L’Essentiel : M. [U] [S] est propriétaire d’une parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 9] à [Localité 10], acquise en 1998. En 2015, il a assigné M. et Mme [N] pour le bornage de leurs propriétés. Le tribunal a homologué le plan de bornage en 2017, confirmé par la cour d’appel en 2020. En 2021, M. [S] a de nouveau assigné M. et Mme [N] pour revendiquer une servitude de passage. Le tribunal judiciaire a déclaré son action recevable, mais a rejeté ses demandes, condamnant M. [S] à verser des frais. En appel, la cour a confirmé ce jugement, rejetant la demande de servitude.
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Propriété et ContexteM. [U] [S] est propriétaire d’une parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 9] à [Localité 10], acquise par donation en 1998. Cette parcelle est adjacente à celle de M. [P] [N] et Mme [C] [B], cadastrée AB n°[Cadastre 8], acquise en 2010. Assignation et ExpertiseLe 6 février 2015, M. [S] a assigné M. et Mme [N] pour ordonner le bornage de leurs propriétés. Le tribunal a ordonné une expertise, et l’expert a proposé une limite de propriété basée sur des éléments physiques identifiés sur le terrain. Jugement et AppelLe tribunal d’instance a homologué le plan de bornage le 4 avril 2017, et la cour d’appel de Toulouse a confirmé ce jugement en mars 2020. En février 2021, M. [S] a de nouveau assigné M. et Mme [N] pour revendiquer une partie de leur parcelle et demander une servitude de passage. Décision du Tribunal JudiciaireLe tribunal judiciaire a déclaré recevable l’action de M. [S], mais a rejeté ses demandes, le condamnant à verser des frais à M. et Mme [N]. M. [S] a fait appel de cette décision en avril 2022. Arguments de M. [S]M. [S] soutient l’existence d’une servitude de passage par destination du père de famille et revendique également une servitude légale pour cause d’enclave. Il produit des attestations pour prouver l’utilisation d’un passage sur la parcelle de M. et Mme [N]. Arguments de M. et Mme [N]M. et Mme [N] demandent la confirmation du jugement et soutiennent que M. [S] ne peut pas revendiquer une servitude après plus de trente ans. Ils contestent l’état d’enclave et l’existence d’une servitude par destination du père de famille. Analyse de la Cour d’AppelLa cour d’appel examine la demande de M. [S] concernant la servitude de passage par destination du père de famille, concluant que les conditions requises ne sont pas remplies. Elle note également que M. [S] possède une autre parcelle qui ne prouve pas l’enclave. Conclusion de la CourLa cour confirme le jugement de première instance, rejetant la demande de M. [S] pour la servitude de passage et n’accordant pas de dommages et intérêts à M. et Mme [N]. M. [S] est condamné à payer les dépens d’appel et une indemnité pour frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Qui est le propriétaire de la parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 9] ?M. [U] [S] est le propriétaire de la parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 9], acquise par donation en 1998. Cette parcelle est adjacente à celle de M. [P] [N] et Mme [C] [B], cadastrée AB n°[Cadastre 8], acquise en 2010. Quelle action a été entreprise par M. [S] le 6 février 2015 ?Le 6 février 2015, M. [S] a assigné M. et Mme [N] pour ordonner le bornage de leurs propriétés. Le tribunal a ordonné une expertise, et l’expert a proposé une limite de propriété basée sur des éléments physiques identifiés sur le terrain. Quel a été le jugement du tribunal d’instance le 4 avril 2017 ?Le tribunal d’instance a homologué le plan de bornage le 4 avril 2017. La cour d’appel de Toulouse a confirmé ce jugement en mars 2020. Quelles demandes a formulées M. [S] en février 2021 ?En février 2021, M. [S] a de nouveau assigné M. et Mme [N] pour revendiquer une partie de leur parcelle et demander une servitude de passage. Quelle a été la décision du tribunal judiciaire concernant l’action de M. [S] ?Le tribunal judiciaire a déclaré recevable l’action de M. [S], mais a rejeté ses demandes, le condamnant à verser des frais à M. et Mme [N]. M. [S] a fait appel de cette décision en avril 2022. Quels arguments M. [S] a-t-il avancés concernant la servitude de passage ?M. [S] soutient l’existence d’une servitude de passage par destination du père de