Retard de livraison et responsabilité contractuelle : enjeux de la force majeure dans la construction immobilière.

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Retard de livraison et responsabilité contractuelle : enjeux de la force majeure dans la construction immobilière.

L’Essentiel : La SCI LA SITHI a acquis plusieurs lots d’un appartement par acte authentique le 30 juillet 2018, dans le cadre d’un programme immobilier de 34 logements. Prévue pour fin décembre 2019, la livraison a été retardée, incitant la SCI à demander des explications à la SAS COULON CENTRE-PROMOTION. Après une assignation en réparation, le tribunal a débouté la SCI de ses demandes, entraînant un appel. La cour d’appel a confirmé le jugement initial, justifiant le retard par des injonctions judiciaires, et a condamné la SCI aux dépens.

Achat de l’Immeuble par la SCI LA SITHI

La SCI LA SITHI a acquis, par acte authentique du 30 juillet 2018, plusieurs lots d’un appartement et de ses dépendances auprès de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION. Cette transaction s’inscrit dans le cadre d’un contrat en l’état futur d’achèvement pour un programme immobilier comprenant 34 logements. Le prix de vente s’élevait à 129.000,00 €, avec une livraison prévue pour fin décembre 2019, sauf en cas de force majeure.

Retard de Livraison et Réclamations

Constatant que le bâtiment B, où se trouve son appartement, n’était pas achevé à la date prévue, la SCI LA SITHI a sollicité des explications de la part de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION. Ce dernier a évoqué plusieurs raisons pour justifier le retard, notamment des recours juridiques concernant le permis de construire et des actions en justice pour empiètement par une copropriété voisine.

Procédure Judiciaire

Face à l’absence de résolution amiable, la SCI LA SITHI a assigné la SAS COULON CENTRE-PROMOTION en réparation le 27 octobre 2021. Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu un jugement le 5 décembre 2022, déboutant la SCI de toutes ses demandes de condamnation et lui imposant de payer une indemnité à la société COULON.

Appel du Jugement

La SCI LA SITHI a interjeté appel du jugement, demandant l’annulation de la décision et la reconnaissance de la responsabilité de la SAS COULON pour le retard de livraison. Elle a également sollicité des réparations financières pour divers préjudices subis.

Arguments et Défense

Dans ses conclusions, la SCI LA SITHI a invoqué plusieurs articles du Code civil concernant l’obligation de délivrance et la responsabilité du vendeur. Elle a soutenu que le retard était dû à des fautes imputables à la société COULON, qui aurait négligé de vérifier l’emprise de la construction.

Décision de la Cour d’Appel

La cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que le retard de livraison était justifié par des injonctions judiciaires indépendantes de la volonté de la société COULON. La SCI LA SITHI a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du vendeur en matière de livraison d’un bien immobilier en l’état futur d’achèvement ?

Le vendeur d’un bien immobilier en l’état futur d’achèvement (VEFA) a des obligations spécifiques, notamment celle de délivrer le bien conforme aux stipulations contractuelles. Selon l’article 1603 du Code civil, le vendeur est tenu à une obligation de résultat en matière de délivrance. Cela signifie qu’il doit livrer le bien dans l’état convenu, à la date prévue.

En cas de retard de livraison, l’article 1792-1 du Code civil précise que le vendeur est réputé constructeur et, par conséquent, responsable des vices de construction jusqu’à la réception des travaux.

De plus, l’article 261-5 du Code de la construction et de l’habitation impose une garantie légale pour les désordres apparents avant la livraison. Cela signifie que le vendeur doit s’assurer que le bien est exempt de défauts visibles au moment de la livraison.

Il est également important de noter que des causes de suspension du délai de livraison peuvent être stipulées dans le contrat, comme les injonctions judiciaires, à condition qu’elles ne soient pas dues à des fautes du vendeur.

La société COULON CENTRE-PROMOTION peut-elle invoquer la force majeure pour justifier le retard de livraison ?

La force majeure est un concept juridique qui permet à une partie de s’exonérer de sa responsabilité en cas d’événements imprévisibles et irrésistibles. Selon l’article 1218 du Code civil, la force majeure est définie comme un événement échappant au contrôle de la partie qui ne peut pas raisonnablement être attendu.

