Compétence du juge et validité des actes de filiation : enjeux et limites.

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Compétence du juge et validité des actes de filiation : enjeux et limites.

L’Essentiel : Mme [O] a assigné M. et Mme [B] pour la liquidation de la succession de [D] [P] [B], décédé en 2007, les accusant de recel de succession. Le tribunal a déclaré Mme [O] recevable dans ses demandes, rejetant les exceptions de nullité. M. et Mme [B] ont interjeté appel, demandant l’infirmation de l’ordonnance et la nullité de plusieurs actes. La cour a ordonné la jonction des procédures et a confirmé la filiation de Mme [O], déclarant irrecevable la demande de nullité du jugement antérieur, tout en condamnant M. et Mme [B] aux dépens.

Contexte de l’affaire

Mme [O] a assigné M. et Mme [B] devant le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion pour la liquidation et le partage de la succession de [D] [P] [B], décédé en 2007. Elle accuse M. et Mme [B] de recel de succession à hauteur de 21.666,5 euros chacun et demande la rectification d’une attestation immobilière établie après le décès.

Décisions du tribunal de première instance

Le juge de la mise en état a rejeté les exceptions de nullité et a déclaré Mme [O] recevable dans ses demandes. Il a également renvoyé les parties à une audience ultérieure pour conclure sur le fond et réservé les dépens. M. et Mme [B] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Appel de M. et Mme [B]

M. et Mme [B] demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance de mise en état, de prononcer la nullité de plusieurs actes et de déclarer les demandes de Mme [O] irrecevables. Ils réclament également des dommages-intérêts au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponse de Mme [O]

Mme [O] conteste les prétentions de M. et Mme [B] et demande la confirmation de la décision du tribunal de première instance, ainsi que la condamnation de M. et Mme [B] aux dépens d’appel.

Déclarations en faux et sursis à statuer

M. et Mme [B] ont formé une déclaration en faux incidente contre des actes d’huissier liés à la procédure. Le président de la chambre a ordonné un sursis à statuer dans l’instance d’appel en attendant la décision sur la déclaration en faux.

Jonction des procédures

La cour a ordonné la jonction des procédures RG 21/1446 et RG 23/434, et a transmis l’affaire à la Procureure générale pour avis. La Procureure générale a ensuite indiqué s’en rapporter à justice sur la question du faux.

Observations des parties

Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la recevabilité des demandes incidentes et sur la compétence du juge de la mise en état concernant la nullité d’un jugement antérieur. Mme [O] a soutenu que le juge de la mise en état n’avait pas compétence pour déclarer un jugement non avenu.

Arguments de M. et Mme [B]

M. et Mme [B] ont affirmé que Mme [O] ne prouvait pas sa qualité d’héritière, en raison de la nullité du jugement de filiation. Ils ont soutenu que la contestation de ce jugement relevait de la compétence du juge de la mise en état.

Décision de la cour

La cour a déclaré irrecevable la demande de nullité du jugement du 26 septembre 2008, confirmant ainsi l’établissement de la filiation de Mme [O]. Elle a également statué qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la demande de faux et a condamné M. et Mme [B] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action de Mme [O] dans le cadre de la succession ?

La recevabilité de l’action de Mme [O] est fondée sur la reconnaissance de sa qualité d’héritière de [D] [B]. Selon l’article 527 du Code de procédure civile, l’annulation d’un jugement ne peut intervenir que dans le cadre des voies de recours prévues par la loi.

En l’espèce, le jugement du tribunal de grande instance de Saint Pierre du 26 septembre 2008, qui établit la filiation de Mme [O] avec [D] [B], n’a pas été déclaré caduc.

De plus, les consorts [B] n’ont pas contesté ce jugement par les voies appropriées, telles que l’opposition ou l’appel, ce qui renforce la recevabilité de l’action de Mme [O].

Ainsi, la cour a confirmé l’ordonnance ayant écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme [O], établissant ainsi sa qualité d’héritière.

Quelles sont les implications des articles du Code civil et du Code de procédure civile sur la nullité d’un jugement ?

Les articles 324 et 478 du Code civil et du Code de procédure civile sont cruciaux pour comprendre les implications de la nullité d’un jugement. L’article 324 du Code civil stipule que la filiation est établie par un jugement qui a force obligatoire.

En ce qui concerne le Code de procédure civile, l’article 478 précise que la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu doit être portée devant le juge de l’exécution.

Cela signifie que le juge de la mise en état, dans le cadre d’une instance en liquidation partage et recel de succession, n’a pas compétence pour annuler un jugement ou déclarer celui-ci non avenu.

Ainsi, la cour a jugé que la demande des consorts [B] visant à déclarer le jugement du 26 septembre 2008 non avenu était irrecevable, confirmant ainsi la validité de la filiation établie.

Comment se prononce la cour sur les dépens dans cette affaire ?