famille et revendique également une servitude légale pour cause d’enclave. Il produit des attestations pour prouver l’utilisation d’un passage sur la parcelle de M. et Mme [N]. Quels sont les arguments de M. et Mme [N] contre les revendications de M. [S] ?M. et Mme [N] demandent la confirmation du jugement et soutiennent que M. [S] ne peut pas revendiquer une servitude après plus de trente ans. Ils contestent l’état d’enclave et l’existence d’une servitude par destination du père de famille. Quelle a été l’analyse de la cour d’appel concernant la servitude de passage ?La cour d’appel examine la demande de M. [S] concernant la servitude de passage par destination du père de famille, concluant que les conditions requises ne sont pas remplies. Elle note également que M. [S] possède une autre parcelle qui ne prouve pas l’enclave. Quelle conclusion a tirée la cour concernant la demande de M. [S] ?La cour confirme le jugement de première instance, rejetant la demande de M. [S] pour la servitude de passage et n’accordant pas de dommages et intérêts à M. et Mme [N]. M. [S] est condamné à payer les dépens d’appel et une indemnité pour frais irrépétibles. Quelles sont les conditions pour établir une servitude de passage par destination du père de famille ?La servitude par destination du père de famille est un aménagement foncier créé par le propriétaire avant qu’il ne divise son propre fonds pour en aliéner une partie. Elle suppose, conformément aux articles 693 et 694 du code civil, que les deux fonds divisés aient appartenu au même propriétaire. Quelles preuves M. [S] a-t-il fournies pour soutenir sa demande de servitude ?M. [S] a produit des attestations pour prouver l’utilisation d’un passage sur la parcelle de M. et Mme [N]. Cependant, il ne démontre pas l’existence d’aménagements apparents de servitude, et les attestations ne font pas état d’un aménagement de servitude extérieur et visible. Quelles sont les implications de l’article 637 et 686 du code civil concernant la servitude ?Les articles 637 et 686 du code civil imposent que l’utilité de la servitude profite à un fonds dominant, et non à la personne de son propriétaire. Ainsi, la tolérance de passage accordée à titre personnel à [Y] [Z] ne peut pas caractériser une servitude réelle au profit de la parcelle [Cadastre 9]. Quelle indemnité M. et Mme [N] ont-ils demandée en réparation de leur préjudice moral ?M. et Mme [N] concluent au paiement d’une indemnité de 4.000 euros en réparation de leur préjudice moral, en arguant de « l’acharnement judiciaire de M.[S] ». Quelle a été la décision de la cour concernant les demandes accessoires ?Le jugement déféré a été confirmé en ce qu’il a mis à la charge de M.[S], partie perdante, les dépens de première instance. M.[S] doit également supporter les dépens d’appel et régler à M. et Mme [N] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. |
ARRÊT N° 368 /24
N° RG 22/01425
N° Portalis DBVI-V-B7G-OXLB
NA – SC
Décision déférée du 11 Mars 2022
TJ de CASTRES – 22/00021
M. SEVILLA
[U] [S]
C/
[P] [N]
[C] [B] épouse [N]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 27.11.2024
à
Me Gilles MAGRINI
Me David CUCULLIERES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT
Monsieur [U] [S]
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représenté par Me Gilles MAGRINI de la SELARL URBI & ORBI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Mme [C] [B] épouse [N]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentés par Me David CUCULLIERES, avocat au barreau de CASTRES
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 09 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
M. DEFIX, président
S. LECLERCQ, conseiller
N. ASSELAIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
M. [U] [S] est propriétaire d’une parcelle figurant au cadastre de la commune de [Localité 10] (81), section AB n°[Cadastre 9], en vertu d’un acte de donation partage du 28 janvier 1998.
Ce terrain jouxte la parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 8], acquise par M. [P] [N] et Mme [C] [B] épouse [N] selon acte authentique du 22 septembre 2010.
Le 6 février 2015, M.[S] a assigné M. et Mme [N] devant le tribunal d’instance de Castres, pour que soit ordonné le bornage de leurs propriétés contiguës, cadastrées AB n°[Cadastre 9] et [Cadastre 8].
