Cour d’appel de Versailles, 27 novembre 2024, RG n° 22/00904
Cour d’appel de Versailles, 27 novembre 2024, RG n° 22/00904

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Conséquences d’une procédure prolongée : péremption et abus de droit dans le cadre d’un litige salarial

Résumé

La société Vélo 2000, dirigée par M. [Y] [U] [J], est au cœur d’une affaire judiciaire impliquant M. [B] [J], son fils, qui conteste son licenciement. Après plusieurs procédures prud’homales, l’affaire a été radiée en 2014, puis rétablie en 2016. En 2022, le conseil de prud’hommes a constaté l’extinction de l’instance pour péremption, condamnant M. [B] [J] pour procédure abusive. Malgré un appel, la cour a confirmé cette décision en 2024, imposant des amendes à M. [B] [J] et déboutant ses demandes de réintégration et d’infirmation du jugement.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80M

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/00904

N° Portalis DBV3-V-B7G-VCPJ

AFFAIRE :

[B] [J]

C/

[Y] [U] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : C

N° RG : F20/01634

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Samia KASMI

Me François BUTHIAU

Me Pacome [W]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [B] [J]

né le 20 juin 1968 à [Localité 8] (Iran)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Samia KASMI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 498 substitué à l’audience par Me MIMOUN

APPELANT

****************

Monsieur [Y] [U] [J]

né le 19 janvier 1945 à [Localité 8] (Iran)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1048 substitué à l’audience par Me Laetitia YADEL, avocat au barreau de Paris

Monsieur [R] [S]

né le 20 septembre 1982 à [Localité 8] (Iran)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1048 substitué à l’audience par Me YADEL, avocat au barreau de Paris

SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS VELO 2000

N° SIRET : 337 555 916

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Pacome BAGUET de la SELEURL BTD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1943 substitué à l’audience par Me TULOUP, avocat au barreau de Paris

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 4 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société d’exploitation des établissements Vélo 2000 (ci-après See Vélo 2000) est spécialisée dans l’import-export et la réparation de cycles motos.

Le gérant de la société est M. [Y] [U] [J], père de M. [B] [J], lequel se dit salarié de la société.

Sur la procédure prud’homale

Par requête du 29 décembre 2011, M. [B] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par acte d’huissier du 23 mars 2012, M. [S], conjoint de Mme [J], la s’ur de l’appelant, a été assigné en intervention forcée à l’instance par M. [B] [J].

Par jugement du 24 juillet 2013, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes a :

. déclaré mal fondée la demande de question prioritaire de constitutionnalité de M. [B] [J] ;

. dit n’y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité ;

. débouté la Société d’exploitation des établissements vélo 2000, M. [Y] [U] [J] et M. [R] [S] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ;

. condamné M. [B] [J] à verser à la Société d’exploitation des établissements vélo 2000 et M. [R] [S] la somme de 450 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. condamné M. [B] [J] aux dépens.

Par jugement du 5 mars 2014, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes a ordonné la radiation de l’affaire, et dit qu’elle pourrait être rétablie au rôle sur la justification des diligences suivantes qui devront être accomplies : transmission du bordereau de communication de pièces et de l’argumentaire ou des conclusions.

Par lettre du 2 mars 2016, M. [J] a sollicité le rétablissement au rôle de l’affaire, déclarant avoir adressé par lettres recommandées avec accusé de réception ses conclusions, bordereau et pièces aux trois défendeurs.

Par conclusions reçues au greffe du conseil de prud’hommes le 23 juin 2017, M. [J] a sollicité à titre principal le sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive de la juridiction pénale et le retrait du rôle et, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure.

Par jugement du 11 avril 2018, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes a déclaré la citation caduque d’office, le demandeur étant non comparant.

Par courrier reçu au greffe le 25 avril 2018, M. [B] [J] a sollicité un relevé de caducité et la réinscription de l’affaire au rôle, déclarant ne pas avoir pu se présenter à l’audience précédente en raison de la dégradation de son état de santé.

Par jugement du 19 décembre 2018, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, après avoir constaté que M. [B] [J] ne justifiait pas avoir accompli les diligences mises à sa charge, a ordonné la radiation de l’affaire, dit qu’elle ne pourra pas être rétablie au rôle avant un délai de 6 mois et sur la justification des diligences suivantes qui devront être accomplies :

– transmission du bordereau de communication de pièces ;

– justification de la transmission aux parties adverses des conclusions et pièces ;

et ce, sous peine d’amende civile de 3 000 euros.

Par lettre du 17 décembre 2020, M. [B] [J] a sollicité le rétablissement au rôle de l’affaire.

