Proportionalité et garanties de représentation dans le cadre de la rétention administrative

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Proportionalité et garanties de représentation dans le cadre de la rétention administrative

L’Essentiel : Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a prolongé la rétention de M. [P] [W] pour 26 jours, suite à une demande de la préfecture de Tarn-et-Garonne. M. [P] [W] a interjeté appel, arguant que cette mesure était disproportionnée, étant donné sa résidence en France depuis 2017 et une promesse d’embauche. L’appel a été jugé recevable. Toutefois, le juge a confirmé la rétention, considérant que M. [P] [W] ne présentait pas de garanties suffisantes pour éviter un risque de fuite, en raison de son entrée irrégulière et de son statut administratif.

Contexte juridique

Les faits se déroulent dans le cadre des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a rendu une ordonnance le 24 novembre 2024, prolongeant la rétention de M. [P] [W] pour 26 jours à la demande de la préfecture de Tarn-et-Garonne.

Appel de M. [P] [W]

M. [P] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par l’intermédiaire de son conseil, le 25 novembre 2024. Il demande l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté, arguant que la mesure de rétention est disproportionnée, étant donné qu’il vit en France depuis 2017 et qu’il a reçu une promesse d’embauche.

Arguments des parties

Lors de l’audience, M. [P] [W] a exposé ses arguments, tandis que le préfet de Tarn-et-Garonne a demandé la confirmation de l’ordonnance. Le ministère public, bien qu’informé de la date de l’audience, n’a pas formulé d’observations.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les délais et les formes légales.

Régularité de la rétention

Selon l’article L741-1 du CESEDA, l’autorité administrative peut placer un étranger en rétention si celui-ci ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir un risque de soustraction à l’exécution d’une décision d’éloignement. Les critères d’évaluation du risque sont précisés dans l’article L. 612-3.

Éléments de la situation de M. [P] [W]

L’ordonnance de rétention mentionne plusieurs éléments concernant M. [P] [W], notamment son entrée irrégulière en France, le rejet de sa demande d’asile, une obligation de quitter le territoire, et des antécédents judiciaires. De plus, il ne justifie pas d’une entrée régulière, n’a pas demandé de titre de séjour, et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes.

Décision du juge

Le juge a conclu que la décision de placement en rétention était justifiée et proportionnée, tenant compte des éléments de la situation de M. [P] [W]. Il a confirmé que le préfet avait correctement évalué le risque de fuite et que la rétention n’était pas disproportionnée.

Conclusion de l’ordonnance

L’ordonnance a été confirmée dans toutes ses dispositions, et l’appel de M. [P] [W] a été déclaré recevable. La décision a été notifiée à la préfecture, à M. [P] [W], à son conseil, et communiquée au ministère public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge des référés dans cette affaire ?

La compétence du juge des référés est régie par l’article 835 du Code de procédure civile, qui stipule que le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans cette affaire, la société HPL Bastille a soulevé l’incompétence du juge des référés en invoquant une clause attributive de compétence. Cependant, le juge a retenu que cette clause ne désignait pas clairement de juridiction et ne s’appliquait pas devant le juge des référés.

Il a également constaté que l’existence d’un contrat entre les parties était avérée et que l’exécution par la société Maçonnerie Pajot des prestations de gros œuvre stipulées au contrat et restées impayées n’était pas contestée.

Ainsi, le juge des référés a pu statuer sur la demande de provision, considérant que la créance de la société Maçonnerie Pajot n’était pas sérieusement contestable, ce qui justifiait son intervention.

Quelles sont les conditions pour accorder une provision en référé ?

Selon l’article 835 du Code de procédure civile, pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’existence de l’obligation soit non sérieusement contestable. Cela signifie que la créance doit être fondée sur des éléments suffisamment probants pour ne pas laisser place à un doute raisonnable.

Dans le cas présent, la société Maçonnerie Pajot a présenté des situations de travaux validées par le maître d’œuvre, ce qui a été retenu par le juge. Les montants des situations n°10, n°11 et n°12, qui totalisent 187.431,96 € TTC, ont été jugés non sérieusement contestables.

La société HPL Bastille, quant à elle, a tenté de faire valoir des pénalités de retard et des malfaçons, mais ces arguments n’ont pas été jugés suffisants pour remettre en cause la créance de Maçonnerie Pajot.

Ainsi, le juge a pu allouer une provision sur la base des travaux réalisés et validés, en considérant que les contestations soulevées par HPL Bastille ne faisaient pas obstacle à l’existence de l’obligation de paiement.

Quelles sont les conséquences de l’ordonnance de référé sur les créances des parties ?

L’ordonnance de référé a eu pour effet d’établir une provision de 187.431,96 € TTC en faveur de la société Maçonnerie Pajot, ce qui signifie que la société HPL Bastille est désormais tenue de verser cette somme à titre de paiement pour les travaux réalisés.

