Incompétence juridictionnelle en matière d’agression sexuelle

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Incompétence juridictionnelle en matière d’agression sexuelle

L’Essentiel : Le 24 janvier 2020, Mme [J] [V] a déposé une plainte contre M. [Z] [U] pour des actes de pénétration sexuelle durant leur concubinage. Le tribunal correctionnel, par jugement du 9 mars 2023, a reconnu M. [U] coupable d’agression sexuelle aggravée, le condamnant à trois ans d’emprisonnement. Les parties ont interjeté appel, entraînant un nouvel examen des faits. La cour d’appel a constaté que les actes reprochés constituaient un crime de viol, rendant la juridiction correctionnelle incompétente. La décision a été cassée, et le dossier a été transmis à la chambre de l’instruction pour statuer sur la compétence.

Déposition de plainte

Le 24 janvier 2020, Mme [J] [V] a déposé une plainte contre M. [Z] [U] pour plusieurs actes de pénétration sexuelle qu’il lui aurait infligés durant leur concubinage.

Jugement du tribunal correctionnel

Suite à l’enquête préliminaire, M. [U] a été convoqué devant le tribunal correctionnel, qui, par un jugement rendu le 9 mars 2023, l’a reconnu coupable d’agression sexuelle aggravée. Il a été condamné à trois ans d’emprisonnement, à une confiscation, et des mesures ont été prises concernant les intérêts civils.

Appels des parties

Le prévenu, le ministère public et la partie civile ont tous relevé appel de cette décision, entraînant un nouvel examen des faits par la cour d’appel.

Critique de l’arrêt attaqué

Le premier moyen d’appel conteste la déclaration de culpabilité de M. [U] pour agression sexuelle, en soulignant que les faits, tels que décrits, relèvent de la compétence de la cour d’assises en raison de leur gravité, notamment l’introduction du poing dans le vagin de la victime.

Examen de la compétence juridictionnelle

La cour d’appel, saisie de l’affaire par l’appel du ministère public, devait examiner d’office sa compétence. Les juges ont constaté que les actes reprochés à M. [U] étaient compatibles avec les déclarations de la victime et les conclusions des experts, mais n’ont pas soulevé la question de leur incompétence.

Conclusion de la cour

La cour a conclu que les faits, s’ils étaient établis, constituaient un crime de viol, ce qui rendait la juridiction correctionnelle incompétente. Par conséquent, la cassation a été encourue, s’étendant à toutes les dispositions de l’arrêt, sauf celle concernant la relaxe de M. [U] pour détention de représentation pornographique de mineurs.

Renvoi de l’affaire

Il a été décidé de ne pas renvoyer l’affaire à une juridiction de même ordre, jugée incompétente, et de transmettre le dossier à la chambre de l’instruction pour qu’elle statue sur la prévention et la compétence.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le motif de la plainte déposée par Mme [J] [V] ?

Le 24 janvier 2020, Mme [J] [V] a déposé une plainte contre M. [Z] [U] pour plusieurs actes de pénétration sexuelle qu’il lui aurait infligés durant leur concubinage.

Quelle a été la décision du tribunal correctionnel concernant M. [U] ?

Suite à l’enquête préliminaire, M. [U] a été convoqué devant le tribunal correctionnel, qui, par un jugement rendu le 9 mars 2023, l’a reconnu coupable d’agression sexuelle aggravée.

Il a été condamné à trois ans d’emprisonnement, à une confiscation, et des mesures ont été prises concernant les intérêts civils.

Qui a relevé appel de la décision du tribunal correctionnel ?

Le prévenu, le ministère public et la partie civile ont tous relevé appel de cette décision, entraînant un nouvel examen des faits par la cour d’appel.

Quel est le premier moyen d’appel soulevé par les parties ?

Le premier moyen d’appel conteste la déclaration de culpabilité de M. [U] pour agression sexuelle, en soulignant que les faits, tels que décrits, relèvent de la compétence de la cour d’assises en raison de leur gravité, notamment l’introduction du poing dans le vagin de la victime.

Comment la cour d’appel a-t-elle examiné la compétence juridictionnelle ?

La cour d’appel, saisie de l’affaire par l’appel du ministère public, devait examiner d’office sa compétence.

Les juges ont constaté que les actes reprochés à M. [U] étaient compatibles avec les déclarations de la victime et les conclusions des experts, mais n’ont pas soulevé la question de leur incompétence.

Quelle conclusion a tirée la cour concernant la compétence juridictionnelle ?

La cour a conclu que les faits, s’ils étaient établis, constituaient un crime de viol, ce qui rendait la juridiction correctionnelle incompétente.

Par conséquent, la cassation a été encourue, s’étendant à toutes les dispositions de l’arrêt, sauf celle concernant la relaxe de M. [U] pour détention de représentation pornographique de mineurs.

Qu’a décidé la cour concernant le renvoi de l’affaire ?

Il a été décidé de ne pas renvoyer l’affaire à une juridiction de même ordre, jugée incompétente, et de transmettre le dossier à la chambre de l’instruction pour qu’elle statue sur la prévention et la compétence.

Quel est le contenu du premier moyen d’appel concernant la condamnation de M. [U] ?

Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [U] coupable du chef d’agression sexuelle par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, commise entre le 29 et le 30 mai 2016 à Lambesc (Bouches-du-Rhône).

Il a été condamné à deux ans d’emprisonnement, avec un sursis à exécution d’un an, conformément à l’article 132-29 du code pénal.