Par jugement du 18 février 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section commerce), en sa formation de départage, a :

. constaté l’extinction de l’instance du fait de la péremption, en l’absence d’accomplissement par M. [J] des diligences mises à sa charge par le jugement du 19 décembre 2018 dans un délai de deux ans,

. condamné M. [J] à verser à la société d’exploitation des établissements vélo 2000 la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

. condamné M. [J] à payer une amende civile de 3 000 euros,

. dit que la présente décision sera adressée au Trésor Public des Hauts de Seine par les soins du greffe,

. condamné M. [J] à verser à la société d’exploitation des établissements vélo 2000 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. ordonné l’exécution provisoire,

. débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

. condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 17 mars 2022, M. [B] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance d’incident du 12 juillet 2024, le conseiller de la mise en état de la chambre sociale 4-4 de la cour d’appel de Versailles a :

. déclaré irrecevables les demandes de sursis à statuer formées par M. [B] [J],

. rejeté la demande de M. [B] [J] tendant à « déprogrammer à cet effet le calendrier de la présente procédure ou à défaut ordonner un renvoi suffisamment lointain afin de permettre aux AGS d’être présentes, de pouvoir prendre des écritures et ensuite échanger contradictoirement dans la présente instance », sans préjudice de la possibilité pour le magistrat de la chambre en charge de la mise en état de modifier le calendrier procédural si la nécessité s’en fait sentir pour la suite de la procédure,

. rejeté la demande de M. [B] [J] tendant à « déclarer nulle la constitution de l’avocat de la société S.E.E. »,

. rejeté la demande de M. [B] [J] tendant à « déprogrammer à cet effet le calendrier de la présente procédure ou à défaut ordonner un renvoi suffisamment lointain afin de permettre aux AGS d’être présentes, de pouvoir prendre des écritures et ensuite échanger contradictoirement dans la présente instance. »,

. rejeté la demande de M. [B] [J] tendant à « déclarer nul ou irrecevable l’ensemble des écritures, demandes, fins, conclusions et pièces de la société SEE VELO 2000 déposées devant votre cour, sous la direction de M. [Y] [U] [J] qui ayant été révoqué en tant que gérant lors de l’assemblée du 12 mars 2010, ne pouvait légalement et légitimement représenter ladite société ni mandater sur le plan légal un quelconque avocat pour se constituer devant la Cour, et encore moins faire déposer des écritures d’intimée devant cette même cour »,

. rejeté la demande tendant à « écarter et déclarer irrecevables les conclusions des intimés M. [S] et M. [Y] [U] [J] signifiées le 29 juillet 2022, lesdites conclusions n’étant pas accompagnées d’une signification concomitante de Bordereau de Pièces ni même desdites pièces en question,» et la demande tendant à « rejeter et déclarer irrecevable l’ensemble des demandes, fins, pièces et écritures de M. [R] [S] et M. [Y] [U] [J] »

. débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

. condamné M. [B] [J] à payer à M. [Y] [U] [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. [B] [J] à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

. condamné M. [B] [J] aux dépens du présent incident.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2024.

Sur les procédures pénales

Le 21 novembre 2014, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Versailles a rendu une ordonnance de non-lieu concernant des faits dénoncés par M. [B] [J] (séquestration, torture ou acte de barbarie sur une personne vulnérable, extorsion par violence, abus de faiblesse, abus des biens du débiteur par un participant à la sauvegarde, au redressement ou à la liquidation judiciaire, escroquerie, abus de confiance, menace ou acte d’intimidation, violence en réunion) et mettant en cause notamment son père M. [Y] [U] [J] et M. [R] [S].

Par un arrêt du 21 mai 2015, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a confirmé l’ordonnance de non-lieu des chefs de tentative de meurtre, séquestration avec actes de torture ou de barbarie sur personne vulnérable, extorsion de signature, abus de faiblesse et violences volontaires, mais l’a infirmée et ordonné la poursuite de l’information pour le surplus, soit le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement, visé à l’article L. 241-3 du code de commerce.

Par un arrêt du 11 janvier 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [B] [J] à l’encontre de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

Par jugement du 21 janvier 2019, le tribunal correctionnel de Versailles a déclaré M. [B] [J] coupable des faits de dénonciation calomnieuse et d’atteinte à l’intimité de la vie privée commis au préjudice de M. [Y] [U] [J] et Mme [O] [J], la s’ur de M. [B] [J].

Par un arrêt contradictoire du 18 novembre 2020, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement quant au chef de dénonciation calomnieuse mais a renvoyé M. [B] [J] des fins de la poursuite du chef d’atteinte d’intimité à la vie privée, le condamnant en répression à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende de 3 000 euros, ainsi que de verser à chacune des parties civiles la somme de 30 000 euros a titre de dommages et intérêts.

