Délai de recours et protection des droits fondamentaux en matière d’isolement judiciaire

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Délai de recours et protection des droits fondamentaux en matière d’isolement judiciaire

L’Essentiel : La question prioritaire de constitutionnalité concerne l’article 145-4-1 du code de procédure pénale, qui ne précise pas les modalités de traitement des recours contre l’isolement judiciaire. Ce flou soulève des interrogations sur le droit à un recours effectif et la protection de la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel a déjà affirmé que ce droit exige une réponse rapide du juge. De plus, la chambre de l’instruction doit statuer sur ces recours dans des délais appropriés, mais l’absence de critères clairs par le législateur soulève des inquiétudes quant à l’effectivité des garanties offertes aux détenus.

Question prioritaire de constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions de l’article 145-4-1 du code de procédure pénale, qui ne précisent pas les modalités de traitement des recours contre l’ordonnance de placement à l’isolement judiciaire, notamment le délai dans lequel ce recours doit être jugé. Elle interroge si ces manquements portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, à la liberté individuelle et à la sûreté.

Applicabilité de la disposition législative

La disposition législative contestée est applicable à la procédure en cours et n’a pas été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision antérieure.

Caractère sérieux de la question

La question posée est jugée sérieuse, car le Conseil constitutionnel a établi que le droit à un recours juridictionnel effectif en matière de privation de liberté exige que le juge statue dans les plus brefs délais.

Distinction du placement à l’isolement

Le placement d’une personne au régime de l’isolement, bien qu’il soit une modalité de l’emprisonnement, se distingue de celui-ci car il n’en est pas la conséquence directe et entraîne un durcissement du régime de détention.

Compétence de la chambre de l’instruction

La jurisprudence de la Cour de cassation stipule que la chambre de l’instruction est compétente pour statuer sur l’appel d’une ordonnance concernant le maintien à l’isolement. Dans ce cas, elle doit se prononcer dans les délais applicables à la détention provisoire, contrairement à la procédure d’isolement où le président statue dans un délai raisonnable.

Délai d’appréciation de la mesure d’isolement

Le délai imparti au juge pour apprécier la mesure d’isolement dépend du choix de ce dernier de prononcer une unique ordonnance ou deux décisions distinctes, sans critères définis par le législateur. Ce délai est également influencé par l’exercice d’une voie de recours par la personne détenue.

Insuffisance des garanties

La possibilité pour la personne détenue de demander sa mise en liberté à tout moment pourrait ne pas suffire à garantir ses droits, ce qui soulève des préoccupations quant à l’effectivité du recours.

Renvoi au Conseil constitutionnel

En conséquence, la Cour de cassation a décidé de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel pour examen.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’ordonnance de mise en liberté avec placement sous contrôle judiciaire ?

L’ordonnance de mise en liberté avec placement sous contrôle judiciaire, comme le stipule l’article 606 du Code de procédure pénale, a pour effet de libérer le prévenu tout en lui imposant certaines obligations.

En effet, cet article précise que la mise en liberté peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire, qui visent à garantir la présence du prévenu devant la justice et à prévenir toute récidive.

Ainsi, la décision du 21 octobre 2024 a non seulement levé l’écrou, mais a également mis en place un cadre légal pour encadrer la liberté du prévenu.

Cela signifie que le prévenu n’est plus sous le régime de la détention, mais qu’il doit respecter les conditions fixées par le juge.

Quelles sont les conséquences de la levée d’écrou sur le pourvoi ?

La levée d’écrou, intervenue suite à l’ordonnance de mise en liberté, a des conséquences directes sur le pourvoi formé.

En effet, selon la jurisprudence, lorsque la situation du prévenu évolue de manière à rendre le pourvoi sans objet, la Cour de cassation doit déclarer ce dernier irrecevable.

Dans le cas présent, la Cour a constaté que l’ordonnance de mise en liberté a mis fin à la détention, ce qui a entraîné la caducité du pourvoi.

Ainsi, la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu à statuer sur le pourvoi, conformément aux principes énoncés dans l’article 606 du Code de procédure pénale.

Comment la décision de la Cour de cassation est-elle justifiée ?

La décision de la Cour de cassation est justifiée par le fait que le pourvoi ne peut plus avoir d’effet sur la situation du prévenu.

En effet, l’article 606 du Code de procédure pénale stipule que la mise en liberté entraîne la cessation des effets de la détention.

Par conséquent, la Cour a jugé que le pourvoi, qui visait à contester une décision antérieure, n’avait plus de raison d’être.

Cette approche est conforme à la logique juridique qui vise à éviter des décisions inutiles lorsque la situation a évolué.

Ainsi, la Cour a prononcé son arrêt en toute conformité avec les dispositions légales applicables.

N° R 24-85.348 F-D

N° 01555

26 NOVEMBRE 2024

LR

QPC INCIDENTE : RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2024

M. [E] [G] a présenté, par mémoire spécial reçu le 28 octobre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi formé par lui contre l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 25 juillet 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’assassinat et tentative, en bande organisée, associations de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes, a confirmé l’ordonnance de mise à l’isolement judiciaire rendue par le juge d’instruction.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article 145-4-1, alinéa 1er, in fine, du code de procédure pénale, telles que précisées par celles de l’article R. 57-5-7, alinéa 2, du même code, en ce qu’elles ne prévoient pas les modalités de traitement, par le président de la Chambre de l’instruction, du recours formé contre l’ordonnance de placement à l’isolement judiciaire, et en particulier le délai légal dans lequel ce recours doit être jugé, et qu’elles n’indiquent pas à a minima que ce délai doit être bref, portent-elles atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, à la liberté individuelle et à la sûreté garantis par les articles 2, 7, 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 66 de la Constitution ? ».

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

4. La question posée présente un caractère sérieux, pour les raisons suivantes.

5. En premier lieu, selon le Conseil constitutionnel, le droit à un recours juridictionnel effectif n’est garanti, en matière de privation de liberté, que si le juge judiciaire est tenu de statuer dans les plus brefs délais.

6. Or, la décision de placement d’une personne détenue au régime de l’isolement, qui est prise sans le consentement de l’intéressée, si elle ne porte que sur une modalité de l’emprisonnement, se distingue néanmoins de celui-ci dans la mesure où elle n’en n’est pas la conséquence directe.

7. En outre, elle entraîne un durcissement du régime de détention.

8. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la chambre de l’instruction, saisie de l’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant tant sur la détention provisoire que sur le maintien à l’isolement de la personne mise en examen, est compétente pour statuer sur cette dernière mesure (Crim., 4 janvier 2022, pourvoi n° 21-85.869). Il s’ensuit que, dans cette hypothèse, la chambre de l’instruction doit se prononcer dans les brefs délais applicables en matière de détention provisoire. En revanche, lorsque le président de la chambre de l’instruction est saisi d’un recours contre une mesure d’isolement, l’article D. 43-6 du code de procédure pénale prévoit qu’il statue dans un délai raisonnable.

9. Il s’en déduit que le délai imparti au juge pour apprécier le bien-fondé de la mesure d’isolement dépend, d’une part, du choix de ce même juge de prononcer par une unique ordonnance ou par deux décisions distinctes, choix qui n’obéit à aucun critère défini par le législateur, d’autre part, de l’exercice d’une voie de recours par la personne détenue contre la mesure de sûreté principale.

10. À cet égard, la faculté offerte à cette personne de demander à tout moment sa mise en liberté pourrait ne pas constituer une garantie suffisante.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-quatre.


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