L’Essentiel : Mme [T] a été embauchée par la société Marionnaud Lafayette en décembre 2017, d’abord en CDD, puis en CDI. Licenciée en février 2019 pour cause réelle et sérieuse, elle a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement injustifié en octobre 2021. La cour a reconnu que la société n’avait pas respecté ses obligations concernant la charge de travail et que les accusations de harcèlement moral n’étaient pas fondées. En conséquence, la société a été condamnée à verser des indemnités à Mme [T] pour licenciement abusif et heures supplémentaires non rémunérées.
|
Contrat de travail et embaucheLa société Marionnaud Lafayette a embauché Mme [S] [T] par un contrat de travail à durée déterminée le 14 décembre 2017, en tant que responsable maintenance, avec un salaire brut mensuel de 4 616 euros. Ce contrat a été suivi d’un contrat à durée indéterminée à partir du 16 juin 2018, avec reprise d’ancienneté et des conditions similaires. Rupture du contrat et licenciementLe 15 février 2019, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 25 février. Le 28 février 2019, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis. Mme [T] a contesté ce licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 septembre 2019. Jugement du conseil de prud’hommesLe 21 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser à Mme [T] des indemnités pour licenciement, heures d’astreinte, et frais de justice, tout en déboutant Mme [T] du surplus de ses demandes. Appel de Mme [T]Mme [T] a interjeté appel du jugement le 16 décembre 2021, demandant une réformation partielle du jugement concernant les indemnités et la reconnaissance de l’ineffectivité de sa convention de forfait jours, ainsi que des rappels de salaire pour heures supplémentaires et astreintes. Appel incident de la sociétéLa société a également interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations financières et le déboutement de Mme [T] de ses demandes. Elle a également demandé des indemnités pour frais de justice. Motivations de la courLa cour a examiné les éléments relatifs à la convention de forfait jours, concluant que la société n’avait pas respecté les obligations légales de suivi de la charge de travail, rendant la convention inopposable à Mme [T]. Elle a également constaté que Mme [T] avait régulièrement effectué des heures supplémentaires et des astreintes non rémunérées. Licenciement et comportement de Mme [T]La cour a analysé les motifs du licenciement, considérant que les accusations de harcèlement moral et de comportement inapproprié n’étaient pas suffisamment étayées par des preuves concrètes. Elle a conclu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Indemnités et condamnationsLa cour a infirmé certaines décisions des premiers juges, condamnant la société à verser des sommes précises à Mme [T] pour les heures supplémentaires, les astreintes, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également condamné la société aux dépens et à des frais de justice en faveur de Mme [T]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’une convention de forfait en jours ?La convention de forfait en jours est régie par l’article L. 3121-56 du Code du travail, qui stipule que tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année, dans la limite du nombre d’heures fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 : 1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ; 2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps. Il est également précisé dans l’article L. 3121-60 que l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. Dans le cas de Mme [T], la cour a constaté que la société n’avait pas organisé d’entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, ce qui rend la convention de forfait en jours inopposable. Ainsi, Mme [T] peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’elle a accomplies. Comment se prouve l’existence d’heures supplémentaires ?Selon l’article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il en résulte que le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. Dans le cas de Mme [T], elle a produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires, ainsi que des attestations de collègues confirmant ses horaires de travail. Ces éléments ont été jugés suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement. Quelles sont les conséquences des heures supplémentaires non rémunérées ?L’article L. 3121-30 du Code du travail stipule que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. L’article D. 3121-23 précise que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos reçoit une indemnité en espèces correspondant à ses droits acquis. Dans le cas de Mme [T], la cour a constaté qu’elle avait accompli des heures supplémentaires et qu’elle n’avait pas été en mesure de bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos. Elle a donc droit à une indemnisation correspondant à ses droits acquis, ce qui a conduit à la condamnation de la société à lui verser des sommes pour les heures supplémentaires effectuées. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière d’astreinte ?L’article L. 3121-9 du Code du travail définit la période d’astreinte comme une période durant laquelle le salarié doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, sans être sur son lieu de travail. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. L’employeur doit rémunérer les périodes d’astreinte, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Dans le cas de Mme [T], il a été établi qu’elle avait effectué 6 726 heures d’astreinte sans être rémunérée. La cour a donc condamné la société à lui verser une indemnité pour ces heures d’astreinte, confirmant ainsi l’obligation de l’employeur de rémunérer ces périodes. Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse ?L’article L. 1235-1 du Code du travail stipule que, en cas de litige relatif au licenciement, le juge doit apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. L’employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs, imputables au salarié et matériellement vérifiables. Dans le cas de Mme [T], la cour a constaté que les motifs invoqués par la société pour justifier le licenciement n’étaient pas suffisamment étayés. L’employeur n’a pas informé Mme [T] des difficultés évoquées par ses collaborateurs avant de procéder à son licenciement, ce qui a conduit à la conclusion que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. La cour a donc confirmé la décision des premiers juges à ce sujet. |
