Tribunal judiciaire de Poitiers, 26 novembre 2024, RG n° 23/02452
Tribunal judiciaire de Poitiers, 26 novembre 2024, RG n° 23/02452

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Poitiers

Thématique : Responsabilité médicale et évaluation des préjudices : enjeux d’indemnisation dans le cadre de soins dentaires.

Résumé

M. [D] a consulté le Docteur [A] pour des douleurs dentaires, entraînant l’extraction de trois dents en novembre 2014. Suite à cette intervention, il a souffert d’une alvéolite, nécessitant un traitement. En 2017, une expertise judiciaire a révélé une faute du Docteur [A], conduisant à une condamnation en 2018. M. [D] a ensuite poursuivi des soins dentaires, incluant des implants et prothèses. Il a demandé une indemnisation de 116.323,54 euros pour les préjudices subis. Le tribunal a reconnu la responsabilité du Docteur [A] et a condamné ce dernier et la MACSF à verser 22.155,61 euros à M. [D].

MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 23/02452 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GDMQ

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU 26 NOVEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [T] [D]
demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Emmanuel GIROIRE REVALIER, avocat au barreau de POITIERS

DÉFENDEURS :

MUTUELLE VIA SANTÉ
dont le siège social est sis [Adresse 2]

Non constituée

CPAM DU VAR
dont le siège social est sis [Adresse 3]

Non constituée

MACSF
dont le siège social est sis [Adresse 1] / FRANCE

Représentée par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS

Docteur [I] [A]
demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Thomas DROUINEAU, avocat au barreau de POITIERS

LE :

Copie simple à :
– Me GIROIRE REVALIER
– Me DROUINEAU

Copie exécutoire à :
– Me GIROIRE REVALIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Sébastien VANDROMME-DEWEINE, Juge

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.

GREFFIER LORS DE L’AUDIENCE : Thibaut PAQUELIN
GREFFIER LORS DE LA MISE A DISPOSITION : Marie PALEZIS

Débats tenus publiquement à l’audience à juge unique du 01 octobre 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [D] a consulté de Docteur [I]-[X] [A], chirurgien-dentiste, pour un contrôle de routine ainsi que la présence de quelques douleurs dentaires.

Le Docteur [I] [A] lui a conseillé de réaliser une radiographie panoramique. A la suite de l’imagerie médicale, celui-ci a conclu à la nécessité de faire extraire les dents numéros 15, 16 en raison de carries et la dent 46 du fait d’un abcès.

Les deux premières extractions ont eu lieu le 4 novembre 2014 et la troisième le 16 novembre 2014. M. [T] [D] a refusé que le Docteur [I] [A] propose de remplacer ces dents retirées par des appareils amovibles.

A la suite de ces interventions, M. [T] [D] a ressenti des douleurs. Une alvéolite lui a été diagostiquée puis soignée par le Docteur [P] le 24 novembre 2014.

Ce dernier a ensuite consulté les Docteurs [J] et [L] afin de remplacer ses dents retirées. Le Docteur [L] a remis en cause le bien-fondé de ces édentations.

M. [T] [D] s’est ensuite adressé au Docteur [U], orthodontiste du fait d’une version (inclinaison anormale) des dents 17 et 47 avant de mettre en place un traitement implantaire. M. [T] [D] a refusé la proposition du praticien visant à réaliser un traitement global pour corriger les versions précitées et d’autres malpositions sans lien avec les actes prodigués par le Docteur [A], ceci pour des raisons financières.

Par ordonnance de référé du 20 décembre 2017, le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS a ordonné une expertise de M. [T] [D] et a commis pour y procéder le Docteur [G].

Le Docteur [G] a déposé son rapport en mai 2018. Il a conclu que le Docteur [A] avait commis une faute dans sa prise en charge. Il a également indiqué que l’état de M. [T] [D] n’était pas consolidé.

Par ordonnance de référé du 05 décembre 2018, le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS a condamné le Docteur [A] et la société MACSF à verser à M. [T] [D] une provision d’un montant de 5.000 euros.

M. [T] [D] a repris les soins dentaires et a bénéficié d’un traitement d’orthodontie par le Docteur [Y]. Le traitement s’est terminé en mai 2020.

M. [T] [D] a enfin consulté le Docteur [E] en juillet 2020 qui a procédé à un soulevé de sinus et à la pose d’implants au niveau des emplacements 15, 16 et 46. Il a ensuite été consulter le Docteur [O] qui a réalisé des prothèses sur implants pour chacune de ces trois dents en mars et octobre 2021.

Une nouvelle ordonnance de référé a été rendu par le Président du Tribunal judiciaire de POITIERS le 30 mars 2022 ordonnant une nouvelle expertise médicale de M. [D] et désignant le Docteur [H] afin d’y procéder.

Le Docteur [M] [H] a déposé son rapport le 05 décembre 2022.

