Validité du bail rural et préemption : enjeux de l’autorisation d’exploiter et de la mise en cause des parties.

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Validité du bail rural et préemption : enjeux de l’autorisation d’exploiter et de la mise en cause des parties.

L’Essentiel : Le 9 octobre 1999, M. [V] a donné à bail à ferme diverses parcelles à M. et Mme [S] pour une durée de neuf ans. Le 21 juillet 2016, un compromis de vente a été signé entre M. [V] et les époux [S] pour six parcelles. Cependant, la Safer a exercé son droit de préemption, entraînant une série de procédures judiciaires. Le tribunal a confirmé la régularité de la préemption, mais les époux [S] ont fait appel. En janvier 2022, la cour d’appel a annulé le bail rural, mais la Cour de cassation a cassé cette décision, entraînant une nouvelle procédure.

Constitution du bail à ferme

Par acte du 9 octobre 1999, M. [X] [V] a donné à bail à ferme pour neuf ans à M. [M] [S] et Mme [H] [K] épouse [S] diverses parcelles situées sur les communes de [Localité 11] et [Localité 12].

Compromis de vente

Le 21 juillet 2016, M. [V] a signé avec les époux [S] un compromis de vente portant sur six parcelles pour une contenance totale de 14 hectares 53 ares 97 centiares et un prix de 102 000 €.

Notification de la vente

Le 2 août 2016, maître [E], notaire, a notifié la vente à la Safalt, précisant qu’elle était exemptée du droit de préemption, les requérants étant preneurs en place depuis plus de trois ans. Cependant, le 6 septembre 2016, une nouvelle notification a été faite, annulant la précédente.

Demande de confirmation par la Safer

Le 15 septembre 2016, la Safer a demandé confirmation écrite que les époux [S] s’engageaient à exploiter le bien pendant neuf ans, ce que le notaire a confirmé le 27 septembre 2016, en précisant que les terres seraient louées à M. [U] [C].

Exercice du droit de préemption

Le 4 novembre 2016, la Safer a signifié au notaire l’exercice de son droit de préemption, et les avis de préemption ont été publiés dans les mairies concernées le 14 novembre 2016.

Assignation en justice

Les 27 et 28 avril 2018, les époux [S] ont assigné la Safer Occitanie et M. [V] devant le tribunal de grande instance de Rodez pour annuler les actes de préemption et déclarer parfaite la vente passée avec M. [V].

Jugement du tribunal de grande instance

Par jugement du 12 juillet 2019, le tribunal a déclaré irrecevable l’exception en nullité du bail à ferme, a jugé le droit de préemption exercé par la Safer régulier, et a ordonné la réitération en la forme authentique du compromis de vente.

Appel des époux [S]

Les époux [S] ont formé appel devant la cour d’appel de Montpellier. Par déclaration au greffe le 24 décembre 2019, la Safer a engagé une procédure en nullité du bail à ferme consenti le 9 octobre 1999.

Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux

Le 18 janvier 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux a rejeté la demande de sursis à statuer, déclaré irrecevables les demandes de nullité du bail, et condamné la Safer à payer aux époux [S] une somme de 1 500 €.

Appel de la Safer Occitanie

La Safer Occitanie a relevé appel du jugement le 10 février 2021. Par arrêt du 18 janvier 2022, la cour d’appel de Montpellier a infirmé le jugement et prononcé la nullité du bail rural du 9 octobre 1999.

Pourvoi des époux [S]

Les époux [S] ont formé pourvoi contre cet arrêt le 18 mars 2022. Par arrêt du 16 novembre 2023, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de sursis à statuer.

Nouvelle procédure devant la cour d’appel de Toulouse

La Safer Occitanie a saisi la cour d’appel de Toulouse le 10 janvier 2024. Lors de l’audience, la Safer a demandé la jonction de l’appel en cause de M. [V] et l’infirmation du jugement du 18 janvier 2021.

Arguments des époux [S]

Les époux [S] ont soutenu l’irrecevabilité de l’appel en cause du bailleur et ont demandé la confirmation du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel en cause de M. [V], a confirmé la décision du tribunal paritaire des baux ruraux, et a condamné la Safer Occitanie à verser 3 000 € aux époux [S].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité du bail à ferme signé le 9 octobre 1999 ?

Le bail à ferme signé le 9 octobre 1999 entre M. [V] et les époux [S] a été contesté par la Safer Occitanie sur la base de l’absence d’autorisation d’exploiter, conformément aux articles L 331-2 et L 331-6 du code rural et de la pêche.