Le 9 juin 2015, le tribunal d’instance de Castres a ordonné une expertise, confiée à M. [J].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 1er février 2016, en proposant de fixer la limite de propriété, selon une ligne brisée A-B-C-D en fonction d’éléments physiques de possession identifiés sur les lieux par la présence d’un mur de soutènement et d’un piquet en fer d’une ancienne clôture, cohérents avec la configuration cadastrale actuelle des parcelles, elle-même conforme au plan de rénovation du cadastre de 1978.
Par jugement du 4 avril 2017, le tribunal d’instance de Castres a homologué le plan de bornage établi par M. [J]. Il a par ailleurs prévu de faire procéder, à la requête de la partie la plus diligente, à l’implantation des bornes, aux frais partagés par moitié entre les parties.
La cour d’appel de Toulouse, saisie par M.[S], a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, par arrêt du 20 mars 2020.
Par acte d’huissier du 15 février 2021, M. [U] [S] a fait assigner M. et Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Castres pour revendiquer une partie de la propriété de la parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 8], sur le fondement des articles 544 et 2227 du code civil, et subsidiairement pour obtenir une servitude de passage sur la parcelle AB n°[Cadastre 8], pour cause d’enclave de la parcelle AB n°[Cadastre 9].
Par jugement du 11 mars 2022, le tribunal judiciaire de judiciaire de Castres a :
déclaré recevable l’action en revendication de M. [U] [S],
débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes,
débouté M. et Mme [N] de leur demande de dommages et intérêts,
condamné M. [U] [S] à payer à M. [P] [N] et Mme [C] [N] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi que les entiers dépens de la procédure.
Par déclaration du 12 avril 2022, M. [U] [S] a relevé appel de ce jugement, en ce qu’il a rejeté sa demande de servitude de passage sur la parcelle cadastrée AB n°[Cadastre 8], et l’a condamné au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 octobre 2023, M. [U] [S], appelant, demande à la cour, au visa des articles 692, 693, 694 et 706 du code civil, de :
réformer le jugement rendu le 11 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Castres,
Statuant à nouveau,
constater l’existence d’une servitude de passage sur la parcelle cadastrée AB n° [Cadastre 8] au profit de la parcelle cadastrée AB n° [Cadastre 9], propriété de M. [U] [S],
condamner M. et Mme [N] à verser à M. [U] [S] une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. et Mme [N] aux entiers dépens.
M.[S] invoque une servitude de passage par destination du père de
famille. Il rappelle la chronologie des différents actes de propriétés et soutient que les parcelles cadastrées AB n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] proviennent initialement de l’acte de partage de la succession de [E] [I] du 25 septembre 1893, concernant les anciennes parcelles F [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. Il indique également que l’auteur commun des parties est [R] [I]. Il produit cinq attestations pour démontrer l’utilisation, par la famille [S], d’un passage sur la parcelle [Cadastre 8], depuis la [Adresse 11], pour rejoindre son jardin situé sur la parcelle [Cadastre 9]. Il en conclut que la servitude de passage n’a pas pu s’éteindre par un non-usage trentenaire, en application de l’article 706 du code civil. Il maintient par ailleurs qu’il peut bénéficier d’une servitude légale pour cause d’enclave, comme d’une servitude conventionnelle.
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, M. [P] [N] et Mme [C] [B] épouse [N], intimés, demandent à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Y ajoutant,
condamner M. [S] à payer à M. et Mme [N] la somme de 4.000 euros en réparation de leur préjudice moral outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de la procédure.
M. et Mme [N] font valoir que la situation actuelle des lieux résulte de la
propre volonté de [O] [Z], auteur de [U] [S], et que celui-ci ne peut, plus de trente ans après, revenir sur les forme et contenance des parcelles AB [Cadastre 8] et AB [Cadastre 9]. Ils contestent tant l’état d’enclave de la parcelle A [Cadastre 9] que l’existence d’une servitude par destination du père de famille. Ils soutiennent que l’exigence d’unité de la propriété posée par l’article 693 du code civil n’existe pas et que M.[S] ne rapporte pas la preuve d’un aménagement apparent réalisé par le propriétaire à l’origine de la séparation des fonds, et maintenu lors de la division du fonds. Ils se prévalent du rapport d’expertise de M.[J].
La clôture de la mise en état a été prononcée le 25 juin 2024.
