Évaluation de l’incapacité permanente et reconnaissance des maladies professionnelles : enjeux et critères d’appréciation.

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Évaluation de l’incapacité permanente et reconnaissance des maladies professionnelles : enjeux et critères d’appréciation.

L’Essentiel : Madame [B] [J] a contesté, le 12 septembre 2023, la décision de la Commission Médicale de Recours Amiable qui avait rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, fixant son taux d’incapacité à moins de 25%. Lors de l’audience du 26 septembre 2024, elle a soutenu que son syndrome anxiodépressif, aggravé par des conditions de travail difficiles, entraînait une incapacité supérieure. Le tribunal a ordonné une consultation médicale, mais a finalement confirmé le rejet de la CPAM, considérant que l’incapacité prévisible était inférieure à 25%, et a ordonné l’exécution provisoire de sa décision.

Contexte de l’affaire

Madame [B] [J] a introduit un recours le 12 septembre 2023 devant le Pôle Social du tribunal judiciaire de Lyon, contestant la décision de la Commission Médicale de Recours Amiable qui a confirmé le rejet de la CPAM du Rhône. Cette dernière avait fixé son taux d’incapacité permanente partielle prévisible à moins de 25%, refusant ainsi la reconnaissance de sa maladie professionnelle, un syndrome anxiodépressif déclaré le 15 mars 2022.

Déroulement de l’audience

L’audience s’est tenue le 26 septembre 2024, où Madame [B] [J] était représentée par son avocat, Me Reinhard. Elle a soutenu que sa pathologie entraînait une incapacité supérieure à 25%, évoquant une dégradation de son état de santé due à une charge de travail excessive et une relation toxique avec son employeur. Elle a également fourni plusieurs attestations pour appuyer son propos. La CPAM, représentée par Monsieur [X], a indiqué qu’elle s’en remettait au rapport médical, tout en rappelant que l’assurée avait été indemnisée pour une affection longue durée.

Consultation médicale ordonnée

En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale, confiée au Docteur [K] [W]. Ce dernier a examiné le dossier médical de Madame [B] [J] et a présenté ses constatations lors de l’audience. Les conclusions écrites du médecin consultant ont été jointes au jugement.

Évaluation de la recevabilité du recours

Le tribunal a vérifié la recevabilité du recours, qui n’a pas été contestée par la CPAM. Madame [B] [J] avait exercé un recours préalable devant la Commission Médicale de Recours Amiable, ce qui a permis de déclarer le recours recevable.

Analyse de l’incapacité permanente

Le tribunal a examiné les dispositions légales concernant la reconnaissance d’une maladie professionnelle. La CPAM avait conclu à une incapacité permanente inférieure à 25% pour le syndrome anxiodépressif. Le médecin conseil a noté l’absence d’éléments de gravité permettant de qualifier la pathologie de sévère. Le médecin consultant a également constaté qu’il n’y avait pas d’incapacité permanente prévisible égale ou supérieure à 25%.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué en confirmant la décision de rejet implicite de la Commission Médicale de Recours Amiable et a rejeté la prise en charge de la maladie professionnelle hors tableau, considérant que le taux d’incapacité prévisible de Madame [B] [J] était inférieur à 25%. Il a ordonné l’exécution provisoire de la décision et a précisé que les frais de consultation médicale seraient à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la demande de mise hors de cause formulée par la compagnie AXA FRANCE IARD ?

La compagnie AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de la société ECO FERMETURES, a sollicité sa mise hors de cause en invoquant l’absence de motif légitime,

au motif que ses garanties ne seraient pas mobilisables. Elle a soutenu que les désordres allégués par Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] étaient apparus avant la réception des travaux,

ce qui exclurait la responsabilité de l’assureur au titre de la garantie décennale ou de la responsabilité civile.

L’article 472 du code de procédure civile stipule que le juge des référés ne peut statuer que sur des demandes régulières, recevables et fondées.

Dans ce cas, le juge a constaté que la question de l’étendue de la garantie de l’assureur relevait du juge du fond,

et non du juge des référés, qui se limite à une appréciation de l’évidence.

Ainsi, la demande de mise hors de cause a été rejetée, car il était nécessaire d’examiner les éléments de preuve relatifs à la garantie de l’assureur.

Quelles sont les conditions pour rendre les opérations d’expertise communes et opposables à la compagnie AXA FRANCE IARD ?

Selon l’article 145 du code de procédure civile, il est possible de rendre les opérations d’expertise communes et opposables à une partie si un motif légitime est établi.

Ce motif légitime est justifié par la démonstration de la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

Dans cette affaire, Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] ont produit des pièces démontrant que la société ECO FERMETURES,

qui a réalisé les travaux litigieux, était assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD au moment de l’exécution des travaux.

Cela constitue un motif légitime pour rendre les opérations d’expertise communes et opposables à l’assureur.

Le juge a donc fait droit à cette demande, permettant ainsi à la compagnie AXA FRANCE IARD de participer aux opérations d’expertise.

Quels sont les effets de la décision du juge des référés concernant l’expertise ?

La décision du juge des référés a plusieurs effets importants. Tout d’abord, elle a déclaré que les opérations d’expertise ordonnées par l’ordonnance de référé du 10 octobre 2023

sont communes à la compagnie AXA FRANCE IARD, ce qui signifie que cette dernière a le droit d’être informée et de participer aux opérations d’expertise.

De plus, le juge a ordonné que Monsieur [Y] [V] et Madame [A] [S] épouse [V] communiquent sans délai à la compagnie AXA FRANCE IARD

toutes les pièces déjà produites ainsi que les notes rédigées par l’expert.

