L’Essentiel : M. [Z], gérant de l’EARL Bordemonvert et de la SARL Herapost, a mis à disposition des parcelles agricoles en 2011. En 2017, il acquiert une parcelle soumise à bail commercial, exploitée pour le recyclage de bois. Un bail notarié est signé en 2019, mais la Caisse d’épargne délivre un commandement de payer, entraînant une saisie. En juin 2023, la parcelle est adjugée à M. [K], mais l’EARL Bordemonvert exerce son droit de préemption. Le tribunal déclare la convention de mise à disposition inapplicable au statut de fermage, annulant l’acte de substitution et condamnant l’EARL à des dommages-intérêts.
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Contexte de l’affaireM. [Z] est le gérant de l’EARL Bordemonvert et de la SARL Herapost. Le 1er novembre 2011, il a mis à disposition de l’EARL Bordemonvert plusieurs parcelles agricoles. En mars 2017, il a acquis une parcelle soumise à bail commercial au profit de la SARL Herapost, qui l’exploite en partie pour des activités de recyclage de bois. Événements clésUn bail commercial notarié a été signé le 20 décembre 2019, rétroactif au 1er juin 2017, pour la parcelle acquise par M. [Z]. La Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées a ensuite délivré un commandement de payer, entraînant la saisie conservatoire de la parcelle. Le 13 avril 2023, le juge de l’exécution a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi, fixant la mise à prix à 35 000 €. Adjudication et préemptionLe 22 juin 2023, la parcelle a été adjugée à M. [K] pour 35 100 €. L’EARL Bordemonvert a exercé son droit de préemption le 11 juillet 2023, se basant sur la convention de mise à disposition signée avec M. [Z]. Cependant, la Caisse d’épargne a contesté cette substitution devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulouse. Procédure judiciaireLe tribunal a examiné la demande le 28 septembre 2023, mais les parties n’ont pas pu se concilier. Le jugement du 19 décembre 2023 a déclaré que la convention de mise à disposition ne relevait pas du statut du fermage, annulant ainsi l’acte de substitution de l’EARL Bordemonvert et condamnant cette dernière à verser des dommages-intérêts. Appel et décisions ultérieuresM. [Z] et l’EARL Bordemonvert ont fait appel de cette décision. Lors de l’audience, ils ont demandé l’infirmation du jugement, arguant que la convention devait être requalifiée en bail rural. La Caisse d’épargne a contesté la recevabilité de l’appel et a demandé la confirmation du jugement initial. Arguments des partiesLes appelants soutiennent que l’EARL Bordemonvert a des droits sur la parcelle en raison de la convention de mise à disposition. En revanche, la Caisse d’épargne fait valoir que l’EARL Bordemonvert ne peut bénéficier du statut de fermage, car M. [Z] est à la fois gérant de l’EARL et propriétaire de la parcelle. Conclusion de la courLa cour a confirmé la décision du tribunal paritaire, rejetant les demandes des appelants et condamnant M. [Z] et l’EARL Bordemonvert aux dépens d’appel. Ils ont également été condamnés à verser des sommes à la Caisse d’épargne sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de mise en œuvre d’une médiation judiciaire selon le Code de procédure civile ?La médiation judiciaire est encadrée par plusieurs articles du Code de procédure civile, notamment l’article 127-1, qui stipule que : « À défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire. » Cette disposition souligne que le juge a le pouvoir d’ordonner une médiation même en l’absence d’accord préalable des parties. En outre, les articles 908 et 909 précisent que le juge peut ordonner une mesure de médiation lorsque cela est nécessaire pour favoriser une solution amiable. Il est également important de noter que le médiateur doit être un tiers indépendant, impartial, compétent et diligent, conformément à l’article 21-2 de la loi n°95-125 du 08 février 1995. Ainsi, la mise en œuvre d’une médiation judiciaire repose sur l’initiative du juge, qui peut enjoindre les parties à rencontrer un médiateur, et sur la nécessité d’informer les parties des modalités de cette médiation. Quels sont les effets d’un accord écrit des parties pour entrer en médiation ?Lorsqu’un accord écrit est donné par les parties pour s’engager dans un processus de médiation, plusieurs effets en découlent, comme le stipule l’article 131-3 du Code de procédure civile : « La désignation du médiateur emporte l’engagement des parties à verser une provision à valoir sur sa rémunération. » Dans le cas présent, la décision du juge précise que la provision globale est fixée à 1 150 euros, à partager entre les