L’article L 331-2 stipule que :

« Tout preneur doit obtenir une autorisation d’exploiter pour les biens agricoles. La validité du bail est subordonnée à l’octroi de cette autorisation. »

En l’absence de cette autorisation, le bail peut être déclaré nul.

Cependant, le tribunal paritaire des baux ruraux a jugé que la demande de nullité était irrecevable, car le bail avait été exécuté pendant plusieurs années sans contestation préalable.

De plus, la Safer a reconnu la validité du bail par un courrier daté du 15 septembre 2016, ce qui constitue un aveu extrajudiciaire de sa part.

Quelles sont les conséquences de la préemption exercée par la Safer ?

La préemption exercée par la Safer a des conséquences juridiques importantes sur la vente des parcelles concernées. Selon l’article L 143-1 du code rural, la Safer a le droit de préempter les biens agricoles pour garantir leur exploitation.

L’article L 143-1 précise que :

« La société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut exercer un droit de préemption sur les biens agricoles pour assurer leur exploitation. »

Dans cette affaire, la Safer a exercé son droit de préemption le 4 novembre 2016, ce qui a été jugé régulier par le tribunal de grande instance de Rodez.

Cependant, la question de la validité du bail à ferme a été soulevée, car la Safer a soutenu qu’elle était devenue bailleresse à la place de M. [V] après l’exercice de son droit de préemption.

La Safer peut-elle demander la nullité du bail en l’absence de M. [V] ?

La Safer a tenté de demander la nullité du bail à ferme sans avoir appelé M. [V] à l’instance, ce qui a été jugé comme une violation de l’article 14 du code de procédure civile.

Cet article stipule que :

« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. »

La cour d’appel a donc annulé l’arrêt précédent qui avait prononcé la nullité du bail, car M. [V] n’avait pas été entendu.

La Safer ne pouvait pas agir en lieu et place de M. [V] sans son consentement, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de sa demande de nullité.

Quelles sont les implications de l’arrêt de la Cour de cassation ?

L’arrêt de la Cour de cassation a eu pour effet de casser l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, qui avait prononcé la nullité du bail à ferme.

La Cour a rappelé que :

« La nullité d’un acte a un effet rétroactif, remettant les parties dans leur situation initiale. »

Cela signifie que, tant que M. [V] n’est pas appelé à l’instance, la demande de nullité ne peut pas être validée.

La Cour a également condamné la Safer à verser des dépens et a rejeté sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui souligne l’importance de respecter les droits des parties dans une procédure judiciaire.

26/11/2024

ARRÊT N°492/2024

N° RG 24/00133 – N° Portalis DBVI-V-B7I-P54W

EV/IA

Décision déférée du 18 Janvier 2021 – Tribunal paritaire des baux ruraux de RODEZ (20/1488)

J-M.ANSELMI

S.A. SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT R URAL OCCITANIE

C/

[H], [F], [A] [K] épouse [S]

[M], [W], [B] [S]

[X] [V]

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

SUR RENVOI APRES CASSATION

APPELANTE

S.A. SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL OCCITANIE Venant aux droits de la SAFALT, société d’aménagement foncier et d’établissement rural AVEYRON LOT TARN, par fusion/absorption en date du 20 juillet 2017, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Odile LACAMP de la SCP LERIDON LACAMP, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Madame [H], [F], [A] [K] épouse [S]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Frederic HERMET, avocat plaidant au barreau de CASTRES

Monsieur [M], [W], [B] [S]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Frederic HERMET, avocat plaidant au barreau de CASTRES

INTERVENANT FORCÉ

Monsieur [X] [V]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Assigné à étude le 4.3.2024, non comparant

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 07 Octobre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

E. VET, président, conseiller faisant fonction de président de chambre

P. BALISTA, conseiller

S. GAUMET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– PAR DEFAUT

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par E. VET, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.

Par acte du 9 octobre 1999, M. [X] [V] a donné à bail à ferme pour neuf ans à M. [M] [S] et Mme [H] [K] épouse [S] diverses parcelles situées sur les communes de [Localité 11] et [Localité 12] (12).

Le 21 juillet 2016, M. [V] a signé avec les époux [S] un compromis de vente portant sur six parcelles (section AL [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] à [Localité 12] et AE [Cadastre 8] à [Localité 11]) pour une contenance totale de 14 hectares 53 ares 97 centiares et un prix de 102 000 €.

Le 2 août 2016, maître [E], notaire, a notifié la vente à la Safalt en précisant qu’elle était exemptée du droit de préemption dans la mesure où les requérants étaient preneurs en place depuis plus de trois ans.