Dans le cas présent, la société COULON CENTRE-PROMOTION a invoqué des actions judiciaires intentées par la copropriété voisine comme cause de retard. Ces actions, qui ont conduit à des injonctions de suspension des travaux, peuvent être considérées comme des événements imprévisibles et irrésistibles.

Le jugement de première instance a confirmé que ces injonctions judiciaires constituaient une cause légitime de suspension des délais d’exécution, excluant ainsi la responsabilité de la société COULON. Cela signifie que, dans ce contexte, la force majeure a été reconnue, justifiant le retard de livraison.

Quels sont les recours possibles pour l’acheteur en cas de non-respect des obligations de livraison ?

En cas de non-respect des obligations de livraison, l’acheteur dispose de plusieurs recours. Selon l’article 1610 du Code civil, l’acheteur peut demander l’exécution forcée de la vente, c’est-à-dire exiger la livraison du bien.

Si le retard est imputable au vendeur, l’acheteur peut également demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi, conformément à l’article 1231-1 du Code civil, qui traite de la responsabilité contractuelle.

L’acheteur peut également demander la résolution de la vente si le retard est significatif, en vertu de l’article 1224 du Code civil, qui permet de mettre fin au contrat en cas d’inexécution suffisamment grave.

Cependant, si le retard est justifié par des causes légitimes, comme des injonctions judiciaires, les recours de l’acheteur peuvent être limités, comme cela a été le cas dans l’affaire de la SCI LA SITHI.

Comment la responsabilité du vendeur peut-elle être engagée en cas de vices cachés ?

La responsabilité du vendeur peut être engagée en cas de vices cachés selon les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil. L’article 1641 stipule que le vendeur est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée.

Pour engager la responsabilité du vendeur, l’acheteur doit prouver l’existence d’un vice caché, c’est-à-dire un défaut qui n’était pas apparent lors de la vente et qui affecte l’usage du bien. L’acheteur doit également agir dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, conformément à l’article 1648 du Code civil.

Dans le cas de la SCI LA SITHI, si des vices étaient découverts après la livraison, elle aurait pu engager la responsabilité de la société COULON CENTRE-PROMOTION, à condition de prouver que ces vices étaient cachés et qu’ils affectaient l’usage de l’appartement.

Quelles sont les conséquences d’un jugement déboutant l’acheteur de ses demandes ?

Lorsqu’un jugement déboute l’acheteur de ses demandes, comme dans le cas de la SCI LA SITHI, cela signifie que le tribunal a considéré que les arguments présentés par l’acheteur n’étaient pas fondés. Les conséquences de ce jugement sont multiples.

Tout d’abord, l’acheteur ne pourra pas obtenir les réparations financières demandées, ce qui peut inclure des dommages-intérêts pour préjudice financier ou moral. De plus, l’acheteur devra supporter les dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Enfin, un jugement déboutant l’acheteur peut également avoir des implications sur d’éventuelles actions futures. En effet, ce jugement peut être considéré comme un précédent dans d’autres litiges, limitant ainsi les possibilités de recours ultérieurs sur des bases similaires.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 26 novembre 2024

N° RG 23/00011 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F53G

-PV- Arrêt n°

S.C.I. LA SITHI / S.A.S. COULON CENTRE-PROMOTION, S.E.L.A.R.L. AJ UP, S.E.L.A.R.L. MJ [F]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 05 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 21/03710

Arrêt rendu le MARDI VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.C.I. LA SITHI

Monsieur [E] [B]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Maître François Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

S.A.S. COULON CENTRE-PROMOTION

[Adresse 5]

[Localité 7]

non représentée

S.E.L.A.R.L. AJ UP, représentée par Me [Y] [N], es qualité d’Administrateur Judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION

[Adresse 4]

[Localité 7]

non représentée

S.E.L.A.R.L. MJ [F] , représentée par Me [V] [F], es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION

[Adresse 2]