Le 15 avril 2021, le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Versailles a rendu une ordonnance de

non-lieu a l’encontre de Mme [O] [J] des chefs d’escroquerie, d’abus de confiance et d’abus de bien ou de crédit d’une SARL par un gérant à des fins personnelles courant janvier 2007 et jusqu’au 31 décembre 2007.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [J] [B] demande à la cour de :

. Déclarer recevable et bien-fondé M. [B] [J] en son appel et en ses demandes et écritures,

In limine litis

. Écarter et déclarer irrecevables les conclusions des intimés M. [S] et M. [Y] [U] [J] signifiées le 29 juillet 2022, lesdites conclusions n’étant pas accompagnées d’une signification concomitante de bordereau de pièces ni même desdites pièces en question,

. Rejeter et déclarer irrecevable l’ensemble des demandes, fins et écritures de M. [S] et M. [Y] [U] [J],

. Rejeter et déclarer irrecevable l’ensemble des demandes reconventionnelles et d’appel incident de la société SEE Vélo 2000, qui dans le dispositif de ses conclusions signifiées le 25 août 2022 ne reprend nullement les demandes et sommes développées dans le corps de ses écritures à la page 14,

A titre principal

. Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (RG F 20/01634), notamment en ce qu’il a dit :

« . constate l’extinction de l’instance du fait de la péremption

. condamne M. [B] [J] à la somme de 1 000 euros à titre de dommage et intérêt pour procédure abusive, à 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens, ainsi qu’à payer une amende civile de 3 000 euros. »

Et statuant à nouveau

. Constater que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt se devait d’écarter des débats l’ensemble des demandes, écritures, BCP et pièces produites par les défendeurs en mai 2021 pour non-respect du principe du contradictoire,

. Constater que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt se devait d’écarter des débats les demandes et les écrits du 20 mai 2021 de Me Florian Simoneau avocat de M. [Y] [U] [J] pour violation du principe du contradictoire et pour non-respect de la forme de ses écrits (simple courriel en lieu et place de conclusions),

. Constater que lesdites demandes de péremption et de caducité ont été formulées trop tardivement et surtout après avoir pris des conclusions au fond pour le compte des défendeurs, et donc rejeter à ce titre toute demande de péremption et de caducité.

. Constater que les pièces 1 à 79 ont bien été produites et réceptionnées par l’avocat des défendeurs le 27 juin 2012.

. Constater que la caducité du 11 avril 2018 avait bien été relevée en son temps et les parties convoquées par la suite à une nouvelle audience de plaidoirie sur le fond, à défaut l’ordonner.

. Constater qu’il ne peut y avoir extinction de l’instance du fait de la péremption d’instance, puisque M. [B] [J] a bien effectué les diligences mises à sa charge par le jugement du 19/12/2018 avant l’expiration du délai de 2 ans,

. Constater que la non production « à nouveau des pièces 1 à 79 » ne pouvait avoir pour conséquence l’extinction de l’instance du fait d’une prétendue péremption d’instance, car une telle sanction n’est prévue par aucun texte, de plus la non production d’une partie seulement des pièces (en l’occurrence les pièces Nr 1 à 79) pouvait seulement conduire à ce que ces seules pièces (Nr 1 à 79) soient écartées des débats et certainement pas à une péremption de l’ensemble de l’instance.

En conséquence,

. Dire et juger qu’aucune extinction ou péremption d’instance n’est encourue ni aucune caducité.

. Constater que cette affaire n’a jamais été débattue ni plaidée en première instance concernant le fond, de sorte que les parties ont été privées d’un premier degré de juridiction pourtant clairement prévu par le législateur.

En conséquence,

. Renvoyer la cause et les parties devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour qu’il soit statué sur le fond et afin que puisse être préservé le principe du double degré de juridiction.

A titre subsidiaire (si la Cour devait statuer sur le fond) :

. Ordonner le sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive de l’ensemble des plaintes pénales déposées par M. [B] [J] et de ses sociétés Vélo 2000 et Haro France à l’encontre des intimés et donc défendeurs à la présente instance.

. Ordonner le retrait de l’affaire du rôle des affaires en cours.

. Dire et juger que l’affaire sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente sur justification de la survenance de l’événement ayant motivé le sursis à statuer.

. Rejeter toutes autres demandes

A titre infiniment subsidiaire (toujours si la cour devait statuer sur le fond) :

. Constater la nullité du licenciement et ordonner la réintégration de M. [B] [J].

. Condamner M. [S] à restituer à la société d’Expl des Ets Vélo 2000 la somme de

20 000 euros en tant que salaires indûment perçus par ce dernier ainsi qu’à la somme de 50 000 euros envers ladite société pour les avantages en natures toujours indûment perçus par ce dernier.

