Délai de contestation et validité des notifications dans le cadre des procédures civiles.

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Délai de contestation et validité des notifications dans le cadre des procédures civiles.

L’Essentiel : Le 15 avril 2024, le tribunal judiciaire de Reims a débouté M. [N] [V] de ses demandes concernant la saisie de ses rémunérations, fixant sa créance à 9.893,44€. Il a été autorisé à rembourser par versements mensuels de 200€, sous peine de déchéance. M. [N] [V] a interjeté appel le 15 mai 2024, mais les intimés ont contesté la recevabilité de cet appel pour tardiveté. Lors de l’audience du 12 novembre 2024, le tribunal a jugé que l’appel était recevable, le délai ayant commencé à courir à partir de la signification du jugement le 18 juin 2024.

Jugement du 15 avril 2024

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Reims a rendu un jugement contradictoire le 15 avril 2024, déboutant M. [N] [V] de ses prétentions concernant une mesure de saisie de ses rémunérations. La créance a été fixée à 9.893,44€, incluant le principal, les intérêts et les frais. M. [N] [V] a été autorisé à rembourser cette dette par versements mensuels de 200€, avec une déchéance du terme en cas de non-respect du moratoire. Il a également été condamné aux dépens.

Appel de M. [N] [V]

M. [N] [V] a interjeté appel le 15 mai 2024. Un avis de fixation de l’affaire à bref délai a été envoyé par le greffe le 18 juin 2024. Les intimés ont déposé des conclusions d’incident, contestant la recevabilité de l’appel pour tardiveté et demandant la condamnation de l’appelant aux dépens et aux frais irrépétibles de procédure.

Conclusions des parties

Les intimés ont signifié et déposé leurs conclusions d’incident le 16 juillet 2024 et le 21 octobre 2024. M. [N] [V] a également déposé des conclusions en réponse le 18 juillet 2024 et le 21 octobre 2024, ainsi que des conclusions de fond les 17 juin et 18 juillet 2024. Les intimés ont également déposé leurs conclusions au fond le 16 juillet 2024.

Audience du 12 novembre 2024

La cause a été plaidée sur incident devant le président de chambre lors de l’audience du 12 novembre 2024. M. [N] [V] a soutenu que les consorts [H] ne pouvaient pas invoquer l’irrecevabilité de son appel, car leurs conclusions d’incident ne contenaient pas leurs moyens de fond.

Décision sur la fin de non-recevoir

Le tribunal a examiné la fin de non-recevoir des conclusions d’incident des consorts [H]. Il a conclu que ces derniers pouvaient valablement soutenir leurs fins de non-recevoir par des conclusions séparées, respectant ainsi les délais prescrits par la loi.

Tardiveté de l’appel

Concernant la tardiveté de l’appel, le tribunal a rappelé que le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification par le greffe. En l’espèce, la notification du jugement n’a pas été reçue par M. [N] [V], ce qui a empêché le délai d’appel de courir. Le délai a donc commencé à compter de la signification du jugement par un commissaire de Justice le 18 juin 2024.

Recevabilité de l’appel

En conséquence, l’appel interjeté par M. [N] [V] le 15 mai 2024 a été déclaré recevable. La cause a été renvoyée au fond pour être plaidée à l’audience du 14 janvier 2025, avec une date de clôture fixée au 7 janvier 2025. Les dépens et frais irrépétibles de procédure de l’incident seront joints à ceux du fond.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’appel selon le code de procédure civile ?

L’article 905-2 du code de procédure civile précise que :

« A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. »

Cet article impose un délai strict pour la remise des conclusions, ce qui est essentiel pour la recevabilité de l’appel.

De plus, l’article 910-4 du même code stipule que :

« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. »

Cela signifie que les parties doivent non seulement respecter les délais, mais aussi présenter toutes leurs prétentions dans les conclusions.

Dans le cas présent, M. [N] [V] a interjeté appel le 15 mai 2024, ce qui est dans le délai imparti, car la notification de la décision initiale n’a pas été reçue, rendant ainsi l’appel recevable.

Quelles sont les conséquences d’une notification non reçue sur le délai d’appel ?

L’article R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution indique que :

« Le délai d’appel des jugements du juge de l’exécution est de quinze jours à compter de la notification par le greffe de la décision. »

Cependant, si la notification n’est pas reçue, comme le stipule l’article 668 du code de procédure civile :

« La date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. »

Dans le cas présent, la notification du jugement du 15 avril 2024 a été retournée avec la mention « Destinataire inconnu à l’adresse ».

Cela signifie que le délai d’appel n’a pas commencé à courir, car la notification n’a pas été réceptionnée.

Ainsi, le délai d’appel a commencé à courir à partir de la signification par exploit de Me [E] le 18 juin 2024, rendant l’appel de M. [N] [V] recevable.

Comment les parties peuvent-elles présenter leurs conclusions selon le code de procédure civile ?

L’article 910-4 du code de procédure civile précise que :

« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. »

Cela signifie que les parties doivent soumettre toutes leurs prétentions dans un même jeu de conclusions, sauf dans certains cas prévus par la loi.

Cependant, l’article 905-2 permet aux parties de déposer des conclusions séparées tant que les délais sont respectés.

Dans cette affaire, les consorts [H] ont pu valablement soutenir leurs fins de non-recevoir par des conclusions séparées, car elles ont été signifiées dans les délais impartis.

Ainsi, la loi permet une certaine flexibilité dans la présentation des conclusions, tant que les délais sont respectés.