[Localité 7]

non représentée

INTIMEES

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 juillet 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 novembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 08 octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI LA SITHI, exerçant une activité d’acquisitions immobilières à rendements locatifs, a acheté par acte authentique du 30 juillet 2018 à la SAS COULON CENTRE-PROMOTION les lots n° 118, n° 26 et n° 44 constitutifs d’un appartement et de ses dépendances à usage de garage et de cave dans le cadre d’un contrat en l’état de futur d’achèvement relevant du programme de construction d’un immeuble de copropriété de 34 logements et deux bâtiments A et B dénommé Résidence [10], sur un terrain cadastré section AL numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 9] et situé [Adresse 3] à Chamalières (Puy-de-Dôme). Le prix de cette vente était de 129.000,00 €, le délai de livraison étant contractuellement prévu pour fin décembre 2019 sauf survenance de cas de force majeure ou des causess usuelles de suspension du délai de livraison.

Constatant que le bâtiment B de cet ensemble immobilier, dans lequel se situe son appartement et dépendances, n’avait été ni terminé ni de ce fait livré en fin d’année 2019, la SCI LA SITHI a demandé à la société COULON des explications sur les raisons de ce retard par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2020. Selon les termes de plusieurs échanges de correspondances qui s’ensuivaient entre l’acheteur et le promoteur immobilier, ce dernier s’estimait victime de situations indépendantes de sa volonté en communiquant les explications suivantes comme causes de ce retard d’achèvement et de livraison :

– un recours contentieux formé devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand contre le permis de construire initial et modificatif, l’affaire n’ayant alors pas encore reçu fixation ;

– une action contentieuse initiée devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en allégation d’empiètement par la copropriété voisine dénommée [11], cet empiètement ayant été effectivement caractérisé sur une surface de l’ordre de 2 m² (4 cm x 10 cm) après organisation d’une mesure d’expertise judiciaire dont le rapport a été déposé en juillet 2020 ;

– un rejet portant sur une de ses demandes formées en référé aux fins de reprise des travaux du bâtiment B ;

– une action contentieuse introduite par la copropriété [11] aux fins de démolition des éléments de construction du bâtiment B empiétant sur son fonds.

En l’absence de tout applanissement amiable de cette situation, la SCI LA SITHI a assigné en réparation le 27 octobre 2021 la société COULON CENTRE PROMOTION devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-21/03710 rendu le 5 décembre 2022, a :

déclaré recevables les interventions volontaires de la SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, et de la SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION ;

débouté la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes de condamnation de la société COULON à lui payer les sommes suivantes :

* 2.747,80 € selon arrêté de comptes au 31 mars 2022, en réparation de son préjudice financier ;

* 101,77 € par mois du 1er avril 2022 jusqu’à la signature du procès-verbal de livraison du bien acquis ;

* 12.690,00 € selon décompte arrêté au 31 mars 2022, en réparation de ses pertes locatives ;

* sauf à parfaire, 470,00 € par mois du 1er avril 2022 jusqu’à la date de signature du procès-verbal de livraison du bien ;

* 10.000,00 €, en réparation de son préjudice moral et financier ;

* 4.000,00 €, au titre des frais irrépétibles, outre entiers dépens de l’instance.

condamné la SCI LA SITHI à payer à la société COULON CENTRE PROMOTION une indemnité de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI LA SITHI aux dépens de l’instance ;

ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 31 décembre 2022, le conseil de la SCI LA SITHI a interjeté appel du jugement susmentionné. L’effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :

« Appel total Afin d’obtenir l’annulation où l’infirmation intégrale du jugement rendu et plus particulièrement du dispositif suivant : 1. DÉBOUTE la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes, 2. CONDAMNE la SCI LA SITHI à payer à la société COULON CENTRE PROMOTION la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 3. CONDAMNE la SCI LA SITHI aux dépens, (…) »

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 13 janvier 2023, la SCI LA SITHI a demandé de :

au visa des articles 1103 et 1792-1 du Code civil, de l’article 1603 du Code civil sur l’obligation de délivrance du vendeur en termes d’obligation de résultat, de l’article 1626 du Code civil en ce qui concerne la garantie contre l’éviction, de l’article 1994 du même Code au regard l’obligation faite au Juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis et de l’article 261-5 du code de la construction et de l’habitation prévoyant une garantie légale pour les désordres apparents avant livraison ;

juger la SCI LA SITHI recevable et fondée en son appel ;

