L’Essentiel : Mme [Y] [U], gérante d’un centre équestre, a assigné la SARL Horse Consulting pour le paiement de 27.066,44 euros de pensions impayées. En juillet 2023, après une mise en demeure, elle a engagé des poursuites judiciaires. La SARL a contesté la compétence du tribunal, arguant que le litige relevait du tribunal de commerce et que les créances étaient prescrites. Toutefois, le tribunal a reconnu la compétence judiciaire, considérant l’activité de Mme [Y] [U] comme agricole, et a condamné la SARL à verser 24.546,19 euros, tout en déboutant Mme [Y] [U] de ses demandes contre M. [W] [C].
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Contexte de l’affaireMme [Y] [U], entrepreneure individuelle, gère un centre équestre depuis 2006, tandis que M. [W] [C] a exercé une activité de mise en relation dans le domaine équin entre 2017 et 2019. La SARL Horse Consulting, dirigée par M. [W] [C], a pris le relais de cette activité en 2019. Entre 2018 et 2021, Mme [Y] [U] a fourni des services de pension pour des chevaux appartenant à M. [W] [C] et à la SARL. Demandes de paiementEn juillet 2023, Mme [Y] [U] a mis en demeure la SARL Horse Consulting pour le paiement de 27.066,44 euros de pensions impayées. Elle a ensuite assigné la société en justice pour obtenir le règlement de cette somme, ainsi que des intérêts moratoires. En février 2024, elle a également assigné M. [W] [C] pour le même motif. Réactions des partiesLa SARL Horse Consulting a contesté la compétence du tribunal judiciaire, arguant que le litige relevait du tribunal de commerce. Elle a également soutenu que les créances étaient soumises à une prescription biennale, et a demandé le rejet des demandes de Mme [Y] [U]. De son côté, Mme [Y] [U] a affirmé que son activité était agricole, justifiant ainsi la compétence du tribunal judiciaire. Éléments de preuveMme [Y] [U] a produit plusieurs factures et des échanges de messages, où M. [W] [C] reconnaissait des dettes. Elle a également présenté des chèques émis par la SARL Horse Consulting comme preuve de paiement partiel des pensions. Cependant, la SARL a contesté la validité de ces factures, les qualifiant d’illégales et tardives. Décisions du tribunalLe tribunal a déclaré la SARL Horse Consulting irrecevable dans ses exceptions d’incompétence et de prescription. Il a reconnu la compétence du tribunal judiciaire, considérant que l’activité de Mme [Y] [U] était agricole. Le tribunal a condamné la SARL à payer 24.546,19 euros à Mme [Y] [U] pour les factures en question, tout en déboutant Mme [Y] [U] de ses demandes contre M. [W] [C] et d’autres factures. Frais de justiceLa SARL Horse Consulting a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à Mme [Y] [U] pour les frais irrépétibles. Les demandes de frais irrépétibles de Mme [Y] [U] et de la SARL Horse Consulting ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre Mme [Y] [U] et M. [W] [C] ?Mme [Y] [U], entrepreneure individuelle, gère un centre équestre depuis 2006. M. [W] [C] a exercé une activité de mise en relation dans le domaine équin entre 2017 et 2019. La SARL Horse Consulting, dirigée par M. [W] [C], a pris le relais de cette activité en 2019. Entre 2018 et 2021, Mme [Y] [U] a fourni des services de pension pour des chevaux appartenant à M. [W] [C] et à la SARL. Quelles demandes de paiement a formulées Mme [Y] [U] ?En juillet 2023, Mme [Y] [U] a mis en demeure la SARL Horse Consulting pour le paiement de 27.066,44 euros de pensions impayées. Elle a ensuite assigné la société en justice pour obtenir le règlement de cette somme, ainsi que des intérêts moratoires. En février 2024, elle a également assigné M. [W] [C] pour le même motif. Comment la SARL Horse Consulting a-t-elle réagi aux demandes de Mme [Y] [U] ?La SARL Horse Consulting a contesté la compétence du tribunal judiciaire, arguant que le litige relevait du tribunal de commerce. Elle a également soutenu que les créances étaient soumises à une prescription biennale et a demandé le rejet des demandes de Mme [Y] [U]. De son côté, Mme [Y] [U] a affirmé que son activité était agricole, justifiant ainsi la compétence du tribunal judiciaire. Quels éléments de preuve a présentés Mme [Y] [U] ?Mme [Y] [U] a produit plusieurs factures et des échanges de messages, où M. [W] [C] reconnaissait des dettes. Elle a également présenté des