. Condamner de façon solidaire la société d’Expl des Ets Vélo 2000, M. [Y] [U] [J] ainsi que M. [S] à verser à M. [B] [J] :

. la somme de 132 880 euros pour entrave, voie de fait et pour le préjudice moral subi

. la somme de 132 000 euros au titre des salaires non versés à la date de la saisine

. la somme de 528 000 euros au titre de rappel de salaires non versés à la date de la saisine

. la somme de 92 400 euros en tant que indemnité compensatrice de congés payés

. la somme de 264 000 euros au titre des heures supplémentaires non versées

. la somme de 1 256 000 euros pour entrave, voie de fait et pour le préjudice moral subi

. la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

. et à remettre au demandeur sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard et par document tous les bulletins de paye, certificats de travail, attestations employeurs, solde de tout compte et certificats pour la caisse de congés payés.

. Dire que toutes les condamnations seront avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt.

En tout état de cause :

. Constater que le fait d’exercer son droit à faire appel et donc de saisir la juridiction de second degré est un droit fondamental et ne peut en aucun cas être assimilé à un abus de droit de faire appel.

. Constater qu’aucun des propos contestés pas les intimés n’est ni diffamatoire ni injurieux car les nombreux éléments de preuves (attestations, enregistrements, transcriptions, témoignages’) démontrent la véracité desdits propos, ces mêmes intimés étant dans l’impossibilité de les contredire

ou d’en prouver la fausseté.

. Écarter et refuser toute demande de retrait desdits propos, et toute demande de condamnation au titre de l’article 32-1, 559 ou 700 du code de procédure civile, ou d’un prétendu abus d’appel ou en réparation d’un prétendu préjudice quelconque qu’auraient subi les intimés.

. Débouter les intimés et défendeurs à l’instance de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société d’exploitation des établissements vélo 2000 demande à la cour de :

A titre principal et in limine litis

. Déclarer l’instance périmée à défaut d’accomplissement de diligence de nature à faire progresser l’affaire pendant une période de plus de deux ans depuis l’introduction de l’instance ou à tout le moins depuis le 19 décembre 2018

. Constater que l’instance est définitivement éteinte et s’en déclarer dessaisie ;

A titre subsidiaire et in limine litis

. Rappeler que la citation est caduque depuis le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 11 avril 2018,

. Juger que, à défaut pour la déclaration de caducité d’avoir été rapportée, l’instance est définitivement éteinte ;

A titre très subsidiaire et in limine lits

. Déclarer le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre, en l’absence de tout contrat de travail entre M. [B] [J] et la société d’exploitation des établissements vélo 2000 ;

A titre infiniment subsidiaire

. Déclarer M. [B] [J] irrecevable en ses demandes de nullité d’un prétendu licenciement, de réintégration, de rappels de salaires et d’indemnisation, du fait de l’écoulement du délai de prescription;

. Débouter M. [B] [J] de ses demandes de nullité d’un prétendu licenciement et de réintégration ;

. Débouter M. [B] [J] de l’ensemble ses demandes en rappels de salaire et indemnisation ;

En tout état de cause

. Débouter M. [B] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

. Condamner M. [B] [J] à une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive et dilatoire devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt ;

. Condamner M. [B] [J] à une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive et dilatoire devant la cour d’appel de céans ;

. Condamner M. [B] [J] au paiement d’une somme de 10 000 euros au profit de la société d’exploitation des établissements vélo 2000 pour procédures abusives devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et devant la cour d’appel de céans ;

. Condamner M. [B] [J] au paiement d’une somme de 10 000 euros au profit de la société d’exploitation des établissements vélo 2000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] [U] [J] et M. [S] demandent à la cour de :

. Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

« . constate l’extinction de l’instance du fait de la péremption, en l’absence d’accomplissement par M. [J] des diligences mises à sa charge par le jugement du 19 décembre 2018 dans un délai de deux ans

. condamne M. [J] à verser à la société d’exploitation des établissements vélo 2000 la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

. condamne M. [J] à payer une amende civile de 3 000 euros,

. dit que la présente décision sera adressée au Trésor Public des Hauts de Seine,

. condamne M. [J] à verser à la société d’exploitation des établissements vélo 2000 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

. ordonne l’exécution provisoire

. déboute M. [B] [J] de toutes ses autres demandes

. condamne M. [J] aux dépens. »

A défaut, dans le cas où la cour statuerait à nouveau

A titre principal,

. Juger que l’instance est périmée faute de diligence interruptive de péremption valablement accomplie par M. [B] [J] dans un délai de deux ans à compter du jugement du 19 décembre 2018

. Prononcer en conséquence l’extinction de l’instance

A titre subsidiaire

. Juger que la citation est caduque depuis la décision du 11 avril 2018

. Constater que la caducité n’a fait l’objet d’aucune décision de rapport

. Prononcer en conséquence l’extinction de l’instance

A titre infiniment subsidiaire

. Déclarer le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître des faits allégués par M. [B] [J] ;