parties, chacune devant verser 575 euros. Il est également mentionné que ce versement doit être effectué dans un délai maximum de 15 jours suivant la notification de l’accord pour entrer dans le processus de médiation. En cas de non-versement de cette somme, la désignation du médiateur devient caduque, ce qui signifie que le processus de médiation ne pourra pas se poursuivre. De plus, l’accord des parties pour entrer en médiation ne dessaisit pas le juge, qui peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur si nécessaire, conformément aux articles 131-2, 131-9 et 131-10 du Code de procédure civile. Quelles sont les obligations du médiateur durant le processus de médiation ?Le médiateur a plusieurs obligations durant le processus de médiation, qui sont clairement définies par la loi et le Code de procédure civile. Tout d’abord, selon l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995, le médiateur doit délivrer aux parties une information générale et gratuite sur la médiation, ses modalités pratiques et son processus. Cette obligation d’information est cruciale pour permettre aux parties de prendre une décision éclairée quant à leur engagement dans la médiation. Ensuite, le médiateur doit recueillir par écrit l’accord ou le refus des parties concernant la mesure de médiation dans le délai imparti. Il doit également informer le juge de son acceptation ou de tout refus ou empêchement, ce qui est essentiel pour assurer la transparence du processus. Enfin, à l’issue de la médiation, le médiateur est tenu de remettre un rapport au juge, indiquant si les parties ont réussi à trouver une solution amiable ou non, conformément aux dispositions de la loi. Quels sont les risques en cas de non-respect de l’injonction de médiation ?Le non-respect de l’injonction de médiation peut entraîner plusieurs conséquences juridiques pour les parties concernées. Selon la décision du juge, l’inexécution de cette injonction, sans motif légitime, est susceptible de constituer un défaut de diligences justifiant la radiation du dossier. Cela signifie que si une partie refuse de se conformer à l’injonction de médiation sans justification valable, le juge peut décider de radier l’affaire, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur le droit d’accès à la justice de cette partie. De plus, si au moins l’une des parties refuse le principe d’une entrée en médiation, le médiateur doit en informer le juge sans délai, et la procédure de mise en état suivra son cours. Cela pourrait également retarder le traitement de l’affaire et engendrer des frais supplémentaires pour les parties. En somme, le non-respect de l’injonction de médiation peut avoir des répercussions significatives sur le déroulement de la procédure judiciaire et sur les droits des parties. |
ARRÊT N°491/2024
N° RG : N° RG 24/00209 – N° Portalis DBVI-V-B7I-P6LP
EV/IA
Décision déférée du 19 Décembre 2023 – Tribunal paritaire des baux ruraux de TOULOUSE (51-23-0003)
Mme MOREL
[Y] [Z]
E.A.R.L. BORDEMONVERT
C/
[I] [K]
S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP) EES
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTS
Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Sophie DEJEAN, avocat au barreau de TOULOUSE
E.A.R.L. BORDEMONVERT
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Sophie DEJEAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [I] [K]
[Adresse 2]
[Localité 6]
non comparant
S.A. CAISSE D’EPARGNE DE MIDI PYRENEES (CEMP) Banque Coopérative régie par les articles L 512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, prise en la personne de son représentant légal, domicilié au dit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024, en audience publique, devant Madame E. VET, conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
E. VET, président
P. BALISTA, conseiller
S. GAUMET, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par E. VET, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.
Par convention signée le 1er novembre 2011, M. [Y] [Z] a mis à disposition de l’EARL Bordemonvert des parcelles situées à [Localité 10] : 22,87 ha, [Localité 5] : 8,59 ha et [Localité 9] : 27,54 ha.
Selon avenant du 1er janvier 2018, M. [Z] indiquait avoir acquis en mars 2017 une parcelle agricole située lieu-dit [Localité 8] d’une superficie de 7 ha 8 a 4 ca soumise à bail commercial au profit de la SARL Herapost qui l’exploite en partie pour ses activités de recyclage de bois, l’EARL Bordemonvert bénéficiant d’une mise à disposition à l’identique des conditions prévues par la convention de 2011 pour la partie non exploitée par la SARL Herapost.