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024
(n° 2024/ , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10405 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3CJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/08200
APPELANTE
Madame [S] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON, toque : 1129
INTIMEE
S.A.S. MARIONNAUD LAFAYETTE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Alain LERICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G 015
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et de la formation
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 14 décembre 2017, la société Marionnaud Lafayette (ci-après la société) a embauché Mme [S] [T] en qualité de responsable maintenance à compter du 14 décembre 2017 et jusqu’au 15 juin 2018, moyennant un salaire brut mensuel de 4 616 euros.
Par contrat à durée indéterminée du 14 juin 2018 à effet du 16 juin 2018, la société a embauché Mme [T] à durée indéterminée toujours en qualité de responsable maintenance avec reprise d’ancienneté au 14 décembre 2017, moyennant un salaire brut mensuel de 4 616 euros, outre un 13e mois ‘versé en décembre au prorata de son temps de présence sur l’année à la condition qu’elle justifie de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre de l’année de son embauche et conformément aux accords en vigueur dans l’entreprise’.
L’effectif de l’entreprise était d’au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail.
Par lettre du 15 février 2019, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 février suivant.
Par lettre recommandée en date du 28 février 2019, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 16 septembre 2019.
Par jugement du 21 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l’exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– condamné la société à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte;
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement;
* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouté Mme [T] du surplus de ses demandes;
– débouté la société de sa demande relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 16 décembre 2021, Mme [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2024 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [T] demande à la cour de :
réformer partiellement le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte;
– l’a déboutée du surplus de ses demandes ;
et statuant à nouveau,
– juger que sa convention de forfait jours est privée d’effet ;
en conséquence,
– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
* 350 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2017, outre 35 euros de congés payés afférents;
* 26 044,24 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2018, outre
2 604,42 euros de congés payés afférents;
* 3 191,81 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l’année 2019, outre 319,18 euros de congés payés afférents;
* 45,65 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2017, outre 4,56 euros de congés payés afférents;
* 21 608,42 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2018, outre 2 160,84 euros de congés payés afférents;
* 639,12 euros à titre d’indemnité pour contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2019, outre 63,91 euros de congés payés afférents;
– juger que la société s’est rendue coupable d’une exécution déloyale du contrat de travail quant à l’absence de contrepartie financière ou en repos en matière d’astreinte ;
en conséquence,
– condamner la société à lui verser la somme de 20 178 euros à titre de contrepartie financière des heures d’astreinte effectuées;
– condamner la société à lui verser la somme de 10 003,92 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
en tout état de cause,
– condamner la société au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
– la recevoir en son appel incident et en ses conclusions en réponse;
en conséquence,
sur l’appel incident,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 6 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
* 8 208 euros au titre de la contrepartie financière des heures d’astreinte;
* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens;
et en ce qu’elle a été déboutée de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile;
statuant de nouveau,
– débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
– condamner Mme [T] au paiement d’une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner Mme [T] aux dépens de première instance et d’appel;
sur l’appel principal, s’il n’était pas fait droit à l’appel incident,
à titre principal,
– confirmer le jugement en raison de demandes formulées en cause d’appel non conformes aux articles 542 et 954 du code de procédure civile et attentatoires aux droits de la défense;
– débouter Mme [T] de toutes demandes complémentaires, contraires ou plus amples;
à titre subsidiaire,
– débouter Mme [T] de toutes demandes, fins et prétentions autres que celles énoncées dans la déclaration d’appel et transmises par voie électronique le 16 décembre 2021 à 14h58;
pour le surplus,
– débouter Mme [T] de ses demandes complémentaires, contraires ou plus amples telles qu’énoncées dans la déclaration d’appel transmise par voie électronique le 16 décembre 2021 à 14h58;
à titre très subsidiaire,
– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre du forfait jour, des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes, complémentaires ou plus amples;
– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre des contreparties obligatoires en repos;
– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre d’un prétendu temps d’astreinte;
– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et prétentions au titre de la rupture de son contrat de travail;
à titre infiniment subsidiaire,
– ramener les prétentions financières de Mme [T] à de plus justes proportions;
– débouter Mme [T] du surplus de ses demandes.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.