. Renvoyer M. [B] [J] à mieux se pourvoir devant le Tribunal judiciaire de Nanterre ;

En tout état de cause,

. Débouter M. [B] [J] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

En tout état de cause, y ajoutant :

. Condamner M. [B] [J] à verser à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

. Prononcer le retrait des propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions d’appel de M. [B] [J] tels qu’expressément cités aux présentes, outre tout autre qu’il plaira ;

. Condamner M. [B] [J] à verser à M. [Y] [U] [J] une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice que lesdits propos lui ont causé et lui causent ;

. Condamner M. [B] [J] à verser à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’instance.

MOTIFS

Sur les demandes présentées in limine litis par M. [B] [J]

Sur les demandes tendant à « écarter et déclarer irrecevables les conclusions des intimés M. [S] et M. [Y] [U] [J] signifiées le 29 juillet 2022, lesdites conclusions n’étant pas accompagnées d’une signification concomitante de bordereau de pièces ni même desdites pièces en question » et à « rejeter et déclarer irrecevable l’ensemble des demandes, fins et écritures de M. [S] et M. [Y] [U] [J] »

L’appelant se fonde sur l’article 906 du code de procédure civile et expose que les conclusions de MM. [S] et [Y] [U] [J] doivent être déclarées irrecevables dès lors qu’elles n’étaient pas accompagnées d’une signification concomitante du bordereau de communication de pièces ni même des pièces en question.

Les intimés ne répliquent pas.

L’article 906 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, prescrit que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l’être à tous les avocats constitués.

Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

D’abord, la cour relève que c’est à tort que l’appelant indique ne pas s’être vu signifier de bordereau de communication de pièces, dès lors qu’aux conclusions de MM. [S] et [Y] [U] [J] du 29 juillet 2022 était joint leur bordereau de communication de pièces (p. 21 des conclusions) faisant état de 12 pièces.

Ensuite, la cour d’appel n’a pas à écarter des débats les pièces produites postérieurement aux conclusions dès lors qu’il est établi que la communication a été faite en temps utile (Ass. plen., 5 déc. 2014, pourvoi n°13-19.674, Civ 2, 30 janv. 2014, pourvoi n°12-24.145, publiés).

Enfin et surtout, d’une part le code de procédure civile ne sanctionne pas par l’irrecevabilité des conclusions, le fait de ne pas adresser simultanément les pièces sur lesquelles se fonde une partie et d’autre part la question a déjà été tranchée par ordonnance du 12 juillet 2024 du conseiller de la mise en état lequel a rejeté cette même demande, rappelant que le défaut de communication de pièces en cause d’appel ne prive pas à lui seul les juges du fond de la connaissance des moyens et des prétentions de l’appelant (Civ.2, 3 déc. 2015, pourvoi n°14-25.413, publié).

Tout au plus aurait-il été possible d’écarter des débats des pièces transmises trop tardivement, ce qui n’est pas sollicité, l’appelant se bornant à demander d’écarter et de déclarer irrecevables, non pas les pièces des intimés, mais leurs conclusions.

Sur la demande tendant à « rejeter et déclarer irrecevable l’ensemble des demandes reconventionnelles et d’appel incident de la société SEE Vélo 2000, qui dans le dispositif de ses conclusions signifiées le 25 août 2022 ne reprend nullement les demandes et sommes développées dans le corps de ses écritures à la page 14 »

L’article 954 du code de procédure civile prescrit que les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 960. Elles formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l’ensemble des parties récapitule leurs prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes conclusions sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties reprennent, dans leurs dernières conclusions, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour d’appel n’est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ainsi, s’il existe une discordance entre les demandes présentées dans les motifs des conclusions et celles formalisées dans le dispositif, seul ce dernier saisit la cour sans que cette discordance conduise à l’irrecevabilité des demandes, la cour relevant que l’appelant demande ici de façon contradictoire à la cour de « rejeter et déclarer irrecevable » des demandes.

Il sera débouté de cette fin de non-recevoir.

Sur la péremption d’instance

L’article 386 du code de procédure civile prescrit que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Selon l’article 387, la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. Elle peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.

Suivant l’article 388 dans sa version applicable au présent litige, la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Elle ne peut être relevée d’office par le juge.

L’article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 1er août 2016 prévoit quant à lui qu’en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

En l’espèce, selon jugement du 19 décembre 2018, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a notamment ordonné la radiation de l’affaire et dit qu’elle ne pourrait pas être rétablie au rôle avant un délai de 6 mois et sur la justification des diligences suivantes qui devront être accomplies sous peine d’amende civile de 3 000 euros :

– transmission du bordereau de communication de pièces ;

– justification de la transmission aux parties adverses des conclusions et pièces.