Cette décision a également des implications sur les créances réciproques des parties. La société HPL Bastille a tenté de faire valoir des pénalités de retard et des malfaçons, mais le juge a estimé que ces créances n’étaient pas sérieusement contestables et n’affectaient pas le montant dû à Maçonnerie Pajot.

En conséquence, la société HPL Bastille doit s’acquitter de la somme provisionnelle, tandis que la demande de consignation formulée par Maçonnerie Pajot a été rejetée, car elle ne reposait pas sur une créance non sérieusement contestable.

Comment se déroule l’expertise ordonnée par le juge des référés ?

L’expertise ordonnée par le juge des référés est régie par l’article 145 du Code de procédure civile, qui permet de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Dans cette affaire, le juge a ordonné une expertise pour examiner les comptes-rendus de chantier et déterminer si les travaux avaient été exécutés et livrés dans les délais contractuels. L’expert a également pour mission de préciser l’imputabilité des éventuels retards et d’évaluer les préjudices subis par la société HPL Bastille.

Cette mesure d’expertise est justifiée par les contestations soulevées par les parties, qui nécessitent une évaluation technique pour trancher les litiges relatifs à l’exécution des travaux. L’expertise ne remet pas en cause l’allocation de la provision, qui a été accordée pour la part non sérieusement contestable de la créance.

Ainsi, l’expertise vise à clarifier les points litigieux et à établir un état des lieux précis des travaux réalisés, ce qui pourra servir de base pour d’éventuelles actions futures entre les parties.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1245

N° RG 24/01241 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QUCW

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 26 novembre 2024 à 11h00

Nous P. ROMANELLO, Conseiller, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 16 Septembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 24 novembre 2024 à 11H51 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

[P] [W]

né le 18 Novembre 1991 à

de nationalité Guinéenne

Vu l’appel formé le 25 novembre 2024 à 11 h 40 par courriel, par Me Amadou NJIMBAM, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l’audience publique du 25 novembre 2024 à 16h00, assisté de C. KEMPENAR, adjointe administrative faisant fonction de greffier, avons entendu :

[P] [W]

assisté de Me Amadou NJIMBAM, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de [Y] [J] représentant la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 24 NOVEMBRE 2024 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention de M. [P] [W] sur requête de la préfecture de TARN-ET-GARONNE du 21 NOVEMBRE 2024 ;

Vu l’appel interjeté par M. [P] [W] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 25 novembre 2024, soutenu oralement à l’audience, auquel il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

– La mesure de placement en rétention est disproportionnée avec la situation de l’intéressé qui vit en France depuis 2017 et bénéficie d’une promesse d’embauche.

Entendu les explications fournies par l’appelant à l’audience du 25 novembre 2024 ;

Entendu les explications orales du préfet de TARN-ET-GARONNE qui sollicite confirmation de l’ordonnance entreprise ;

Vu l’absence du ministère public, avisé de la date d’audience, qui n’a pas formulé d’observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur la régularité de l’arrêté de placement en rétention administrative

En application de l’article L741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l’espèce, l’appelant soutient que l’arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [P] [W] et énonce les circonstances de fait qui justifient l’application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l’intéressé :

-est entré en France le 10 décembre 2016 sans en apporter la preuve et de façon irrégulière puisqu’il est dépourvu de documents exigés par les conventions internationales,

-l’OFPRA a rejeté sa demande d’asile par notification du 25 juin 2021 comme confirmé par la cour nationale du droit d’asile le 13 décembre 2021,

-il fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pendant un an depuis le 12 avril 2022,

-il a été interpellé le 18 novembre 2024 pour des faits de violences aggravées,

-il ressort de son audition du 19 novembre 2024 qu’il est célibataire, sans enfant, que ses liens en France ne sont pas anciens et intenses et il n’est pas dépourvu d’attache dans son pays d’origine la Guinée où réside sa famille,

-il a déclaré ne pas avoir de problèmes de santé,

-ne peut justifier d’une entrée régulière et n’a pas demandé de titre de séjour,

-ne justifie pas de ressources et n’a pas de billet de transport pour exécuter la mesure d’éloignement,

-ne présente pas d’état de vulnérabilité,

-ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de document d’identité ou de voyage en cours de validité et faute d’une adresse stable.

Le préfet n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’étranger dès lors que les motifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

Le premier juge en a donc correctement déduit que l’intéressé qui n’a pas de passeport et pas de domiciliation personnelle pouvait faire l’objet d’une mesure de rétention administrative qui n’est manifestement pas disproportionnée avec sa situation et que le risque de fuite n’est pas à exclure.

Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu’il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d’une erreur de droit et manifeste d’appréciation doit donc être écarté.

Compte tenu de ce qui précède, M. [P] [W] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire.

C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l’étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [P] [W] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 24 NOVEMBRE 2024,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE, service des étrangers, à [P] [W], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

C.KEMPENAR P. ROMANELLO, Conseiller.


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