Sur l’effet dévolutif de l’appel
La société expose que la déclaration d’appel est ainsi rédigée :
» Objet/portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. L’objet de l’appel est de solliciter de la cours de céans la réformation partielle du jugement rendu par le conseil de prud’homme de Paris le 21 octobre 2021. Les chefs du jugement critiqués sont les suivants : » Condamne la société Marionnaud Lafayette à verser à Mme [S] [T] – 6 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – 8 208 euros au titre de la contrepartie des heures d’astreinte. Déboute Mme [S] [T] du surplus des ses demandes.
Les demandes de Mme [S] [T] sont les suivantes … » et sont ensuite détaillées, poste par poste, dans les termes du dispositif des écritures soumises à la cour.
La société soutient que, sans précision des chefs du jugement dont il est demandé l’infirmation puis la confirmation, Mme [T] formule en réalité une demande d’infirmation totale qui contredit son acte d’appel. La société soutient encore qu’elle est donc dans l’ignorance des chefs de jugement concernés par la demande d’infirmation et qu’elle ne peut répondre précisément et en connaissance de cause aux demandes formulées.
L’appelante n’a pas conclu sur ce point.
Aux termes de sa déclaration d’appel, Mme [T] a déclaré interjeter appel des chefs de jugement expressément critiqués tout en visant l’intégralité du dispositif (condamnations et débouté du surplus des demandes) qu’elle explicite par ailleurs et soumet à l’examen de la cour de sorte que la société était à même de connaître les chefs de jugement critiqués et les demandes de Mme [T] en appel.
L’effet dévolutif a donc opéré.
Sur la convention de forfait annuel en jours
Aux termes de l’article L. 3121-56 du code du travail dans sa version alors en vigueur, tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année, dans la limite du nombre d’heures fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 :
1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Il est ajouté à l’article L. 3121-60 du code du travail que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Aux termes de son contrat de travail, Mme [T] est soumise à une convention de forfait annuel en jours ‘dans les conditions prévues par les articles L.3121-38 et suivants du code du travail et par celles de l’accord de révision relatif au temps de travail du 27 novembre 2008″.
Il est expressément mentionné dans le chapitre I de cet accord, au III. 5. consacré aux » modalités de suivi de la convention en forfait en jours » qu’ ‘au cours de l’entretien individuel annuel sur l’application du forfait en jours, seront notamment analysées l’organisation du travail et la charge de travail au regard de l’amplitude moyenne des journées de travail, les modalités de prise des journées au titre des congés payés ou des repos RTT, ainsi que, le cas échéant, les modalités de report de ces congés conformément à la législation en vigueur, et s’agissant des cadres, que chacun devra s’assurer de respecter le nombre d’heures travaillées soit 216 jours.
Il est convenu que chaque Cadre devra s’assurer de respecter le nombre de jours travaillés soit 216 jours. Dans le cas contraire, l’entreprise s’assurera que les journées supplémentaires travaillées l’ont été uniquement à sa demande et n’ont donc pas permis à ce dernier de respecter son engagement de 216 jours travaillés.(…)’.
Mme [T] fait valoir que la société n’a pas organisé d’entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail et que l’entretien annuel d’évaluation, qui poursuit une finalité différente, ne peut se substituer à cet entretien.
La société réplique qu’elle a satisfait aux conditions légales lui permettant de recourir au forfait annuel en jours, que Mme [T] en sa qualité de cadre autonome était bien éligible à un tel dispositif et que le suivi de la charge de travail des salariés pouvait, conformément au règlement intérieur, prendre la forme d’un entretien annuel.