En application de l’article 642 du code de procédure civile, le délai de péremption expirait donc le lundi 21 décembre 2020 (le 19 décembre 2020 étant un samedi).

Dans la lettre qu’il a adressée au conseil de prud’hommes le 17 décembre 2020 pour solliciter le rétablissement de l’affaire, M. [B] [J] a déclaré avoir adressé par lettres recommandées avec accusé de réception ses conclusions et pièces.

Il ressort de cette lettre que M. [B] [J] se fondait sur 102 pièces au total et que :

. les pièces 1 à 79 avaient déjà été adressées au conseil des défendeurs (Me [P]) en même temps que ses premières conclusions au fond le 26 juin 2012,

. les pièces 81 à 86 avaient été adressées aux trois défendeurs ‘ et non plus à Me [P] qui ne pouvait plus les représenter en raison d’une décision ordinale ‘ le 1er mars 2016 en même temps que ses nouvelles conclusions au fond,

. les pièces 87 à 99 ont été transmises aux trois défendeurs le 22 juin 2017,

. les pièces 100 à 102 ont été communiquées, en même temps que ses dernières conclusions, le 17 décembre 2020 par courriel au conseils des parties adverses à savoir à Me [W], conseil de la société d’exploitation des établissements Vélo 2000, Me Simoneau avocat de M. [Y] [J], et Me Thivert-Grivel, avocat de M. [S].

L’appelant mentionne dans sa lettre du 17 décembre 2020 ce qu’il présente comme une « difficulté » résultant de ce que le jugement du 19 décembre 2018 mentionnait Me [P] comme étant le conseil de la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 au lieu de Me [W]. Il ajoute à cet égard qu’en raison de cette difficulté, il a adressé ses pièces 100 à 102 aux trois défendeurs directement et précise : « Il est bien évident qu’il était hors de question que j’adresse à nouveau mes CCL Nr 1 à 3, mes BCP 1 à 3 ainsi que mes pièces 1 à 99 à chacun des défendeurs ou à leurs conseils, car l’ensemble de ces écritures et pièces avaient déjà été communiquées à chacun des défendeurs ou à leurs conseils dans le passé ».

M. [B] [J] démontre qu’il avait adressé ses pièces au conseil des défendeurs (Me [P]) le 25 juin 2012 (cf pièce 104 du salarié). Effectivement, cette pièce montre la réalité d’un envoi par courrier recommandé de 79 pièces à Me [P], lequel en a accusé réception le 27 juin 2012.

En revanche, il n’établit pas qu’il a transmis aux défendeurs ses pièces 81 à 99 le 22 juin 2017.

C’est donc à raison que les premiers juges ont considéré que les diligences mises à la charge de M. [B] [J] par jugement du 19 décembre 2018 n’ont pas été accomplies dans le délai de deux ans.

L’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire en refusant de lui accorder le renvoi qu’il avait sollicité après avoir appris que les défendeurs allaient soulever la péremption de l’instance.

Néanmoins, il ressort des explications de l’appelant (p. 5 de ses conclusions) qu’il a été oralement avisé le 26 mai 2021 par les défendeurs, aujourd’hui intimés, qu’ils allaient solliciter la péremption de l’instance. Or, par suite du renvoi de l’affaire devant le juge départiteur, l’affaire a été plaidée devant ce dernier à l’audience du 28 janvier 2022 de sorte que, comme l’a retenu le conseil de prud’hommes en sa formation de départage, M. [B] [J] a eu le temps de préparer sa défense et que le principe du contradictoire n’a pas été méconnu de ce chef, étant observé que l’appelant ne demande pas l’annulation du jugement mais seulement son infirmation.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il juge l’instance éteinte par l’effet de la péremption.

Compte tenu du sens de la présente décision, les demandes subsidiaire et infiniment subsidiaire présentées par le salarié pour le cas où la cour examinerait le fond du litige, sont sans objet.

Sur l’amende civile et les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive

L’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Par ailleurs, selon l’article 559 alinéa 1 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

Sur les amendes civiles

En l’espèce, dans sa décision du 19 décembre 2018, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, après avoir constaté que M. [B] [J] ne justifiait pas avoir accompli une première fois les diligences mises à sa charge, a ordonné la radiation de l’affaire et dit qu’elle ne pourra pas être rétablie au rôle avant un délai de 6 mois et que sur la justification des diligences suivantes qui devront être accomplies :

– transmission du bordereau de communication de pièces ;

– justification de la transmission aux parties adverses des conclusions et pièces ;

et ce, sous peine d’amende civile de 3 000 euros.

