Résiliation et contestations autour d’un bail commercial : enjeux de loyers impayés et clauses litigieuses.

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Résiliation et contestations autour d’un bail commercial : enjeux de loyers impayés et clauses litigieuses.

L’Essentiel : En 2015, Mme [K] [E] a signé un bail commercial avec la SARL SPACIAL. En mars 2017, la SARL DOOLY a repris ce bail. En février 2024, Mme [E] a délivré un commandement de payer pour des loyers impayés de 29 061,56 euros. Face à l’inaction de la SARL DOOLY, elle a saisi le Tribunal judiciaire de Versailles en avril 2024, demandant la résiliation du bail et l’expulsion. Le tribunal a constaté la résiliation au 14 mars 2024, ordonné l’expulsion et condamné la SARL DOOLY à verser 36 085,74 euros pour loyers dus et indemnité d’occupation.

Contexte du litige

Mme [K] [E] a conclu un bail commercial avec la SARL SPACIAL pour des locaux situés à [Adresse 1] à [Localité 4] en 2015. En mars 2017, la SARL DOOLY a acquis les droits de la SARL SPACIAL. En février 2024, Mme [E] a délivré un commandement de payer à la SARL DOOLY pour des loyers impayés s’élevant à 29 061,56 euros.

Procédures judiciaires

La SARL DOOLY n’ayant pas réglé la totalité des sommes dues, Mme [E] a engagé une procédure en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles en avril 2024. Elle a demandé la constatation de la résiliation du bail, l’expulsion de la locataire, la séquestration des meubles laissés sur place, ainsi que le paiement de loyers dus et d’une indemnité d’occupation.

Arguments de la bailleresse

Mme [E] a soutenu que la SARL DOOLY avait généré un chiffre d’affaires en hausse en 2023, ce qui contredisait les arguments de la locataire concernant des difficultés économiques. Elle a également affirmé que la clause de paiement des charges était conforme aux exigences légales et que la locataire restait redevable de sa quote-part de charges.

Arguments de la locataire

La SARL DOOLY a contesté le commandement de payer, affirmant avoir réglé l’intégralité des sommes dues et soulevant l’illicéité de la clause 6C du bail concernant le paiement forfaitaire des charges. Elle a également évoqué des difficultés liées à son franchiseur, des problèmes d’humidité dans les locaux, et a demandé un délai de paiement pour la dette locative.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail au 14 mars 2024. Il a ordonné l’expulsion de la locataire et la séquestration des meubles, tout en condamnant la SARL DOOLY à payer une somme provisionnelle de 36 085,74 euros pour loyers impayés, ainsi qu’une indemnité d’occupation.

Rejet des demandes de la locataire

Les demandes de la SARL DOOLY concernant l’annulation de la clause 6C, la restitution des forfaits de charges, et les délais de paiement ont été rejetées. Le tribunal a jugé que la contestation sur l’exigibilité des charges ne justifiait pas une suspension des effets de la clause résolutoire.

Conclusion

La décision a été rendue le 26 novembre 2024, confirmant la résiliation du bail et ordonnant l’expulsion de la locataire, tout en condamnant la SARL DOOLY à payer des sommes provisionnelles à Mme [E].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui stipule que :

« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Cela signifie que pour qu’une clause résolutoire soit applicable, il est nécessaire qu’un commandement de payer ait été délivré et que le locataire n’ait pas régularisé sa situation dans le délai imparti.

Dans l’affaire en question, le commandement de payer a été délivré le 13 février 2024, et la locataire n’a pas réglé la totalité de sa dette dans le mois suivant.

Ainsi, la résiliation du bail est intervenue de plein droit le 14 mars 2024, conformément aux dispositions de l’article précité.

Quels sont les effets d’un commandement de payer sur la résiliation d’un bail commercial ?

L’article L. 145-41 du Code de commerce précise que le commandement de payer doit mentionner le délai d’un mois pour que la clause résolutoire puisse être appliquée.

En l’espèce, le commandement de payer a été délivré le 13 février 2024, et la locataire n’a pas réglé la totalité de sa dette dans le délai d’un mois.