Le 6 septembre 2016, maître [E] a procédé à une nouvelle notification, annulant et remplaçant celle du 2 août.

Le 15 septembre 2016, la Safer, nouvelle dénomination de la Safalt a demandé la confirmation écrite de ce que les requérants s’engageaient à exploiter le bien pendant neuf ans, ce que le notaire a confirmé le 27 septembre 2016, en précisant que les terres seraient louées à M. [U] [C].

Par courrier du 28 septembre 2016, la Safer a rappelé qu’en application de l’article L 412-12 du code rural et de la pêche maritime, seule l’exploitation personnelle du bien préempté pendant au moins neuf ans, pouvait faire obstacle à la préemption, cette exigence excluant toute location, ce à quoi le notaire opposait par courrier du 18 octobre 2016 que la condition d’exploitation personnelle pendant neuf ans ne s’appliquait pas les preneurs, en place depuis plus de trois ans, bénéficiant d’un droit de priorité.

Le 4 novembre 2016, la Safer a fait signifier au notaire l’exercice de son droit de préemption en application des articles L 143-1 et suivants du code rural, les avis de préemption ont été publiés dans les mairies concernées le 14 novembre 2016.

Le 23 janvier 2017, la Safer a procédé à un appel à candidature.

Les 27 et 28 avril 2018, les époux [S] ont fait assigner la Safer Occitanie et M. [V] devant le tribunal de grande instance de Rodez pour voir annuler les actes de préemption et voir déclarer parfaite la vente passée avec M. [V].

Par jugement du 12 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Rodez a déclaré irrecevable l’exception en nullité du bail à ferme, dit que le droit de préemption exercé le 4 novembre 2016 par la Safalt, devenue la Safer Occitanie était régulier, a débouté les époux [S] de leur demande en annulation de l’acte de préemption, dit que M. [V] vendeur et la Safer Occitanie, acquéreur, pourront procéder à la réitération en la forme authentique du compromis de vente du 21 juillet 2016, a ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière et condamné les époux [S] aux dépens.

Les époux [S] ont formé appel devant la cour d’appel de Montpellier.

Par déclaration au greffe réceptionnée le 24 décembre 2019, la Safer, venant aux droits de la Safalt, a engagé une procédure en nullité du bail à ferme consenti le 9 octobre 1999 aux époux [S] et afin d’obtenir un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, saisie sur appel des époux [S] contre le jugement du tribunal de grande instance de Rodez du 12 juillet 2019.

À l’audience du 17 septembre 2020, aucune conciliation n’est intervenue entre les parties et l’affaire a été renvoyée à l’audience de jugement.

Par jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez a :

‘ rejeté la demande de sursis à statuer formée par la Safer Occitanie,

‘ dit et jugé irrecevables les demandes de nullité de la validité du bail rural du 9 octobre 1999,

‘ condamné la Safer Occitanie à payer aux époux [S] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ rejeté les autres demandes des parties ;

‘ rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

‘ condamné la Safer aux dépens.

Par déclaration au greffe du 10 février 2021, la Safer Occitanie a relevé appel du jugement .

Par arrêt du 18 janvier 2022, la cour d’appel de Montpellier a :

‘ infirmé le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez, en ce qu’il a dit et jugé irrecevables les demandes de nullité de la validité du bail rural du 9 octobre 1999,

Statuant à nouveau et y ajoutant a:

‘ reçu l’action de la Safer Occitanie visant à voir prononcer la nullité du bail du 9 octobre 1999 ,

‘ prononcé la nullité du bail rural du 9 octobre 1999, signé entre M. [X] [V] avec M. [M] [S] et Mme [H] [S],

‘ dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel,

‘ condamné M. [M] [S] et Mme [H] [S] aux dépens de l’appel.

Par déclaration du 18 mars 2022, les époux [S] ont formé pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 16 novembre 2023, la Cour de cassation a :

– cassé et annulé sauf en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer, l’arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier,

– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Toulouse,

– condamné la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Occitanie aux dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Occitanie et l’a condamnée à payer à M. et Mme [S] la somme de 3000 €,

– dit que sur les diligences du procureur général prés la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé.

Pour se déterminer ainsi la Cour a jugé sur le fondement de l’article 14 du code de procédure civile :

– qu’aux termes de ce texte, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée,

– que l’arrêt a prononcé la nullité du bail rural consenti par M. [V] aux preneurs, qu’en statuant ainsi sans avoir appelé à l’instance M. [V], la cour d’appel a violé le texte visé.

