Usufruit et obligations de conservation : enjeux de la garantie entre nu-propriétaires et usufruitière.

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Usufruit et obligations de conservation : enjeux de la garantie entre nu-propriétaires et usufruitière.

L’Essentiel : Monsieur [T] [Z], décédé en 2012, a laissé un patrimoine immobilier en héritage, suscitant des conflits entre ses enfants et sa seconde épouse, madame [Y] [C]. Accusée de vouloir vendre des biens sans consentement, elle a également demandé des travaux urgents sur la villa. Un protocole d’accord en 2016 n’a pas apaisé les tensions. En 2020, les enfants ont assigné madame [Y] [C] au tribunal, qui a ordonné la fourniture d’une caution, mais a rejeté leur demande d’un million d’euros. Finalement, les enfants ont été condamnés à indemniser madame [Y] [C] pour son préjudice de jouissance.

Contexte de l’affaire

Monsieur [T] [Z], décédé en 2012, a laissé derrière lui un patrimoine comprenant trois immeubles, dont un appartement et une villa. Ses héritiers, trois enfants issus de son premier mariage et sa seconde épouse, madame [Y] [C], se sont retrouvés en désaccord concernant la gestion et la vente de ces biens. Un testament a légué l’usufruit de l’ensemble du patrimoine à madame [Y] [C].

Conflits sur la gestion des biens

Les enfants de monsieur [T] [Z] ont accusé madame [Y] [C] de tenter de vendre des biens immobiliers sans leur consentement. En parallèle, elle a demandé des travaux sur la toiture de la villa en raison d’infiltrations. Un protocole d’accord a été signé en 2016, stipulant les conditions de vente de la villa et le partage des meubles, mais des tensions ont persisté concernant l’entretien des biens.

Procédures judiciaires

En 2019, les enfants ont mis en demeure madame [Y] [C] de verser une caution pour garantir la restitution de la villa en bon état. Après plusieurs échanges, ils ont assigné madame [Y] [C] devant le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en 2020. Le juge a reconnu l’obligation de madame [Y] [C] de fournir une caution, mais a désigné un expert pour évaluer les désordres dans la villa.

Rapport d’expertise et demandes des parties

Le rapport d’expertise a été remis en 2021, et les parties ont continué à échanger des demandes. Les enfants ont demandé une caution d’un million d’euros, tandis que madame [Y] [C] a demandé des travaux de réfection de la toiture, arguant que les nus-propriétaires étaient responsables de l’entretien. Les enfants ont contesté cette demande, affirmant que les dégradations étaient dues à la négligence de madame [Y] [C].

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que madame [Y] [C] devait fournir une caution, mais a rejeté la demande d’un montant d’un million d’euros, considérant que les demandeurs n’avaient pas prouvé la nécessité d’un tel montant. En revanche, il a ordonné aux enfants de réaliser des travaux de réfection de la toiture, soulignant leur responsabilité en tant que nus-propriétaires. De plus, madame [Y] [C] a été indemnisée pour son préjudice de jouissance.

Conséquences financières

Les enfants ont été condamnés à payer 7.000 euros à madame [Y] [C] pour son préjudice de jouissance, ainsi qu’une somme de 5.000 euros pour les frais de justice. Ils ont également été condamnés aux dépens, incluant les frais d’expertise. La décision a été rendue exécutoire par provision, permettant à madame [Y] [C] de récupérer les sommes dues sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ?

L’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux est encadrée par plusieurs dispositions légales, notamment l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique.

Cet article stipule que :

« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement, sur décision du représentant de l’État dans le département, que si ses troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. »

Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, il faut que les troubles mentaux soient avérés et qu’ils présentent un risque pour la sécurité des personnes ou l’ordre public.

De plus, le juge doit contrôler la régularité des décisions administratives en matière d’hospitalisation complète, conformément à l’article L. 3216-1 du même code.

Il doit également s’assurer que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles soient adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état mental du patient, comme le précise l’article L. 3211-3.

Quel est le rôle du juge dans le cadre d’une hospitalisation complète ?

Le rôle du juge dans le cadre d’une hospitalisation complète est principalement de contrôler la régularité des décisions administratives et de veiller à la protection des droits du patient.