Cela signifie que la résiliation du bail est devenue effective le 14 mars 2024, à 00 heure.

Il est important de noter que si le locataire s’acquitte de sa dette dans le délai fixé par le juge, la clause résolutoire ne joue pas.

Dans ce cas, la locataire n’a pas démontré qu’elle avait réglé l’intégralité de sa dette dans le délai imparti, ce qui a conduit à la résiliation du bail.

Quelles sont les conséquences de la résiliation d’un bail commercial sur l’expulsion du locataire ?

La résiliation d’un bail commercial entraîne des conséquences immédiates, notamment l’obligation pour le locataire de quitter les lieux.

L’article L. 433-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« le juge peut ordonner l’expulsion du locataire et de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique. »

Dans le cas présent, la résiliation du bail a été constatée, et il a été ordonné l’expulsion de la locataire, ainsi que de toute personne se trouvant dans les lieux, conformément aux dispositions légales.

L’expulsion doit être effectuée dans le respect des procédures légales, et le bailleur peut demander l’assistance des forces de l’ordre si nécessaire.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision au titre des loyers impayés ?

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que :

« le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier. »

Dans cette affaire, la demande de provision pour les loyers impayés a été examinée.

Il a été établi que la dette de loyers n’était pas sérieusement contestable, ce qui a conduit à la décision de condamner la locataire à payer une somme provisionnelle correspondant aux loyers dus.

Il est essentiel que la créance soit clairement établie et que le débiteur ne soulève pas de contestations sérieuses pour qu’une provision puisse être accordée.

Quelles sont les implications de la clause de forfait de charges dans un bail commercial ?

L’article L. 145-40-2 du Code de commerce impose que les charges récupérables soient clairement définies et ne peuvent pas être forfaitaires.

Il est précisé que :

« le bail doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances. »

Dans le cas présent, la locataire a contesté la validité de la clause 6C du bail relative au paiement forfaitaire des charges, arguant qu’elle était contraire aux dispositions d’ordre public.

La contestation de cette clause est fondée sur le fait qu’aucune reddition de charges n’a été effectuée depuis le début du bail, ce qui pourrait entraîner la nullité de cette clause.

Le juge des référés n’a pas compétence pour prononcer la nullité d’une clause, mais a reconnu l’existence d’une contestation sérieuse sur ce point.

Quelles sont les conséquences d’une contestation sérieuse sur l’exigibilité des sommes dues ?

Lorsqu’une contestation sérieuse est soulevée concernant l’exigibilité des sommes dues, cela peut avoir des implications sur les demandes de provision et d’expulsion.

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile stipule que le juge peut accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans cette affaire, la locataire a soulevé des contestations sérieuses concernant les charges et la validité de la clause de forfait, ce qui a conduit à un rejet de certaines demandes de provision.

Il est donc crucial pour le créancier de prouver que ses créances sont incontestables pour obtenir une décision favorable en référé.

Les contestations sérieuses peuvent également retarder les procédures d’expulsion et de recouvrement des créances.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
26 NOVEMBRE 2024

N° RG 24/00619 – N° Portalis DB22-W-B7I-R77L
Code NAC : 30B
AFFAIRE : [K] [E] C/ S.A.R.L. DOOLY

DEMANDERESSE

Madame [K] [E]
née le 26 Septembre 1935 à [Localité 6] (75), demeurant [Adresse 2] – [Localité 4]

représentée par Me Edith COGNY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :
17

DEFENDERESSE

SOCIETE DOOLY
SARL inscrite au RCS de NANTERRE sous le N° 811 029 784, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 5]

représentée par Me Virginie BADIER-CHARPENTIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 509, Me Stéphane BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 497

Débats tenus à l’audience du : 10 Octobre 2024

Nous, Béatrice LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Ingrid RESZKA, Greffier lors des débats et de Virginie DUMINY, Greffier lors du prononcé

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 10 Octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 1er janvier et 12 mai 2015, Mme [K] [E] a donné à bail commercial à la SARL SPACIAL sur les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 4].