Ainsi qu’il a été jugé plus haut, les diligences mises à la charge de M. [B] [J] n’ont pas été accomplies, ce qui a déterminé les premiers juges, en formation de départage, à prononcer l’amende civile annoncée.

La cour relève par ailleurs que M. [B] [J] a saisi le conseil de prud’hommes le 29 décembre 2011, soit il y a près de 14 ans, et que la procédure devant cette juridiction a été retardée par son comportement en raison des incidents procéduraux dont il a été à l’origine :

. question prioritaire de constitutionnalité déclarée mal fondée,

. première radiation prononcée le 5 mars 2014 par le bureau de jugement du conseil de prud’hommes en raison d’un défaut de communication de pièces,

. demande de rétablissement de l’affaire le 2 mars 2016 soit deux jours avant la péremption, et sans transmission de l’intégralité des pièces produites aux débats,

. demandes de sursis à statuer rejetées,

. deuxième décision de radiation prononcée par le conseil de prud’hommes le 19 décembre 2018 en raison d’un défaut de diligences de M. [B] [J] relativement à la communication de ses pièces,

. demande de rétablissement de l’affaire le 17 décembre 2020, soit, là encore, deux jours avant la péremption, sans que l’intégralité des pièces produites soit transmise aux défendeurs.

L’attitude procédurale de M. [B] [J] explique en grande partie la durée de la procédure suivie devant les premiers juges, lesquels ont rendu, le 18 février 2022, le jugement déféré à la cour.

En cause d’appel, M. [B] [J] n’invoque, au titre de la péremption, aucune pièce nouvelle ni aucun moyen nouveau. Il a, en cours de procédure devant la cour d’appel de Versailles, saisi le conseiller de la mise en état d’un incident qui a, lui aussi, été rejeté.

L’appelant a donc obligé les parties adverses à conclure à de multiples reprises et à assurer leur représentation en justice, non seulement en première instance mais également devant la cour d’appel.

Le comportement procédural de M. [B] [J], à l’origine de plusieurs décisions rendues par les premiers juges, du fait de multiples incidents de procédure qu’il a initiés, désorganise la juridiction de première instance et caractérise une attitude téméraire faisant dégénérer en abus son droit d’ester en justice, ce d’autant que le demandeur avait été solennellement prévenu qu’un défaut de diligence de sa part entraînerait une amende civile.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il condamne M. [B] [J] à payer une amende civile de 3 000 euros.

Par ailleurs, la société d’exploitation des établissements vélo 2000 demande la condamnation de M. [B] [J] au paiement d’un amende civile au titre de sa procédure en appel. Cette demande sera rejetée dès lors que l’amende prononcée par les premiers juges, et que la cour a précédemment confirmé, est suffisante pour sanctionner le caractère abusif de l’action en justice du salarié.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol.

En l’espèce, à juste titre, le conseil de prud’hommes a relevé que M. [B] [J] fait preuve d’acharnement judiciaire à l’encontre de la société d’exploitation des établissements Vélo 2000, faisant perdurer devant le conseil de prud’hommes une instance de plus de dix ans, en ayant soulevé des questions prioritaires de constitutionnalité et en ayant réintroduit à deux reprises l’instance à seulement quelques jours de la date de péremption de l’instance ce qui caractérise l’existence de man’uvres dilatoires de M. [B] [J], peu important qu’il soit le demandeur à la procédure prud’homale.

Ainsi que le relève à raison le conseil de prud’hommes, ces man’uvres caractérisent un abus de son droit d’ester en justice qui a causé à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 un préjudice, caractérisé par l’incertitude judiciaire et les tracas qu’elle engendre pour les défenseurs à cette action, que le conseil de prud’hommes a correctement évalué à 1 000 euros.

Le préjudice subi par la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 s’est accru du fait de l’appel relevé par M. [B] [J], qui a eu pour effet de prolonger encore la procédure. Il convient donc, ajoutant au jugement, de condamner M. [B] [J] à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 la somme de 1 000 euros en réparation.

Ajoutant encore au jugement, il convient d’allouer à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 2 000 euros chacun, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive dans la mesure où ces deux intimés ont, au même titre que la société d’exploitation des établissements Vélo 2000, subi un préjudice comparable, ayant été eux aussi attraits dans la cause par l’appelant, depuis plus de dix ans.

Sur les demandes tendant à « prononcer le retrait des propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions d’appel de M. [B] [J] tels qu’expressément cités aux présentes, outre tout autre qu’il plaira » et à condamner M. [B] [J] à verser à M. [Y] [U] [J] une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice que lesdits propos lui ont causé et lui causent

M. [Y] [U] [J] se fonde sur l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et expose qu’en dépit d’une condamnation pour dénonciation calomnieuse, M. [B] [J] continue de prétendre dans ses écritures qu’il aurait été victime de crimes et délits commis par lui.