Selon l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique :

« Le juge doit contrôler la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète. »

Cela signifie que le juge doit s’assurer que toutes les procédures ont été respectées et que les droits du patient ont été préservés.

En outre, le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour ce qui est de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins à administrer.

Il doit donc se baser sur les éléments fournis par les médecins et les certificats médicaux pour prendre sa décision.

Quelles sont les conséquences d’une décision de levée de l’hospitalisation complète ?

La décision de levée de l’hospitalisation complète a plusieurs conséquences, tant pour le patient que pour les autorités sanitaires.

Tout d’abord, comme indiqué dans la décision, la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète est ordonnée, ce qui signifie que le patient peut retrouver sa liberté.

Cependant, cette décision ne prend effet qu’après un délai de 24 heures, permettant ainsi d’établir un programme de soins si nécessaire, conformément à l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique.

Il est également important de noter que cette décision peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’Appel, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification, comme le précisent les articles R. 3211-18 et R. 3211-33.

Enfin, l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif, ce qui signifie que la décision de levée d’hospitalisation peut être exécutée même si un appel est en cours, selon l’article L. 3211-12-4 alinéa 2.

Quels sont les droits du patient lors d’une hospitalisation complète ?

Lors d’une hospitalisation complète, le patient conserve certains droits, même s’il est sous le régime de soins sans consentement.

L’article L. 3211-2 du Code de la santé publique précise que :

« Toute personne a le droit de recevoir des soins appropriés à son état de santé. »

Cela implique que le patient doit être traité avec dignité et respect, et qu’il a le droit d’être informé sur son état de santé et les traitements proposés.

De plus, le patient a le droit de contester son hospitalisation et de demander une réévaluation de sa situation, comme le prévoit l’article L. 3211-12.

Il peut également être assisté par un avocat pour faire valoir ses droits, et il a le droit de communiquer avec l’extérieur, sous certaines conditions.

Ces droits visent à protéger le patient et à garantir qu’il ne soit pas soumis à des traitements abusifs ou inappropriés.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 1

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DU 26 Novembre 2024
Dossier N° RG 22/07379 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JUKB
Minute n° : 2024/530

AFFAIRE :

[N] [Z], [I] [Z], [G] [Z] C/ [Y] [M] [C] épouse [Z]

JUGEMENT DU 26 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Alexandra MATTIOLI

JUGES : Madame Amandine ANCELIN
Madame Chantal MENNECIER

GREFFIER lors des débats : Madame Fanny RINAUDO, Directrice des Services de greffe Judiciaires
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Nasima BOUKROUH

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Juin 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre prorogé au 26 Novembre 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

copie exécutoire à : Maître Josselin BERTELLE
Maître Grégory KERKERIAN
Délivrées le

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDEURS :

Monsieur [N] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 9]

Madame [I] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Monsieur [G] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentés par Maître Josselin BERTELLE, de la SELARL LEXSTONE AVOCATS, avocats au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et assistés par Me Alexandra BOURGEOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

Madame [Y] [M] [C] épouse [Z]
[Adresse 1]
[Localité 13]

représentée par Maître Grégory KERKERIAN, de la SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’AUTRE PART ;

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EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [Z], né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 14], est décédé le [Date décès 6] 2012 à [Localité 15], laissant pour lui succéder :
– ses trois enfants nés de son union avec madame [E] [U] (sa première épouse) : [I], [N] et [G] [Z] ;
– madame [Y] [C], veuve [Z], sa seconde épouse aux termes d’un contrat de mariage reçu par Maître [J], le 10 avril 2012.
Par testament olographe en date du 12 avril 2012, monsieur [T] [Z] a légué en usufruit à sa seconde épouse l’ensemble de son patrimoine.

Le patrimoine comportait trois immeubles : un appartement affecté à un cabinet médical sis [Adresse 11], un appartement sis [Adresse 12] et une villa ([Localité 13]).
Des inventaires ont été effectués concernant l’appartement sis [Adresse 12] et la villa, respectivement en date des 16 octobre 2012 et 23 octobre 2012.

Les enfants de monsieur [T] [Z] exposent que madame [Y] [C] a tenté de mettre en vente des biens immobiliers, notamment celui de l’[Adresse 11] et la villa, sans mandat de leur part.