Suivant cession de fonds de commerce en date du 27 mars 2017 la SARL DOOLY est venue aux droits de la SARL SPACIAL.

Par acte extrajudiciaire en date du 13 février 2024, Mme [E] délivrait un commandement de payer visant la clause résolutoire à la SARL DOOLY pour un montant total de 29 061,56 euros au titre de loyers impayés.

La SARL DOOLY n’ayant que partiellement désintéressé les causes du commandement de payer du 13 février 2024, Mme [E], l’a fait assigner en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles par acte de Commissaire de Justice en date du 25 avril 2024 afin de voir :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail des 1er janvier et 12 mai 2015,
– ordonner l’expulsion de la locataire ainsi que toute personne se trouvant dans les lieux de son chef, si besoin avec le concours de la force publique,
– autoriser la séquestration, aux frais, risques et périls de la locataire, des meubles et objets laissés dans les lieux,
– condamner la locataire à lui payer la somme provisionnelle de 14 975,78 euros au titre des loyers dus, arrêtée au 21 mars 2024, avec intérêts légaux à compter du commandement de payer,
– condamner la locataire à lui payer une indemnité d’occupation journalière contractuellement fixée au double du loyer journalier en cours, augmentée des charges locatives, jusqu’à complète libération des lieux,
– condamner la locataire à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens comprenant le coût du commandement de payer.

Mme [K] [E], représentée par son conseil, développe oralement ses conclusions notifiées par RPVA le 17 septembre 2024 dans lesquelles elle sollicite la condamnation de la locataire à lui payer la somme provisionnelle de 52 415,18 euros au titre des loyers dus arrêtés au 13 septembre 2024 avec intérêt légaux à compter du commandement de payer et maintient le reste de ses demandes.

Elle répond à la défenderesse qui soulève l’illicéité de la clause 6C du bail relative au paiement forfaitaire des charges que le moyen relève de la compétence du juge du fond. Par ailleurs, elle ajoute que la compétence du juge des référés est limitée aux articles 872 et 873 du code de procédure civile, fait valoir à ce titre que la condition de l’urgence fait défaut et que la nécessité de procéder à l’interprétation des clauses du bail constitue une contestation sérieuse qui ne peut être tranchée par le juge des référés. Elle poursuit en relevant que la locataire n’invoque ni dommage imminent ni trouble manifestement illicite. Elle fait remarquer que le bail comporte bien une liste des charges et taxes incombant à la locataire conformément aux exigences légales et qu’en conséquence la locataire reste bien redevable de sa quote-part de charges, sa demande de remboursement des charges n’étant dès lors pas fondée.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire, elle expose que la locataire a généré un chiffre d’affaires en 2023 supérieur à 2022 et qu’en conséquence elle ne peut alléguer que son franchiseur aurait été mis en liquidation judiciaire, que l’inflation aurait ralenti les transactions commerciales, qu’elle n’aurait pas obtenu l’autorisation pour remplacer son enseigne et que l’humidité du local le rendrait inexploitable pour justifier de l’existence de la dette locative. Elle ajoute que la demande d’autorisation de travaux de changement d’enseigne a été faite en mai 2024, soit postérieurement aux défauts de paiement, et que pour justifier de l’humidité du local, la locataire verserait aux débats deux constats d’huissier datant de 2020 et 2023 alors que le dégât des eaux de 2020 affectant les parties communes aurait été géré par la copropriété. Elle allègue que la défenderesse ne serait pas de bonne foi et ajoute que la bailleresse aurait déjà fait de nombreux gestes envers elle.

