Cour d’appel de Douai, 1 décembre 2024, RG n° 24/02388
Cour d’appel de Douai, 1 décembre 2024, RG n° 24/02388

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Évaluation des conditions de rétention administrative et de prolongation : analyse des garanties de représentation et des diligences administratives.

Résumé

[J] [M], ressortissant moldave, a été placé en rétention administrative le 25 novembre 2024. Le 29 novembre, le tribunal de Boulogne-sur-Mer a prolongé cette rétention de 26 jours, décision que [J] [M] a contestée par appel, arguant d’une erreur d’appréciation sur ses garanties de représentation. L’appel a été jugé recevable. Le tribunal a confirmé la décision de rétention, soulignant que l’autorité préfectorale avait des raisons valables de craindre un risque de fuite, en raison de l’absence de liens stables en France et du comportement antérieur de l’intéressé.

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/02388 – N° Portalis DBVT-V-B7I-V4UZ

N° de Minute : 2358

Ordonnance du dimanche 01 décembre 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [J] [M]

né le 23 Août 2003 à [Localité 6] (MOLDAVIE°

de nationalité Moldave

Actuellemet retenu au centre de rétention de [Localité 3]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Soizic SALOMON, avocat au barreau de DOUAI, Avocat (e) commis (e) d’office et de Mme [N] [I] interprète assermenté en langue roumaine, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour

INTIMÉ

M. LE PREFET DE L’OISE

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Stéfanie JOUBERT, conseillère à la Cour d’Appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Farid FERDI, greffier

DÉBATS : à l’audience publique du dimanche 01 décembre 2024 à 13 h 15

Les parties comparantes ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à [Localité 4] par mise à disposition au greffe le dimanche 01 décembre 2024 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l’aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;

Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de de BOULOGNE SUR MER en date du 29 novembre 2024 à 13 h 04 notifiée à 13 h 12 à M. [J] [M] prolongeant sa rétention administrative ;

Vu l’appel interjeté par M. [J] [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 30 novembre 2024 à 15 h 24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;

EXPOSE DES FAITS

[J] [M], né le 23 août 2003 à [Localité 6] (Moldavie), de nationalité moldave a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par le préfet de l’Oise le 25 novembre 2024 et notifié le même jour à 15h40, dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par décision du 29 novembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a ordonné la prolongation du placement en rétention administrative de [J] [M] pour une durée de 26 jours.

[J] [M] a interjeté appel de cette ordonnance le 30 novembre 2024 à 15h01.

Au soutien de son recours, [J] [M] soutient les moyens suivants :

* sur la décision de placement en rétention :

– erreur manifeste d’appréciation des garanties de représentation

* sur la prolongation de la mesure de rétention

– l’administration n’a pas accompli les diligences suffisantes dès son placement en rétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d’éloignement de l’étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l’étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu’à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l’administration pour l’exécution de l’expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

I – Sur la recevabilité de l’appel du requérant :

L’appel de [J] [M] ayant été interjeté dans les formes et les délais légaux sera déclaré recevable.

II – Sur la décision de placement en rétention administrative :

.

Sur l’erreur d’appréciation de l’arrêté de placement en rétention

L’erreur manifeste d’appréciation doit s’apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l’autorité préfectorale au moment où l’arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l’article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :

1) Lorsque, de manière générale, l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l’application du titre d’éloignement dans les cas prévus par l’article L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente.

2) Lorsque, dans le cas spécifique d’un étranger faisant l’objet d’une prise ou d’une reprise en charge par un autre pays de l’Union Européenne selon la procédure dite ‘DUBLIN III’, il existe ‘un risque non négligeable de fuite’ tel que défini par l’article L 751-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.

3) Lorsque, s’agissant d’un étranger qui a déposé une demande d’asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale.