Parallèlement, à partir de l’année 2013, madame [Y] [C] a sollicité des nu-propriétaires qu’ils fassent exécuter des travaux sur la toiture en raison d’infiltrations.

Par protocole d’accord transactionnel signé le 24 juin 2016 entre les parties, les héritiers de monsieur [T] [Z] ont convenu des conditions de mise en vente de la villa ainsi que du partage des meubles.
Il était notamment convenu que les enfants de feu monsieur [Z] vendraient la maison sans avoir à effectuer les travaux de réfection du toit et en contrepartie de cela ils devaient verser le jour de la vente à madame [Y] [Z] la somme forfaitaire de 12.000 € en plus de la partie lui revenant (sur le produit de la vente).

En décembre 2018, madame [Y] [Z] a une nouvelle fois informé les enfants de feu monsieur [Z] d’un dégât des eaux, mettant en cause l’état du toit de la villa.

En janvier et février 2018, monsieur [G] [Z] s’est rendu sur place pour constater l’état de la maison, accompagné par un couvreur.
Par suite, en accord avec ses frères et sœurs, il a adressé un courriel en date du 15 février 2019 formalisant une nouvelle proposition d’accord transactionnel à madame [Y] [Z], une des clauses stipulant la nécessité à sa charge d’entretenir non seulement le toit mais également la villa dans son ensemble. L’accord n’a pas été signé par les parties.

En date du 21 mai 2019, par courrier de mise en demeure d’avocat, madame [I] [Z] et messieurs [N] et [G] [Z] ont sollicité de madame [Y] [Z] le versement de d’une caution en leur qualité de nus propriétaires, à titre de garantie de restitution de la villa en bon état d’entretien.
En dépit d’une correspondance entre les parties, et en l’absence de réponse de la part de madame [Y] [Z] sur la question de la caution sollicitée, madame [I] [Z] et messieurs [N] et [G] [Z] ont fait assigner madame [Y] [C] devant Madame la Présidente du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN, en référé, par acte d’huissier du 5 août 2020.

Par ordonnance du 20 janvier 2021, la Présidente a reconnu le caractère valide de l’obligation de madame [Y] [Z] d’avoir à verser une caution, se déclarant par ailleurs incompétente pour statuer sur le montant de l’engagement de la caution, et disant n’y avoir lieu à urgence sur cette question. Faisant droit à une demande de madame [Y] [Z] en ce sens, le Juge des référés a désigné, en outre, un expert aux fins notamment de décrire les désordres à l’origine des dysfonctionnements allégués dans la villa et de chiffrer le coût et la durée de la remise en état, ainsi que des préjudices éventuellement subis.

Le rapport d’expertise judiciaire été remis en date du 5 juillet 2021.
Une ordonnance de changement d’expert est intervenue en date du 15 décembre 2021, suivie d’une ordonnance de prorogation du délai (23 décembre 2021).

Par acte d’huissier du 4 novembre 2022, monsieur [N] [Z], madame [I] [Z] et monsieur [G] [Z] ont fait assigner madame [Y] [C] devant le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN aux fins de solliciter, au visa des article 601et 602 du Code civil, la remise d’une caution d’un montant de 1 million d’euros sous astreinte de 500 € ar jour de retard à compter du délai de un mois suivant la signification du jugement, ainsi que sa condamnation au paiement de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Dans leurs dernières écritures, datées du 20 juin 2024, ils maintiennent leur demande principale telle que formalisée relativement à la valeur de la caution dans l’assignation et sollicitent, à titre “extrêmement subsidiaire”, la remise d’une caution de 250.000 € sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du mois suivant la signification du jugement.
En réponse aux demandes reconventionnelles formulées par la défenderesse, ils concluent à son débouté.
En tout état de cause, ils demandent la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Ils soutiennent notamment, au visa des articles 601 et 602 du Code civil, que :

• madame [C] est tenue au paiement d’un caution en application des dispositions de l’article 601 du Code civil, principe dont le juge des référés a retenu la validité ;

• l’usufruitier doit fournir une caution correspondant à la valeur du bien dont elle a l’usufruit, ainsi que retenu par un arrêt de la cour d’appel de COLMAR 2 me chambre civile, section A, 15 mars 2007 n°04/05072 (non versé aux débats) ;