La SARL DOOLY, représentée par son conseil, a signifié par RPVA le 7 octobre 2024 des conclusions dans lesquelles elle sollicite de voir :
-Juger qu’elle s’est acquittée de l’intégralité des causes du commandement de payer délivré le 13 février 2024,
– Suspendre les effets de la clause résolutoire,
– Juger que l’article 6C du bail relatif au forfait de charges locatives est réputé non écrit, dans la mesure où cet article est contraire aux dispositions d’ordre public des articles L.145-40-2-2° et R.145-35 du code de commerce,
– Ordonner en conséquence à Mme [E] de restituer les forfaits de charges locatives qu’elle a perçus depuis les cinq dernières années, soit la somme de 21 600 euros,
– Lui accorder un délai de paiement de 12 mois pour le règlement de la dette locative,
– Juger que la somme de 23 327,30 euros sera réglée dans un délai de 12 mois à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir et ce, par échéance mensuelle d’égal montant,
– Juger que la clause résolutoire sera de plein droit applicable en cas de non-respect de l’une quelconque des échéances,
– Juger en conséquence que la somme de 21 600 euros viendra en déduction de la dette locative
Subsidiairement,
– Juger qu’il existe des contestations sérieuses sur l’exigibilité des forfaits de charges locatives,
– Juger en conséquence qu’elle ne devrait plus sur les causes du commandement de payer délivré le 13 février 2024 que la somme de 6 288,34 euros qu’elle offre de régler à la barre du Tribunal,
– Octroyer un délai de paiement d’une durée de 24 mois suivant la signification de l’ordonnance,
– Débouter la demanderesse de ses demandes.

Au soutien de ses demandes, elle expose s’être déjà acquittée des termes du commandement de payer délivré le 13 février 2024, et qu’il existe une contestation sérieuse sur le respect par la bailleresse de son obligation de délivrer la jouissance paisible des lieux loués à la locataire, et sur les comptes entre les parties, en considération de la nullité des stipulations du bail concernant le paiement des charges locatives. Elle soutient que l’article 6C du bail est une clause de forfait de charges locatives qui, à ce titre, est contraire au droit applicable et qu’aucune reddition de charges n’est jamais intervenue depuis le 1er janvier 2015. Elle explique avoir conclu un contrat de franchise avec la marque « MAISON DE LA LITERIE » et que ce franchiseur aurait été placé en redressement judiciaire au mois de juillet 2023 puis en liquidation judiciaire au mois d’octobre 2023, que l’ouverture de cette procédure collective a eu un impact sur son activité avec des craintes de ne pas se voir livrée et de devoir passer ses commandes auprès de la concurrence. Elle allègue que de nombreux clients n’ont pas été livrés de leur commande et que le service après-vente n’était pas assuré par le franchiseur. Elle souligne que l’inflation a très fortement ralenti les achats de literie et que de ce fait, le secteur a enregistré une baisse de ses ventes de l’ordre de 4% par rapport au chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année 2022. Elle ajoute que le magasin n’est pas visible de la clientèle faute de disposer d’une enseigne, ayant été contrainte de la retirer car elle menaçait de se décrocher et de blesser des passants en raison de l’état de délabrement de la façade de l’immeuble du fait de l’absence de travaux réalisés par la bailleresse depuis plusieurs années. Elle précise que ses demandes d’autorisation préalable de pose d’enseigne sont rejetées par la mairie qui souhaite lui imposer des travaux importants au niveau de la façade de l’immeuble. Elle ajoute être privée de la faculté d’exploiter commercialement le sous-sol de ses locaux en raison d’un taux d’humidité élevé, alors que le sous-sol représenterait un tiers de la surface louée et qu’il est devenu impropre à sa destination, de sorte que la bailleresse n’aurait pas satisfait à son obligation de délivrance. Elle indique qu’un nouveau dégât des eaux est apparu au mois d’août 2024 et que la bailleresse n’aurait entrepris aucune diligence auprès de la copropriété depuis plus de quatre ans pour faire cesser les infiltrations.

Elle indique avoir réglé la somme totale de 21 573,22 euros décomposée comme suit :
7 191,22 € par virement le 14 février 2024,
7 191,22 € par virement le 16 février 2024,
7 191,22 € par virement le 1er mars 2024.