Par déclaration du 10 janvier 2024, la SA Safer Occitanie a saisi la cour d’appel de Toulouse.

Lors de l’audience devant la cour d’appel:

La SA Safer Occitanie a poursuivi oralement par l’intermédiaire de son conseil ses demandes contenues dans ses écritures du 17 septembre 2024, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

‘ prononcer la jonction de l’appel en cause de M. [X] [V] avec la présente procédure,

‘ infirmer le jugement rendu le 18 janvier 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

‘ prononcer la nullité du bail rural du 9 octobre 1999 signé entre M. [X] [V] et les époux [S],

‘ condamner les époux [S] au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les époux [S] ont poursuivi oralement par l’intermédiaire de leur conseil leurs demandes contenues dans leurs écritures du 26 septembre 2024, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Confirmant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez en

toutes ses dispositions,

A titre principal,

Vu l’article 555 du Code de procédure civile,

‘ déclarer irrecevable l’appel en cause du bailleur au stade de l’appel en l’absence d’évolution du litige,

En conséquence de quoi,

‘ déclarer irrecevable l’action en nullité du bail en l’absence du bailleur,

A titre subsidiaire,

Vu l’article 1354 ancien du Code civil,

Vu l’aveu extra judiciaire de la requérante en date du 15 septembre 2016,

Vu l’article 31 du Code de procédure civile

‘ constater que la Safer Occitanie a reconnu par aveu extra-judiciaire la validité du bail à ferme des concluants,

En conséquence de quoi,

‘ déclarer irrecevables les demandes en nullité du bail formées par la Safer Occitanie,

A titre très subsidiaire,

Vu l’article 31 du Code de procédure civile,

Vu le bail à ferme passé entre les époux [S] et M. [V] s’exécutant depuis 1999,

‘ déclarer irrecevable l’action en nullité du bail intentée par la Safer Occitanie,

En conséquence de quoi,

‘ déclarer irrecevable la demande en nullité du bail développée par la Safer Occitanie,

A titre très subsidiaire,

Vu l’article L331-6 du Code rural,

Vu l’article 9 du Code de procédure civile,

‘ constater que la Safer Occitanie ne démontre pas l’existence d’un refus d’autorisation d’exploiter après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d’autorisation,

En conséquence de quoi,

‘ débouter la Safer Occitanie de sa demande de nullité du bail rural du 9 octobre

1999 signé entre M. [X] [V] et les époux [S],

A titre infiniment subsidiaire,

Vu l’article L411-1 du Code rural,

‘ débouter la Safer Occitanie de sa demande de nullité du bail rural du 9 octobre

1999 signé entre M. [X] [V] et les époux [S],

‘ condamner la Safer Occitanie à payer aux concluants la somme de 3 000 € en

application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la Safer Occitanie aux entiers dépens de l’instance.

Assigné en intervention forcée par la SA Safer Occitanie le 4 mars 2024, M. [X] [V] n’a pas constitué avocat.

MOTIFS

La Safer Occitanie fait valoir que :

‘ l’arrêt de la Cour de cassation constitue une circonstance de droit postérieure au jugement et modifiant les données juridiques du litige l’autorisant à appeler à la cause l’ancien bailleur à ce stade de la procédure,

‘ si l’appel en cause de l’ancien bailleur était déclaré irrecevable la cour ne pourrait que constater qu’elle a sollicité la nullité du bail après avoir exercé son droit de préemption et disposait donc de tous les droits et actions du vendeur, l’ancien bail n’étant plus partie au bail rural,

‘ le tribunal paritaire des baux ruraux a commis une erreur de droit en considérant que le courrier privé qu’elle a adressé le 15 septembre 2016 pouvait valoir aveu extrajudiciaire en ce qu’elle a seulement accusé réception de documents relatifs à la prétendue existence d’un bail et considéré qu’ils étaient insuffisants alors qu’en tout état de cause l’aveu extrajudiciaire ne peut porter que sur un fait et non sur droit,

‘ le bail était irrégulier en l’absence d’autorisation d’exploiter, moyen qu’elle considére être en droit de soulever ne pouvant le faire avant d’avoir exercé son droit de préemption.

