Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Confrontation entre obligations fiscales et droits d’information : enjeux de la mise en demeure et de la contrainte sociale.
→ RésuméLa SARL [4] a contesté une contrainte de 2.943 € émise par l’URSSAF PACA, arguant ne pas avoir reçu la mise en demeure préalable. Le tribunal a jugé l’opposition recevable, notant que la mise en demeure, bien que notifiée, manquait de clarté sur les obligations de la SARL, notamment concernant les cotisations liées aux mesures COVID. En conséquence, la contrainte a été annulée. L’URSSAF a été condamnée à rembourser les frais de signification et les dépens, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et l’exécution provisoire a été déclarée de droit.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
Caserne du Muy
CS 70302 – 21 rue Ahmed Litim
13331 Marseille cedex 03
JUGEMENT N°24/04610 du 27 Novembre 2024
Numéro de recours: N° RG 23/05278 – N° Portalis DBW3-W-B7H-4JRO
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Mme [P] (Inspecteur)
c/ DEFENDERESSE
S.A.R.L. [4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me MARIE HASCOET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
DÉBATS : À l’audience publique du 25 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge
Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
ZERGUA Malek
L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 27 Novembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en dernier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 13 décembre 2023, la SARL [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’une opposition à la contrainte n] 9370000020661384270070070995851 décernée par le directeur de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA ou la Caisse) le 5 décembre 2023 et signifiée par exploit de commissaire de Justice le 8 décembre 2023, d’un montant total de 2.943 €, soit 2.832 € en cotisations et 111 € en majorations de retard, au titre des mois de janvier 2020 à avril 2020.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 25 septembre 2024.
L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal de valider la contrainte litigieuse pour son entier montant, et de condamner la SARL [4] au paiement des frais de signification et de somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la mise en demeure préalable à la contrainte litigieuse a bien été adressée à la SARL [4], que la référence de la mise en demeure correspond à celle portée sur la contrainte contestée, et qu’elle permettait bien à la SARL [4] d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.
Elle soutient également que les cotisations correspondent aux cotisations déclarées par la SARL [4] au titre des mois de janvier à avril 2020, corrigées pour le mois de janvier 2020 des cotisations accident du travail au taux de 2,10 % et pour le mois de février 2020 d’une régularisation d’un montant de 731 € au titre d’une inéligibilité aux mesures COVID.
La SARL [4], représentée par son avocat soutenant oralement ses conclusions, demande au tribunal d’annuler la contrainte décernée le 5 décembre 2023 et la mise en demeure préalable à celle – ci, de rejeter toutes les demandes de l’URSSAF PACA, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance et de prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Elle soutient n’avoir jamais reçu de mise en demeure préalablement à la contrainte litigieuse. Elle soutient également que la contrainte ne lui permettait pas de connaitre la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Elle soutient enfin que le redressement au titre de l’annulation des mesures COVID doit être annulé faute pour l’URSSAF de lui avoir adressé une lettre d’observations.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
L’affaire est mise en délibéré au 27 novembre 2024.
MOTIF DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’opposition
L’article R. 133-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale dispose que le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe.
En l’espèce, la SARL [4] a formé opposition à la contrainte qui lui a été signifiée le 8 décembre 2023 par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 13 décembre 2023, soit dans le délai de 15 jours prévue à l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. Cette opposition était motivée et une copie de la contrainte a été jointe.
Dès lors, l’opposition de la SARL [4] sera déclarée recevable.
Sur la notification de la mise en demeure préalable
Conformément aux dispositions de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, toute action en recouvrement de créance commence par l’envoi à l’employeur d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ou tout moyen donnant date certaine à sa réception l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.
En l’espèce, la SARL [4] conteste la régularité de la contrainte litigieuse en affirmant qu’elle n’a jamais reçu la mise en demeure préalable à celle – ci.
Il ressort pourtant des pièces produites par l’URSSAF qu’une mise en demeure n° 0070995851 a bien été adressé à la SARL [4] par l’URSSAF PACA par lettre recommandée avec accusé de réception. L’avis de réception est signé et a été distribué le 30 octobre 2023.
Le fait que l’adresse mentionnée sur l’avis de réception soit incomplète est indifférent dans la mesure où l’adresse figurant sur l’enveloppe était bien complète, étant rappelé que la société [4] ne conteste pas être signataire de l’avis de réception.
Il sera précisé que cette mise en demeure mentionne le délai d’un mois pour régler les cotisations et majorations de retard y afférente et le délai de deux mois à compter de sa réception pour la contester devant la commission de recours amiable de la Caisse, à peine de forclusion.