chèques émis par la SARL Horse Consulting comme preuve de paiement partiel des pensions. Cependant, la SARL a contesté la validité de ces factures, les qualifiant d’illégales et tardives. Quelles décisions a prises le tribunal concernant la compétence et la prescription ?Le tribunal a déclaré la SARL Horse Consulting irrecevable dans ses exceptions d’incompétence et de prescription. Il a reconnu la compétence du tribunal judiciaire, considérant que l’activité de Mme [Y] [U] était agricole. Le tribunal a condamné la SARL à payer 24.546,19 euros à Mme [Y] [U] pour les factures en question, tout en déboutant Mme [Y] [U] de ses demandes contre M. [W] [C] et d’autres factures. Quels frais de justice ont été imposés à la SARL Horse Consulting ?La SARL Horse Consulting a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à Mme [Y] [U] pour les frais irrépétibles. Les demandes de frais irrépétibles de Mme [Y] [U] et de la SARL Horse Consulting ont été rejetées. Quelles sont les dispositions légales pertinentes concernant l’exception d’incompétence ?Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1° Statuer sur les exceptions de procédure ». L’article 73 de ce code rappelle que « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ». Quelles sont les règles concernant la preuve des actes juridiques portant sur des sommes supérieures à 1.500 euros ?Aux termes de l’article 1359 du code civil, « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (1.500 euros en application du décret n° 80-533 du 15 juill. 1980) doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ». L’article 1360 du code civil précise que « les règles prévues à l’article précédent reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par la force majeure ». Quels éléments ont permis de prouver l’existence des contrats de pension ?Mme [Y] [U] a produit plusieurs chèques au bénéfice du centre équestre, ainsi que des extraits de publications sur le site Facebook et des échanges de messages sur Messenger. Ces éléments démontrent que les chevaux Jr, Jadore, Refloue et Ever ont été pensionnés dans les écuries de Mme [Y] [U]. Les messages de M. [W] [C] reconnaissant les dettes ont également été déterminants. Quelles conclusions le tribunal a-t-il tirées concernant les demandes de paiement de Mme [Y] [U] ?Le tribunal a condamné la SARL Horse Consulting à payer à Mme [Y] [U] la somme de 24.546,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 24 juillet 2023. Cependant, Mme [Y] [U] a été déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] à lui payer cette même somme. Quelles sont les implications des frais de justice selon le code de procédure civile ?Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». La SARL Horse Consulting, partie perdante, est condamnée aux dépens, et elle doit également payer à Mme [Y] [U] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
[U]
C/
S.A.R.L. HORSE CONSULTING, [C]
Répertoire Général
N° RG 23/02376 – N° Portalis DB26-W-B7H-HUWR
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Expédition exécutoire le :
27.11.24
à : Me Leclercq
à : Me Lefevre
à :
à :
Expédition le :
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à :
à :
à :
à :
à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
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Dans l’affaire opposant :
Madame [Y] [U] Entrepreneure Individuelle agissant sous le nom commercial “[5]” SIREN 92 896 477
née le 25 Avril 1984 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’AMIENS, Me Holly JESSOPP, avocat plaidant au barreau de PARIS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
S.A.R.L. HORSE CONSULTING (RCS AMIENS 852 153 642) gérée par Mr [W] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Mathilde LEFEVRE de la SCP MATHILDE LEFEVRE, AVOCATS, avocat au barreau d’AMIENS
Monsieur [W] [C]
né le 03 Juillet 1993 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparant, ni représenté
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement réputé contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 25 Septembre 2024 devant :
– Monsieur Aurélien PETIT, juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
Mme [Y] [U], entrepreneure individuelle, exerce depuis le 1er décembre 2006 une activité principale d’élevage de chevaux au centre équestre [5] à [Localité 6] (Somme).