Sur la demande principale de M.[S] :
M.[S] a relevé appel du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à la constatation de l’existence d’une servitude de passage.
Devant la cour d’appel, il invoque en premier lieu une servitude de passage par destination du père de famille. Il maintient également qu’il peut bénéficier d’une servitude légale pour cause d’enclave, comme d’une servitude conventionnelle.
– servitude de passage par destination du père de famille :
La servitude par destination du père de famille est un aménagement foncier créé par le propriétaire avant qu’il ne divise son propre fonds pour en aliéner une partie.
Elle suppose, conformément aux conditions posées par les articles 693 et 694 du code civil, que les deux fonds divisés aient appartenu au même propriétaire. Celui-ci doit d’autre part être l’auteur des aménagements servant de support à la servitude. Il faut également que ces aménagements soient apparents.
Il résulte en l’espèce du rapport d’expertise de M.[J], géomètre expert mandaté par jugement du tribunal d’instance de Castres pour proposer un plan de bornage des parcelles [Cadastre 8] appartenant à M.et Mme [N], et [Cadastre 9] appartenant à M.[S], les éléments suivants.
Depuis la rénovation cadastrale de 1978 :
– la parcelle AB [Cadastre 9] de M.[S] correspond aux anciennes parcelles F [Cadastre 2] pour partie, et [Cadastre 5] pour partie ;
– la parcelle AB [Cadastre 8] de M.et Mme [N] correspond aux anciennes parcelles F [Cadastre 3], [Cadastre 4], et [Cadastre 2] pour partie.
Les limites apparentes sont cohérentes avec le tracé cadastral actuel, mais ne correspondent pas aux indications portées dans les actes successifs de propriété.
Selon ces actes :
– la propriété [S] ([Cadastre 9]) devrait intégrer une parties des anciennes parcelles F [Cadastre 4] et [Cadastre 5], provenant de [G] [I], pour les avoir recueillies dans la succession de [E] [I], alors qu’elle porte sur une partie des anciennes parcelles F [Cadastre 5] et [Cadastre 2] ;
– la propriété [N] ([Cadastre 8]) devrait intégrer :
– l’ancienne parcelle F [Cadastre 3] et une partie de l’ancienne parcelle F [Cadastre 2], provenant d'[R] [I], lequel les avait achetées à [K] [V] en 1871,
– une partie des anciennes parcelles F [Cadastre 4] et [Cadastre 5], provenant d'[R] [I], lequel les avait recueillies dans la succession de [E] [I],
– alors qu’elle porte sur les anciennes parcelles F [Cadastre 3] et [Cadastre 4], et une partie de l’ancienne parcelle F [Cadastre 2].
Les observations de M.[S] sur l’acte de donation du 14 février 1969, qui contiendrait différentes erreurs sur l’origine de propriété et la contenance de l’actuelle parcelle AB [Cadastre 8], n’ont pas d’incidence sur la solution du litige. L’expert y a au demeurant déjà répondu en rappelant que même s’il n’est pas fait mention des parcelles F [Cadastre 2] et [Cadastre 4] dans l’acte de vente des 15 et 20 septembre 1924, au profit d’un des auteurs de M.et Mme [N], on retrouve ces parcelles dans les origines antérieures puis dans l’acte de donation du 14 février 1969.
L’expert rappelle que ‘lors de la rénovation cadastrale par renouvellement de 1978, M.[Z] (ancien propriétaire de la parcelle AB [Cadastre 9], constituant un des auteurs de M.[U] [S]), a fait une observation afin de modifier Ia forme des parcelles AB [Cadastre 9] et [Cadastre 8]. Sa remarque a été prise en compte par l’administration, ce qui a eu pour effets un changement de forme et de contenance des parcelles. La configuration cadastrale des parcelles actuelles est conforme au plan de rénovation de 1978.
L’acquisition de la parcelle AB [Cadastre 9] par Ies époux [S] auprès des époux [Z], le 24 mars 1979 est postérieure à la rénovation cadastrale. Même si dans cette vente, il est fait référence en observation aux anciennes parcelles F [Cadastre 4]p et [Cadastre 5]p dont elle serait issue, la parcelle a bien été acquise sur la base de la configuration cadastrale actuelle’.