Il y a relevé les éléments suivants :
– Déficit fonctionnel temporaire : 2 % du 19 novembre 2014 au 25 octobre 2021
– Perte de gains professionnels actuels : aucun
– Souffrances endurées 2/7
– Préjudice esthétique temporaire : 0,5/7
– Date de consolidation : 25 octobre 2021
– Déficit fonctionnel permanent : aucun
– Préjudice esthétique permanent : aucun
– Répercussions des séquelles : sans objet
– Dépenses de santé actuelles : 7.877,91 euros
– Dépenses de santé futures : renouvellement des couronnes implantaires de 15 et 16 tous les 15 ans

Par les actes d’huissier de justice suivants :
Assignation du 07 septembre 2023 à personne habilitée pour la CPAM du VAR ;Assignation du 12 septembre 2023 à personne pour M. [I] [A] ;Assignation du 21 septembre 2023 à personne habilitée pour MUTUELLE VIA SANTE ;Assignation du 20 septembre 2023 à personne habilitée pour MACSF ASSURANCES ;M. [T] [D] a engagé une action en justice devant le tribunal judiciaire de Poitiers (1ère chambre civile) aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel.

En demande, M. [T] [D], suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mars 2024, demande au tribunal de notamment :

“ JUGER les demande de M. [T] [D] recevables et bien fondées.

JUGER M. [I] [A] – chirurgien dentiste – est responsable des préjudices subis par M. [T] [D].

JUGER que la société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF) est tenue à l’indemnisation intégrale des préjudices de M. [D] en sa qualité d’assureur de responsabilité professionnelle du Dr [I] [A].

CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF), à lui verser la somme totale de 116.323,54 € en deniers et quittances, en réparation des préjudices subis à la suite de la prise en charge du Dr [A] en 2014, selon décompte suivant et à laquelle il conviendra de déduire les provisions versées :

A. SUR LES PREJUDICES PATRIMONIAUX 102.045,64 €
1. Sur les préjudices patrimoniaux temporaires 8.723,07 €
a) Dépenses de santé temporaires 8.195,68 €
b) Frais divers 527,39 €

2. Sur les préjudices patrimoniaux définitifs 93.322,57 €
a) Dépenses de santé définitives 33.322,57 €
b) Incidence professionnelle 60.000,00 €

B) SUR LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX 14.277,90 €
1. Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires 14.277,90 €
a) Déficit fonctionnel temporaire 2.277,90 €
b) Souffrances endurées 10.000,00 €
c) Préjudice esthétique temporaire 2.000,00 €

CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACF), à verser la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER in solidum le Dr [I] [A] et la société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF) aux entiers dépens, comprenant notamment les frais d’expertise.

JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

DECLARER le jugement à intervenir comme et opposable à la Caisse primaire d’assurance maladie du Var, et la société MUTUELLE VIA SANTE.

REJETER l’ensemble des demandes contraires formulées par le Dr [I] [A] et la Société Mutuelle d’Assurance du Corps de Santé Français (MACSF)”.

En défense, M. [I]-[X] [A] et la MACSF, suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 05 octobre 2023, demandent au tribunal de notamment :

“ EVALUER les préjudices subis par M. [T] [D] comme suit :
Sur les préjudices patrimoniaux : – Dépenses de santé actuelles : 6.580,95 €
– Frais divers : 263,70 €
– Dépenses de santé futures : 2.181,22 €

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :- Déficit fonctionnel temporaire : 1.266,50 €
– Souffrances endurées : 2.800 €
– Préjudice esthétique temporaire : 300 €

DEDUIRE [de la somme ] allouée à M. [T] [D] le montant dont il a d’ores et déjà bénéficié de la part de la MACF d’un montant total de 7.500 € comprenant les sommes dues au titre de l’ordonnance du 10 décembre 2018 (5.700 €) et celles dues au titre de l’ordonnance du 30 mars 2022 (1.800 €)

REJETER toute demande plus ampl ou contraire formulée par M. [T] [D] à l’encontre du Docteur [A] et de son assureur la MACSF

STATUER ce que de droit sur les dépens”

Par application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties au titre des moyens et arguments développés, lesquels seront repris en tout état de cause dans les motifs de la décision.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du VAR n’a pas constitué avocat. Par courrier adressé à la juridiction le 19 septembre 2023, la CPAM du VAR a indiqué ne pas intervenir à l’instance. Elle a précisé que ses débours définitifs s’élevaient à 531,43 €.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2024. L’audience a été fixée au 1er octobre 2024 et le délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties invoquent chacune les dispositions des deux rapports d’expertise médicale des Docteurs [G] et [H] pour en tirer des conclusions différentes, mais sans en contester la validité. Dans ces conditions, l’évaluation des préjudices sera examinée sur la base de ces rapports, étant rappelé que le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expertise et qu’il peut prendre en compte d’autres éléments versés aux débats.

*

La date de consolidation retenue sera celle fixée par l’expertise judiciaire, soit le 25 octobre 2021, M. [T] [D] étant alors âgé de 30 ans. Au jour des faits, il exerçait la profession de paysagiste.

*

M. [T] [D] est âgé de 33 ans au jour de la liquidation de ses préjudices.

I. Sur le principe de l’indemnisation

M. [T] [D] soutient que le Docteur [I] [A] a commis une faute dans le cadre de l’extraction des dents réalisée en 2014. Il ajoute que la MACSF a reconnu son obligation d’indemniser le demandeur.