Il apparaît en l’espèce que l’arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l’article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que l’étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l’exécution de son éloignement en étant assigné à résidence,

L’arrêté de placement en rétention mentionne que l’intéressé ne justifie pas d’une intégration ancienne, intense et stable dans la société française, ni de la nécessité de sa présence aux côtés de sa famille qu’il dit avoir en France, à savoir son frère; qu’il ne justifie d’aucun lien avec lui; qu’il déclare une adresse sur la commune de [Localité 5] et ajoute expréssement lors de son audition du 25 novembre 2024 ne pas disposer d’un justificatif de domicile; que l’effectivité et la stabilité de son logement ne sont donc pas avérées; qu’il s’est soustrait à la mesure d’éloignement dont il a fait l’objet le 31 août 2024 notifiée le 1er septembre 2024; qu’il ne rapporte pas la preuve d’avoir quitté le territoire français en vue d’exécuter la mesure d’éloignement en l’absence d’un cachet faisant foi de sa date de sortie sur son passeport; qu’il présente donc un risque de fuite;

L’erreur d’appréciation invoquée à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative quant aux garanties de représentation invoquées par l’étranger doit être jugée en fonction des éléments dont le préfet disposait au moment où la décision contestée a été arrêtée.

A ce titre il importe de rappeler qu’il appartient à l’étranger, soumis aux règles de procédure civile, de démontrer l’existence d’une adresse stable et personnelle à laquelle il pourrait le cas échéant être assigné à résidence plutôt que de faire l’objet d’un placement en rétention administrative.

Si l’apppelant affirme qu’il était hébergé par M. [X] [V] résidant à [Localité 5], au [Adresse 1], qu’il a déclaré cette adresse en audition, qu’il avait des documents concernant son adresse dans mon téléphone et qu’il les a montrés à la police lors de sa retenue, il ressort du procès-verbal de son audition par les gendarmes le 25 novembre 2024 qu’il a déclaré comme adresse le [Adresse 2] à [Localité 5] et qu’à la question, ‘pouvez-vous nous fournir un justificatif de domicile » l’intéressé a répondu par la négative, et alors même que les gendarmes ont pris le soin de joindre à la procédure une photographie reçue sur son portable relative à un visa.

L’arrêté de placement en rétention administrative a été pris en considération des déclarations de l’étranger.

Il s’ensuit qu’au jour où l’arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d’appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l’appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l’appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire.

III – Sur la prolongation de la mesure de rétention administrative :

Sur les diligences de l’administration :

Il ressort de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’administration doit justifier avoir effectué toutes les ‘diligences utiles’ suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l’étranger.

En l’espèce, l’intéressé se contente de viser les textes applicables et de dire que l’administration n’a pas effectué les diligences nécessaires dès son placement en rétention.

Il ressort néanmoins de la procédure que les services de la préfecture ont effectué une demande de routing d’éloignement le 26 novembre 2024 à 17h39 , et que l’intéressé a présenté un passeport en cours de validité seulement à son arrivée au centre de rétention, alors qu’il déclarait initialement ne pas l’avoir en sa possession.

Ainsi, les diligences nécesssaires ont été entreprises par les autorités françaises, et dans un délai raisonnable.

Dès lors, ce moyen sera rejeté.

Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d’être relevé d’office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.

Par conséquent, l’ordonnance de prolongation de la mesure de rétention administrative de [J] [M] sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’appel formé par [J] [M] ;

Confirme l’ordonnance de prolongation de la mesure de rétention administrative de [J] [M] , rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer le 29 novembre 2024.

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [J] [M] par l’intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d’un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l’autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l’État.

Farid FERDI,

Greffier

Stéfanie JOUBERT, conseillère

A l’attention du centre de rétention, le dimanche 01 décembre 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l’ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l’interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Me Soizic SALOMON

Le greffier

N° RG 24/02388 – N° Portalis DBVT-V-B7I-V4UZ

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 01 Décembre 2024 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l’intéressé au greffe de la cour d’appel de Douai par courriel – libertes.ca-douai@justice.fr) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

– M. [J] [M]

– par truchement téléphonique d’un interprète en tant que de besoin

– nom de l’interprète (à renseigner) :

– décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [J] [M] le dimanche 01 décembre 2024

– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DE L’OISE et à Maître Soizic SALOMON le dimanche 01 décembre 2024

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général

– copie au tribunal judiciaire

Le greffier, le dimanche 01 décembre 2024

N° RG 24/02388 – N° Portalis DBVT-V-B7I-V4UZ

 


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