COUR D’APPEL DE REIMS

1ère Chambre Civile

Section JEX

N° RG 24/00770

N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPWA

Ordonnance n°

du 26 Novembre 2024

Formule exécutoire aux

avocats le : 26 novembre 2024

ORDONNANCE D’INCIDENT

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, Bertrand Duez, président de chambre, assisté de Sophie Balestre, avons rendu l’ordonnance suivante, après débats tenus le 12 novembre 2024 dans la procédure, opposant :

M. [N] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/002323 du 29/05/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Reims)

Représenté par Me Aurélie Gabon, avocat au barreau de Reims

à

1/ Mme [L] [P] épouse [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

2/ M. [Z] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par la SELARL Guyot – De Campos, avocats au barreau de Reims

et par Me Julie Faizende, avocat au barreau de Lyon

Exposé du litige

Par jugement contradictoire du 15 avril 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Reims, statuant sur contestation d’une mesure de saisie des rémunérations a débouté M. [N] [V] de ses prétentions, fixé la créance à la somme de 9.893,44€ en principal, intérêts et frais, autorisé M. [N] [V] à se libérer de cette dette par versements mensuels de 200€ s’imputant prioritairement sur le capital, jusqu’à épuisement de la dette avec déchéance du terme en cas de non-respect du moratoire et condamné M. [N] [V] aux dépens.

‘ Vu l’appel de M. [N] [V] en date du 15 mai 2024 (23h02)

‘ Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai envoyé par le greffe le 18 juin 2024

‘ Vu les conclusions d’incident n°1 des intimés signifiées et déposées à la cour le 16 juillet 2024 et numéro 2 signifiées et déposées à la cour le 21 octobre 2024 invoquant l’irrecevabilité de l’appel pour tardiveté et sollicitant la condamnation de l’appelant aux dépens et aux frais irrépétibles de procédure (1.500€)

‘ Vu les conclusions d’incident en réponse n°1 de l’appelant signifiées et déposées à la cour le 18 juillet 2024 et numéro 2 signifiées et déposées à la cour le 21 octobre 2024

‘ Vu les conclusions de fond de l’appelant signifiées et déposées à la cour les 17/06/2024 et 18/07/2024.

‘ Vu les conclusions au fond des intimés signifiées et déposées à la cour le 16 juillet 2024.

La cause a été plaidée sur incident devant le président de chambre à l’audience du 12 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la fin de non-recevoir des conclusions d’incident des consorts [H]

M. [N] [V] soutient que les consorts [H] ne pouvaient invoquer l’irrecevabilité de son appel au moyen de leurs conclusions d’incident du 16 juillet 2024 puisque ces écritures ne contenaient pas leurs moyens de fond aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile.

Sur ce :

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose que :

A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 905-2 du même code dispose en son premier alinéa que :

A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Il ne résulte pas de la combinaison de ces deux textes d’autres obligations pour les parties que de signifier et déposer leurs conclusions dans les délais prescrits par la Loi.

Il ne saurait sans ajouter à la Loi une condition qu’elle ne contient pas être imposé aux parties de conclure sur une fin de non recevoir et sur le fond dans un seul jeu de conclusions dès lors que les délais prescrits à l’appelant et à l’intimé sont respectés quant aux conclusions de fond.

En l’espèce, les consorts [H] qui ont conclu sur le fond le 16/07/2024 en réponse aux écritures de l’appelant du 17/06/2024, pouvaient donc valablement soutenir leurs fins de non-recevoir par conclusions séparées signifiées le 16/07/2024.

Le moyen ne sera pas retenu.

2/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’appel

Il résulte de l’article R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution que le délai d’appel des jugements du juge de l’exécution est de quinze jours à compter de la notification par le greffe de la décision et que l’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure à bref délai ou à la procédure à jour fixe.

Il résulte des dispositions des articles 668 et 669 du code de procédure civile que :

La date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

La date de l’expédition d’une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d’émission.

La date de la remise est celle du récépissé ou de l’émargement.

La date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

En l’espèce, la décision déférée à la cour (jugement du 14/04/2024) a été notifiée par les soins du greffe du juge de l’exécution de Reims le 15/04/2024 aux parties mais il ressort de l’accusé de réception de cette notification que celle-ci est revenue avec la mention ‘ Destinataire inconnu à l’adresse’ (pièce appelant n° 6)

Il s’ensuit que la notification faite par le greffe de la juridiction de première instance n’ayant pas été réceptionnée par la personne à qui elle était destinée, cette notification ne peut faire courir le délai d’appel, la partie qui y a intérêt étant, dans ce cas, tenue de procéder par signification de commissaire de Justice pour ce faire, et ce sans qu’il soit besoin de statuer sur la bonne ou mauvaise foi de M. [N] [V] dans son changement d’adresse.

Le délai d’appel n’a couru en l’espèce qu’à compter du 18 juin 2024, date de la signification du jugement du juge de l’exécution par exploit de Me [E] commissaire de Justice en date du 18 juin 2024.

En conséquence, l’appel interjeté par M. [N] [V] le 15 mai 2024 est recevable et la cause sera renvoyée au fond pour y être plaidée.

Par application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile, les dépens et frais irrépétibles de procédure de l’incident seront joints à ceux du fond.

PAR CES MOTIFS

Le président de chambre, statuant publiquement et contradictoirement :

Déclare recevable l’appel formé par M. [N] [V] le 15 mai 2024 sur le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Reims le 15 avril 2024 (RG N° 24/01219)

Renvoie l’examen de la cause sur le fond à l’audience du 14 janvier 2025 à 10 heures avec une date de clôture fixée au 7 janvier 2025.

Dit que les dépens et frais irrépétibles de procédure de l’incident seront joints avec ceux du fond.

Le Greffier Le Président


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