Tribunal judiciaire de Nanterre, 26 novembre 2024, RG n° 24/01893
Tribunal judiciaire de Nanterre, 26 novembre 2024, RG n° 24/01893

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre

Thématique : Responsabilité des bailleurs face aux obligations de réparation dans un contrat commercial

Résumé

Constitution du bail commercial

Par acte sous seing privé en date du 11 mai 2020, Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] épouse [I] ont consenti un bail commercial renouvelé à la société GROUPE FLO, prenant effet à compter du 1er octobre 2017, pour des locaux à usage de restaurant situés à [Adresse 3].

Cession du fonds de commerce

Le 1er décembre 2023, la société GROUPE FLO a cédé son fonds de commerce à la société GOODMEAT [Localité 7], incluant le droit au bail, les locaux étant exploités sous l’enseigne HIPPOPOTAMUS.

Assignation en justice

Le 5 juillet 2024, la société GOODMEAT a assigné les bailleurs devant le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Nanterre, invoquant des fuites et infiltrations au niveau de la toiture. Elle a demandé des travaux d’étanchéité, la suspension des loyers pendant les travaux, et des indemnités pour préjudices financiers et organisationnels.

Arguments de la société GOODMEAT

La société GOODMEAT a soutenu que les infiltrations rendaient impossible l’exploitation de son restaurant et que les bailleurs n’avaient pas effectué les réparations nécessaires, malgré plusieurs notifications. Elle a également mentionné des frais engagés pour des réparations et une perte de chiffre d’affaires.

Réponse des bailleurs

Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] ont contesté les demandes de GOODMEAT, arguant que les réparations relevant de l’article 606 du code civil ne concernaient que les grosses réparations et que les infiltrations n’étaient pas dues à une défaillance totale de la toiture. Ils ont également demandé le débouté de GOODMEAT et une indemnité pour frais.

Examen des preuves

La société GOODMEAT a produit des constats d’infiltrations, mais les bailleurs ont contesté la nécessité de travaux considérés comme des grosses réparations. Les rapports d’intervention fournis ne démontraient pas que les travaux requis relevaient de la responsabilité des bailleurs.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que la société GOODMEAT ne justifiait pas d’une obligation non sérieusement contestable à l’égard des bailleurs pour les travaux demandés. Les demandes de suspension des loyers et d’indemnisation ont été rejetées, et la société GOODMEAT a été condamnée à payer les dépens.

Conclusion de l’ordonnance

La société GOODMEAT a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée à verser 1000 € aux bailleurs pour frais irrépétibles, avec la décision étant exécutoire par provision.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 26 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/01893 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZP3E

N° de minute :

S.A.S. GOODMEAT [Localité 7]

c/

[R] [D],
[S] [D] épouse [I]

DEMANDERESSE

S.A.S. GOODMEAT [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Daniela SABAU de la SELAS BDD AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R046

DEFENDEURS

Monsieur [R] [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [S] [D] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentés par Me François MAINETTI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0002

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : François PRADIER, 1er Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Pierre CHAUSSONNAUD, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 15 octobre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 11 mai 2020, Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] épouse [I] ont consenti un bail commercial renouvelé à la société GROUPE FLO prenant effet à compter du 1er octobre 2017, sur des locaux à usage de restaurant situés [Adresse 3].

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2023, la société GROUPE FLO a cédé à la société GOODMEAT [Localité 7], son fonds de commerce incluant le droit au bail, étant précisé que les locaux sont exploités aux fins de restaurant sous l’enseigne HIPPOPOTAMUS.

Arguant que les locaux loués subissent des fuites et infiltrations au niveau de la toiture, la société SAS GOODMEAT [Localité 7] a, par acte en date du 05 juillet 2024, assigné Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] épouse [I] devant le Juge des référés auprès du Tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de voir :

Condamner Monsieur [R] [X] et Madame [S] [X] épouse [I] à procéder, sous astreinte comminatoire de 1000 euros par jour de retard, aux travaux d’étanchéité et tous travaux nécessaires à la réparation de la toiture par laquelle les infiltrations se produisent, à compter du prononcé de l’ordonnance,

Ordonner la suspension du paiement des loyers commerciaux par la société GOODMEAT [Localité 7] pendant la période de réalisation des travaux à compter du prononcé de l’ordonnance,

Condamner Monsieur [R] [X] et Madame [S] [X] épouse [I], en qualité de bailleurs, à verser à la société GOODMEAT [Localité 7] la somme provisionnelle de 3277,56 euros au titre des préjudices financiers subis,

Condamner Monsieur [R], [N], [H] [X] et Madame [S] [X] épouse [I], en qualité de bailleurs, à verser à la société GOODMEAT [Localité 7] la somme provisionnelle de 35.000 euros hors taxes de provision au titre des préjudices organisationnel d’exploitation,

Condamner solidairement Monsieur [R] [X] et Madame [S] [X] épouse [I] à régler la somme de 3.000 € à la société GOODMEAT [Localité 7] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et aux droits proportionnels qui seraient éventuellement déboursés par la société GOODMEAT [Localité 7].