Force est de constater que la société ne verse aucune pièce établissant non seulement qu’un entretien annuel d’évaluation de la salariée au cours duquel celle-ci a pu évoquer sa charge de travail a eu lieu mais encore moins que l’employeur a organisé un entretien portant sur l’ ‘application du forfait en jours’ comme le prévoit le règlement intérieur de l’entreprise auquel la société se réfère expressément.
La convention de forfait en jours stipulée dans le contrat de travail est donc inopposable à Mme [T] qui peut, par conséquent, prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’elle a accomplies.
Sur le rappel d’heures supplémentaires
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Mme [T] communique un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu’elle estime lui être dues avec :
– pour chaque jour travaillé, l’heure de début et l’heure de fin et la déduction d’une heure au titre de sa pause;
– pour chaque semaine, le nombre total d’heures travaillées, le nombre d’heures supplémentaires puis le nombre d’heures supplémentaires non payées entre les 36e et 43e heures et celles non payées au-delà de la 43e heure.
Mme [T] y indique également le taux horaire, le taux horaire majoré et le montant des heures supplémentaires non payées chaque mois.
Mme [T] produit également les attestations suivantes :
– celle de Mme [O], directeur régional IDF, amenée à se rendre régulièrement au siège social de Marionnaud [Localité 5], qui décalre ‘avoir constaté que Mme [T] se trouvait à son bureau après 19 h’;
– celle de M. [L], directeur des opérations, qui déclare avoir souvent vu Mme [T] ‘travailler tard le soir, horaires pouvant aller jusqu’à 20 h 30 à 21 h’;
– celle de son mari qui indique que son épouse rentrait à la maison entre 20 h 30 et 21 h 30.
Ces éléments sont suffisamment précis et de nature à permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L’employeur réplique que le tableau produit par la salariée a été établi unilatéralement; que les salariés qui ont témoigné en faveur de Mme [T] sont en conflit avec lui; que Mme [T] était totalement autonome dans l’organisation de son temps de travail; qu’elle avait une obligation contractuelle de signaler les journées au cours desquelles elle aurait exceptionnellement dépassé 10 heures de travail effectif et qu’elle ne l’a pas alerté.
Or, l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées par la salariée, ne produit pas d’éléments sur les heures de travail effectuées par Mme [T].
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que Mme [T] a régulièrement effectué des heures supplémentaires en 2017, 2018 et 2019. La société sera donc condamnée à lui payer les sommes suivantes :
– 350 euros à titre de rappel pour l’année 2017, outre la somme de 35 euros au titre des congés payés afférents;
– 26 044,24 euros à titre de rappel pour l’année 2018, outre la somme de 2 604,42 euros au titre des congés payés afférents;
– 3 191,81 euros à titre de rappel pour l’année 2019, outre la somme de 319,18 euros au titre des congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Il résulte de l’article L. 3121-30 du code du travail que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel ; que les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos et que les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.
Il résulte également de l’article L. 3121-38 du code du travail qu’à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Suivant l’article D. 3121-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Aux termes de l’article D. 3121-24 du même code, à défaut d’accord prévu au I de l’article L. 3121-33, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié.
L’accord de révision relatif au temps de travail prévoit un repos compensateur obligatoire égal à 50% des heures réalisées au-delà de la 41e heure pour les heures supplémentaires réalisées entre la 36e et la 43e heure incluse et un repos compensateur obligatoire égal à 50% des heures réalisées à partir de la 44e heure supplémentaire.
L’accord prévoit également que, lorsque le salarié réalise des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, le repos compensateur obligatoire est égal à 100% des heures réalisées.
Toujours selon l’accord, le contingent d’heures supplémentaires est égal à 100 heures par an.
Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
En l’espèce, Mme [T] n’est pas utilement contredite lorsqu’elle fait valoir qu’elle a accompli :
– 3 heures au-delà de la 41e heure en 2017;
– 367 heures au-delà de la 41e heure et 526 heures au-delà du contingent annuel en 2018;
– 42 heures au-delà de la 41e heure en 2019;
de sorte que la société sera condamnée à lui payer les sommes suivantes :
* 45,65 euros pour l’année 2017, outre la somme de 4,56 euros au titre des congés payés afférents;
* 21 608,42 euros pour l’année 2018, outre la somme de 2 160,84 euros au titre des congés payés afférents;
* 639,12 euros pour l’année 2019, outre la somme de 63,91 euros au titre des congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.
Sur les heures d’astreinte
Selon l’article L. 3121-9 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Mme [T] verse aux débats un document, sous forme de tableau, relatif au service maintenance précisant expressément qu’en dehors du lundi au vendredi de 9 h à 17 h 30 et le week-end, l’interlocuteur pour la maintenance des boutiques du groupe en France était Mme [T], responsable maintenance, suivi de son numéro de téléphone ainsi qu’un document intitulé ‘Inondation ou DDE (Dégat des eaux)’, modifié en novembre 2018, confirmant qu’en cas de réparations à effectuer, il convenait de prévenir le week-end Mme [T] dont le numéro de téléphone était alors rappelé.
Eu égard aux pièces produites notamment du ‘guide magasin’ en cas d’inondation ou dégât des eaux, Mme [T] était d’astreinte non seulement les samedi et dimanche mais également en semaine après 18h30 à 8h30.
La société ne démontre pas avoir jamais rémunéré Mme [T] au titre de ces astreintes et ne produit aucun élément de nature à contredire que Mme [T] a effectué 6 726 heures au titre des astreintes depuis son embauche.
Mme [T] sera donc indemnisée à hauteur de 20 178 euros sur une base de trois euros par heure et la décision des premiers juges infirmée sur le quantum.
Sur le licenciement et ses conséquences
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :
‘ Madame,
(…)
Nous avons le regret de vous informer que les éléments en notre possession ainsi que les explications que nous avons recueillies lors de l’entretien nous conduisent à prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Pour rappel, les faits sont les suivants :
Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes en charge du service de Maintenance de notre entreprise.
Dès lors, en qualité de responsable, vous avez sous votre responsabilité une équipe de trois personnes à manager.
Or, les managers de l’entreprise ainsi que par le biais de certains collaborateurs ont constaté que votre équipe se trouvait victime d’un important mal-être au travail depuis des mois en raison de votre comportement inapproprié et irrespectueux. Dans ces circonstances, la Direction a été alertée de votre attitude pouvant être assimilée à des agissements de harcèlement moral.
Tout d’abord, l’ensemble des attestations révèle un contrôle permanent des faits et gestes de vos collaboratrices. En ce sens, plusieurs membres de votre équipe dénoncent le nombre d’appels journaliers inacceptables » plusieurs fois par jour « , » dérangé en permanence « , » parfois plus de vingt fois par jour « . Conjointement à ces faits, vos collaboratrices soulignent un important manque d’autonomie engendré notamment par l’obligation de vous mettre en copie de chacun des courriels.
Lors de l’entretien, vous avez indiqué : » ce sont des jeunes, ils ne savent pas ce qu’est le contrôle. Elles commencent tout juste leur vie professionnelle « .
En tant que manager vous avez certes le devoir de contrôler la bonne exécution des missions de vos collaborateurs. Toutefois, l’exercice de cette prérogative ne doit certainement pas donner lieu aux dérives dont vous avez fait preuve.
De la même manière, vous avez remis en question le bien-fondé de l’arrêt de travail de Madame [U]. En date du 7 Février 2017, vous avez eu à son égard les propos suivants :
» De toute ma vie je ne savais pas qu’avec un simple mal de dos on pouvait se mettre en arrêt « .
Propos que la direction Marionnaud ne peut tolérer, votre fonction ne vous permettant en aucun cas d’apprécier l’état de santé physique ou mental des collaborateurs. Durant l’entretien, vous avez indiqué : » je n’ai rien dit de particulier sur son accident de travail « .
Par la suite, alors que votre qualité de responsable devrait vous conduire à manager vos collaboratrices en les encourageant, vous vous être permise de dénigrer et de remettre sans cesse en cause le travail effectué. Vous avez par exemple, signifié à Madame [G] qu’elle devait utiliser du vocabulaire qu’elle connait et à Madame [F] qu’elle ignorait tout du métier. Ces propos ne s’arrêtant pas aux seuls membres de votre équipe, vous avez rapporté à Madame [D], que les assistantes de maintenance n’y connaissaient rien.