Quelles sont les autres sanctions imposées à M. [U] ?

M. [U] a été condamné à exécuter sa peine d’emprisonnement ferme sous le régime de la détention à domicile, sous surveillance électronique, selon les modalités déterminées par le juge de l’application des peines territorialement compétent.

Il a également été condamné à effectuer, à ses frais, un stage de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes, et a reçu une peine d’inéligibilité d’une durée de trois ans.

Quelles conséquences a eu la condamnation sur le casier judiciaire de M. [U] ?

M. [U] a été inscrit au Fichier judiciaire des auteurs d’infraction sexuelles ou violentes (Fijais) et sa demande de dispense d’inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire a été rejetée.

Il a été déclaré responsable du préjudice subi par Mme [V], partie civile, et condamné à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les faits d’agression sexuelle.

N° S 23-86.288 F-D

N° 01445

GM
27 NOVEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 NOVEMBRE 2024

M. [Z] [U] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 22 septembre 2023, qui, pour agression sexuelle aggravée, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, un stage de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes, trois ans d’inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gury et Maitre, avocat de M. [Z] [U], les observations de la société Le Prado, Gilbert, avocat de Mme [J] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 24 janvier 2020, Mme [J] [V] a déposé plainte contre M. [Z] [U], en raison de plusieurs actes de pénétration sexuelle qu’il lui aurait fait subir lorsqu’ils étaient concubins.

3. A l’issue de l’enquête préliminaire, M. [U] a fait l’objet d’une convocation devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 9 mars 2023, l’a notamment reconnu coupable d’agression sexuelle aggravée, l’a condamné à trois ans d’emprisonnement, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

4. Le prévenu, le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [U] coupable du chef d’agression sexuelle par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, commise entre le 29 et le 30 mai 2016 à Lambesc (Bouches-du-Rhône) ; l’a condamné à deux ans d’emprisonnement ; a dit qu’il sera sursis à exécution de cette peine à hauteur d’un an, conformément à l’article 132-29 du code pénal ; a dit que la peine d’emprisonnement ferme s’exécutera sous le régime de la détention à domicile, sous surveillance électronique, selon les modalités qui seront déterminées par le juge de l’application des peines territorialement compétent ; l’a condamné, à titre de peine complémentaire, en application des dispositions de l’article 131-5-4° du code pénal, à effectuer, à ses frais, un stage de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes ; a prononcé à son encontre une peine d’inéligibilité d’une durée de trois ans ; a constaté son inscription au Fichier judiciaire des auteurs d’infraction sexuelles ou violentes (Fijais) ; a rejeté sa demande de dispense d’inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; l’a déclaré responsable du préjudice subi par Mme [V], partie civile ; et l’a condamné à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les faits d’agression sexuelle par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, faits commis du 29 mai au 30 mai 2016 à [Localité 1], alors « qu’en matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public ; qu’il appartient au juge correctionnel, saisi de la cause entière par l’appel du ministère public, de se déclarer incompétent, même d’office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ; que, pour condamner M. [U] du chef d’agressions sexuelles, la cour d’appel a retenu qu’il avait introduit le poing dans le vagin de sa compagne ; que de tels faits entrent dans les prévisions des articles 222-23 et 222-24, 11°, du code pénal et sont justiciables de la cour d’assises ; qu’ainsi, la juridiction correctionnelle était incompétente pour en connaître ; que la cour d’appel, en ne soulevant pas d’office le moyen de son incompétence, a violé les dispositions susvisées, ensemble les articles 381 et 519 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 469, 512 et 519 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes qu’en matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public et que les juges du second degré, saisis de la cause entière par l’appel du ministère public, doivent examiner, même d’office, leur compétence et se déclarer incompétents si les faits poursuivis sont du ressort de la juridiction criminelle.

7. En l’espèce, M. [U] a été convoqué par officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’agression sexuelle, à l’issue d’une enquête préliminaire.

8. Pour le déclarer coupable de cette infraction, la cour d’appel énonce qu’il a, selon la victime, introduit son poing dans son vagin, en lui cachant la nature de l’acte qu’il allait commettre.

9. Les juges ajoutent que les experts ont considéré que les lésions, qui ont dû être prises en charge chirurgicalement, sont compatibles avec les déclarations de la victime, et non les explications de M. [U].

10. Ils en concluent que M. [U] a pratiqué sur elle, sans qu’elle comprenne ce qu’il était en train de faire, un acte qui nécessitait l’accord sinon l’adhésion de cette dernière.

11. En se déterminant ainsi, alors que les faits, à les supposer établis, constituent le crime de viol, prévu et réprimé par l’article 222-23 du code pénal et qu’ainsi la juridiction correctionnelle était incompétente pour en connaître, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

12. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation s’étendra à toutes les dispositions de l’arrêt, à l’exception de celle prononçant la relaxe de M. [U] du chef de détention de représentation pornographique de mineurs, qui n’encourt pas la censure.

14. Il n’y a pas lieu de renvoyer à une juridiction de même ordre et degré que celle qui a rendu la décision partiellement annulée, dès lors que celle-ci serait incompétente. En application de l’article 659 du code de procédure pénale, il convient de régler de juges par avance, et, ce faisant, de renvoyer l’affaire et les parties devant la chambre de l’instruction, afin qu’elle statue tant sur la prévention que sur la compétence.


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