Par bail commercial notarié signé le 20 décembre 2019 avec effet rétroactif au 1er juin 2017, M. [Z] a donné à bail à la SARL Herapost la parcelle située lieu-dit [Localité 8] d’une superficie de 7 ha 8 a 4 ca, cadastrée ZB n° [Cadastre 3].
La Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées est créancière à l’encontre de M. [Y] [Z] en vertu du privilège de prêteur de deniers au titre d’un emprunt de 200’000 € souscrit par acte authentique le 17 mars 2017.
Le 21 juin 2022, elle a fait délivrer un commandement de payer valant saisie- conservatoire de la parcelle cadastrée ZB n° [Cadastre 3], située lieu-dit [Localité 8] à [Localité 5].
Par jugement d’orientation du 13 avril 2023, le juge de l’exécution a :
‘ fixé la créance de la Caisse d’épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées à la somme de 195’839,80 € arrêtée au 10 novembre 2022,
‘ ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi,
‘ fixé l’audience d’adjudication au 22 juin 2023,
‘ fixé la mise à prix à la somme de 35’000 €.
À l’audience du 22 juin 2023, le bien a été adjugé à M. [I] [K] au prix de 35’100 €.
Par acte d’huissier du 11 juillet 2023, l’EARL Bordemonvert a déclaré exercer son droit de préemption sur la parcelle vendue et se substituer à l’adjudicataire, se prévalant d’une convention de mise à disposition signée avec M. [Z].
Par actes des 31 juillet, 3 août et 9 août 2023, la Caisse d’épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées a fait assigner l’EARL Bordemonvert, M. [K] et M. [Z] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulouse en vue de voir :
‘ déclarer que la convention de mise à disposition par M. [Z] au profit de l’EARL Bordemonvert concernant les parcelles situées section ZB lieu-dit [Localité 8] à [Localité 5] ne relèvent pas du statut du fermage,
‘ qu’en conséquence les dispositions relatives au droit de préemption et de substitution du fermier n’ont pas vocation à s’appliquer et en conséquence :
‘ annuler la déclaration de substitution après exercice du droit de préemption de l’EARL Bordemonvert,
‘ annuler l’acte de substitution formalisée le 11 juillet 2023 par l’EARL Bordemonvert sur adjudication du 22 juin 2023 au profit de M. [K],
‘ condamner l’EARL Bordemonvert au paiement de la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts pour et de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande a été examinée à l’audience de conciliation du 28 septembre 2023 au cours de laquelle les parties n’ont pas pu se concilier et un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le jour même l’affaire étant renvoyée à l’audience au fond du 29 novembre 2023.
Par décision du 19 décembre 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Toulouse a :
‘ déclaré que la convention de mise à disposition de la parcelle cadastrée section ZB n° [Cadastre 3] située lieu-dit [Localité 8] à [Localité 5] par M. [Y] [Z] au profit de l’EARL Bordemonvert ne relève pas du statut du fermage,
‘ jugé que l’EARL Bordemonvert ne bénéficie en conséquence d’aucun droit de préemption ni de substitution sur la parcelle ZB n° [Cadastre 3], située lieu-dit [Localité 8] à [Localité 5],
‘ annulé l’acte de substitution formalisée le 11 juillet 2023 par l’EARL Bordemonvert à l’adjudication du 22 juin 2023 au profit de M. [I] [K] au prix de 35’100 €,
‘ condamné l’EARL Bordemonvert à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées les sommes suivantes :
– 1000 € pour procédure abusive,
– 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné l’EARL Bordemonvert à payer à M. [I] [K] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné l’EARL Bordemonvert aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 17 janvier 2024, M. [Z] et l’EARL Bordemonvert ont formé appel de la décision.
