Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire d’Amiens
Thématique : Obligations contractuelles et difficultés d’exécution : enjeux de la réitération de vente immobilière en indivision
→ RésuméEn 2017, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] avaient convenu de vendre un terrain non constructible à M. [S] [M] pour 6.500 euros. Après un rendez-vous manqué en 2018, M. [S] [M] a engagé une procédure judiciaire. Le tribunal d’Amiens a confirmé la vente en 2021, ordonnant aux vendeurs de finaliser l’acte notarié sous peine d’astreinte. En 2023, M. [S] [M] a demandé la liquidation de l’astreinte, mais le tribunal a jugé que le retard était dû à des problèmes de santé de M. [T] [E], déboutant ainsi M. [S] [M] de sa demande.
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DU : 27 Novembre 2024
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande relative à l’exécution d’une promesse unilatérale de vente ou d’un pacte de préférence ou d’un compromis de vente
Demande de prononcé, liquidation, modification ou suppression d’une astreinte
AFFAIRE :
[M]
C/
[Z], [Z], [E], [E]
Répertoire Général
N° RG 23/02982 – N° Portalis DB26-W-B7H-HWKM
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Expédition exécutoire le :
27.11.24
à : Me Le Roy
à : Me Abiven
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Expédition le :
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à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
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Dans l’affaire opposant :
Monsieur [S] [M]
né le 10 Mai 1951 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 8]
représenté par Maître Marie-pierre ABIVEN de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexia DELVIENNE, avocat au barreau d’AMIENS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
Madame [W] [Z] épouse [I]
née le 27 Mai 1953 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la selarl LX AMIENS DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS
Madame [P] [Z] épouse [O]
née le 05 Juin 1961 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la selarl LX AMIENS DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS
Madame [V] [E] épouse [N]
née le 25 Août 1961 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la selarl LX AMIENS DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS
Monsieur [T] [E]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 7]
non comparant, ni représenté
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement réputé contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 25 Septembre 2024 devant :
– Monsieur [G] [B], juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Exposant que Mme [W] [Z] épouse [I], Mme [P] [Z] épouse [O], Mme [V] [E] épouse [N] et M. [T] [E], propriétaires indivis d’une parcelle de terrain non constructible sise [Adresse 11] » à [Localité 8] (Somme) cadastrée section AM n° 181 d’une contenance de 3 ares 39 centiares, s’étaient engagés à lui vendre cette dernière au prix de 6.500 euros au cours de l’année 2017, et leur reprochant d’être revenus sur leur engagement et d’avoir refusé de se rendre au rendez-vous prévu le 21 septembre 2018 en l’étude de Me [J] [U], notaire à [Localité 14] (Somme), aux fins de réitération de la vente par acte notarié, M. [S] [M] les a, par actes de commissaire de justice en date des 20 et 21 décembre 2018, et 15 janvier 2019, fait assigner devant le tribunal judiciaire d’Amiens, en réitération de la vente et en indemnisation de ses préjudices.
Par acte de commissaire de justice en date du 30 janvier 2020, M. [S] [M] a fait assigner Me [J] [U] en intervention forcée.
Par jugement du 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Amiens :
A déclaré parfaite la vente de la parcelle de terrain non constructible sise [Adresse 11] » à [Localité 8] (Somme) cadastrée section AM n° [Cadastre 1] d’une contenance de 3 ares et 30 centiares conclue entre Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] ainsi que M. [T] [E] d’une part, et M. [S] [M] d’autre part, au prix de 6.500 euros à effet au 27 novembre 2017 ; A ordonné à Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] de procéder à la réitération de la vente par acte notarié en l’étude de Me [J] [U] ou à défaut, en cas de refus de ce dernier, en l’étude de Me [K] [C], dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai de trois mois et pendant une durée de quatre mois ; S’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte provisoire ordonnée ; A rappelé que M. [S] [M] devra prendre en charge financièrement les frais d’actes et autres accessoires de la vente ; A condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à payer à M. [M] la somme de 100 euros par mois à compter du 21 septembre 2018 et jusqu’à la date de réitération de la vente par acte notarié à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ; A débouté M. [S] [M] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice moral ; A débouté Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; A condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à payer à M. [M] la somme de 3.500 euros et à Me [J] [U] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ; A condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] aux dépens ; A autorisé la SCP Frison et associés à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ; A ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par arrêt du 16 mars 2023, la cour d’appel d’Amiens a :
Confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à payer à Me [J] [U] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ; Statuant à nouveau du chef infirmé, débouté Me [J] [U] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ; Y ajoutant, condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à payer à M. [S] [M] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel ; Condamné in solidum Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] aux dépens d’appel.