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand et statuer de nouveau ;

juger que la société COULON a manqué à son obligation de résultat de délivrance conforme concernant le bien immobilier susmentionné ;

juger que la société COULON a manqué à ses obligations de mandataire exclusif et répond de plein droit des manquements de ceux qu’elle s’était substitués ;

juger que la société COULON CENTRE PROMOTION a manqué à ses obligations de propriétaire et de maître de l’ouvrage en négligeant de vérifier l’emprise de sa construction par rapport aux limites de propriété ;

juger en outre que le retard de livraison découle de fautes et négligences imputables au vendeur ;

juger en conséquence l’action en responsabilité contractuelle ;

juger que sera fixée au passif de la société COULON CENTRE PROMOTION les créances suivantes au profit de la SCI LA SITHI :

en réparation de la perte de valeur de l’immeuble du fait de son ouverture aux intempéries et de la vétusté croissante des parties communes auxquelles la SCI LA SITHI n’a pas accès, la somme de 25.000,00 € ;

en réparation du préjudice financier, la somme de 3.663,72 €, arrêtée au 31 décembre 2022, sauf à parfaire à hauteur de 101,77 € par mois du 1er janvier 2023 jusqu’à parfaite livraison ;

au titre de la perte locative, la somme de 16.920,00 € selon décompte arrêté au 31 décembre 2022, sauf à parfaire du 1er janvier 2023 jusqu’à parfaite livraison ;

au titre du préjudice moral de la SCI LA SITHI, la somme de 10.000,00 € ;

pour le cas où la SAS COULON CENTRE PROMOTION bénéficierait d’un plan de redressement avant la fin de l’instance et redeviendrait donc in bonis, la condamner à payer les mêmes sommes au profit de la SCI LA SITHY :

juger la décision à intervenir commune et opposable aux organes de la procédure collective dont fait l’objet la société COULON, à savoir :

l’administrateur judiciaire : la SELARL AJ UP ;

le mandataire judiciaire : la SELARL MJ [F] ;

condamner ces derniers in solidum aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me François-Xavier Dos Santos, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.

‘ La SAS COULON CENTRE-PROMOTION n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.

‘ La SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.

‘ La SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE PROMOTION, n’a pas constitué avocat et était donc non comparante.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 16 mai 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 1 juillet 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 8 octobre 2024, prorogée au 26 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société COULON ainsi que SELARL AJ UP et la SELARL MJ [F] se sont vues chacune remettre le 18 janvier 2023 la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant par signification à personne morale. La présente décision sera en conséquence rendue de manière réputée contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties au litige, par application des dispositions de l’article 474 alinéa 1er du code de procédure civile.

De plus, la société COULON ainsi que SELARL AJ UP et la SELARL MJ [F] qui n’ont pas constitué avocat en cause d’appel sont censées s’approprier les motifs de première instance, conformément aux dispositions de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile

Aucun appel n’a été formé à l’encontre du jugement de première instance en ce qui concerne la recevabilité des interventions volontaires de la SELARL AJ UP et de la SELARL MJ [F].

Il n’a pas été factuellement contesté en première instance par la société COULON et les représentants des deux organes de la procédure collective dont elle fait l’objet que les travaux litigieux portant sur l’ensemble du bâtiment B du programme immobilier susmentionné n’étaient ni achevés ni a fortiori livrés à la date du 19 septembre 2022 de clôture des débats afférents à cette première instance. Il en était de même à la date du 16 mai 2024 de clôture des débats afférents à la présente instance d’appel comme à la date du 1er juillet 2024 de l’audience de plaidoirie, selon les indications non contestées du conseil de la SCI LA SITHI. Depuis la date du 31 décembre 2019 de délai de livraison contractuelle, l’intégralité du bâtiment B dans lequel se trouve l’appartement litigieux et ses dépendances est donc en retard d’achèvement et de livraison, soit sur une période de plus de quatre années et demie.