La MACSF ne conteste pas dans son principe son obligation d’indemniser M. [T] [D].

Il y a lieu de constater que le principe de l’indemnisation du préjudice de M. [T] [D] n’est pas contestée par les parties. La société MACSF et le Docteur [I]-[X] [A] seront ainsi condamnés à réparer les préjudices de M. [T] [D] tels que détaillés infra.

II. Sur la liquidation du préjudice de M. [T] [D]

A. Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1. Dépenses de santé temporaires

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime. Il inclut notamment les frais d’orthèses, de prothèses, les frais paramédicaux et d’optique.

M. [T] [D] fait état de dépenses de santé à hauteur de 8.195,68 euros. Il précise que la CPAM n’a pas été en mesure de produire sa créance définitive. Il fait état des dépenses suivantes :
– Une consultation avec le Docteur [J] le 5 février 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Une consultation avec le Docteur [J] le 31 mars 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [J] le 16 avril 2015 pour la somme de 15,96 euros, avec 11,17 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 4,79 euros
-Une endodontie avec le Docteur [J] le 16 avril 2015 pour la somme de 81,94 euros, avec 57,36 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 24,58 euros
– Des soins dentaires avec le Docteur [J] le 21 avril 2015 pour la somme de 74,71 euros, avec 28,68 euros de prise en charge par la CPAM, 23,62 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 22,41 euros
– Une prophylaxie bucco-dentaire avec le Docteur [J] le 5 mai 2015 pour la somme de 28,92 euros, avec 20,24 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 8,68 euros
– Une consultation avec le Docteur [L] le 15 mai 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [L] le 15 mai 2015 pour la somme de 110 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une consultation avec le Docteur [J] le 4 mars 2016 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Des soins dentaires avec le Docteur [J] le 29 mars 2016 pour la somme de 53,02 euros, avec 13,50 euros de prise en charge par la CPAM, 23,62 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 15,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [L] le 29 juillet 2016 pour la somme de 21,28 euros, avec 14,90 euros de prise en charge par la CPAM, 6,90 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit une absence de reste à charge
– Une consultation avec le Docteur [J] le 12 octobre 2016 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie le 25 avril 2019 pour la somme de 34,71 euros, avec 24,30 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 10,41 euros

– Une consultation avec le Docteur [Y] le 17 mai 2019 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un bilan d’orthodontie avec le Docteur [Y] le 3 juin 2019 pour la somme de 205 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle et totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une consultation avec le Docteur [Y] le 11 juin 2019 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Des honoraires pour le Docteur [Y] le 19 mai 2020 pour la somme de 1.050 euros, avec une prise en charge de la CPAM à hauteur de 193,50 euros, totalement imputables à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 856,50 euros
– Des honoraires pour le Docteur [Y] le 13 juillet 2020 pour la somme de 525 euros, avec une prise en charge de la CPAM à hauteur de 193,50 euros, totalement imputables à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 331,50 euros
– Un sinus lift pour la dent 16 réalisé par le Docteur [E] le 28 septembre 2020 pour 608 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Des frais de bloc opératoire pour le Docteur [E] pour la somme de 200 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais pour les implants des dents 15 et 16 à hauteur de 2.266 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs aux matériaux de comblement pour 220 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs à une membrane spéciale pour la dent 16 pour 71 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs à un implant pour la dent 46 pour 1.133 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputables à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 566,50 euros
– Des frais de bloc opératoire pour la dent 46 pour 200 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputables à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 100 euros
– Des frais pour un connectique implant prothèse pour la dent 15 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais pour un connectique implant prothèse pour la dent 16 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Une coiffe provisoire pour la dent 15 pour 130 euros, avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 123 euros
– Une coiffe provisoire pour la dent 16 pour 130 euros, avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 123 euros
– Une coiffe sur implant de la dent 15 pour 730 euros, avec 75,25 euros de prise en charge par la CPAM et 409,13 euros de prise en charge par la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Une coiffe sur implant de la dent 16 pour 730 euros, avec 75,25 euros de prise en charge par la CPAM et 409,13 euros de prise en charge par la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Une connectique implant de la dent 46 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Une coiffe provisoire pour la dent 46 pour 130 euros avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 61,50 euros
– Un pilier prothétique pour la dent 46 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 225 euros
– Une coiffe sur implant pour 730 euros, avec une prise en charge par la CPAM de 75,25 euros, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 327,37 euros

La société MUTUELLE VIA SANTE conteste la somme sollicitée par M. [T] [D]. Elle indique tout d’abord que l’expert chiffre ses dépenses de santé actuelles à 7.877,91 euros hors remboursement par les organismes sociaux.