Dès lors, il convient d’écarter le moyen de la nullité de la contrainte au titre de l’absence de notification d’une mise en demeure préalable.
Sur la nullité de la contrainte
En application des dispositions de l’article R244-1 du code de sécurité sociale, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans un délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice. Ce texte n’impose pas que le détail du calcul et des revenus pris en compte soient mentionnés dans la mise en demeure.
En l’espèce, la SARL [4] fait valoir que ni la mise en demeure ni la contrainte ne lui permettaient de comprendre en quoi les cotisations réclamées étaient dues, faute d’avoir été destinataire d’une lettre d’observations concernant l’annulation des allégements de cotisations sociales liées au COVID pour le mois de février 2020.
L’URSSAF quant à elle explique que les sommes réclamées correspondent aux sommes déclarées par la SARL [4]. Elle précise toutefois qu’au titre du mois de janvier 2020, elle a réintégré les cotisations à l’assurance accident du travail au taux de 2,10 % d’un montant de 140 € ce qui, selon elle, explique le différentiel.
Pour le mois de février 2020, elle explique qu’il s’agit d’une régularisation car elle estime que la SARL [4] n’était pas éligible aux mesures d’exonération de cotisations sociales au titre du COVID. Elle précise que s’agissant d’une régularisation et non d’un redressement, aucune lettre d’observations préalable n’était obligatoire. Elle précise toutefois qu’un courrier explication a été adressée à la société [4] préalablement à la régularisation.
Le tribunal constate que les cotisations réclamées par l’URSSAF PACA au titre des mois de février 2020, mars 2020 et avril 2020 l’ont été au titre du même motif, soit « cotisations complémentaires suite conditions d’exonération non remplies ». Il en résulte que les régularisations au titre de ces trois mois sont afférentes au fait que l’URSSAF PACA considère que la SARL [4] n’était pas éligible aux dispositions d’allégement de cotisations sociales durant la période du COVID.
Force est toutefois de constater que les termes de la mise en demeure et de la contrainte ne permettaient pas à la société [4] de comprendre que les cotisations complémentaires étaient liées au fait qu’elle ne remplissait pas les conditions d’exonération liées au Covid ni de comprendre en quoi elle ne répondait pas aux conditions. Aucune référence n’est faite aux mesures d’exonération Covid.
La Caisse ne verse aux débats aucun document justifiant avoir informé le cotisant préalablement à la mise en demeure du 27 octobre 2023 de l’annulation de ces allégements de cotisations sociales et des raisons de cette annulation. Or, si en l’absence de contrôle, cette décision n’avait pas à prendre la forme d’une lettre d’observations au sens de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, il n’en demeure pas moins que l’URSSAF devait informer le cotisant de la remise en cause des exonérations de cotisations sociales afin de lui permettre d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Il en est de même s’agissant de la cotisation accident du travail au taux de 2.10 % pour laquelle ni la mise en demeure, ni la contrainte ne permet de comprendre en quoi cette cotisation était due.
Il en résulte que la SARL [4] n’a pas été en mesure de prendre connaissance de l’étendue de son obligation au titre du mois de janvier 2020.
Dès lors, il convient d’annuler la contrainte du 5 décembre 2023 dans son intégralité.
Sur les demandes accessoires
En application des articles R. 133-6 du code de la sécurité sociale et 696 du code de procédure civile, l’URSSAF PACA, qui succombe, sera condamné au paiement des frais de signification de la contrainte et aux dépens de l’instance.
L’équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il conviendra enfin de rappeler que l’exécution provisoire est de droit en matière de contrainte, par application des dispositions de l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe après en avoir délibéré, par jugement contradictoire, et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l’opposition formée par la SARL [4] le 13 décembre 2023 à l’encontre de la contrainte décernée le 5 décembre 2023 par le directeur de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur et signifiée par exploit de commissaire de Justice le 8 décembre 2023 ;
ANNULE la contrainte décernée le 5 décembre 2023 par le directeur de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur et signifiée par exploit de commissaire de Justice le 8 décembre 2023 d’un montant de 2.943 €, en ce compris 111 € de majorations de retard, au titre des mois de janvier 2020 à avril 2020 ;
LAISSE les frais de signification de la contrainte décernée le 5 décembre 2023 à la charge de l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur ;
DIT qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en matière de contrainte ;
DIT que, conformément aux dispositions de l’article 612 du code de procédure civile, et sous peine de forclusion, les parties disposent pour former leur pourvoi en cassation d’un délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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