dépens et à verser une somme aux défendeurs au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/02160 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GLNQ

NAC : 50F

JUGEMENT CIVIL
DU 26 NOVEMBRE 2024

DEMANDEURS

M. [O] [V]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.C.C.V RIVIERA
[Adresse 2]
[Localité 10]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. DIRECTE PATRIMOINE
[Adresse 2]
[Localité 10]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.C. C.G LES VOILES D’OR
[Adresse 2]
[Localité 10]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDEURS

M. [J] [A]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [P] [A]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [I] [A]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [X] [C]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Rep/assistant : Me Laurent BENOITON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 26.11.2024
CCC délivrée le :
à Me Laurent BENOITON, Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 14 Octobre 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 26 Novembre 2024.

JUGEMENT : Contradictoire, du 26 Novembre 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Un compromis portant sur les parcelles cadastrées EO [Cadastre 5] et EO [Cadastre 7] situes [Adresse 3] à [Localité 10], appartenant à Madame [C] et ses enfants a été signé le 13 avril 2021 pour un prix de 850 000 euros, en l’étude de Me [N] à [Localité 11], au bénéfice de la société civile Les Voiles d’or, représentée par la société Direct Patrimoine.

Le compromis notarié stipulait plusieurs conditions suspensives particulières, notamment l’une liée à l’obtention d’un permis de construire purgé de tous recours et retrait administratif/déféré préfectoral, par l’acquéreur, dans les huit mois.

En revanche, aucune condition suspensive d’obtention de prêt n’était stipulée. Aucun dépôt de garantie n’était non plus prévu.

Le compromis prévoyait la réitération par acte authentique au plus tard le 15 décembre 2021.

Un avenant a été signé le 7 décembre 2021, notamment pour prévoir qu’une avance de 10 000 euros comptant serait versée à chacun des vendeurs avant la signature de l’acte authentique, et pour reporter au 2 mai 2022 la date butoir de signature de l’acte authentique de vente.

Aucun acte authentique de vente n’a jamais été signé entre les parties.

Par actes de commissaire de justice en date des 30 mai 2023, 12 juin 2023 et 23 juin 2023, la SCCG Les voiles d’or, la société Directe Patrimoine, la SCCV RIVIERA et Monsieur [O] [V] ont fait assigner Madame [X] [C], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A] devant le tribunal judiciaire aux fins de les voir condamner à les indemniser de leurs divers préjudices au titre d’une rupture brutale des pourparlers contractuels.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 2 mai 2024, ils demandent au tribunal de:
– Condamner les consorts [A] à payer à la société Riviera la somme de 710 740,18 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais engagés au cours des pourparlers,
– Condamner les consorts [A] à payer à Monsieur [V] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– Condamner les consorts [A] à payer à la SCCG Les Voiles d’or la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– Condamner les consorts [A] à payer à Monsieur [V] la somme de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie,
– Condamner les consorts [A] à payer à la société Direct Patrimoine la somme de 40 000 euros au titre du dépôt de garantie irrégulièrement conservé,
– Rejeter les demandes reconventionnelles formulées par les consorts [A],
– Condamner les consorts [A] à payer à :
– La société Riviera la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– La société Les Voiles d’or la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– La société Direct Patrimoine la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Monsieur [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner les consorts [A] aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que les consorts [A] auraient manqué à la bonne foi dans la conduite puis la rupture des négociations précontractuelles en janvier 2023. Ils reprochent à Madame [A] d’avoir refusé de fournir à monsieur [V] le plan de bornage qu’elle était tenue de communiquer en vertu du compromis signé. Ils lui reprochent encore d’avoir dénoncé en janvier 2023 la caducité du compromis sans respecter les formes prévues et sans justifier d’une quelconque défaillance de l’acquéreur.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 22 août 2024, les consorts [A] demandent au tribunal de:
A TITRE PRINCIPAL,
REJETER l’ensemble des demandes de la SCCG LES VOILES D’OR, la SCCV RIVIERA, la SARL DIRECTE PATRIMOINE et Monsieur [O] [V];
A TITRE RECONVENTIONNEL,
CONDAMNER la SCCG LES VOILES D’OR à payer la somme de 42 500 euros en application de la clause pénale spécifiée aux compromis de vente du 13 avril 2021 et demeurée inchangée par l’avenant au compromis en date du 7 décembre 2021;
CONDAMNER la SCCG LES VOILES D’OR à verser aux consorts [A] les sommes de :
– 60 000 euros au titre du préjudice subi lié à la perte de chance de vendre leurs biens pendant toute l’immobilisation ;
– 40 000 euros au titre des préjudices de jouissance lié de la parcelle cadastrée EO [Cadastre 7],
des préjudices financiers, environnemental et moral subi ;
– 13 000 euros au titre du préjudice financier subi lié à l’imposition des intérêts de retard dus aux impôts ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER la SCCG LES VOILES D’OR, la SCCV RIVIERA, la SARL DIRECTE PATRIMOINE et monsieur [O] [V] à verser aux consorts [A] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

En défense, ils soutiennent d’une part qu’aucun manquement à la bonne foi dans les négociations précontractuelles ne saurait leur être reproché alors qu’un compromis de vente avait été signé, rendant le moyen fondé par les demandeurs sur l’article 1112 du code civil inopérant. Ils soutiennent d’autre part que leur décision de dénoncer le compromis comme étant caduc est motivée par la défaillance de l’acquéreur qui n’a pas obtenu son permis de construire dans les délais impartis. Ils ajoutent enfin que l’obstruction alléguée n’est pas justifiée, sachant que le permis de construire a été obtenu, quoique hors délai, et sachant que l’absence de transmission du document de bornage n’a jamais été invoquée pour justifier de la prorogation des délais.
A titre reconventionnel, ils invoquent les manquements de l’acquéreur à ses obligations contractuels, en ayant déposé sa demande de permis hors délais, en l’ayant obtenu hors délais, en lien avec des choix opérationnels indépendants des vendeurs. Outre l’application de la clause pénale, ils demandent la réparation de plusieurs autres préjudices disctincts.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens et arguments développés au soutien des prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2024. Les parties ont été autorisées à déposer leur dossier au greffe le 14 octobre 2024.

Les conseils des parties ont été informés que le jugement serait mis à disposition au greffe à la date du 26 novembre 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

REJETTE l’ensemble des demandes indemnitaires dirigées contre Madame [X] [C] veuve [A], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A],

REJETTE la demande de condamner Madame [X] [C] veuve [A], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A] à restituer à la SCCG Les Voiles d’Or la somme de 40 000 euros,

REJETTE la demande reconventionnelle formulée au titre de la clause pénale,

CONDAMNE la SCCG Les Voiles d’Or à payer à Madame [X] [C] veuve [A], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A] la somme de 40 000 (quarante mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de vendre leurs biens immobiliers,

CONDAMNE la SCCG Les Voiles d’Or à payer à Madame [X] [C] veuve [A], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A] la somme de 20 000 (vingt mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,

CONDAMNE in solidum la SCCG Les voiles d’or, la société Directe Patrimoine, la SCCV RIVIERA et Monsieur [O] [V] aux dépens,

CONDAMNE in solidum la SCCG Les voiles d’or, la société Directe Patrimoine, la SCCV RIVIERA et Monsieur [O] [V] à payer la somme globale de 4 000 (quatre mille) euros à Madame [X] [C] veuve [A], Madame [I] [A], Madame [P] [A] et Monsieur [J] [A],

REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires des parties,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,

La greffière La Présidente

 


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