Elle détaille ensuite les actes qui pourront faire l’objet d’une indemnisation car directement imputables,selon elle, à la faute du Docteur [A] :
– Une consultation avec le Docteur [L] le 15 mai 2015 totalement imputable à la faute du Docteur [A], pour la somme de 133,60 euros, avec un reste à charge de 116,90 euros
– Un acte d’imagerie 3D du 25 avril 2019 totalement imputable à la faute du Docteur [A] pour 10,41 euros
– Une consultation avec le Docteur [Y] du 17 mai 2019 pour 23 euros totalement imputable à la faute du Docteur [A] avec un reste à charge de 6,90 euros
– Un bilan avec le Docteur [Y] du 3 juin 2019 pour 205 euros totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Des consultations avec le Docteur [Y] pour 1.580 euros le 19 mai 2020, avec un reste à charge de 1.188 euros, imputables à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 594 euros
– Une facture du Docteur [E] relative à un sinus lift, comblement et membrane le 28 septembre 2020 pour la somme de 1.099 euros, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une facture du Docteur [E] du 28 septembre 2020 pour des implants des dents 15 et 16 pour 2.266 euros, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une facture du Docteur [E] du 28 septembre 2020 pour un implant de la dent 46 et les frais de bloc pour 1.333 euros, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 666,50 euros
– Une facture du Docteur [O] du 23 mars 2021 pour la somme de 450 euros, imputable à la faute du Docteur [A] dans la limite de 225 euros selon la mutuelle
– Une facture du Docteur [O] du 25 octobre 2021 pour 2.360 euros avec un reste à charge de 1.391,24 euros
La défenderesse propose ainsi d’indemniser les dépenses de santé actuelles de M. [T] [D] à hauteur de 6.580,95 euros.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [T] [D] justifie de dépenses de santé avant consolidation d’un montant de 8.195,68 euros tel que détaillées dans ses écritures. Il y a en effet lieu de juger qu’il a dû prendre en charge les frais suivants :
– Une consultation avec le Docteur [J] le 5 février 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Une consultation avec le Docteur [J] le 31 mars 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [J] le 16 avril 2015 pour la somme de 15,96 euros, avec 11,17 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 4,79 euros
-Une endodontie avec le Docteur [J] le 16 avril 2015 pour la somme de 81,94 euros, avec 57,36 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 24,58 euros
– Des soins dentaires avec le Docteur [J] le 21 avril 2015 pour la somme de 74,71 euros, avec 28,68 euros de prise en charge par la CPAM, 23,62 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 22,41 euros
– Une prophylaxie bucco-dentaire avec le Docteur [J] le 5 mai 2015 pour la somme de 28,92 euros, avec 20,24 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 8,68 euros
– Une consultation avec le Docteur [L] le 15 mai 2015 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [L] le 15 mai 2015 pour la somme de 110 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une consultation avec le Docteur [J] le 4 mars 2016 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Des soins dentaires avec le Docteur [J] le 29 mars 2016 pour la somme de 53,02 euros, avec 13,50 euros de prise en charge par la CPAM, 23,62 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 15,90 euros
– Un acte d’imagerie avec le Docteur [L] le 29 juillet 2016 pour la somme de 21,28 euros, avec 14,90 euros de prise en charge par la CPAM, 6,90 euros de prise en charge par la mutuelle et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit une absence de reste à charge
– Une consultation avec le Docteur [J] le 12 octobre 2016 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un acte d’imagerie le 25 avril 2019 pour la somme de 34,71 euros, avec 24,30 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 10,41 euros
– Une consultation avec le Docteur [Y] le 17 mai 2019 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Un bilan d’orthodontie avec le Docteur [Y] le 3 juin 2019 pour la somme de 205 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle et totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Une consultation avec le Docteur [Y] le 11 juin 2019 pour la somme de 23 euros, avec 16,10 euros de prise en charge par la CPAM et une imputabilité à 100 % à la faute du Docteur [A], soit un reste à charge de 6,90 euros
– Des honoraires pour le Docteur [Y] le 19 mai 2020 pour la somme de 1.050 euros, avec une prise en charge de la CPAM à hauteur de 193,50 euros, totalement imputables à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 856,50 euros
– Des honoraires pour le Docteur [Y] le 13 juillet 2020 pour la somme de 525 euros, avec une prise en charge de la CPAM à hauteur de 193,50 euros, totalement imputables à la faute du Docteur [A] ; soit un reste à charge de 331,50 euros
– Un sinus lift pour la dent 16 réalisé par le Docteur [E] le 28 septembre 2020 pour 608 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Des frais de bloc opératoire pour le Docteur [E] pour la somme de 200 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais pour les implants des dents 15 et 16 à hauteur de 2.266 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs aux matériaux de comblement pour 220 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs à une membrane spéciale pour la dent 16 pour 71 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais relatifs à un implant pour la dent 46 pour 1.133 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputables à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 566,50 euros
– Des frais de bloc opératoire pour la dent 46 pour 200 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputables à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 100 euros
– Des frais pour un connectique implant prothèse pour la dent 15 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Des frais pour un connectique implant prothèse pour la dent 16 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, totalement imputables à la faute du Docteur [A]
– Une coiffe provisoire pour la dent 15 pour 130 euros, avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 123 euros
– Une coiffe provisoire pour la dent 16 pour 130 euros, avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 123 euros
– Une coiffe sur implant de la dent 15 pour 730 euros, avec 75,25 euros de prise en charge par la CPAM et 409,13 euros de prise en charge par la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Une coiffe sur implant de la dent 16 pour 730 euros, avec 75,25 euros de prise en charge par la CPAM et 409,13 euros de prise en charge par la mutuelle, totalement imputable à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Un connectique implant de la dent 46 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 245,62 euros
– Une coiffe provisoire pour la dent 46 pour 130 euros avec 7 euros de prise en charge par la CPAM, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 61,50 euros