• pour justifier du montant de la demande de fixation à hauteur de 1.000.000 d’euros, ils produisent une “attestation de valeur” (pièce n°16) ;

• Il y a eu un défaut d’entretien du bien par l’usufruitière à l’origine des dysfonctionnements constatés, ainsi que le retient également l’expert ;

• le rapport d’expertise réalisé par la société [10] doit être rejeté, considérant l’absence de contradictoire de cette pièce qui est, par conséquent, inopposable;

• la demande reconventionnelle de réfaction totale de la toiture à leur charge doit être rejetée en ce que madame [Y] [Z] a elle-même causé les dégradations ; les réparations s’imposent par suite de son propre manquement à son obligation de jouissance en bon père de famille ; notamment, elle a aggravé les dysfonctionnements dénoncés en faisant procéder à l’arrosage de la toiture dans le cadre d’un constat d’huissier effectué en cours d’expertise et qui a sensiblement accru les désordres à l’intérieur de la maison.

Dans ses dernières conclusions, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats en date du 31 mars 2023, madame [C] conclut au débouté des demandeurs en l’ensemble de leurs demandes et sollicite de dire n’y avoir lieu à exécution provisoire de droit du jugement à venir sur les demandes des consorts [Z].
À titre reconventionnel, elle sollicite la condamnation des demandeurs à exécuter les travaux de réfaction totale de la toiture de la villa sise [Adresse 1] à [Localité 13] sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la mise en demeure. De plus, elle sollicite leur condamnation in solidum au paiement de 7.000 € en réparation de son préjudice de jouissance outre celle de 5.000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux dépens, en ceux compris les frais de constat, d’expertise judiciaire et de commissaire de justice.

Elle soutient notamment que :

• Le cautionnement n’est pas justifié, la garantie requise par l’article 601 du Code civil consistant, pour l’usufruitier, à obtenir d’un tiers qu’il s’engage envers le nu-propriétaire à garantir les dettes qui pourraient naître de ses rapports avec ce dernier ; de plus, combiné à l’article 2296 du même code, le nu-propriétaire peut solliciter de l’usufruitier qu’il fournisse cautionnement pour garantir les dettes qui pourraient résulter de ses rapports avec ce dernier;

• Le juge des référés a débouté les consorts [Z] de leur demande de fixation d’une caution au motif que le dispositif de leurs écritures ne contenait aucun montant ; ils reproduisent, dans le cadre de l’instance, la même erreur en produisant l’attestation de valeur de l’immeuble produite aux débats à hauteur de 1 million d’euros et en sollicitant la condamnation de madame [Y] [Z] à fournir un cautionnement à hauteur de cette somme ; or, les obligations de l’usufruitier consistent à conserver la substance de la chose;

• les nus-propriétaires sont tenus de supporter à leur charge les réparations du bien en application de l’article 605 et 606 du Code civil ; ils ont manqué à leur obligation en refusant de manière réitérée de réparer la toiture de la maison, en dépit des nombreuses demandes en ce sens de madame [Y] [Z]; elle a engagé des frais au fil des années et a sollicité la réparation de la toiture depuis 2013 (pièce n°14) ;

• Le refus de réparer la toiture opposé par les nus-propriétaires occasionne de nombreux désordres dans la maison, générant de nombreux désordres que madame [Y] [Z] est contrainte de supporter et qui génèrent à son détriment un préjudice de jouissance ; la somme réclamée au titre du préjudice de jouissance est de 1.000 € par an à compter du protocole d’accord par lequel les consorts [Z] s’étaient engagés à exécuter des travaux de réfaction de la toiture.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue en date du 14 septembre 2023, fixant l’affaire à l’audience collégiale du 7 mars 2024. L’affaire a fait l’objet d’un avis de changement de date d’audience, la reportant à l’audience collégiale du 20 juin 2024.

A cette audience, à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2024, puis plusieurs fois prorogée jusqu’au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Observation à titre liminaire

A titre liminaire, il sera rappelé qu’il sera fait application des dispositions de l’article 768 du Code de procédure civile pour considérer les demandes formulées, celui-ci prévoyant en son alinéa 2 que “Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.”.

En application de ce texte, il sera répondu exclusivement aux demandes formulées dans le dispositif des dernières conclusions des parties, demandes relevant de l’office juridictionnel du Juge au sens de la loi, soient les demandes déterminées, actuelles et certaines.