Par cet acharnement et ces critiques incessantes, vous avez instauré des conditions de travail insupportables pour votre équipe. Une telle attitude ayant notamment conduit vos collaboratrices à être affectée sur le plan psychologique, plusieurs d’entre elles témoignant venir au travail avec » la boule au ventre « .
Aussi, le fait que vous tenez des propos injurieux à l’égard de vos collaboratrices a été remonté à la direction dans les termes suivants: » brebis galeuse « , » nunuche « , » Compagnie Créole « . Ces agissements sont condamnés par Marionnaud car ils ne reflètent pas le niveau de respect que nous souhaitons montrer à nos collaborateurs. Ceci est d’ailleurs stipulé au sein de notre Règlement Intérieur :
» 13.5. Conduite générale du salarié : Les combats, jurons, insultes, comportements agressifs ou atteintes à l’ordre public sont interdits au sein de la Société, notamment lorsque ces faits sont passibles de sanctions pénales « .
Nous constatons par ailleurs que vous pratiquez de la rétention d’information. A ce titre, vos collaboratrices déclarent que vous leur communiquez très peu d’information et interdisez tout échange avec d’autres services, particulièrement le service travaux. Par ailleurs, certains membres de votre équipe ont dénoncé le fait que vous souhaitiez qu’il y ait le moins de communication possible avec Monsieur [N], votre supérieur hiérarchique. Vous avez indiqué lors de l’entretien : » c’est faux « .
Par conséquent, comme le rapportent les différentes attestations sur l’honneur de vos collaboratrices, vous vous livrez à des réflexions inappropriées et tenez des propos humilants engendrant une ambiance délétère au sein du service que vous dirigez.
En tant que responsable et salariée de l’entreprise, il est inacceptable que vous entreteniez des échanges irrespectueux et dédaigneux avec les collaborateurs.
En outre, des échanges de courriels en date du 3 Octobre 2018, dans lequel vous écrivez à l’un de vos collaborateurs ont nécessité l’intervention de Madame [H] [W], Directrice des Ressources Humaines et de Monsieur [X] [C], Directeur Financier afin d’apaiser la situation.
Nous vous rappelons qu’au titre de vos fonctions, vous êtes représentante de l’entreprise. A ce titre, les faits de harcèlement qui vous sont reprochés engagent également la responsabilité pénale de l’entreprise. Il est inutile de vous rappeler que l’article 11152-1 du code du travail dispose que :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »
En somme, votre comportement est intolérable car vous exposez l’entreprise à un réel risque de condamnation. Au vu des faits précédemment énoncés, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Votre préavis d’une durée de 3 mois débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Toutefois, nous entendons vous dispenser d’effectuer votre préavis, votre rémunération vous étant intégralement versée aux échéances habituelles. (…).’
L’article L. 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l’administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.
La société fait grief à Mme [T] de :
– être à l’origine d’un important mal-être au travail de ses collaborateurs depuis des mois en raison d’un comportement inapproprié et irrespectueux, ces agissements pouvant être assimilés à des agissements de harcèlement moral;
– avoir pratiqué de la rétention d’information en ne communiquant que très peu d’informations et en interdisant tout échange avec d’autres services, notamment le service travaux, et d’avoir ainsi engendré une ambiance délétère au sein du service.
Mme [T] conteste les motifs de son licenciement et souligne l’absence de pertinence des attestations produites par la société. Elle soutient qu’en réalité, la direction souhaitait lui enlever la responsabilité du service maintenance.
