Reconnaissance de filiation et enjeux de fraude : entre réalité et apparence.

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Reconnaissance de filiation et enjeux de fraude : entre réalité et apparence.

L’Essentiel : En 2017, [B] est née à [Localité 8] de Mme [J] [E] et M. [L] [B], qui a reconnu l’enfant. Cependant, le procureur a contesté cette reconnaissance, évoquant des fraudes potentielles. Un administrateur ad hoc a été nommé pour représenter l’enfant, demandant une expertise biologique. Malgré l’absence d’avocat des parents, le tribunal a annulé la reconnaissance de paternité, stipulant que l’enfant porterait le nom de sa mère. M. [L] [B] a été condamné aux dépens, et la décision est susceptible d’appel, avec des implications sur la validité de la reconnaissance dans les six mois suivant la signification.

Naissance et reconnaissance de l’enfant

[K], [E] [B] est née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] de Mme [J] [E] et de M. [L] [B], qui a reconnu l’enfant le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7].

Procédure judiciaire engagée

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a assigné Mme [J] [E] et M. [L] [B] pour annuler la reconnaissance de paternité, invoquant des éléments de fraude. Cette action a été motivée par des contradictions dans les auditions des parents, l’absence de vie commune, et le fait que M. [L] [B] aurait reconnu plusieurs enfants pour leur conférer la nationalité française.

Désignation d’un administrateur ad hoc

Le 23 avril 2024, un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter l’enfant. Dans ses conclusions, il a demandé que l’action en contestation de filiation soit déclarée recevable et a proposé une expertise biologique, tout en soutenant que la reconnaissance de paternité ne visait pas uniquement à frauder la loi.

Absence de représentation légale

M. [L] [B] et Mme [J] [E] n’ont pas constitué d’avocat malgré les convocations régulières. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 24 septembre 2024, avec une ordonnance de clôture rendue le 10 septembre 2024.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré recevable l’action du ministère public et a annulé la reconnaissance de paternité de M. [L] [B]. Il a ordonné la transcription de ce jugement sur l’acte de naissance de l’enfant, stipulant que l’enfant portera le nom de sa mère et que toute mention de l’annulation devra figurer sur les actes délivrés.

Conséquences financières et notification

M. [L] [B] a été condamné aux dépens, y compris les frais d’expertise. La décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire et est susceptible d’appel dans le mois suivant la signification. Si elle n’est pas signifiée dans les six mois, elle sera réputée non avenue.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la régularité de la procédure de saisie attribution ?

La régularité de la procédure de saisie attribution est encadrée par l’article R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que :

“Le créancier procède à la saisie par acte d’huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité :

1° L’indication des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ;

4° L’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;

5° La reproduction du premier alinéa de l’article L. 211-2, de l’article L. 211-3, du troisième alinéa de l’article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.

L’acte indique l’heure à laquelle il a été signifié.”

Dans le cas présent, le procès-verbal de saisie attribution du 16 octobre 2023 respecte toutes ces exigences.

Il contient les informations nécessaires concernant le débiteur, le titre exécutoire, le décompte des sommes dues, ainsi que les mentions légales requises.

Ainsi, la procédure de saisie attribution est considérée comme régulière et valable.

La validité de la créance de l’URSSAF est-elle établie ?

La validité de la créance de l’URSSAF repose sur la contrainte émise le 11 avril 2023, qui est devenue un titre exécutoire définitif.

En effet, selon l’article L111-1 du Code des procédures civiles d’exécution, un titre exécutoire est un acte qui permet à un créancier de recouvrer une créance sans avoir à obtenir une décision de justice préalable.

Monsieur [U] n’ayant pas formé opposition dans le délai de 15 jours suivant la signification de la contrainte, celle-ci est devenue définitive.

De plus, l’article L311-3 du Code de la sécurité sociale précise que la dette relative aux cotisations du gérant de SARL est une dette personnelle.

Ainsi, même si la SARL CCSR a été fermée, Monsieur [U] reste redevable des cotisations sociales pour l’année 2022, car il a exercé une activité libérale de conseil.

Quelles sont les implications du cumul emploi-retraite sur les cotisations sociales ?

Le cumul emploi-retraite n’exonère pas un assuré du paiement des cotisations sociales.

L’article L161-22 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale stipule que :

“Le service d’une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre d’un régime de retraite de base légalement obligatoire, et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par décret en Conseil d’Etat, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité.”

Cela signifie que même en tant que retraité, Monsieur [U] doit continuer à cotiser s’il exerce une activité libérale.

L’article L643-6 alinéa 1er précise également que les retraités peuvent exercer une activité relevant du régime d’assurance vieillesse des professions libérales, tant que leurs revenus ne dépassent pas un certain seuil.

Ainsi, Monsieur [U] est tenu de s’acquitter des cotisations sociales pour les années 2021 et 2022, malgré son statut de retraité.

Quelles sont les conséquences des sommes réclamées par l’URSSAF ?

Les sommes réclamées par l’URSSAF sont fondées sur l’article L642-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

“Toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l’Organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations…”.

Cela implique que tant que Monsieur [U] n’a pas été radié, il est tenu de payer des cotisations, même s’il ne génère aucun revenu.

L’article L242-12-1 précise également que les cotisations doivent être déclarées chaque année, et en cas de non-déclaration, elles sont calculées d’office sur la base du revenu maximum de chaque tranche.