L’affaire étant venue à l’audience du 15 octobre 2024, chacune des parties a constitué avocat.

Aux termes de conclusions écrites qu’elle a soutenues oralement, la société SAS GOODMEAT [Localité 7] a sollicité la condamnation des défendeurs au paiement d’une somme provisionnelle de 18.213,51 € au titre des préjudices financiers subis et celle de 72.138,00 € au titre du préjudice d’exploitation. Elle a maintenu ses autres demandes.

Elle expose que la toiture présente un défaut d’étanchéité entraînant de fortes infiltrations à différents endroits du restaurant ; que les bailleurs ne sont nullement intervenus dans la réparation de ces sinistres pour lesquels ils ont été informés à de nombreuses reprises ; que les travaux de réparation de la toiture relèvent nécessairement de l’article 606 du code civil et sont donc à la charge du bailleur en application de l’article R145-35 du code de commerce, et ce d’autant que le bail commercial du 11 mai 2020 le stipule également ; qu’elle s’acquitte d’un loyer trimestriel de 28.747,59 € HT auquel s’ajoute 1050 € de provisions sur charges, alors qu’en raison de ces infiltrations, elle n’est pas en mesure d’exploiter son activité de restaurant dans les locaux donnés à bail par les époux [D], pourtant tenus à une obligation de délivrance en vertu de l’article 1719 du code civil ; qu’en présence d’un tel trouble manifestement illicite, elle est fondée à solliciter la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réalisation des travaux ; que face à l’inertie des bailleurs et à l’inexécution de leurs obligations légales et contractuelles, elle a dû procéder à des réparations concernant les fuites, ce qui lui a occasionné en sus des frais d’huissier une dépense totale, mais non définitive de 8691,51 € ; qu’en dernier lieu, l’abstention des bailleurs à réparer la toiture a entraîné pour elle un préjudice organisationnel important, lequel se reflète dans une perte d’exploitation caractérisée par une baisse de son chiffre d’affaires entre 2023 et 2024.

Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] épouse [I] demandent à la juridiction de dire qu’il n’y a pas lieu à référé en raison des contestations sérieuses et a titre subsidiaire, sollicitent le débouté de l’ensemble des demandes de la société SAS GOODMEAT [Localité 7] et la condamnation de cette dernière à leur verser la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir qu’il résulte des dispositions claires et précises du contrat de bail que les bailleurs ne sont tenus qu’aux grosses réparations visées limitativement à l’article 606 du code civil qui en ce qui concerne les toitures ou couvertures ne vise que les  » couvertures entières  » ; que la société GOODMEAT [Localité 7] ne verse aux débats aucun élément établissant que les infiltrations ponctuelles et modérées trouveraient leur cause dans une défaillance totale de la toiture nécessitant sa réfection entière ; que la charge de l’entretien des locaux ainsi que celle des travaux d’entretien et de réparations ne relevant pas des dispositions de l’énumération limitative de l’article 606 du code civil, pèse uniquement sur le preneur ; qu’au regard des pièces versées par la demanderesse, il ne ressort aucune carence des bailleurs, mais en revanche une totale défaillance du preneur dans le respect de son obligation d’entretien ; qu’au surplus, aucun devis et/ou descriptif des travaux réclamés n’est versé aux débats ; que la suspension du paiement des loyers suppose le fait que l’établissement serait fermé, ce qui n’est nullement le cas au vu de la production par la demanderesse des feuilles de caisse qui établissent la pérennité et l’absence d’interruption de l’exploitation du restaurant ; que les demandes de la société GOODMEAT [Localité 7] se heurtent à de multiples contestations sérieuses et au surplus supposent pour être accueillies en leur principe, que la question des responsabilités encourues soit préalablement tranchée et que cela échappe à la compétence résiduelle du juge des référés.

Conformément aux articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTONS la société SAS GOODMEAT [Localité 7] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

CONDAMNONS la société SAS GOODMEAT [Localité 7] à payer à Monsieur [R] [D] et Madame [S] [D] épouse [I] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETONS la demande en paiement de la société SAS GOODMEAT [Localité 7] émise de ce chef,

CONDAMNONS la société SAS GOODMEAT [Localité 7] au paiement des entiers dépens de l’instance,

RAPPELONS que la présente décision est exécutoire par provision.

FAIT À NANTERRE, le 26 novembre 2024.

LE GREFFIER

Pierre CHAUSSONNAUD, Greffier

LE PRÉSIDENT

François PRADIER, 1er Vice-président

 


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