Elle expose également avoir consigné la somme de 7 724,96 euros sur le compte CARPA de son conseil. Elle allègue que le décompte de la bailleresse actualisé le 13 septembre 2024 est erroné en ce qu’il omet de prendre en considération le virement du 14 juin 2024 à hauteur de 7 487,88 euros ainsi que la somme bloquée sur le compte CARPA que l’avocate de la demanderesse refuserait de percevoir au motif qu’elle ne serait pas l’administrateur des biens de sa cliente. Elle ajoute qu’un compte entre les parties devrait être établi entre les parties en considération d’une part, du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et de permettre au preneur une jouissance paisible des lieux, et d’autre part au vu de la nullité de la clause de forfait de charges et de l’absence de reddition de charges depuis le 1er janvier 2015. Elle indique qu’un compte entre les parties devra aussi être établi pour les loyers et charges échus postérieurement au commandement de payer du 13 février 2024.

Elle indique connaître d’importantes difficultés de trésorerie et avoir pris des mesures pour y remédier en tentant de réinstaller une enseigne pour améliorer l’attractivité de son magasin. Elle ajoute que l’enseigne « MAISON DE LA LITERIE » ayant été reprise par le groupe Frémaux-Delorme suivant jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 12 octobre 2023, ses ventes devrait reprendre en raison des campagnes de communication entreprises par l’enseigne. Elle souligne s’être toujours acquittée de ses loyers et charges sans incident de paiement depuis sa reprise du fonds de commerce en 2017, s’être dépêchée de régulariser les causes du commandement de payer dans le mois de sa signification, et être de bonne foi en proposant de régler le solde restant de 7 724,96 euros par chèque ou virement CARPA. En conséquence, elle sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et que lui soit accordé un délai de paiement rétroactif à compter du 13 mars 2024.

Elle conteste le moyen de la demanderesse selon lequel le dégât des eaux de 2020 affectant les parties communes aurait été géré par la copropriété.

Concernant le remboursement des charges locatives des cinq dernières années, elle expose que le bail ayant été conclu le 1er janvier et 12 mai 2015, il est soumis aux dispositions de la loi dite PINEL laquelle prohibe les charges forfaitaires. Elle indique que l’article L.145-40-2 du code de commerce impose de dresser un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liées à ce bail, et de comporter une répartition de ces charges entre le bailleur et le preneur. Elle expose que l’article R.145-35 du code de commerce fixe les charges qui peuvent être récupérées auprès du preneur à bail. Elle soutient que ces dispositions sont d’ordre public et que de ce fait l’article 6C du bail est réputé non écrit, ce que ne conteste pas la demanderesse. Elle soutient que le juge des référés est compétent pour constater l’illicéité de plein droit d’une disposition contractuelle. Elle sollicite en conséquence la restitution de toutes les charges forfaitaires majorées de la TVA à 20% qu’elle a réglées au cours des cinq dernières années soit la somme de 21 600 euros TTC.

En raison de l’illicéité de l’article 6C du bail qu’elle allègue, elle soutient qu’il existe une contestation sérieuse sur l’exigibilité des sommes sollicitées et relève que la bailleresse ne lui a jamais fait parvenir, depuis l’origine du bail, aucune reddition de charges annuelle. Elle indique que le délai de prescription pour solliciter le remboursement des charges est de cinq ans à condition que le bailleur ait fait parvenir à son preneur une régularisation desdites charges, ce qui ferait défaut en l’espèce. Elle précise avoir saisi le juge du fond afin d’obtenir la restitution du surplus de charges au-delà de cinq ans puisqu’aucune régularisation annuelle n’est intervenue.

Elle sollicite que la créance de la demanderesse à hauteur de 7 487,88 euros soit compensée avec sa créance au titre des charges à hauteur de 21 600 euros de sorte qu’elle ne serait redevable que de 23 327,30 euros envers la demanderesse au lieu des 52 415,18 euros sollicités par la demanderesse dans ses dernières conclusions.

Elle soutient que les deux créances sont connexes, de sorte que la compensation est possible. Elle demande, à défaut, au juge des référés de prononcer la compensation judiciaire.