Les dépens sont régis par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile. L’article 696 stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Dans cette affaire, M. et Mme [B], ayant succombé dans leurs demandes, sont condamnés aux dépens. L’article 700 permet également à la cour de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Ainsi, la cour a décidé de condamner in solidum M. [X] [B] et Mme [F] [B] aux dépens, ce qui reflète l’application des principes énoncés dans le Code de procédure civile concernant les frais de justice.

Arrêt N°

PF

R.G : N° RG 21/01446 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTHD

[B]

[B]

C/

[O]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024

Chambre civile TGI

Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE SAINT-PIERRE en date du 22 JUILLET 2021 suivant déclaration d’appel en date du 04 AOUT 2021 rg n°: 20/01217

APPELANTS :

Madame [F] [B]

chez Mme [Y] [W] [C] – [Adresse 5]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentant : Me Emeline K/BIDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION, ayant plaidé

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/006687 du 13/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Emeline K/BID, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION, ayant plaidé

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006686 du 13/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)

INTIMEE :

Madame [L] [E] [O]

Chez Madame [A] [K] [Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION, représenté par Me Anne-Sophie MALABOEUF, ayantplaidé

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006332 du 13/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, conseillère

Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 26 Novembre 2024.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  26 Novembre 2024.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE,

LA COUR

Par acte d’huissier du 20 mai 2020, Mme [O] a assigné M. et Mme [B] devant le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion en liquidation partage de la succession de [D] [P] [B], décédé en [Date décès 9] 2007, composé des parcelles HM [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à Saint Pierre, de juger que M. et Mme [B] ont commis un recel de succession à hauteur de 21.666,5 euros chacun et de rectifier l’attestation immobilière établie après décès pour l’y inclure.

Par ordonnance du 22 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire a écarté la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande de Mme [O] pour non publication de l’assignation et l’argumentaire des consorts [B], tirée de la caducité du jugement du tribunal de grande instance de St Pierre du 26 septembre 2008, établissant la filiation paternelle de Mme [O] avec [D] [P] [B] dès lors que ce jugement avait été signifié à leur représentante légale du temps de leur minorité. Il a donc:

– rejeté l’exception de nullité de l’assignation;

– déclaré Mme [O] recevable en ses demandes;

– débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– Renvoyé les parties à une audience ultérieure de mise en état et les a invitées à conclure sur le fond;

– Réservé les dépens.

Par déclaration du 4 août 2021 (RG 21/1446), M. et Mme [B] ont formé appel de l’ordonnance.

Ils sollicitent de la cour de:

– Infirmer l’ordonnance de mise en état du 22 juillet 2021 ;

Et statuant à nouveau :

– Prononcer la nullité des procès-verbaux de recherches infructueuses du 22 mai 2008 et du 21 octobre 2008 ;

– Prononcer par conséquent la nullité du jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre du 26 septembre 2008 (affaire n° 07/01096) ;

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de Mme [O] ;

– Condamner Mme [O] à payer à Mme [B] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

– Condamner Mme [O] aux entiers dépens.

Mme [O] demande à la cour de:

– Débouter M. et Mme [B] de l’ensemble de leurs prétentions;

– Confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise;

– Condamner M. et Mme [B] aux entiers

dépens d’appel, qui seront employés comme en matière d’aide juridictionnelle.

Par conclusions réceptionnées le 16 janvier 2023 à la cour (RG 23/434), M. et Mme [B] ont formé une déclaration en faux incidente contre l’acte authentique d’huissier portant assignation en intervention forcée de leur mère, Mme [Y], devant le tribunal de grande instance de St Pierre du 22 mai 2008 et contre procès-verbal d’huissier de signification du jugement du 26 septembre 2008 à Mme [Y] daté du 21 octobre 2008.

Par ordonnance du 24 octobre 2023, le président de la chambre a ordonné le sursis à statuer dans l’instance enregistrée RG 21/1446 dans l’attente de la décision de la cour à intervenir sous le RG 23/434.

Par arrêt du 24 mai 2024, la cour a ordonné la jonction des procédures RG 21/1446 et RG 23/434 sous le RG 21/1446, ordonné la transmission de l’affaire à Mme la Procureure générale pour avis, envoyé l’affaire et les parties à l’audience pour l’affaire être plaidée et réserve les demandes et les dépens.

Par avis du 10 juin 2024, Mme la Procureure générale a indiqué s’en rapporter à justice sur le faux.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [B] du 19 avril 2022 et celles de Mme [O] du 19 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties (RG 21-1446);

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [B] du 16 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties (RG 23-434 avant jonction);

Vu l’avis de Mme la Procureure générale du 10 juin 2024;

Par message RPVA, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sous quinzaine, au visa des articles 16, 125, 478 et 527 du code de procédure civile et l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, sur la recevabilité devant le juge de la mise en état, intervenant dans le cadre d’une instance en liquidation partage et recel de succession, des demandes incidentes tendant à prononcer la nullité d’un jugement ou le caractère non avenu de ce dernier, intervenu dans le cadre d’une procédure distincte.