Lors de l’audience devant la cour d’appel:
M. [Z] et l’EARL Bordemonvert ont poursuivi oralement par l’intermédiaire de leur conseil leurs demandes contenues dans leurs écritures du 10 avril 2024, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
‘ infirmer le jugement du 19 décembre 2023 du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu’il a :
– déclaré que la convention de mise à disposition de la parcelle cadastrée ZB [Cadastre 3] située lieudit « [Localité 8] » à [Localité 5] par M. [Z] au profit de l’EARL Bordemonvert ne relève pas du statut du fermage,
– jugé que l’EARL Bordemonvert ne bénéficie en conséquence d’aucun droit de
préemption sur la parcelle cadastrée ZB [Cadastre 3] située lieudit «[Localité 8]» à [Localité 5] ,
– annulé l’acte de substitution formalisé le 11 juillet 2023 par l’EARL Bordemonvert à l’adjudication du 22 juin 2023 au profit de M. [I] [K] au prix de 35 100 € ,
-condamné l’EARL Bordemonvert à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées 1000 € pour procédure abusive et 1000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,
– condamné l’EARL Bordemonvert à payer à M. [I] [K] 1000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC et aux dépens de l’instance ,
Statuant de nouveau :
‘ dire que l’EARL Bordemonvert bénéficie d’un fermage sur la parcelle ZB24 ,
‘ dire que l’acte de substitution formalisé par l’EARL Bordemonvert sur l’adjudication du 22 juin 2023 est régulier ,
‘ condamner la Caisse départ une de Midi-Pyrénées et M. [K] chacun à 2 500 € d’article 700 du CPC et aux dépens.
La SA Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées a poursuivi oralement par l’intermédiaire de son conseil ses demandes contenues dans ses écritures du 12 juin 2024, aux termes desquelles il demande à la cour de :
‘ statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel,
Au fond le dire mal fondé,
‘ débouter M. [Z] et l’EARL Bordemonvert de l’ensemble de leurs contestations; ‘ confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux le 29 novembre 2023 ,
Y ajouter :
‘ condamner in solidum M. [Z] et l’EARL Bordemonvert à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner in solidum M. [Z] et l’EARL Bordemonvert aux entiers dépens d’appel,
‘ condamner l’EARL Bordemonvert à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner l’EARL Bordemonvert aux entiers dépens.
M. [K] n’a pas constitué avocat.
Sur les demandes principales :
Les appelants font valoir que :
‘ l’EARL Bordemonvert a été avant l’adjudication, destinataire d’une lettre de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées l’informant de ce qu’elle avait la possibilité d’exercer son droit de substitution,
‘ elle a payé des frais de procédure importants dans le cadre de l’adjudication,
‘ par avenant du 1er janvier 2018 il a été convenu que la parcelle litigieuse était soumise à bail commercial au profit de la SARL Herapost qui l’exploite en partie pour ses activités de recyclage de bois et que l’EARL Bordemonvert bénéficiera d’une mise à disposition à l’identique des conditions prévues à la convention de 2011 pour la partie qu’Herapost n’exploitera pas dans l’immédiat,
‘ un bail commercial notarié a été régularisé le 22 novembre 2019 entre M. [Z] et la SARL Herapost avec prise d’effet rétroactif au 1er juin 2017, cette société commerciale ayant été créée par lui pour une activité d’achat, vente, traitement, valorisation de sous-produits ou déchets industriels, agroalimentaires, organiques,
‘ la parcelle est exploitée par cette société commerciale pour une partie et pour l’autre partie est en jachère puisque l’EARL Bordemonvert n’y a pas d’activité agricole, M. [Z] ne participant donc à aucune activité de ce type,
‘ que seul un bail rural pouvait être conclu avec l’EARL Bordemonvert et qu’il convient de qualifier en ce sens la convention du 1er janvier 2018 qui accorde à l’EARL Bordemonvert un titre pour exploiter la partie de la parcelle qui ne serait pas exploitée par la SARL Herapost, pour des activités de recyclage de bois,
‘ l’EARL Bordemonvert n’a pas renoncé à exploiter la parcelle et donc à son droit de préemption.
