Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 26 novembre 2024, RG n° 24/02110
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 26 novembre 2024, RG n° 24/02110

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion

Thématique : Enrichissement sans cause : la prise de risque dans un compromis de vente sous condition suspensive.

Résumé

Le 26 septembre 2023, un compromis de vente a été signé pour trois lots de copropriété à [Localité 4], impliquant un acompte de 75 000 euros versé au vendeur, Monsieur [P] [B]. Cependant, la réitération de la vente a échoué, entraînant la mise aux enchères du bien le 26 avril 2024. Les demandeurs, Monsieur [L] [V] [N] et Madame [X] [C] [F], ont assigné Monsieur [B] en justice le 8 juillet 2024, réclamant le remboursement de l’acompte. Le tribunal a rejeté leur demande, estimant qu’ils avaient agi en connaissance de cause et avaient pris un risque en versant l’acompte.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 24/02110 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GYNA

NAC : 50G

JUGEMENT CIVIL
DU 26 NOVEMBRE 2024

DEMANDEURS

Mme [X] [C] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Bernard CHANE TENG de la SELARL CHANE-TENG BERNARD, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

M. [L] [V] [N]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Bernard CHANE TENG de la SELARL CHANE-TENG BERNARD, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DÉFENDEUR

M. [P] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représenté

Copie exécutoire délivrée le : 26.11.2024
CCC délivrée le :
à Maître Bernard CHANE TENG de la SELARL CHANE-TENG BERNARD

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 21 Octobre 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 26 Novembre 2024.

JUGEMENT : Réputé contradictoire, du 26 Novembre 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Suivant acte notarié reçu par Maître [Z], notaire à [Localité 5] le 26 septembre 2023, Monsieur [L] [V] [N] et Madame [X] [C] [F] ont régularisé un compromis de vente portant sur trois lots de copropriété dans un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 4], pour un prix de 200 000 euros. Le compromis de vente notarié précisait qu’ils avaient déjà versé directement entre les mains du vendeur, Monsieur [P] [B], la somme de 75 000 euros à titre d’acompte.

La réitération de la vente n’a pas pu avoir lieu.

Le bien immobilier a fait l’objet d’une adjudication aux enchères publiques le 26 avril 2024.

La sommation de payer la somme de 75 000 euros délivrée le 13 juin 2024 à Monsieur [B] est restée vaine.

C’est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice en date du 8 juillet 2024, Monsieur [L] [V] [N] et Madame [X] [C] [F] ont assigné Monsieur [P] [B] devant le tribunal judiciaire aux fins de:
– CONDAMNER Monsieur [B] [P] à payer aux consorts [F] [X] [C] / [N] [L] [V] la somme de 75.000,00 € correspondant à l’acompte versé avant la conclusion du compromis de vente du 26 septembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 13 juin 2024.
– CONDAMNER Monsieur [B] [P] à payer aux consorts [F] [X] [C] / [N] [L] [V] la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER Monsieur [B] [P] aux entiers dépens, comprenant notamment le coût de la sommation de payer d’un montant de 470,44 €.
– DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Au soutien de leurs prétentions, ils invoquent les dispositions du code civil relatives à l’enrichissement sans cause.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé à l’assignation pour un plus ample exposé des moyens et arguments développés au soutien des prétentions.

Monsieur [P] [B], assigné à étude, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2024. Les parties ont été autorisées à déposer leur dossier au greffe le 21 octobre 2024.

Les conseils des parties ont été informés que le jugement serait mis à disposition au greffe à la date du 26 novembre 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

En application de ces dispositions, le juge doit notamment vérifier la régularité de sa saisine à l’égard des parties non comparantes.

Sur la régularité de la saisine de ce tribunal à l’égard du défendeur non comparant :

Il résulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que lorsqu’une partie, citée à comparaître par acte d’huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s’assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l’acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés ; et qu’à défaut pour l’acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante (en ce sens : Civ. 2, 1er octobre 2020, n° 18-23.210).

L’article 656 du code de procédure civile prévoit, dans sa première partie, que “Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.”

Force est de constater en l’espèce que le procès-verbal de l’assignation mentionne précisément les diligences opérées par le commissaire de justice pour vérifier l’exactitude du domicile du destinataire (nom sur la boîte aux lettres, confirmation du domicile par un voisin, et destinataire déjà connu de l’étude) et respecter les autres prescriptions de l’article 656 précité.

Par suite, le tribunal est régulièrement saisi à l’égard du défendeur non comparant.

Sur la demande principale:

Aux termes de l’article 1303 du code civil: “En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.”

Aux termes de l’article 1303-2 du même code: “Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel.”

En l’espèce, le compromis de vente notarié régularisé entre les parties au litige le 26 septembre 2023, portant sur l’achat par les demandeurs auprès du défendeur de trois lots de copropriété au sein d’une résidence située [Localité 4], mentionnait le paiement d’un acompte de 75 000 euros par les acquéreurs directement entre les mains du vendeur, le notaire les ayant explicitement informés “que tout versement effectué directement (…) au vendeur avant la constatation authentique de la réalisation des présentes, s’effectuera à [leurs] risques”. Il faisait en outre état d’une procédure de saisie immobilière en cours et précisait que le compromis de vente était conclu “sous la réserve de la validation judiciaire de la vente amiable aux conditions indiquées au présent compromis” (souligné par le tribunal).

Il ressort nécessairement du jugement d’adjudication rendu par le juge de l’exécution de Saint-Pierre le 26 avril 2024 que la vente amiable n’a pas pu être régularisée.

Il découle de l’ensemble de ces éléments qu’en versant un acompte à monsieur [B], alors que le compromis de vente était régularisé sous la condition suspensive d’une validation judiciaire de cette vente amiable, portant sur un bien faisant l’objet d’une procédure de saisie immobilière, monsieur [N] et madame [F] ont poursuivi un profit personnel, à savoir leur intérêt à faire aboutir l’acquisition d’un bien immobilier. Ils ont agi en prenant un risque, à savoir celui d’une non-réalisation de la condition suspensive de la validation par le juge de l’exécution, dont ils étaient informés.

Dans ce contexte, leur demande fondée sur l’enrichissement sans cause ne saurait aboutir.

Sur les demandes annexes :

Les demandeurs, qui perdent, conserveront la charge des dépens et ne sauraient donc se voir allouer de somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

REJETTE la demande tendant à condamner Monsieur [P] [B] à payer à Madame [X] [C] [F] et Monsieur [L] [V] [N] la somme de 75 000 euros,

CONDAMNE Monsieur [L] [V] [N] et Madame [X] [C] [F] aux dépens de l’instance ;

REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires des parties ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit;

La greffière La Présidente

 


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