– Un pilier prothétique pour la dent 46 pour 450 euros, sans prise en charge par la CPAM ou la mutuelle, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 225 euros
– Une coiffe sur implant pour 730 euros, avec une prise en charge par la CPAM de 75,25 euros, imputable à 50 % à la faute du Docteur [A], soit 327,37 euros

Les défendeurs ne produisent pas d’élément de nature à contredire cette évaluation du préjudice de M. [D] qui sera indemnisé à hauteur de 8.195,68 euros (6,90 euros + 6,90 euros + 4,79 euros + 24,58 euros + 22,41 euros + 8,68 euros + 6,90 euros + 110 euros + 6,90 euros + 15,90 euros + 6,90 euros + 10,41 euros + 6,90 euros + 205 euros + 6,90 euros +856,50 euros + 331,50 euros + 608 euros + 200 euros + 2.266 euros + 220 euros + 71 euros + 566,50 euros + 100 euros + 450 euros + 450 euros + 123 euros + 123 euros +245,62 euros + 245,62 euros + 275 euros + 61,50 euros + 225 euros + 327,37 euros).

2. Frais divers

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais autres que médicaux restés à la charge de la victime.

M. [T] [D] sollicite le remboursement de ses frais de déplacements en lien avec la réalisation de consultations médicales. Il déclare avoir réalisé 18 allers-retours entre son domicile et le cabinet du Docteur [Y] qui se situe à 2 kilomètres ; 20 allers-retours entre son domicile et le cabinet des Docteurs [E] et [O] qui se situe à 8,9 kilomètres ; 1 aller-retour entre son domicile et le cabinet du Docteur [H] situé à 125 kilomètres ; et 1 aller-retour entre son domicile et le cabinet du Docteur [G] qui se situe à 83,2 kilomètres de son domicile. Il fait également état de frais d’autoroute à hauteur de 21,20 euros pour lors de son déplacement au cabinet du Docteur [H]. M. [T] [D] souhaite que son préjudice soit évalué sur la base du barème kilométrique fiscal de 2023 applicable à un véhicule de 6 CV, soit 0,665 euros. Il précise que la juridiction doit appliquer le barème en vigueur au jour où elle statue. Il conteste les conclusions des défendeurs qui propose de lui verser la moitié de la somme qu’il sollicite au regard du principe de réparation intégrale en matière de préjudice corporel. Il demande ainsi à la juridiction de condamner in solidum le Docteur [I] [A] et la MACSF à lui verser la somme de 527,39 euros.

Le Docteur [I] [A] et la MACSF déclarent qu’une partie des frais alléguées par la victimes seraient liées à son attentisme et que ses soins auraient pu être terminés en 2017. Ils précisent que le demandeur aurait dû appliquer les barèmes en vigueur au jour où se sont déroulés les déplacements et non le barème 2023. Ils proposent de l’indemniser à hauteur de la moitié de la somme sollicitée, soit 263,70 euros.

Il fait également état de frais d’autoroute à hauteur de 21,20 euros.

Il est constant que la victime n’est pas tenu de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. Le fait que M. [T] [D] n’ait pas immédiatement procédé au remplacement de ses dents retirés par le Docteur [I] [A] et n’ait bénéficié d’un traitement implantaire qu’à partir de 2020 n’est pas de nature à réduire son droit à indemnisation.

Il y a lieu de juger que M. [T] [D] a réalisé plusieurs déplacements afin de se rendre aux expertises diligentées par le Docteur [G] et le Docteur [H] et honorer des rendez-vous médicaux. Ces déplacements seront indemnisés sur la base du barème kilométrique applicable au jour où les trajets ont été réalisés pour un véhicule de 6 CV tel que celui conduit par le demandeur.

Il est ainsi établi que M. [T] [D] s’est rendu à :
– 9 reprises au sein du cabinet des Docteurs [E] et [O] en 2020 qui se situe à 8,9 kilomètres de son domicile ; soit des frais de 91,95 euros [(9 X 8,9 km X 2) X 0,574]
– 11 reprises au sein du cabinet des Docteurs [E] et [O] en 2021, soit des frais de 112,39 euros [(11 X 8,9 km X 2) X 0,574]
– une première expertise au sein du cabinet du Docteur [G] le 22 février 2018 qui se situe à 41,6 kilomètres de son domicile 47,26 euros [(41,6 km X 2) X 0,568] ;
– une expertise le 3 octobre 2022 au cabinet du Docteur [H] qui se situe à 125 kilomètres de son domicile, soit des frais de 157,57 euros [(125 km X 2) X 0,631].
M. [T] [D] s’est également rendu à 18 reprises au sein du cabinet du Docteur [Y] du 17 mai 2019 au 16 juillet 2020 qui se situe à 2 kilomètres de son domicile. L’étude des pièces produites par les parties permettent de déterminer que le demandeur s’est rendu à 4 reprises au cabinet du Docteur [Y] en 2019, soit des frais à hauteur de 9,08 euros [(4 X2 km X 2) X 0,568] ; et à 14 reprises en 2020, soit des frais à hauteur de 32,14 euros [(14 X 2 km X 2) X 0,574]. Par ailleurs, il a également payé des frais d’autoroute pour 21,20 euros Il y a ainsi lieu de l’indemniser à hauteur de 471,59 euros.