Sur la demande de condamnation de madame [C] à verser une caution aux nus propriétaires

Aux termes de l’article 601 du Code civil : «Il donne caution de jouir raisonnablement, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution ».

Aux termes de l’article 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Il résulte clairement du texte précité que la caution est due par l’usufruitière aux nus-propriétaires.

Cependant, contrairement à ce qui est soutenu au visa d’un arrêt de la Cour d’appel de COLMAR (non produit aux débats), il n’est pas jurisprudentiellement établi que la caution donnée doit être équivalente à la valeur intégrale du bien.

Or, en l’espèce si la caution devrait être tenue de donner une garantie correspondante à une “jouissance raisonnable”, cela doit être interprété comme un montant en gage de préservation du bien, qui permettrait aux nu-propriétaires une remise en état du bien en cas de dégradation ou de mauvais entretien.

En l’espèce, un paradoxe vient du fait que la dégradation du bien est principalement encourue en raison du mauvais état de la toiture, dont la réfection incombe aux nus-propriétaires eux-mêmes (cf infra).

En tout état de cause, pour solliciter le versement d’une caution à hauteur d’un million d’euros, les demandeurs se limitent à verser aux débats un mandat de vente (pièce n°16) -et non une “estimation” comme désignée- fixant le prix du bien à 1 260 000 €.
À l’appui de leur demande relative à la fixation d’une caution, ils soutiennent (page 11 de leurs écritures) : « En l’espèce, la valeur de la villa est à ce jour estimé à 1 million d’euros environ » en visant la pièce n°16 précitée (le mandat de vente au prix de 1.260.000 €).
Il ne peut être fait droit à cette demande, le document apparaissant, non seulement insuffisant, mais encore impropre (concernant un mandat de vente) à établir le prix du bien.

« À titre extrêmement subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal venait à considérer que l’étendue du cautionnement sollicité ne devait pas être égale à la valeur du bien immobilier », ils sollicitent la fixation de la caution à 250.000 €. Aucune explication n’est fournie relativement à ce montant.
Dans ces c onditions, il doit être considéré que les demandeurs échouent à rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de leur prétention.

Il doit être observé que l’expertise organisée portait exclusivement sur les dysfonctionnements dus aux infiltrations et la constatation des sinistres en résultant dans la maison, cette expertise ayant été réalisée à la demande de madame [Y] [Z] -sans qu’une mission complémentaire relativement à l’estimation de la valeur du bien n’ait été demandée par madame [I] [Z] et messieurs [Z].

Au regard de ces éléments, le tribunal ne dispose d’aucun élément pour évaluer le montant de la caution qui serait due par l’usufruitière et il ne lui appartient pas de chiffrer la demande des parties en ce sens ; ainsi que le fait valoir madame [C] , la demande est indéterminée.

En conséquence, madame [I] [Z] et messieurs [Z] doivent être déboutés de leur demande de voir condamner madame [Y] [C] au paiement d’une caution.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande tendant à voir prononcer une injonction de faire effectuer les travaux de “réfaction totale” de la toiture sous astreinte de 500 euros par jour de retard

Madame [C] fait valoir que les travaux de réfection de la toiture incombent exclusivement aux enfants de feu monsieur [T] [Z], nus-propriétaires du bien.

Madame [I] [Z] et messieurs [Z] font valoir qu’il y a eu un défaut d’entretien à l’origine de la dégradation du toit et que, celui-ci étant imputable à madame [C], ils ne doivent pas être tenus des réparations (ils concluent au débouté).

A titre liminaire, sur le document pièce n°13 de la défenderesse consistant en une «expertise» des ATELIERS E. SARIOLGLAN, il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce, qui n’a certes pas valeur expertale, mais qui a pu être discutée contradictoirement entre les parties et qui consiste davantage en un diagnostic d’une entreprise privée. En outre, il doit être observé que l’expert judiciaire en a pris connaissance et qu’il a rendu des constatations concordantes sur plusieurs des éléments relevés.