La Caisse d’épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées oppose que :
‘ l’EARL Bordemonvert, dont le dirigeant et unique associé est M.[Z], est titulaire d’une convention de mise à disposition signée le 1er novembre 2011 en vertu de laquelle elle a procédé à la déclaration de substitution,
‘ le procès-verbal descriptif établi le 12 juillet 2022 mentionne que la parcelle est plantée partiellement en tournesols,
‘ lors de la procédure de saisie-immobilière elle ne disposait pas de la convention liant M. [Z] à l’EARL Bordemonvert mais seulement des déclarations de M. [Z] à l’huissier raison pour laquelle elle a informé l’EARL Bordemonvert de la procédure et évoqué son droit de préemption,
‘ M. [Z] n’a jamais déclaré l’existence du bail commercial dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière.
Sur ce :
L’article L 411-1 du code rural prévoit : «Toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L. 411-2. Cette disposition est d’ordre public.
Il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n’a pas été conclu en vue d’une utilisation continue ou répétée des biens et dans l’intention de faire obstacle à l’application du présent titre :
-de toute cession exclusive des fruits de l’exploitation lorsqu’il appartient à l’acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;
-des contrats conclus en vue de la prise en pension d’animaux par le propriétaire d’un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.
La preuve de l’existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens..».
L’article suivant précise que ces dispositions ne sont pas applicables aux biens mis à la disposition d’une société par une personne qui participe effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci.
L’article L 412-5 du même code réserves le bénéfice du droit de préemption au preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente.
Par courrier du 4 mai 2023, le conseil de la Caisse d’épargne a informé l’EARL Bordemonvert de sa possibilité d’exercer le droit de préemption prévue à l’article L 412-1 du code rural.
Cependant, la Caisse d’épargne fait valoir qu’à cette date elle ne disposait que des déclarations faites par M. [Z] à l’huissier chargé d’établir le procès-verbal descriptif du bien saisi et ne disposait pas de la convention liant ce dernier à l’EARL Bordemonvert.
Les appelants ne démontrent pas que le 4 mai 2023, l’intimée était informée des droits liant M. [Z] à l’EARL Bordemonvert et de la situation exacte d’exploitation de la parcelle.
La renonciation à un droit ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté d’y renoncer et doit donc résulter de la parfaite connaissance qu’en a le renonçant.
Or, en l’espèce, l’information faite à l’EARL Bordemonvert de sa possibilité d’exercer son droit de préemption résultait d’informations partielles ne pouvant valoir renonciation à ses droits par la Caisse d’épargne.
Ce moyen ne sera pas retenu.
Par ailleurs, les appelants indiquent que la parcelle est exploitée par la SARL Herapost dans le cadre d’une activité commerciale et se trouve pour partie en jachère, précisant que la SARL Herapost n’exploite pas dans l’immédiat, ils concluent« il n’y a donc pas d’intervention agricole et de participation personnelle de la part de M. [Z], qui l’exploitant de l’EARL Bordemonvert, sur la parcelle ZB [Cadastre 3] ».Ils ajoutent que les conditions d’exploitation personnelle requises de M. [Z] pour pouvoir convenir d’une convention de mise à disposition de terres au profit de l’EARL Bordemonvert ne sont manifestement pas respectées et que seul un bail rural pouvait être conclu à son profit, quand bien même la parcelle sera pour partie exploitée par la SARL Herapost, que la convention du 1er janvier 2018 doit être requalifié en bail rural.
Il résulte de cet argumentaire que deux hypothèse se présentent :
‘ il y a exploitation agricole de la parcelle :
À ce titre, il résulte du procès-verbal descriptif établi par Maître [X] le 12 juillet 2022, soit trois ans après la signature de ce bail commercial, que la parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 3] était plantée en tournesols, une partie étant à usage de stockage de déchets verts. Par ailleurs, M. [Z], présent sur les lieux a déclaré à l’huissier que le terrain était mis à la disposition de l’EARL Bordemonvert, sans faire une quelconque référence à la SARL Herapost.
M. [Y] [Z], propriétaire de la parcelle objet du litige, est le gérant de l’EARL Bordemonvert à associé unique et participe à son exploitation.
Dès lors, l’EARL Bordemonvert ne peut disposer du statut du fermage en application de l’exclusion prévue à l’article L 412-2 du code rural et en conséquence ne peut être bénéficiaire du droit de préemption prévu par les dispositions de l’article L 412-1 du code rural et réservé aux fermiers ou métayers.