Dans le cas présent, l’URSSAF a recalculé les cotisations dues pour les années 2021 et 2022 sur la base des revenus déclarés, qui étaient de 0€, entraînant des cotisations minimales.

Ainsi, Monsieur [U] est redevable des cotisations et des majorations de retard, et la saisie attribution a été cantonnée à un montant total de 1457,04€, incluant les frais d’actes d’huissier.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

Pôle Famille 2ème section

JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024

N° RG 24/00808
N° Portalis DB3R-W-B7I-ZEX5

N° Minute : 24/

AFFAIRE

M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[L] [B],
[J] [E]

Copies délivrées le :

DEMANDEUR

M. Le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République

DEFENDEURS

Monsieur [L] [B]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Défaillant

Madame [J] [E]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante

AUTRE PARTIE

[K], [E] [B], née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8]
Ayant pour représentant légal Mme [Z] [Y], administrateur ad hoc et pour avocat Me Laurence JARRET, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, vestiaire PN752

L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire,
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :

Monia TALEB, Vice-Présidente,
Cécile BAUDOT, Première Vice-Présidente adjointe,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.

Albane SURVILLE, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

[K], [E] [B] est née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] de Mme [J] [E] et de M. [L] [B], qui l’a reconnue le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7].

Par actes de commissaire de justice en date des 24 janvier et 15 février 2024, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a respectivement fait assigner Mme [J] [E], en personne et en qualité de représentante légale de l’enfant, et M. [L] [B] devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d’annuler la reconnaissance de l’enfant effectuée par celui-ci au visa des articles 311-14 et 336 du code civil.

Il fait valoir que la situation lui a été signalée par la préfecture de la Seine-Maritime le 30 septembre 2019, après qu’une demande de titre de séjour en qualité de parent d’enfant français a été déposée par Mme [J] [E], de nationalité nigériane. Il soutient que la fraude est établie par le fait que les auditions des intéressés sont contradictoires, que Mme [J] [E] et M. [L] [B] n’ont jamais vécu ensemble, qu’il n’existe aucune preuve d’une contribution matérielle ou affective du père à la vie de l’enfant et que M. [L] [B] a reconnu de multiples enfants dans le but de leur conférer la nationalité française.

Par ordonnance du 23 avril 2024, le juge de la mise en état a désigné un administrateur ad hoc pour représenter l’enfant.

Dans ses conclusions signifiées par la voie électronique le 9 septembre 2024, l’administrateur ad hoc de l’enfant demande au tribunal de bien vouloir :
dire l’action en contestation de filiation recevable, débouter le procureur de la République de ses demandes,subsidiairement, ordonner une expertise biologique aux frais avancés par le Trésor public, statuer ce que de droit sur les dépens.
Il estime que l’action du ministère public, formée sur le fondement de l’article 336 du code civil, est recevable et qu’il y a lieu d’appliquer la loi française.
Il fait valoir que les parents déclarent avoir eu des relations intimes ayant conduit à la naissance de l’enfant, que l’enquête se résume à leur seule audition, aucune vérification n’ayant été effectuée, notamment en ce qui concerne le paiement des frais de cantine de l’enfant par M. [L] [B]. Il ajoute que des photographies du père avec l’enfant ont été produites par Mme [J] [E] au cours de l’enquête mais n’ont pas été produites au dossier par le ministère public. Il considère que la reconnaissance par anticipation et l’absence de communauté de vie sont des phénomènes courants, qui ne suffisent pas à établir l’existence d’une fraude. Il estime qu’au vu des éléments avancés par les parties, il existe une filiation sociale de l’enfant à l’égard de M. [B], et qu’il n’est donc pas démontré que la reconnaissance ait eu pour objectif exclusif la fraude. Il soutient enfin que l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait justifier le prononcé d’une expertise, mais que cette mesure est en l’espèce vouée à l’échec dans la mesure où Mme [J] [E] n’a pu être localisée. Il précise que l’accès de l’enfant à la réalité de ses origines reste préservé à sa majorité.

Régulièrement cité par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier, M. [L] [B] n’a pas constitué avocat.

Régulièrement citée à son dernier domicile connu selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, Mme [J] [E] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 24 septembre 2024.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, en matière civile, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, après débats en chambre du conseil,

DÉCLARE recevable l’action du ministère public en annulation de la reconnaissance de paternité souscrite par M. [L] [B] à l’égard de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] ;

ANNULE la reconnaissance de paternité effectuée par M. [L] [B] le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7] (Hauts-de-Seine), à l’égard de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8],

ORDONNE la transcription du présent jugement sur l’acte de naissance n°2314 de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8],

DIT que l’enfant portera le nom de sa mère [E],

DIT qu’aucun acte, extrait ou copie ne pourra être désormais délivré sans que la mention relative à l’annulation n’y figure,

CONDAMNE M. [L] [B] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,

DIT que la présente décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire par la partie la plus diligente et qu’elle est susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la cour d’appel de VERSAILLES,

RAPPELLE qu’à défaut d’avoir été signifiée dans les six mois de sa date, la présente décision est réputée non avenue,

signé le 26 novembre 2024 par Monia TALEB, Vice-Présidente et par Albane SURVILLE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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