Les époux [S] opposent :

‘ l’irrecevabilité de l’appel en cause du bailleur au stade de l’appel en absence d’évolution du litige, l’arrêt de la Cour de cassation n’ayant pas modifié les données juridiques du litige,

‘ que la Safer ne peut prétendre qu’elle serait devenue bailleresse à la place de M. [V] en application de l’article L 331-6 du code rural et de la pêche par l’effet de la préemption alors que la contestation judiciaire de cette préemption, toujours en cours, en suspend les effets,

‘ la Safalt aux droits de laquelle intervient la Safer Occitanie a reconnu la validité du bail contesté par courrier du 15 septembre 2016,

‘ l’irrecevabilité de l’action en nullité du bail à ferme pour défaut d’autorisation d’exploiter alors que celui-ci est exécuté depuis plusieurs années et qu’aucune mise en demeure de se soumettre à la procédure d’autorisation ne leur a été adressée.

SUR CE

La Safer Occitanie a initié le présent litige selon déclaration au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez en sollicitant le prononcé de la nullité du bail rural signé le 9 octobre 1999 entre M. [V] et les époux [S] sur le fondement des articles L 331-2 et L 331-6 du code rural, reprochant aux époux [S] de ne pas avoir obtenu l’autorisation préalable d’exploiter exigée par le premier de ces textes.

La Safer Occitanie faisait valoir que les époux [S] n’ayant pas obtenu l’autorisation d’exploiter visée par l’article L. 331-2, le contrat de bail devait être considéré comme nul.

En effet, l’article L 331-6 du code rural et de la pêche dispose : «Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d’effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu’il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d’obtenir une autorisation d’exploiter en application de l’article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l’octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l’autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d’autorisation exigée en application de l’article L. 331-2 dans le délai imparti par l’autorité administrative en application du premier alinéa de l’article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, lorsqu’elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.».

Par lettre recommandée réceptionnée le 7 septembre 2016, maître [E] avait adressé à la Safer Occitanie copie du bail liant les époux [S] à M. [V] dont elle a été informée des coordonnées à cette date.

L’article 331 du code de procédure civile prévoit que : « Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense ».

En application de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui ont figuré en une autre qualité.

Enfin, aux termes de l’article 555 du code précité, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique la mise en cause.

Au sens de ce texte, l’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel n’est caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.

En l’espèce, aucune nouvelle circonstance de fait n’est invoquée.

De plus, la décision de la Cour de cassation ne peut être analysée comme une modification de jurisprudence susceptible de caractériser une évolution du litige au sens de l’article 555 du code de procédure civile, de sorte que l’appel en cause de M. [V] ne résulte pas d’une circonstance de droit née postérieurement au jugement.

En conséquence, l’appel en cause de M. [V] doit être déclaré irrecevable comme tardif.

La Safer Occitanie soutient qu’elle serait devenue bailleresse à la place de M. [V] par l’effet de la préemption. Or, cette situation de droit n’était pas ignorée de la Cour de cassation qui n’a pas retenu les arguments de la Safer pour considérer qu’il était impossible de prononcer la nullité du bail rural consenti par M. [V] sans qu’il soit appelé à la cause, ce qui induit que contrairement à ce qu’elle prétend, la Safer Occitanie ne pouvait intervenir au lieu et place de M. [V].

Au surplus, il est constant que si la préemption est annulée par une juridiction, elle est réputée ne jamais avoir existé.

Or, en l’espèce, le 12 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Rodez a déclaré irrecevable l’exception en nullité du bail à ferme, dit que l’acte de préemption exercé était intervenu dans le délai des deux mois de la notification des conditions de la vente et qu’il était régulier, a débouté les époux [S] de leur demande en annulation de l’acte de préemption des parcelles objet du litige et rejeté la demande en prononcé de l’exécution provisoire. Les époux [S] ont formé appel devant la cour d’appel de Montpellier qui n’a pas encore statué.

En tout état de cause, la Safer sollicite la nullité du contrat de bail. Or, la nullité a un effet rétroactif sur le contrat et remet les parties dans leur situation initiale ce qui justifie la nécessaire mise en cause du bailleur initial, malgré l’exercice de son droit de préemption par la Safer. À défaut, cette demande doit être déclarée irrecevable.

En conséquence, et par substitution de motifs, la décision déférée doit être confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande en nullité du bail rural signé le 9 octobre 1999.

La Safer Occitanie sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond conformément aux dispositions de l’article 639 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Déclare irrecevable l’appel en cause de M. [X] [V] au stade de l’appel,

Confirme la décision rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez le 18 janvier 2021,

Condamne la SA Safer Occitanie à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond comprenant ceux de la décision cassée,

Condamne la SA Safer Occitanie à verser à M. [M] [S] et Mme [H] [K] épouse [S] 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I. ANGER E.VET


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