Il résulte de ces éléments, comme le relève l’expert, que ‘les propriétés actuelles [S] et [N] ont en partie seulement un auteur commun, [E] [I]’. Cet auteur commun, [E] [I], était propriétaire des anciennes parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5], partagées par moitié, selon acte de partage du 25 septembre 1893, entre ses successeurs, [R] [I], auteur de M.et Mme [N], et [G] [I], auteur de M.[S]. En revanche, les anciennes parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] n’ont jamais appartenu à un même propriétaire auteur commun des deux parties. Par ailleurs, [R] [I], qui n’a jamais été propriétaire de la moitié des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] échues en partage à [G] [I], n’a pas la qualité d’auteur commun des parties.
En second lieu, les articles 692 et 694 du code civil requièrent un signe apparent de servitude. M.[S], qui ne donne pas de précision sur l’emplacement et l’assiette de la servitude qu’il revendique, ne démontre pas, ni même n’allègue l’existence d’aménagements apparents de servitude. Le rapport d’expertise de M.[J] n’en porte pas mention; il évoque au contraire le dénivelé séparant les anciennes parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5], et précise qu’il n’existe aucune liaison carrossable ou piétonnière entre les deux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9]. Les attestations que produit M.[S], émanant de son frère [M] [S], de deux voisins et d’un ami, indiquent que jusqu’en 2011, M.[S] pouvait accéder à son jardin depuis la [Adresse 11], comme auparavant son père [A], et son frère [M] de 1997 à 2001. Mais ces témoins ne font pas état d’un aménagement de servitude extérieur et visible.
A fortiori M.[S] n’établit pas que [E] [I], décédé en 1893, auteur commun des parties concernant les seules parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5], soit lui-même à l’origine de tels aménagements apparents. Or selon l’article 693 du code civil, ‘il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude’.
En l’état de ces éléments, les conditions d’une servitude par destination du père de famille ne sont pas réunies.
– servitude de passage pour cause d’enclave :
M.et Mme [N] indiquent, sans être contredits, que M.[S] est également propriétaire d’une parcelle AB [Cadastre 7]. Cette parcelle [Cadastre 7] jouxte au nord la parcelle AB [Cadastre 9], et au sud la voie publique. M.[S] ne rapporte donc pas la preuve que sa parcelle AB [Cadastre 9] soit enclavée.
– servitude de passage conventionnelle :
M.[S] produit devant la cour d’appel la copie d’un document manuscrit signé par [L] [X], daté du 11 octobre 1978, au terme duquel celle-ci indique ‘donne(r) droit d’accès à M.[Z] [Y] pour la jouissance de sa parcelle [Cadastre 5] = 0a 78ca actuellement cadastrée n°[Cadastre 9]. Ce droit de passage de 50m environ est situé entre la parcelle [Cadastre 3] et [Cadastre 2] telle qu’elle existe actuellement’.
Outre le fait que le passage autorisé, selon les parcelles indiquées, ne correspond pas à un accès à la [Adresse 11], la tolérance de passage accordée à titre personnel à [Y] [Z], par un acte sous seing privé, est insusceptible de caractériser une servitude réelle au profit de la parcelle [Cadastre 9]. La combinaison des articles 637 et 686 du code civil impose en effet que l’utilité de la servitude profite à un fonds dominant, et non à la personne de son propriétaire.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M.[S] tendant à la constatation de l’existence d’une servitude de passage.
Sur la demande incidente de M.et Mme [N] :
Tout en demandant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, M.et Mme [N] concluent au paiement d’une indemnité de 4.000 euros en réparation de leur préjudice moral, en arguant de ‘l’acharnement judiciaire de M.[S]’.
L’exercice d’un recours est un droit dont M.[S] n’a pas formellement abusé. Il n’y a donc pas lieu à dommages et intérêts au profit de M.et Mme [N].
Sur les demandes accessoires :
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a mis à la charge de M.[S], partie perdante, les dépens de première instance outre une indemnité allouée à M.et Mme [N] au titre des frais irrépétibles de première instance.
M.[S], qui perd son procès en appel, doit également supporter les dépens d’appel, et régler à M.et Mme [N] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement rendu le 11 mars 2022,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de M.et Mme [N] en cause d’appel,
Dit que M. [S] doit supporter les dépens d’appel,
Dit que M. [S] doit payer à M. et Mme [N] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
Accorde aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
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