Les 24 mai et 12 août 2023, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ont payé à M. [S] [M] la somme de 13.563, 69 euros en exécution de ces deux décisions.
Par actes de commissaire de justice en date des 5, 6 et 9 octobre 2023, M. [S] [M] a fait assigner Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de liquidation de l’astreinte et fixation d’une nouvelle astreinte.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2024.
M. [T] [E], assigné à personne, n’a pas constitué avocat, de sorte que le jugement est réputé contradictoire en application de l’article 473 du code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 27 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, M. [S] [M] demande au tribunal de :
Condamner solidairement Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 18.150 euros au titre de la liquidation de l’astreinte due pour la période du 24 novembre 2021 au 24 mars 2022 ; Débouter Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] de leurs demandes ; Condamner solidairement Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] aux dépens ; Condamner solidairement Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa des articles L. 131-1 et suivants, ainsi que R. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, M. [S] [M] reproche à Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] leur inertie en suite du jugement rendu le 22 juillet 2021 par le tribunal judiciaire d’Amiens, lequel a été signifié les 4, 5 et 24 août 2021, pour parvenir à la réitération de la vente par acte notarié. Il observe que les coïndivisaires disposaient d’un délai courant de la signification du 24 août 2021 au 24 novembre 2021 pour déférer à l’obligation mise à leur charge. A défaut, M. [S] [M] chiffre le montant de l’astreinte provisoire dont il réclame paiement à la somme de 18.150 euros (150 euros x 121 jours). Il conteste que cette somme soit disproportionnée au regard du prix de vente dès lors qu’en raison de l’inertie des coïndivisaires il n’a pu jouir pleinement de l’immeuble acquis. Il souligne encore que la réitération de la vente par acte notarié n’est intervenue que le 24 octobre 2023, soit avec un retard de cinq ans.
Suivant dernières conclusions notifiées le 21 juin 2024, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] demandent au tribunal de :
Débouter M. [S] [M] de sa demande ; A titre subsidiaire, ramener le montant de l’astreinte provisoire à un euro ; Débouter M. [S] [M] de ses demandes ; Condamner M. [S] [M] aux dépens ; Condamner M. [S] [M] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa des articles L. 131-1 et L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E], qui confirment que la réitération de la vente par acte notarié est intervenue le 24 octobre 2023, font valoir qu’elles ne sont pas à l’origine du retard pris dans l’obligation mise à la charge des coïndivisaires par le jugement du tribunal judiciaire d’Amiens du 22 juillet 2021, confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 16 mars 2023. Elles se prévalent de ce que M. [T] [E], dont l’état de santé est altéré, n’a pas fourni de procuration, ni ne s’est manifesté alors que plusieurs rendez-vous ont été fixés par le notaire. Elles se prévalent encore de l’attitude de Mme [A] [E], fille de M. [T] [E], qui, selon elles, a fait obstacle à l’établissement d’une procuration. Elles estiment que l’absence de réitération de la vente entre le 24 novembre 2021 et le 24 mars 2022 ne leur est aucunement imputable. Par ailleurs, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] estiment que le montant de l’astreinte et l’enjeu du litige est disproportionné au regard du prix de vente de l’immeuble.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Sur la demande de liquidation de l’astreinte provisoire
L’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ».
L’appréciation tant des conditions de la révision que de ses modalités relève du pouvoir souverain du juge chargé de la liquidation. En application de l’article L. 131-4 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le comportement qu’il s’agit d’apprécier est celui personnellement adopté par le débiteur, sauf si les agissements déplorés peuvent constituer la cause étrangère permettant de supprimer l’astreinte visant personnellement le débiteur. En outre, le juge peut également souverainement tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour obtempérer. Par ailleurs, le juge liquidateur doit veiller à exercer un contrôle de proportionnalité et apprécier concrètement s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige (Cass., 2e civ., 20 janv. 2022, n° 19-23.721), étant précisé qu’il n’a pas à prendre en compte les facultés financières des débiteurs (Cass., 2e civ., 20 janv. 2022, n° 19-22.435). Il est également rappelé que le juge ne peut se référer au préjudice subi par le créancier pour procéder à la liquidation de l’astreinte. Enfin, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si l’inexécution de la décision de justice prononcée sous astreinte provient d’une cause étrangère.