‘ en l’absence d’exploitation agricole de la parcelle :
Quand bien même la parcelle n’était pas exploitée par l’EARL Bordemonvert, ce qui est contraire aux constatations du procès-verbal de constatation, l’exercice du droit de préemption exige une exploitation effective des terres depuis au moins trois ans. Dès lors, cette absence d’exploitation exclut l’exercice de ce droit.
Enfin, aucune division de la parcelle n’a été faite entre les « preneurs », l’EARL Bordemonvert pour une exploitation agricole et la SARL Herapost pour une exploitation commerciale, ce qui fait obstacle à l’exercice du droit de préemption, conformément à l’article L 412-6 du code rural, invoqué par les appelants, qui exige une vente séparée pour chaque exploitation, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a considéré que la convention de mise à disposition de la parcelle signée entre M. [Z] et l’EARL Bordemonvert ne relève pas du statut du fermage et que l’EARL Bordemonvert ne bénéficie d’aucun droit de préemption ni de substitution sur la parcelle section ZB n°[Cadastre 3] à [Localité 8].
Dès lors, cette décision sera aussi confirmée en ce qu’elle a annulé l’acte de substitution formalisée le 11 juillet 2023 par l’EARL Bordemonvert à l’adjudication du 22 juin 2023 effectué au profit de M. [K] .
Sur la demande de dommages-intérêts pour exercice abusif du prétendu droit de préemption et les demandes annexes:
L’intimée faire valoir que l’EARL Bordemonvert a exercé son droit de préemption tout en sachant qu’elle ne pourrait régler le prix de l’adjudication :
‘ l’EARL Bordemonvert était parfaitement informée qu’elle ne bénéficiait d’aucun droit de préemption puisque M. [Z] a été poursuivi dans le cadre d’une saisie immobilière précédente diligentée par le crédit agricole, sur des terres qui avaient été mises à la disposition de l’EARL dans les mêmes conditions que pour le présent litige, qu’elle s’était substituée à l’adjudicataireet que cette substitution ayant été contesté, le tribunal paritaire des baux ruraux, confirmé par la cour d’appel de Toulouse le 10 janvier 2023 avait annulé cette substitution,
‘ malgré cette substitution, l’EARL Bordemonvert n’a procédé à aucun paiement en violation de ses obligations en ce qu’elle n’a pas réglé les frais de poursuite et le prix de vente dans le délai de deux mois de la vente définitive,que le tribunal judiciaire de Toulouse saisi aux fins de paiement a condamné l’EARL Bordemonvert à lui verser la somme de 35’235,60 € outre intérêts et l’a déboutée de sa demande de délai de paiement, que cette décision n’est toujours pas exécutée,
‘ cet abus de droit est générateur d’un préjudice puisque ces diligences pour recouvrir sa créance sont entravées.
Il résulte des pièces versées et notamment de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 10 janvier 2023, que l’EARL Bordemonvert, qui a exercé, sur d’autres parcelles, un droit de préemption dans le cadre d’une précédente adjudication et que cette adjudication ayant été annulée pour les motifs identiques à ceux retenus dans le cadre de la présente instance. Pourtant, et alors qu’elle ne s’est pas pourvue en cassation contre cet arrêt, l’EARL Bordemonvert a déclaré exercer son droit de préemption le 11 juillet 2023.
Cet exercice doit être qualifié d’abusif.
Le préjudice subi par la Caisse d’épargne résulte du comportement de l’EARL Bordemonvert qui a entravé la récupération de sa créance à l’égard de son débiteur initial a été justement évalué par le premier juge à la somme de 1000 € et la décision déférée sera confirmée de ce chef.
La décision déférée doit être confirmée sur les dépens et les appelants qui succombent garderont la charge des dépens d’appel. La décision déférée doit être confirmée sur l’article 700 code de procédure civile et les appelants sont condamnés à verser à la Caisse d’épargne la somme de 2000 € sur ce fondement.
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme la décision déférée,
condamne M. [Y] [Z] et l’EARL Bordemonvert aux dépens d’appel,
condamne in solidum M. [Y] [Z] et l’EARL Bordemonvert à verser à la Caisse d’épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER E.VET
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