En réplique, M. [B] [J] conclut au débouté de ces chefs de demande, exposant qu’aucun des propos contestés par les intimés n’est diffamatoire ou injurieux « car les nombreux éléments de preuve (attestations, enregistrements, transcriptions, témoignages’) démontrent la véracité desdits propos, de sorte que ces mêmes intimés sont dans l’impossibilité de les contredire et d’en prouver la fausseté. »

***

L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa version en vigueur depuis le 19 novembre 2008 par suite d’une modification issue de la loi n°2008-1187 du 14 novembre 2008 dispose que « Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans le sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que les rapports ou toute autre pièce imprimée par ordre de l’une de ces deux assemblées.

Ne donnera lieu à aucune action le compte rendu des séances publiques des assemblées visées à l’alinéa ci-dessus fait de bonne foi dans les journaux.

Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage ni les propos tenus ou les écrits produits devant une commission d’enquête créée, en leur sein, par l’Assemblée nationale ou le Sénat, par la personne tenue d’y déposer, sauf s’ils sont étrangers à l’objet de l’enquête, ni le compte rendu fidèle des réunions publiques de cette commission fait de bonne foi.

Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers. »

La loi du 29 juillet 1881 pose un principe d’immunité de l’auteur de propos tenus dans certaines occasions et notamment à l’occasion d’un débat judiciaire.

Seules les dispositions spéciales prévues à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 peuvent fonder une condamnation à indemnisation à raison d’écrits produits devant les tribunaux et de leur caractère prétendument diffamatoire. Encore faut-il que les passages litigieux soient étrangers à l’instance judiciaire (Civ.1, 28 septembre 2022, pourvoi n°20-16.139, publié, Crim., 11 octobre 2005, n°05-80.545, publié, Civ.2, 8 juin 2023, n°19-25.101, publié).

Il revient au juge du fond devant lequel les propos ont été tenus et les écrits produits de déclarer que les faits étaient ou non étrangers à la cause en examinant si les allégations incriminées sont ou non nécessaires à la défense et avaient ou non, un lien étroit avec l’objet des débats portés devant lui (Crim., 4 mai 1972, – Crim., 9 oct. 1978).

L’appréciation de l’extranéité relève donc d’une appréciation souveraine des juges du fond (Crim., 18 avr. 2000, n° 99-86.147, inédit).

En l’espèce, M. [Y] [U] [J] reproche à M. [B] [J] d’avoir indiqué, dans ses conclusions qu’il l’avait agressé, torturé, séquestré et menacé de mort.

Effectivement, les écritures de M. [B] [J] contiennent de tels propos (cf. p. 24 à 33 des écritures de M. [B] [J]) et, ainsi que le relèvent les intimés, les accusations que l’appelant renouvelle, mais en utilisant toutefois le conditionnel, ont fait l’objet d’un non-lieu.

Néanmoins, et même si les poursuites contre M. [Y] [U] [J] ont fait l’objet d’un non-lieu et si M. [B] [J] a été condamné pour dénonciation calomnieuse pour avoir dénoncé les faits qu’il continue de dénoncer dans ses conclusions, ces faits ne sont pas étrangers à la cause.

En effet, invoquant sa qualité de salarié de la société d’exploitation des établissements Vélo 2000, dont le gérant est M. [Y] [U] [J], M. [B] [J] forme des demandes contre celui qu’il présente comme son employeur et notamment une demande de dommages-intérêts pour le traitement qu’il dit avoir subi, en tant que salarié.

Il convient dès lors, ajoutant au jugement, de débouter M. [Y] [U] [J] de ces chefs de demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, M. [B] [J] sera condamné aux dépens de la procédure d’appel. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à sa charge et en ce qu’il condamne M. [B] [J] à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [B] [J] sera condamné à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais engagés en appel.

M. [B] [J] sera en outre condamné à payer à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 la somme de 1 000 euros pour procédure abusive,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 2 000 euros chacun pour procédure abusive,

DÉBOUTE M. [Y] [U] [J] de sa demande tendant « à prononcer le retrait des propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions d’appel de M. [B] [J] tels qu’expressément cités aux présentes, outre tout autre qu’il plaira et de sa demande tendant à condamner M. [B] [J] à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice que lesdits propos lui ont causé et lui causent »,

DÉBOUTE la société d’exploitation des établissements vélo 2000 de sa demande la condamnation de M. [B] [J] au paiement d’un amende civile au titre de sa procédure en appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à la société d’exploitation des établissements Vélo 2000 la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à M. [Y] [U] [J] et à M. [S] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [J] aux dépens de la procédure d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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La Greffière La Présidente

 


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