Dans l’hypothèse où le juge de la mise en état disposerait du pouvoir de statuer sur le caractère non avenu du jugement du 26 septembre 2008, retranscrit à l’état civil, les parties ont été sollicitées sur les implications des dispositions de l’article 324 du code civil sur ce point.

Par ailleurs, transmission a été fait aux parties de l’avis de Mme la Procureure générale aux fins d’observations éventuelles en cours de délibéré.

Par conclusions du 12 novembre 2024, Mme [O] a fait observer que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour déclarer non avenu un jugement rendu par une autre juridiction, que le jugement litigieux établissant sa paternité n’a pas été déclaré caduc et qu’il a été retranscrit sur les actes d’état civil. Elle précise en outre que cette exception n’a pas été soulevée en première instance.

Par note du 15 novembre 2024, M. et Mme [B] font valoir qu’ils sollicitent à voir déclarer Mme [O] irrecevable en sa demande et qu’une telle demande relève du juge de la mise en état. Ils soulignent que le caractère non avenu d’un jugement- en l’espèce, celui établissant la paternité de Mme [O],- est une exception de procédure, laquelle relève, elle aussi, de la compétence du juge de la mise en état. Ils exposent que le juge de l’exécution n’a pas compétence exclusive pour connaitre du caractère non avenu d’un jugement et qu’il est d’ailleurs incompétent en l’espèce, en l’absence de mesure d’exécution engagée. Ils ajoutent qu’en conséquence de la nullité du jugement de filiation, celui-ci ne sera plus opposable et les actes d’état civil devront être rectifiés à l’initiative du parquet.

Sur la recevabilité de l’action de Mme [O]

M. et Mme [B] soutiennent que Mme [O] n’établit pas sa qualité d’héritière de [D] [B] dès lors que le jugement du tribunal de grande instance de St Pierre du 26 septembre 2008 le déclarant père de Mme [O] est nul, faute pour leur mère les représentant d’avoir été régulièrement présente à l’instance et pour le jugement d’avoir été régulièrement signifié dans un délai de deux ans à compter de son prononcé, les actes d’huissiers portant citation et signification étant entachés de faux.

Sur ce,

A titre liminaire, il est rappelé que les dispositions particulières régissant la filiation sont d’ordre public, que les procédures en la matière sont communiquées au ministère public alors qu’aucune des parties n’a transmis à ce dernier ses conclusions critiquant le jugement du 26 septembre 2008 établissant la filiation de Mme [O] à l’égard de [D] [B].

Vu les articles 527 et 540 du code de procédure civile;

L’annulation d’un jugement n’est susceptible d’intervenir que dans le cadre des voies de recours prévues par la loi, outre la voie prétorienne de l’appel nullité.

Dès lors, comme l’indique l’intimée, si appel devait être formé contre le jugement du tribunal de grande instance de St Pierre du 26 septembre 2008 pour contester la validité de cette décision, les consorts [B] disposaient de la possibilité de solliciter d’être relevés de la forclusion du délai de recours.

De même, si les consorts [B] considéraient que le jugement avait été qualifié à tort de réputé contradictoire à leur égard, faute d’avoir été régulièrement cités, et non de défaut, ils disposaient du choix procédural de contester le jugement par la voie de l’opposition.

Vu l’article L. 213-6 du code de procédure civile;

Vu l’article 324 du code civil;

Vu les articles 425 et 478 du code de procédure civile;

La demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu a pour objet de lui faire perdre son caractère de titre exécutoire relève de la compétence du juge de l’exécution et il n’appartient pas au juge de la mise en état de trancher ce point dans le cadre de ses compétences d’attribution dans l’instance introduite liquidation partage et recel de succession.

Aussi, il ne relève pas du pouvoir du juge de la mise en état d’annuler un jugement ou de déclarer celui-ci non avenu ; la demande ainsi formée est irrecevable.

En conséquence de ce qui précède, au jour où la cour statue, elle ne peut que constater l’établissement de la filiation de Mme [O] et de [D] [B], suivant jugement du 26 septembre 2008.

Sans qu’il ne soit besoin d’examiner la demande incidente de faux des procès-verbaux d’huissier, il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance ayant écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme [O].

Sur les dépens

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

M. et Mme [B], qui succombent, supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

– Déclare irrecevable la demande tendant à prononcer par conséquent la nullité du jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre du 26 septembre 2008 (affaire n° 07/01096);

– Dit n’y avoir lieu à statuer sur l’inscription de faux incidente formée contre la nullité des procès-verbaux de recherches infructueuses du 22 mai 2008 et du 21 octobre 2008 ;

– Confirme l’ordonnance entreprise;

– Condamne in solidum M.[X] [B] et Mme [F] [B] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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