Elle sollicite un délai de paiement de 12 mois pour la dette de 23 327,30 euros eu égard à la restitution des forfaits de charges locatives, de la contestation sérieuse sur l’exigibilité des forfaits de charges locatives, et du non-respect allégué de la bailleresse de son obligation de permettre la jouissance paisible des locaux loués à la locataire. Elle soutient avoir démontré qu’elle était en mesure de faire face à la dette locative en payant 75 % de la dette dans le mois de la signification du commandement de payer et en s’acquittant du solde dans un délai très court, et indique ne pas avoir d’autres créanciers et être à jour dans ses cotisations et impôts. Elle fait valoir quu’il ressort des pièces comptables qu’elle verse aux débats qu’elle était déficitaire de 108 875 € pour l’année 2023 et de 74 966 euros pour l’année 2022, ce qui s’expliquerait par les évènements conjoncturels déjà exposés.

Elle ajoute avoir saisi le juge du fond pour solliciter la désignation d’un expert judiciaire pour déterminer l’origine des désordres, les responsabilités encourus, et les préjudices subis du fait des dégâts des eaux depuis plus de quatre ans et pour solliciter la restitution des charges indues pour la période antérieure aux cinq ans.

La décision a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire et la demande d’expulsion

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence de différents ».

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence au sens de l’article 834, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation d’un droit au bail.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentées dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais suspendre la réalisation et les effets de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la force jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

En l’espèce le bail stipule qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou de ses accessoires à son échéance exacte le bailleur aura la faculté de résilier de plein droit le bail un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

La bailleresse justifie par la production du commandement de payer du 13 février 2024 que la locataire n’est pas à jour de ses loyers et de ses charges.

Si la demande en paiement des charges, contenue dans le commandement de payer, se heurte à des contestations sérieuses tenant au défaut invoqué de cause de l’obligation en l’absence de régularisation annuelle de charges et tenant à la potentielle illicéité de la clause de forfait de charges, il demeure que le commandement de payer délivré le 13 février 2024 reste valable pour la dette de loyers, laquelle s’élevait à 23.217,96 euros au moment de la délivrance du commandement de payer.

Il n’est pas contesté qu’un mois après le commandement de payer, la locataire n’avait payé que 21 573,66 euros de sorte que la totalité de la dette de loyers n’était pas payée dans les délais impartis.

Dès lors le commandement de payer, délivré dans les formes prévues à l’article L. 145-41 du code de commerce le 13 février 2024 étant demeuré infructueux, le bail s’est trouvé résilié de plein droit un mois après, le 14 mars 2024 à 00 heure.

Il est précisé que dans la mesure où il ressort des états financiers produits par la locataire que son chiffre d’affaires a augmenté en 2023 par rapport à l’année 2022, elle ne démontre pas avec l’évidence requise en référé qu’il existe une contestation sérieuse tenant au caractère inexploitable des locaux loués en raison d’un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et à son obligation de délivrance de la jouissance paisible des lieux à la locataire. Si des dégâts des eaux et des infiltrations résultent effectivement des constats d’huissier produits, la locataire ne justifie d’aucune plainte auprès de son bailleur pour voir remédier à la situation.

Ce moyen sera dès lors rejeté.

L’obligation de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef de quitter les lieux n’étant pas contestable, il convient d’accueillir la demande d’expulsion si besoin avec le concours de la force publique.

Les meubles se trouvant sur place devront être déposés et séquestrés dans un lieu choisi par la bailleresse aux frais, risques et péril de la locataire, conformément aux dispositions des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.

Sur la demande d’annulation de la clause 6C du bail

Il est bien évident qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité d’une clause d’un bail, cette prérogative appartenant aux juges du fond.

Dès lors il n’y a lieu à référé sur la demande d’annulation de la clause 6C du bail du 1er janvier et 12 mai 2015.

Les demandes subséquentes figurant au dispositif des conclusions de la société DOOLY, de restitution des forfaits de charges, de délai de paiement de 12 mois, d’échelonnement de la dette, et de compensation entre les sommes dues au titre de la restitution des forfaits de charges et de l’arriéré locatif, seront par conséquent rejetées, devenant sans objet.