La société verse aux débats les attestations des quatre collaboratrices de Mme [T] :
– Mme [K] [G], assistante administrative/comptable déclare ‘…elle m’appelle pour me dire quand j’envoie des mails et qu’elle est en copie, qu’il y a une faute d’orthographe. Un autre jour, elle m’a appelé pour me dire d’utiliser des mots que je connaissais plutôt que d’utiliser des mots qui sortent de mon vocabulaire. Tout cela dit sur un mauvais ton puis elle a raccroché’;
– Mme [E] [F], assistante maintenance, relate que Mme [T] ‘a des propos envers [elle] qui sont rabaissants et humiliants’ alors que cette dernière devait assurer sa formation, qu’elle lui faisait des reproches et rapporte qu’elle lui a dit ‘en criant [E],…connaît rien au métier, tu es en formation et tu n’as pas à accepter des demandes de tout le monde’, en l’espèce son N+2;
– Mme [R] [P], assistante maintenance, indique que Mme [T] lui a interdit d’échanger avec les autres services, déplore ses appels téléphoniques multiples au cours de la journée, son comportement agressif, son attitude critique à l’égard de l’ensemble des salariées ‘Elle est savante [R] mais elle est complètement nunuche’ et ‘J’espère que j’ai pas validé une brebis galeuse’;
– Mme [M] [D], chargée de maintenance, précise : ‘Mme [T] se permet de me déranger pendant mes heures de travail pour critiquer le service travaux et les insulter de ‘Compagnie créole’, de dire que MV. est moche, que CD. est moche et grosse, qu’E. est moche et une brebis galeuse, que GC. n’est absolument pas son responsable et encore moins celui des assistantes maintenance et le mien’.
Mme [T] communique une attestation de Mme [A], responsable de magasin, qui rapporte la teneur de l’entretien du 25 février 2019, au cours duquel il lui a été demandé de s’expliquer, l’intéressée invoquant alors le fait qu’elle avait une équipe nouvelle avec deux personnes jeunes auxquelles elle devait apprendre le métier et réfutant tout agissement de harcèlement moral.
Mme [O] comme M. [L] – précédemment cités – attestent du professionnalisme de Mme [T].
Il résulte des propos tant de Mme [P] et Mme [F] que toutes deux venaient d’arriver et que Mme [T] devait assurer leur formation; qu’elle leur a, dans ce contexte, fait des remarques tenant pour l’essentiel à la forme et à l’organisation au sein de l’entreprise, en ne dissimulant pas parfois son agacement.
La cour constate cependant que l’employeur, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, n’a pas estimé utile d’informer Mme [T] des difficultés évoquées par les membres de son équipe.
Il n’est, par ailleurs, nullement établi que d’autres services se soient plaints d’une quelconque rétention d’informations de la part de Mme [T].
En outre, comme le montre l’échange du 3 octobre 2018, Mme [T] avait elle-même fait l’objet d’une mise au point très sèche de la directrice des ressources humaines : ‘Lorsque tu t’interroges sur la performance et ta situation dans l’entreprise, je souhaiterais que désormais tu t’adresses directement à ton manager qui est [V] et à [B] ta RRH’.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [T], de son âge – 53 ans – de son ancienneté, de sa capacité à trouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et explications fournies, il sera alloué à Mme [T] la somme de 9 500 euros en application de l’article L. 1235-3 du code du travail à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision des premiers juges sera donc infirmée sur le quantum.
Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
La société sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.
La société sera également condamnée à payer à Mme [T] la somme de 2 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.
Enfin, la société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,
Dit que l’effet dévolutif a opéré;
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [S] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse et sauf sur les dépens et les frais irrépétibles;
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme [S] [T] les sommes suivantes :
– au titre des heures supplémentaires accomplies,
* 350 euros à titre de rappel pour l’année 2017, outre la somme de 35 euros au titre des congés payés afférents;
* 26 044,24 euros à titre de rappel pour l’année 2018, outre la somme de 2 604,42 euros au titre des congés payés afférents;
* 3 191,81 euros à titre de rappel pour l’année 2019, outre la somme de 319,18 euros au titre des congés payés afférents;
– au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
* 45,65 euros pour l’année 2017, outre la somme de 4,56 euros au titre des congés payés afférents;
* 21 608,42 euros pour l’année 2018, outre la somme de 2 160,84 euros au titre des congés payés afférents;
* 639,12 euros pour l’année 2019, outre la somme de 63,91 euros au titre des congés payés afférents;
– 20 178 euros au titre de la contrepartie financière pour les astreintes;
– 9 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Condamne la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme [S] [T] la somme de 2 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Marionnaud Lafayette aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Laisser un commentaire