B. Sur les préjudices patrimoniaux permanents

1. Dépenses de santé définitives

Il s’agit des frais médicaux et pharmaceutiques, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle…), et les frais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.

M. [T] [D] soutient qu’il va devoir renouveler ses implants et prothèses tous les 10 ans. Pour chacune des dents 15 et 16, il fait état de frais de bloc opératoire pour 100 euros sans remboursement par le régime obligatoire ou le régime complémentaire ; 1.133 euros pour un implant de stade 1 sans remboursement par le régime obligatoire ou le régime complémentaire ; 450 euros de matériaux de comblement sans remboursement par le régime obligatoire ou le régime complémentaire ; 450 euros pour les connectiques implant / prothèse sans remboursement par le régime obligatoire ou le régime complémentaire ; 130 euros pour une coiffe provisoire avec 7 euros de remboursement par le régime obligatoire, soit un reste à charge de 123 euros ; et 730 euros de coiffe dont 82,25 euros de remboursement par le régime obligatoire et 409,13 euros de remboursement par le régime complémentaire, soit un reste à charge de 245,62 euros. Il indique que le total de son reste à charge pour les renouvellements des deux implants est de 5.003,24 euros (2.501,62 + 5.501,62 euros). M. [T] [D] sollicite l’application de barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 pour un homme âgé de 30 ans au jour de la consolidation et sollicite la somme totale de 33.322,57 euros (5.003,24 euros / 10 ans X 66,602).

Le Docteur [I] [A] et la MACSF s’opposent à l’indemnisation de ce préjudice à hauteur de 33.322,57 euros. Ils affirment d’une part que seule la couronne nécessite un changement, pas la totalité des implants et que cela ne nécessite pas d’intervention chirurgicale. Ils indiquent d’autre part que les couronnes sur implant devront être renouvelées tous les 15 ans. Ils indiquent que le reste à charge pour le renouvellement des couronnes des dents 15 et 16 est de 491,24 euros tous les 15 ans, soit 32,75 euros par an. Appliquant le même barème que le demandeur, il propose de verser la somme de 2.181,22 euros à M. [T] [D] au titre de ses dépenses de santé futures.

Il ressort de l’expertise réalisée par le Docteur [H] que M. [T] [D] devra supporter les frais de renouvellement des couronnes sur implant des dents 15 et 16 tous les 15 ans. Il y a lieu de relever que le renouvellement de ces dispositifs ne nécessite pas d’acte chirurgical. Il s’agit de remplacer les couronnes fixées sur les implants ayant été installés dans la machoire de M. [T] [D], soit la coiffe sur implant et la connectique implant des dents 15 et 16. La coiffe sur implant a un coût de 730 euros. M. [T] [D] bénéficie d’une prise en charge par la CPAM à hauteur de 75,25 euros et 409,13 euros par sa mutuelle, soit un reste à charge de 245,62 euros pour chacune des deux dents. Le connectique implant prothèse a un coût de 450 euros pour M. [T] [D] qui ne bénéficie pas d’une prise en charge par la CPAM ou sa mutuelle. Par conséquent, les frais de renouvellement de ses couronnes sur implant a un coût de 1.391,24 euros [(245,62 X 2) + (450 euros X 2)] pour M. [T] [D] tous les 15 ans, soit un coût annuel de 115,94 euros. Il y a lieu de retenir le barème de capitalisation applicable pour un homme âgé de 30 ans et indemniser M. [T] [D] à hauteur de 7.721,84 euros (115,94 euros X 66,602).
 
2. Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice vise à indemniser les séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.
 

M. [T] [D] soutient qu’il exerçait l’activité de mannequin avant sa prise en charge par le Docteur [A]. Dans ce cadre, il déclare avoir été élu Mister Poitou-Charentes. Il ajoute qu’il aurait dû se présenter aux élections nationales du concours mais n’a pas pas pu y participer en raison de son aspect physique. Il affirme également avoir été contraint de cesser son activité de mannequin et réaliser une reconversion professionnelle. Il indique que son édentation a contribué à la perte de son identité sociale de mannequin, de son estime de soi et des relations sociales qui étaient associées à l’exercice de cette activité professionnelle. Il sollicite la somme de 60.000 euros en réparation de son incidence professionnelle.