Aux termes de l’article 605 du Code civil : «L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien.
Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu. »

L’expert, saisi d’une mission concernant exclusivement l’identification de l’origine des dysfonctionnements et des préconisations en vue de leur reprise éventuelle, identifie ainsi que suit les travaux permettant de remédier aux dysfonctionnements constatés (principalement infiltrations, traces d’humidité et moisissures) :
– la création de ventilation dans les espaces qui en sont dépourvus ainsi que l’ajout d’un mécanisme d’apport d’air neuf pour les pièces étant équipées d’une extraction mécanique ;
– la couverture : il est précisé, sur ce sujet que : « le mieux est évidemment de la déposer et de la remplacer par une neuve… mais aujourd’hui le remplacement n’est pas indispensable pour peu qu’elle soit correctement rénovée. » ;
– « Une fois les ouvrages 1 et 2 (ou au moins 2) réalisés, reprise des plâtres endommagés, enduit et peinture ».

L’expert met, en effet, en évidence que l’état dégradé de la couverture de la maison est le point central des dysfonctionnements relevés ; il s’agit, en toute logique, du dysfonctionnement sans la reprise duquel, la reprise des autres dysfonctionnements/travaux à effectuer serait vaine.

L’expert identifie la cause des désordres comme « résul[tant] à la fois d’un défaut d’entretien et d’une mauvaise qualité des ouvrages de réparation ».

Cependant, il résulte clairement de l’examen des échanges entre les parties que le toit avait été constaté comme étant à rénover de longue date depuis l’année 2016 (a minima ; acquiescement des nus-propriétaires dans le protocole d’accord) et que la mauvaise qualité des réparations de reprise du toit (hors entretien) ne peut être reprochée à madame [C] dans la mesure où elle les a financées eu égard à l’inertie des nus-propriétaires tandis qu’elle n’en avait pas la charge -de manière certaine. Il apparaît qu’elle a pourtant financé des réparations sur le toit, consistant notamment en un remplacement de tuiles- depuis l’année 2013 (en 2013,2016 2019). Ce faisant, il doit être considéré qu’elle s’est acquitté de son obligation d’entretien sur la toiture.

Par ailleurs, madame [C] rapporte la preuve d’avoir sollicité les nus-propriétaires depuis l’année 2013 (courrier du 18 novembre 2013; pièce n°14 de madame [C]) pour la réfection de la toiture.

Il s’ensuit qu’en l’état des éléments du dossier, si madame [C] démontre avoir engagé des frais d’entretien pour le bâtiment -y incluant la toiture, madame [I] [Z] et messieurs [Z] ne rapportent, quant à eux, aucune preuve d’avoir entrepris des travaux ; or, ceux-ci (sur la toiture), selon les constatations de l’expert étaient nécessaires et devaient être à leur charge ; parallèlement, ils ne rapportent pas de commencement de preuve que la demande (dès 2013) formalisée par madame [C] en ce sens aurait été injustifiée.

En tout état de cause, la nécessité de réfaction intégrale de la toiture apparaît justifiée ; ces travaux sont à la charge intégrale des nus-propriétaires compte tenu de l’absence de défaut d’entretien qui peut être retenu à l’encontre de l’usufruitière.

Par suite, il sera fait droit à la demande formalisée par madame [C] de condamnation in solidum des demandeurs à effectuer ces travaux.

Compte tenu de l’inertie des nus-propriétaires en dépit de la longue période de persistance des dysfonctionnements majeurs de la toiture, il y a aura lieu d’ordonner une astreinte de 100 € par jour de retard pendant une durée de 8 mois.
Le point de départ de l’astreinte ne saurait être une « mise en demeure » , il s’agit d’un terme hypothétique et non “actuel” -considérant d’une part qu’il y a déjà eu des mises en demeure et que toute autre mise en demeure, future, constituerait un terme indéterminé.
Le point de départ de l’astreinte sera fixé à deux mois à compter de la présente décision, s’agissant de travaux qui nécessitent d’être planifiés.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice de jouissance

Aux termes de l’article 578 du Code civil : “ L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance”.

En outre, l’alinéa 1er de l’article 599 du même Code précise que “Le propriétaire ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l’usufruitier”.

Il est constant entre les parties que madame [C] a alerté les nus-propriétaires du bien sur des dégâts des eaux du fait d’un défaut d’étanchéité du toit, au moins à partir de l’année 2016, année de signature d’un protocole d’accord entre les parties qui fait état d’une demande (antérieure) de réfection de la toiture par madame [C] .