En l’espèce, le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Amiens le 22 juillet 2021, qui bénéficiait de l’exécution provisoire et a été confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 16 mars 2023, a ordonné à Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] de procéder à la réitération de la vente par acte notarié en l’étude de Me [J] [U] ou à défaut, en cas de refus de ce dernier, en l’étude de Me [K] [C], dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai de trois mois et pendant une durée de quatre mois. Ce jugement a été signifié entre les 4 et 24 août 2021, cette dernière date étant retenu par M. [S] [M] comme point de départ du délai de trois mois fixé par le jugement susmentionné lequel expirait donc le 24 novembre 2021.
La vente n’ayant été réitérée par acte notarié que le 24 octobre 2023, il y a lieu d’apprécier le comportement des débiteurs de l’obligation, ce à compter du prononcé du jugement fixant l’injonction.
En suite du jugement rendu par ce tribunal le 22 juillet 2021 et par courrier du 25 octobre 2021, Me [J] [U] a convoqué les vendeurs et l’acquéreur à un rendez-vous le 4 novembre 2021 en son étude aux fins de réitération de la vente par acte notarié.
Par lettre officielle en date du 3 novembre 2021, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, indiqué au conseil de M. [S] [M] n’être pas en mesure de se rendre disponible compte tenu du délai entre la convocation et le rendez-vous.
Par courrier du 30 novembre 2021, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ont donc, par l’intermédiaire de leur conseil, proposé de procéder à la réitération de la vente par acte notarié le 9 ou le 16 décembre 2021.
Par courriel officiel du 7 décembre 2021, Me [J] [U] a, par l’intermédiaire de son conseil, proposé de retenir la date du 16 décembre 2021, sous réserve de réceptionner la procuration de M. [T] [E] au plus tard le 15 décembre 2021.
Par courriel officiel du 9 décembre 2021, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, confirmé la date du 16 décembre 2021.
Par courriel officiel du 15 décembre 2021, Me [J] [U] a, par l’intermédiaire de son conseil, informé vendeurs et acquéreurs que M. [T] [E] ne lui a pas retourné de procuration, ni ne s’est manifesté, si bien que le rendez-vous a été reporté sine die.
Par courriels officiels du 4 janvier 2022 puis du 27 janvier 2022, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, proposé plusieurs dates pour procéder à la réitération de la vente par acte notarié en janvier 2022, puis en février 2022.
Par courriel officiel du 18 février 2022, Me [J] [U] a, par l’intermédiaire de son conseil, de nouveau souligné n’avoir pas reçu de procuration de M. [T] [E], qui ne s’était en outre pas manifesté. A cette occasion, le notaire a proposé un rendez-vous en son étude le 25 février 2022 en vue de la réitération de la vente par acte notarié. Aux termes de cette correspondance, il s’est interrogé sur l’état de santé physique et intellectuelle de M. [T] [E], suggérant qu’une procuration sous signature privée serait exclue au profit d’une nécessaire procuration notariée.
Par lettre officielle du 28 février 2022, le conseil de M. [T] [E] a informé Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] ainsi que M. [S] [M] dégager sa responsabilité compte tenu de l’absence de réponse de son mandant à ses courriers.
Par courriel officiel du 3 avril 2023, M. [S] [M] a, par l’intermédiaire de son conseil, de nouveau sollicité la tenue d’un rendez-vous avec les coïndivisaires.
Par lettre recommandée du 26 avril 2023, Me [J] [U] a adressé à M. [T] [E] un projet d’acte de vente et une procuration pour vendre à recevoir par un notaire.
Suivant acte notarié du 24 octobre 2023, la vente a finalement été réitérée après que Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [S] [M] ont donné procuration sous signature privée les 5, 11, 12 mai et 20 septembre 2023, et que M. [T] [E] a donné procuration authentique le 21 septembre 2023.
Il ressort de ce qui précède que Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] se sont systématiquement rendues disponibles pour procéder à la réitération de la vente litigieuse. Elles ont encore procédé seules à l’exécution du jugement et de l’arrêt susmentionné. Au contraire, M. [T] [E] ne s’est jamais manifesté auprès du notaire, pas plus qu’auprès des trois autres coïndivisaires. En outre, ce n’est que le 21 septembre 2023 qu’il a régularisé une procuration aux fins de signature de l’acte notarié.
Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] justifient également avoir rencontré des difficultés pour remplir l’obligation mise à leur charge par les décisions de justice. A cet égard, il n’est pas contesté par l’ensemble des parties que l’état de santé de M. [T] [E] était altéré. Dans son courrier du 18 février 2018, le conseil du notaire s’interrogeait d’ailleurs sur la capacité de M. [T] [E] pour signer une procuration, suggérant le recours à une procuration en la forme authentique reçue par deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins.
Par ailleurs, pour pallier cet état de santé et les difficultés relationnelles dont se prévalent Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] avec M. [T] [E], ces dernières justifient s’être rapprochées de la fille de ce dernier, Mme [A] [E], pour obtenir l’intervention de son père à la réitération authentique de la vente. Les échanges de sms entre coïndivisaires, mais également entre les coïndivisaires et Mme [A] [E] témoignent toutefois de la rupture des relations familiales dès le mois d’août 2021.
Ainsi, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] se sont manifestement efforcées de parvenir à la réitération par acte notarié de la vente litigieuse, mais se sont heurtées à la carence de M. [T] [E]. Cette carence a constitué un obstacle qu’elles se sont attachées à lever, sans toutefois y parvenir dès lors que seul l’envoi par Me [J] [U] à M. [T] [E] d’une lettre recommandée en date du 26 avril 2023 contenant un projet d’acte de vente et un projet de procuration sous la forme authentique a permis de débloquer la situation. Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] démontrent donc s’être heurtées à l’opposition dirimante de M. [T] [E]. Cette opposition s’explique à la lecture du jugement rendu par ce tribunal le 22 juillet 2021. Aux termes de ce jugement, « il ressort des documents médicaux versés aux débats que M. [T] [E] souffre depuis l’année 2003 d’une sclérose en plaque évolutive ainsi que d’une baisse de l’acuité visuelle (…), ce qui conforte les allégations de sa fille Mme [A] [E] selon lesquelles il est incapable de rédiger un courrier et de le signer. D’ailleurs, les courriers ultérieurs en date du 4 juin 2018 produits aux débats portent pour toute signature la lettre B écrite d’une main particulièrement tremblante, ce qui confirme encore les explications de Mme [A] [E] ».
Il s’évince de ce qui précède que Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] n’étaient pas en mesure d’obtenir la régularisation d’une procuration notariée par M. [T] [E], telle que demandée par Me [J] [U], compte tenu de son état de santé et de l’impossibilité à laquelle elles se sont heurtées d’entrer en contact avec la fille de ce coïndivisaire à raison du seul fait de cette dernière.
Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E], débitrices de l’obligation, rapportent ainsi la preuve d’une impossibilité d’exécution du jugement assortie de l’astreinte à raison d’une cause étrangère.
Il en va de même s’agissant de M. [T] [E] dont l’état de santé imposait manifestement l’intervention d’une tierce personne pour obtenir la procuration notariée nécessaire à la réitération de la vente telle que demandée par Me [J] [U].
Par conséquent, M. [S] [M] est débouté de sa demande de condamnation solidaire de Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 18.150 euros au titre de la liquidation de l’astreinte fixée par jugement de ce tribunal en date du 22 juillet 2021.
Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La solution apportée au litige justifie M. [S] [M] d’une part, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] d’autre part, et M. [T] [E] conservent la charge de leurs propres dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
Au regard de la solution apportée au litige, l’équité commande de dire n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [S] [M] est débouté de sa demande de condamnation solidaire de Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] sont déboutés de leur demande de condamnation de M. [S] [M] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal :
DEBOUTE M. [S] [M] de sa demande de condamnation solidaire de Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 18.150 euros au titre de la liquidation de l’astreinte fixée par jugement de ce tribunal en date du 22 juillet 2021 ;
DIT que M. [S] [M] d’une part, Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] d’autre part, et M. [T] [E] conservent la charge de leurs propres dépens ;
DEBOUTE M. [S] [M] de sa demande de condamnation solidaire de Mme [W] [Z], Mme [P] [Z], Mme [V] [E] et M. [T] [E] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE Mme [W] [Z], Mme [P] [Z] et Mme [V] [E] de leur demande de condamnation de M. [S] [M] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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