L’expert est également tenu de convoquer la compagnie AXA FRANCE IARD à la prochaine réunion d’expertise,

lui permettant ainsi de formuler ses observations sur les diligences déjà accomplies.

Enfin, le juge a imparti à l’expert un délai supplémentaire d’un mois pour déposer son rapport,

et a fixé une provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert, à consigner par les demandeurs.

Ces mesures visent à garantir la transparence et l’équité du processus d’expertise.

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL

Jugement du 26 Novembre 2024

Minute n° :
Audience du : 26 septembre 2024

Requête n° : N° RG 23/02767 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YSTG

PARTIES EN CAUSE

partie demanderesse

Madame [B] [J]
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître ROUMEAS, substitué par Maître REINHARD, avocats au barreau de LYON

partie défenderesse

CPAM DU RHONE
Service Contentieux Général
[Localité 2]

représentée par Monsieur [X], audiencier muni d’un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Caroline LAMANDE
Assesseur collège salarié : Bruno MARCHE

Assistés lors des débats et du délibéré de : Maëva GIANNONE, Greffière

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[B] [J]
CPAM DU RHONE
la SARL ROUMEAS AVOCATS, vestiaire : 414
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSÉ DU LITIGE

Par un courrier en date du 12/09/2023, Madame [B] [J] a formé un recours devant le Pôle Social du tribunal judiciaire de LYON, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, aux fins de contester la décision de rejet implicite de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision de la CPAM du RHONE du 05/05/2023 de fixer son taux d’incapacité permanente partielle prévisible à un taux inférieur à 25% et ainsi lui refuser la reconnaissance d’une maladie professionnelle hors tableau (syndrome anxiodépressif) déclarée le 15/03/2022.

Le greffe de la juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 26/09/2024.

À cette date, en audience publique :

– Madame [B] [J] était représentée par Me REINHARD. Elle soutient avoir une pathologie entraînant une incapacité supérieure à 25%. Elle explique qu’elle était directrice d’agence, en litige avec son employeur avec une charge de travail accrue et une emprise toxique. Il s’en est suivi une dégradation majeure de son état de santé (épuisement physique et mental). Elle a repris à temps partiel thérapeutique à compter de mai 2022 (½ journée par semaine). Elle a été déclarée inapte le 12/09/2022 et a pris acte de la rupture du contrat de travail en novembre 2022.

Elle considère qu’il y a un lien direct entre sa pathologie et son expérience professionnelle, et verse plusieurs attestations à ce titre.

– La CPAM du RHONE a comparu représentée par Monsieur [X] et indique s’en remettre au rapport des séquelles, la discussion étant purement médicale. Elle rappelle néanmoins que l’assurée est indemnisée au titre d’une affection longue durée à compter du 12/08/2022 au 11/09/2022, et que l’assurée a retrouvé un emploi.

En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au Docteur [K] [W], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.

A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Madame [B] [J], a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales, dont les parties ont pu discuter.

Les conclusions écrites du médecin consultant auprès du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.

Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 26/11/2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.

En l’espèce Madame [B] [J] a exercé un recours préalable devant la commission médicale de recours amiable le 30/05/2023, réceptionné le 01/06/2023, qui a été rejeté par décision implicite. Elle a formé un recours contentieux le 12/09/2023.

Le recours est déclaré recevable.

Sur l’évaluation du taux médical

Il résulte des dispositions des articles L461-1 (alinéa 4) et R461-8 du Code de la sécurité sociale, que peut être reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à 25%.

L’article L434-2 du Code de la sécurité sociale, énonce que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

En l’espèce la caisse a conclu à une incapacité permanente inférieure à 25% pour  » syndrome anxio dépressif « . Le médecin conseil précise que  » les documents reçus n’apportent pas d’élément de gravité permettant de retenir un syndrome dépressif sévère ou un stress post-traumatique ou une autre pathologie psychiatrique grave. L’assurée n’a plus d’arrêt de travail depuis le 14/10/2022 « .

Le Docteur [K] [W], médecin consultant, note que l’examen clinique a été réalisé sur pièces. Il s’appuie sur les certificats médicaux versés aux débats, à savoir ceux du docteur [Y], médecin psychiatre. Ce dernier note l’impact de la situation professionnelle de l’intéressée sur son quotidien, avec une prise de médicaments. Il est relevé une irritabilité et une incompréhension sur le refus de rupture conventionnelle avec son employeur.

Le médecin consultant, d’après les éléments versés au dossier, ne constate pas d’éléments de gravité des symptômes sur le plan médical, pas d’état dépressif important, et rejoint ainsi l’avis du médecin conseil. Il note également que l’assurée n’était pas en arrêt de travail à la date de la demande. Selon lui, il n’y a donc pas d’incapacité permanente prévisible égale ou supérieure à 25%.

Par conséquent, il ressort des observations et constatations du médecin consultant, des pièces fournies, du rapport du médecin-conseil et des débats à l’audience de ce jour, que l’incapacité prévisible pour la maladie déclarée est inférieure à 25% et n’ouvre donc pas droit à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire vu l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,

– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par Madame [B] [J] ;

– CONFIRME la décision de rejet implicite de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision de la CPAM du RHONE du 05/05/2023 et REJETTE la prise en charge d’une maladie professionnelle hors tableau, le taux d’IPP prévisible de Madame [B] [J] étant inférieur à 25% ;

– ORDONNE l’exécution provisoire ;

– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie ;

– DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Jugement rendu par mise à la disposition au greffe dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE


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