Des dysfonctionnements divers, de nature à engendrer un trouble de jouissance caractérisé ont été relevés par l’expert désigné par le Juge des référés.
A cet égard, madame [I] [Z] et messieurs [N] et [G] [Z] ne peuvent valablement se prévaloir d’une aggravation des désordres du fait de madame [C] comme étant à l’origine du trouble de jouissance allégué, dans la mesure où monsieur [G] [Z] écrivait lui-même, dans un courriel du 1er septembre 2020 (dès avant la première intervention de l’expert et l’action de tout huissier de justice diligenté par madame [C] ) que: « Suite à notre conversation téléphonique nous somme tous d’accord sur les points suivants :
-suite au dernier dégât des eaux dans la maison, la maison n’est pas présentable pour des acheteurs potentiels
– l’état de la toiture du bien réellement problématique il faut donc envisager de la refaire
– nous souhaitons tous que cette maison soit belle et saine lorsqu’elle sera vendue comme l’aurait sans aucun doute souhaité notre père. ». Dans le courriel, monsieur [Z] proposait de superviser la mise en vente de la maison, et s’engageait, en outre, avec ses frère et soeur, à «réaliser les travaux de réfection complète de la toiture ».

De fait, le constat que la maison n’était alors « pas présentable pour des acheteurs potentiels » est un acquiescement sur l’existence d’un trouble de jouissance dès 2020 -donc bien avant l’arrosage des tuiles par un huissier en cours d’expertise et tandis que consécutivement, pour dénoncer cette action comme négative, l’expert judiciaire n’a apporté aucun élément de mesure de l’impact de cette action.

En tout état de cause, cette action -éventuellement préjudiciable- n’est pas à l’origine des dysfonctionnements, qui préexistaient de manière certaine ; ni elle n’est à l’origine d’une aggravation de l’état de la toiture, qui demeure perméable, et une aggravation des infiltrations du fait de cette action n’est pas démontrée.

Eu égard à sa durée et à son ampleur, avérée dès avant l’expertise pour avoir fait l’objet de nombreux échanges entre les parties et avoir été un point central dans l’accord transactionnel intervenu entre elles en juin 2016, la demande de madame [C] de se voir dédommager à hauteur de 7.000 € apparaît se justifier.
Il y aura lieu de faire droit.

Sur les demandes accessoires

Les demandeurs, succombant en l’instance, seront condamnés aux dépens.
Ces frais n’intégreront que les sommes visées à l’article 695 du Code de procédure civile à l’exclusion de toute autre. Toutefois, il sera porté la précision que l’expertise ordonnée par la décision du juge des référés du 20 janvier 2021sera intégrée aux dépens, en ce que madame [I] et messieurs [Z] succombent relativement à la demande reconventionnelle relative aux travaux formulée par la défenderesse.

En outre, madame [I] et messieurs [G] et [N] [Z] seront condamnés à payer à madame [C] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie que l’exécution provisoire de la présente décision soit écartée, tandis qu’elle est de droit en application des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur au jour de la saisine du tribunal. Le principe en sera donc rappelé en fin de dispositif.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après en avoir délibéré, par jugement rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE madame [I] [Z], monsieur [N] [Z] et monsieur [G] [Z] de l’ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum madame [I] [Z], monsieur [N] [Z] et monsieur [G] [Z] à faire exécuter des travaux de réfaction totale de la toiture de la villa sise [Adresse 1] à [Localité 13], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du second mois suivant le présent jugement et pour une durée de huit mois ;

CONDAMNE in solidum madame [I] [Z], monsieur [N] [Z] et monsieur [G] [Z] à payer à madame [Y] [C] la somme de 7.000 € en réparation de son préjudice de jouissance pour la totalité de la période précédant la présente décision;

CONDAMNE in solidum madame [I] [Z], monsieur [N] [Z] et monsieur [G] [Z] à payer à madame [Y] [C] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum madame [I] [Z], monsieur [N] [Z] et monsieur [G] [Z] aux dépens, incluant tous les frais visés à l’article 195 du Code de procédure civile ainsi que les frais de l’expertise judiciaire ordonnée par la décision de référé du Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN par décision du 20 janvier 2021 ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision en toutes ses dispositions.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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