Les défendeurs contestent la réalité de ce préjudice chez M. [T] [D]. Ils affirme que les experts n’ont pas retenu ce poste de préjudice lors de leurs examens. Ils ajoutent que l’extraction de la dent 15 n’a pu avoir d’impact significatif sur sa carrière de mannequin dans la mesure où il ne s’agit pas d’une incisive et que M. [D] s’est fait poser un implant. Ils indiquent que les experts n’ont mis en exergue la présence que d’un déficit fonctionnel temporaire de 2 % et d’un préjudice esthétique minime. Ils soutiennent également que M. [T] [D] ne démontre pas la réalité de son activité professionnelle de mannequin. Ils expliquent qu’il ne verse aucun contrat de travail à la procédure, mais simplement une inscription à une association en qualité de bénévole. Ils soulignent enfin que M. [T] [D] réalisait des séances photographiques (shootings) en octobre 2019 et produit à l’appui une capture d’écran de son compte Instagram. Ils souhaitent qu’il soit débouté de sa demande.

Il résulte de l’expertise diligentée par le Docteur [H] que M. [T] [D] exerçait la profession de paysagiste lorsque plusieurs dents lui ont été retirées par le Docteur [I] [A]. Les parties ne produisent aucun élément permettant de déterminer que M. [T] [D] exerçait une activité professionnelle dans le domaine du mannequinat avant les faits. En effet, il ressort des pièces versées à la procédure que M. [T] [D] avait conclu un contrat avec l’association COMITE MANHUNT FRANCE / MR NATIONAL le 12 décembre 2015 lorsqu’il a été élu “Mister Poitou-Charentes 2015″. Cependant, la lecture de ce contrat permet de confirmer qu’il s’agit d’un contrat de bénévolat et non d’un contrat de travail. L’activité de mannequinat alléguée par M. [T] [D] sera ainsi jugée comme relevant de ses activités de loisir. En outre, il n’est pas établi que celui-ci ait dû mettre un terme à cette activité ou ait dû la réduire dans une proportion telle qu’un préjudice lui aurait été occasionné à ce titre. La preuve de l’existence d’une incidence professionnelle n’ayant pas été rapportée, il y a lieu de débouter M. [T] [D] de sa demande.

C. Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

1. Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, ainsi que, le cas échéant, le préjudice d’agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

M. [T] [D] affirme avoir subi un déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 2 % du 19 octobre 2014 au 25 octobre 2021, soit durant 2.531 jours. Il déclare avoir souffert d’une difficulté masticatoire importante qui aurait conduit à ce qu’il se renferme sur lui-même par peur du regard des autres. Il souhaite que son préjudice soit indemnisé sur la base de 45 euros par jour et sollicite ainsi la somme de 2.277,90 euros (2.531 jours X 45 euros X 2 %).

Les défendeurs soutiennent que M. [T] [D] sollicite une somme journalière approximativement égale au double de l’indemnité habituellement allouée par les juridictions. Il précise que le préjudice de M. [D] s’est étendu sur 2.533 jours et propose qu’il soit indemnisé selon un taux journalier de 25 euros. Il demande à la juridiction de limiter l’indemnisation du préjudice du demandeur à la somme totale de 1.266,50 euros.

Il résulte de l’expertise médicale que M. [T] [D] a subi un déficit fonctionnel temporaire à 2 % du 19 octobre 2014 au 25 octobre 2021, soit durant 2.533 jours. Celui-ci a en effet éprouvé des difficultés masticatoires notables du fait de l’extraction non appropriée de plusieurs de ses dents par le Docteur [A]. Il y a lieu d’indemniser ce préjudice selon un taux journalier de 25 euros et accorder ainsi à M. [T] [D] la somme de 1.266,50 euros (2.533 jours X 25 euros X 2 %).

2. Souffrances endurées

Ce poste de préjudice vise à indemniser les souffrances tant physiques que morales subies par la victime.

M. [T] [D] demande à la juridiction de condamner le Docteur [I] [A] et la MACSF à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des souffrances endurées. Celui-ci fait état de nombreuses souffrances ayant pour origine la faute comme par le Docteur [I] [A] lors de sa prise en charge : une complication d’alvéolite, la nécessité de soins sur la gencive sous anesthésie, la réalisation de soins invasifs par le Docteur [W], la longueur des soins et les souffrances psychiques liées à l’impossibilité de participer au concours national de Mister France. Il ajoute qu’alors qu’il était mannequin, le fait de sourire est devenu un grand complexe et lui a fait perdre confiance en lui. Il précise que ses souffrances morales n’ont pas été évaluées par l’expert et que ce dernier a retenu un préjudice à hauteur de 2/7.

Le Docteur [I] [A] et la MACSF s’opposent à l’indemnisation de ce préjudice à hauteur de 10.000 euros. Ils soutiennent que le demandeur ne justifie pas de l’existence d’un préjudice moral. Ils affirment que lors du rapport d’expertise, il a déclaré avoir “perdu du temps” dans la réalisation de son dossier. Les défendeurs de répondre que cette perte de temps résultait de sa propre volonté. Ils relèvent que M. [T] [D] a également fait part à l’expert de souffrances psychologiques liées à l’avance de frais de santé. Il aurait indiqué au médecin avoir dû se priver durant plusieurs années et notamment avoir choisi de payer des soins plutôt que de partir en vacances. Le Docteur [I] [A] et la MACSF déclarent que le compte Instagram du demandeur justifie le contraire et produisent des captures d’écran extraites de celui-ci. Ils rappellent que ce préjudice a été évalué à 2/7 par l’expert et propose à ce titre de le réparer par le versement de la somme de 2.800 euros.