Sur le paiement provisionnel de la dette locative et de l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article 1103 du Code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’article 1728 du même code dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, il n’est pas contesté que depuis le début du bail aucune régularisation annuelle de charges n’a été effectuée par la bailleresse. Il existe une contestation sérieuse tenant à la potentielle illicéité de la clause de forfait de charges de sorte qu’il ne peut y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre des charges.

En revanche, la dette de loyers n’est pas sérieusement contestable. Il résulte des pièces versées aux débats et notamment du décompte produit qu’au 13 septembre 2024, la dette de loyers s’élevait à 36 085,74 euros, déduction faite du virement du 17 juin 2024 effectué par la locataire à hauteur de 7 487,86 euros.

Il y a donc lieu de condamner la défenderesse à payer à la demanderesse la somme provisionnelle de 36 085,74 euros correspondant aux loyers et indemnités d’occupation arrêtés à la date du 13 septembre 2024 (échéance de septembre 2024 incluse), augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance.

Il convient de condamner la SARL DOOLY à payer à la demanderesse à titre provisionnel une indemnité d’occupation d’un montant correspondant à celui d’un loyer mensuel conventionnel augmenté des charges et accessoires à compter de l’échéance d’octobre 2024 jusqu’à la libération effective des lieux loués.

Sur les autres demandes

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le demande de fixation de l’indemnité d’occupation majorée au double du loyer en cours s’analyse en une demande d’application d’une clause pénale.

S’il est constant que le juge des référés peut accorder ces sommes à titre provisionnel sur le montant non sérieusement contestable d’une clause pénale, il n’en demeure pas moins qu’elle apparaît en l’espèce élevée et est susceptible d’être qualifiée de manifestement excessive et donc d’être réduite par le juge du fond. La demande se heurte en conséquence à une contestation sérieuse.

Il sera dit n’y voir lieu à référé s’agissant de cette demande.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du Code civil : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

En l’espèce, la dette de la société DOOLY s’est aggravée depuis l’assignation puisque, après des paiements en février 2024 et en juin 2024, aucun loyer n’est réglé depuis cette date au vu du décompte produit arrêté au 13 septembre 2024 (pièce n°10 demandeur).

Il y a donc lieu de rejeter la demande de délais de paiement, aucun élément ne permettant d’établir que la société est en mesure de les respecter.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner la défenderesse, partie succombante, à payer à la demanderesse la somme de 1.500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société DOOLY supportera la charge des entiers dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, Béatrice LE BIDEAU, Vice-présidente au tribunal judiciaire de Versailles, statuant publiquement en référé, par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe ;

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 1er janvier et 12 mai 2015 et la résiliation de ce bail à la date du 14 mars 2024,

Ordonnons, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la locataire et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, sis [Adresse 1] à [Localité 4],

Ordonnons que les meubles se trouvant sur place devront être déposés dans un lieu choisi par la bailleresse aux frais risques et péril de la locataire conformément aux dispositions des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

Condamnons la SARL DOOLY à payer à Mme [K] [E] la somme provisionnelle de 36 085,74 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 13 septembre 2024, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance,

Condamnons la SARL DOOLY à payer à Mme [K] [E] à titre de provision, une indemnité d’occupation d’un montant mensuel égal au montant du loyer conventionnel révisé, à compter de l’échéance du mois d’octobre 2024 et jusqu’à complète libération des lieux,

Disons qu’il n’y a lieu à référé sur la demande d’annulation de la clause 6C du bail du 1er janvier et 15 mai 2015,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de restitution des forfaits de charges,

Disons qu’il n’y a lieu à référé sur la demande de compensation,

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de fixation de l’indemnité d’occupation au double du loyer conventionnel,

Rejetons la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

Condamnons la SARL DOOLY à payer à Mme [K] [E] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la SARL DOOLY au paiement des dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer,

Rappelons que la présente ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.

Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Béatrice LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

La Greffière La Vice-Présidente

Virginie DUMINY Béatrice LE BIDEAU


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