Le premier juge a exactement rappelé que la principale cause de ce retard d’achèvement et de livraison d’ouvrage résultait d’une action judiciaire parallèle intentée en allégation d’empiètement à l’encontre du promoteur immobilier en qualité de maître d’ouvrage par le syndicat de copropriété de l’immeuble de copropriété voisin dénommé [11], ayant notamment donné lieu à :

– une ordonnance de référé du 2 juillet 2019 du Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, confirmée par un arrêt du 17 décembre 2019 de la cour d’appel de Riom, ayant ordonné une mesure d’expertise judiciaire ainsi que la suspension des travaux en cours sur le bâtiment B dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire ;

– en lecture du rapport du 22 juin 2020 afférent à cette mesure d’expertise judiciaire ayant conclu à l’existence d’un empiètement et à une mauvaise insertion du projet de construction dans le terrain qui lui était affecté, une nouvelle ordonnance de référé rendue le 1er décembre 2020 par le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, ayant maintenu cette mesure de suspension des travaux portant sur le bâtiment B dans l’attente d’une décision à intervenir au fond en ce qui concerne l’empiètement.

Il importe préalablement de préciser que ce dispositif d’injonctions judiciaires d’arrêt des travaux provoquant la situation dommageable d’absence totale de livraison du bâtiment B de ce programme de construction dans le respect du délai contractuel prévu procède au titre de l’urgence d’une suspension provisoire des travaux jusqu’à la survenance d’un terme ou d’un événement défini, en l’espèce désormais une décision à intervenir au fond sur la situation d’empiètement alléguée par la copropriété voisine, et non d’une interruption des travaux. L’interruption des travaux est un effet une mesure de fond et définitive échappant par définition à la compétence d’attribution de la juridiction des référés.

Il s’en infère selon le jugement de première instance que « (‘) le retard de livraison est légitimé par l’injonction judiciaire d’interrompre les travaux laquelle n’est due ni à la faute ni à la négligence de la société COULON CENTRE PROMOTION et est, par conséquent, opposable à la SCI LA SITHI. ». L’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 stipule en effet notamment que constituent des causes légitimes de suspension du délai de livraison les « – Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au VENDEUR. » (page 16). Il importe dès lors de s’interroger si l’ensemble de ce dispositif d’injonctions judiciaires sur initiatives procédurales de la copropriété voisine faisant obstacle à la poursuite des travaux sur le bâtiment B résulte ou non de fautes ou de négligences de la société COULON en termesde conception initiale des travaux, de réalisation des travaux, de défaut de coordination ou de surveillance du chantier ou de défaillance dans la maîtrise foncière du site à construire.

En l’occurrence, il doit être rappelé que la société COULON a la qualité de maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux dans la conduite de cette opération de construction et de promotion immobilière dont elle n’a été ni l’architecte ni le géomètre-expert ni l’un quelconque des intervenants de travaux chargés de vérifier ou de mettre en oeuvre le projet en fonction de la bonne implantation du site à construire. Elle indique d’ailleurs dans ses conclusions d’appelant avoir distinctement assigné le 19 juillet 2022 en cause et en garantie le géomètre-expert la SELARL GEOVAL et son assureur la société MMA, le locateur d’ouvrage en matière de maçonnerie la SAS SOBAPT et son assureur la SOCIÉTÉ MUTUELLE DES ARTISANS DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP) et l’architecte M. [T] [M] ainsi que le maître d »uvre la SARL RIBEIRO BERTRAND avec leur assureur commun la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de leur imputer également la responsabilité de la situation lui faisant grief. Elle ajoute avoir demandé la jonction de cette affaire avec l’affaire faisant l’objet de la présente procédure d’appel mais que celle-ci lui a été refusée. La recherche de responsabilité civile parallèlement exercée par l’acheteur à l’encontre du géomètre-expert, de l’architecte, du maître d »uvre, de l’entreprise de maçonnerie et de leur assureur respectif suit donc actuellement encore son cours devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand indépendamment de la présente procédure d’appel.