M. [W] [C] a exercé sous le nom commercial Horse Consulting une activité principale de mise en relation de particuliers à particuliers ou professionnels en vue de la vente dans le domaine équin du 30 novembre 2017 au 8 juillet 2019.
La SARL Horse Consulting, dont le gérant est M. [W] [C], exerce une activité principale de mise en relation entre vendeurs et acheteurs de chevaux, d’achat, de vente et de location de chevaux, sellerie, vêtement, matériel d’équitation, de transport et tous produits liés à l’activité équine depuis le 1er juillet 2019.
Mme [Y] [U] et M. [W] [C] ont entretenu une relation de couple de septembre 2018 à la fin du premier semestre de l’année 2021.
Entre le 4 mai 2021 et le 30 décembre 2021, Mme [Y] [U] a établi plusieurs factures pour la pension de huit chevaux appartenant à M. [W] [C] ou à la SARL Horse Consulting.
Par lettre recommandée en date du 17 juillet 2023, réceptionnée le 24 juillet suivant, Mme [Y] [U] a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure la SARL Horse Consulting de lui payer la somme de 27.066, 44 euros correspondant à des pensions impayées, avec intérêts au taux légal, sous huitaine.
Par acte de commissaire de justice en date du 11 août 2023, Mme [Y] [U] a fait assigner la SARL Horse Consulting devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de paiement des pensions impayées avec intérêts moratoires.
Par acte de commissaire de justice en date du 27 février 2024, Mme [Y] [U] a fait assigner M. [W] [C] devant le tribunal judiciaire en intervention forcée aux fins de paiement des pensions impayées avec intérêts moratoires.
Par ordonnance du 30 mai 2024, le juge de la mise en état a joint ces deux instances.
Par courriel du 26 juin 2024, le conseil de la SARL Horse Consulting a informé le tribunal avoir dégagé sa responsabilité.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2024.
M. [W] [C], assigné à domicile, n’a pas constitué avocat, de sorte que le jugement est réputé contradictoire en application de l’article 473 du code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 27 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 5 mars 2024, Mme [Y] [U] demande au tribunal de :
Condamner solidairement M. [W] [C] et la SARL Horse Consulting à lui payer la somme de 27.066, 44 euros au titre des pensions non réglées d’octobre 2018 à juillet 2021, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 juillet 2021 ; Condamner solidairement M. [W] [C] et la SARL Horse Consulting aux dépens ; Condamner solidairement M. [W] [C] et la SARL Horse Consulting à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ; Juger n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Au visa des articles L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, L. 721-3 du code de commerce et L. 311-3 du code rural, Mme [Y] [U] soutient qu’elle exerce une activité agricole aux motifs qu’elle exploite un centre équestre et qu’elle ne se borne pas à accueillir des chevaux en pension, si bien que cette activité ne peut être définie comme un acte de commerce donnant lieu à compétence du tribunal de commerce. Elle en conclut que le tribunal judiciaire d’Amiens est compétent pour connaître de ce litige. Au visa des articles 2224 du code civil et L. 218-2 du code de la consommation, Mme [Y] [U] soutient également que le délai de prescription quinquennale s’applique aux relations contractuelles litigieuses qu’elle qualifie de professionnelles dès lors que tant la SARL Horse Consulting que M. [W] [C] ont pour activité principale l’achat et la vente de chevaux. Elle fait donc valoir que son action n’est pas prescrite. Par ailleurs, au visa des articles 1103 et suivants, 1342 et suivants, 1362 et 1915 du code civil, Mme [Y] [U] expose avoir pris à pension des chevaux aux termes d’un contrat régularisé avec M. [W] [C], puis avec la SARL Horse Consulting, propriétaires successifs. Elle se prévaut d’un échange de messages via l’application Messenger aux termes desquels, selon elle, M. [W] [C] reconnait des pensions impayées, constitutif d’un commencement de preuve par écrit corroboré par des publications sur le site Facebook de la SARL Horse Consulting faisant référence aux prestations qu’elle affirme avoir dispensées. Elle reproche donc à M. [W] [C], avec lequel elle indique avoir entretenu une relation de couple, et à la SARL Horse Consulting ces impayées.