Il résulte des débats que M. [T] [D] a enduré des souffrances liées à l’extraction non justifiée de ses dents n°15, n°16 et n°46. Outre les douleurs résultants de l’édentation initiale, M. [T] [D] a subi de nombreux soins dentaires à l’origine de douleurs modestes par les Docteurs [Y], [E] et [O]. Ces soins se sont étendus sur de nombreuses années. Le demandeur a également présenté une alvéolite qui a fait l’objet d’une prise en charge par le Docteur [P]. Outre les douleurs physiques, il y a lieu de constater que M. [T] [D] a pu ressentir des souffrances morales due à la longueur des soins et à leur récurrence. Ce préjudice a été évalué à 2/7 lors de l’expertise et sera indemnisé à hauteur de 3.000 euros.

3. Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de préjudice est caractérisé par une présentation physique à la vue des tiers particulièrement altérée et directement consécutive à l’accident.

M. [T] [D] affirme avoir subi un préjudice esthétique temporaire. Il précise que son préjudice esthétique a été évalué à 0,5/7 et a duré près de 7 ans. Il souhaite obtenir une indemnité d’un montant de 2.000 euros.

Les défendeurs proposent de lui verser la somme de 300 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire. Ils rappellent l’évaluation et les conclusions qu’a fait l’expert de ce poste de préjudice. Ils soulignent que le Docteur [H] n’a pas imputé le port d’un appareillage orthodontique au Docteur [A]. Ils allèguent enfin que l’état dentaire de M. [T] [D] était loin d’être satisfaisant avant la prise en charge par le Docteur [A] tel qu’il ressort de l’expertise.

Les dents 15 et 16 et 46 de M. [T] [D] ont fait l’objet d’une extraction non justifiée par le Docteur [A]. Il y a lieu de constater que la dent 15 est une deuxième prémolaire et la dent 16 une première molaire lesquelles se situent sur la partie inférieure de la mâchoire, et la dent 46 une première prémolaire qui se trouve sur la partie supérieure de la mâchoire. Elles ne sont ainsi pas immédiatement visibles.

Lors de la première expertise, le Docteur [G] a relevé l’absence de préjudice esthétique temporaire. Il a notamment indiqué que le site des extractions dont a été victime M. [T] [D] n’était pas visible lorsqu’il parlait, souriait ou riait.
En revanche, il a souligné que cette zone était visible lorsqu’il faisait un “rire forcé inhabituel”. Le Docteur [H] a quant à lui évalué relevé la présence d’un préjudice esthétique temporaire chez M. [T] [D]. En effet, l’expert a évalué ce préjudice à 0,5/7 en retenant que les faits avaient eu un impact sur le sourire de M. [T] [D]. Il en résulte que si M. [T] [D] a subi un préjudice esthétique temporaire, ce dernier peut être qualifié de très faible et comme n’ayant pas eu un impact majeur sur la présentation physique du demandeur. Il sera ainsi octroyé la somme de 500 euros à M. [T] [D] à ce titre.

Sur les autres demandes et les mesures de fin de jugement.

Les dépens

M. [I] [A] et la MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS sont tenus in solidum aux dépens, dont les frais d’expertise, sans recouvrement direct au profit d’aucun conseil.

Les frais irrépétibles

M. [I] [A] et la MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS, tenus aux dépens, doivent payer à M. [T] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Toute autre demande sur ce fondement est rejetée.

L’exécution provisoire

Aucun élément ne justifie d’écarter le bénéfice de droit de l’exécution provisoire en totalité et sans garantie.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE le Docteur [I] [A] responsable du préjudice subi par M. [T] [D] ;

CONDAMNE in solidum le Docteur [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS à verser à M. [T] [D], la somme de 22.155,61 euros, décomposée comme il suit :
– Préjudices patrimoniaux temporaires
8.195,68 euros au titre des frais médicaux471,59 euros au titre des frais divers- Préjudices patrimoniaux permanents
7.721,84 euros au titre des frais médicaux à venir- Préjudices extrapatrimoniaux temporaires
1.266,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire3.000 euros au titre des souffrances endurées500 euros au titre du préjudice esthétique temporaireavant déduction de toute provision déjà versée dont notamment la provision de 5.000 euros suivant ordonnance de référé du 05 décembre 2018 ;

DÉBOUTE M. [T] [D] du surplus de ses demandes, dont sa demande au titre de l’incidence professionnelle ;

CONSTATE que les débours versés par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR s’élèvent à un total de 531,43 euros ;

CONSTATE que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE n’a formulé aucune demande d’indemnisation ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS à verser à M. [T] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [A] et la société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTE FRANCAIS aux dépens dont les frais d’expertise judiciaire, sans recouvrement direct au profit d’aucun conseil ;

DÉCLARE à toutes fins le jugement commun et opposable à la CPAM DU VAR ;

MAINTIENT l’exécution provisoire en totalité ;

Le greffier Le Président

 


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