En l’occurrence, le vendeur en l’état futur d’achèvement d’un immeuble à construire, quoique maître d’ouvrage jusqu’à l’achèvement de l’opération de promotion immobilière, ne peut effectivement être déchargé des vices de construction avant la réception des travaux et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession de l’ouvrage par l’acquéreur en application de l’article 1642-1 du Code civil repris à l’article L.261-5 du code de la construction et de l’habitation. Il est également réputé constructeur par application de l’article 1792-1/2° du Code civil et ne peut non plus s’affranchir de l’obligation de résultat de délivrance par application de l’article 1603 du Code civil et de la garantie d’éviction prévue à l’article 1620 du Code civil-3. Pour autant, il ne lui est pas moins loisible d’invoquer la force majeure pour renverser ces présomptions pesant sur lui du fait de l’absence de livraison de l’ouvrage au terme échu. Or, il résulte des débats de première instance en lecture de la motivation du premier juge que la société COULON a suffisamment apporté la preuve contraire qu’aucun des éléments mis en débats n’établissait que le vendeur en l’état futur d’achèvement et encore actuellement maître d’ouvrage se serait chargé, par intervention contractuelle directe ou par immixtion de fait, de l’exécution de l’une quelconque des prestations de géomètre-expert, d’architecte, de maîtrise d »uvre et de gros-‘uvre / maçonnerie où ne peut dès lors que se trouver l’erreur, la faute ou la négligence à l’origine de ce défaut de maîtrise foncière dans la conduite de cette opération de construction immobilière. Les débats poursuivis en cause d’appel de manière réputée contradictoire par la SCI LA SITHI ne permettent pas de déduire des conclusions différentes sur le fait que la société COULON n’a jamais excédé le périmètre de sa qualité de maître d’ouvrage « (‘) vis-à-vis des architectes, entrepreneurs, des autres techniciens ou hommes de l’art, vis-à-vis de toutes administrations ou services concédés, ainsi que, d’une manière générale, vis-à-vis de tous tiers, jusqu’à la réception des travaux. », conformément à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 (page 18).

Par ailleurs, la SCI LA SITHI se prévaut des dispositions de l’article 1994 alinéa 1er du Code civil suivant lesquelles « Le mandataire répond de celui qu’il s’est substitué dans la gestion : 1° quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un ; 2° quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d’une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable. ». En cette occurrence, si le contrat de vente en l’état futur d’achèvement du 30 juillet 2018 prévoit effectivement que « (‘) La signature par l’ACQUÉREUR de son acte de vente emportera automatiquement constitution du vendeur pour son mandataire exclusif (‘) à l’effet de passer les conventions indispensables à la construction de l’ensemble immobilier (‘) » sans désignations particulières sur les contractants à cette opération de construction, rendant dès lors applicables les dispositions précitées de l’article 1994 alinéa 1er/2° du Code civil, celles-ci ne peuvent être appliquées à la situation litigieuse faute de mise en débat de l’incapacité (d’une manière générale indépendamment de la caractérisation de la faute spécifiquement recherchée au regard de l’erreur d’implantation sur le site à construire) ou de l’insolvabilité notoires des contractants ayant été respectivement choisis sur les missions d’architecte, de maîtrise d »uvre et de maçonnerie.

En définitive, il y a lieu de considérer que ce dispositif d’injonctions judiciaires à l’origine du blocage des travaux et du dépassement du délai d’achèvement et de livraison procède d’une cause légitime de suspension des délais d’exécution dans des conditions et circonstances indépendantes de la volonté du promoteur immobilier et donc exclusives de sa responsabilité. Celles-ci constituent donc pour ce dernier une véritable situation de force majeure. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la SCI LA SITHI de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société COULON. Cette dernière sera dès lors déboutée de l’ensemble de ses demandes formé en cause d’appel à l’encontre de la société COULON ainsi que de la SELARL AJ UP et de la SELARL MJ [F].

Enfin, succombant à l’instance en cause d’appel, la SCI LA SITHI en supportera les entiers dépens.

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT

ET DE MANIÈRE RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE.

INFIRME en toutes ses dispositions frappées d’appel le jugement n° RG-21/03710 rendu le 5 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.

Y ajoutant.

DÉBOUTE la SCI LA SITHI de toutes ses demandes formées à l’encontre de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION, de la SELARL AJ UP, représentée par Me [Y] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION, et de la SELARL MJ [F], représentée par Me [V] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS COULON CENTRE-PROMOTION.

CONDAMNE la SCI LA SITHI aux entiers dépens de l’instance.

Le greffier Le président


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