Suivant dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2023, la SARL Horse Consulting demande au tribunal de :
A titre liminaire,
Juger que ce tribunal est incompétent pour connaître du présent litige ; Juger que le tribunal de commerce est compétent pour connaître des litiges relatifs aux actes de commerce ; A titre principal,
Juger que les équidés confiés à Mme [Y] [U] appartiennent à M. [W] [C] ;Juger que la créance dont se prévaut Mme [Y] [U] est une créance entre un professionnel et un particulier soumise à une prescription biennale ; Prononcer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par Mme [Y] [U] en recouvrement de sa créance entre un professionnel et un particulier ; A titre subsidiaire,
Juger qu’il n’existe aucun contrat de pension et d’hébergement entre Mme [Y] [U] et la SARL Horse Consulting ; Juger que les factures émises par Mme [Y] [U] sont illégales, tardives et infondées ; En tout état de cause,
Rejeter les demandes de Mme [Y] [U] ;Enjoindre à Mme [Y] [U] de communiquer ses grands livres de comptes et bilans comptables au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021 ; Condamner Mme [Y] [U] aux dépens ; Condamner Mme [Y] [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa des articles 75 du code de procédure civile et L. 721-3 du code de commerce, la SARL Horse Consulting expose que Mme [Y] [U] exerce une activité commerciale relevant de la compétence du tribunal de commerce, à savoir la prise en pension de chevaux qu’elle qualifie d’acte de commerce, si bien qu’elle juge le tribunal judiciaire d’Amiens incompétent. Au visa des articles 122 du code de procédure civile et L. 218-2 du code de commerce, la SARL Horse Consulting fait valoir que les factures litigieuses correspondent à des prestations fournies entre les mois d’octobre 2018 et juillet 2021. Or, selon elle, la prescription biennale a vocation à s’appliquer dans le cadre de relations entre un professionnel, Mme [Y] [U], et un consommateur, M. [W] [C] propriétaire des chevaux. L’assignation lui ayant été signifiée le 11 août 2023, elle fait valoir que la prescription est acquise. Par ailleurs, la SARL Horse Consulting fait valoir que Mme [Y] [U] ne peut lui imputer des factures antérieures à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés intervenue le 5 juillet 2019. Elle fait également valoir que les factures ne permettent pas d’identifier les chevaux qui lui ont été confiés, ni les périodes pendant lesquels ils ont été pris à pension. En outre, elle affirme que ces factures ont été établies en raison de la rupture intervenue entre Mme [Y] [U] et M. [W] [C].
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Sur l’exception d’incompétence
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1° Statuer sur les exceptions de procédure ».
L’article 73 de ce code rappelle que « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».
L’article 75 de ce code dispose que « s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ».
Il résulte des dispositions susvisées que l’exception d’incompétence est une exception de procédure qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état dès lors qu’elle intervient postérieurement à sa désignation mais avant son dessaisissement.
En l’espèce, la SARL Horse Consulting aurait dû saisir le juge de la mise en état de ce tribunal (et non ce tribunal) de l’exception d’incompétence.
Il s’ensuit que la SARL Horse Consulting est irrecevable en son exception d’incompétence.
Au surplus, il ressort des pièces versées aux débats que Mme [Y] [U] exerce une activité principale d’élevage de chevaux, exploitée au sein des écuries [5], de sorte que la prise en pension de chevaux n’est qu’accessoire. Il s’ensuit qu’elle exerce une activité agricole, si bien que ce tribunal est compétent pour connaître de sa demande de paiement de pensions.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir ».
L’article 122 de ce code prévoit que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
Il résulte des dispositions susvisées que le moyen tiré de la prescription est une fin de non-recevoir qui doit être soulevée devant le juge de la mise en état dès lors qu’il intervient postérieurement à sa désignation mais avant son dessaisissement.
En l’espèce, la SARL Horse Consulting aurait dû saisir le juge de la mise en état de ce tribunal (et non le tribunal) de cette fin de non-recevoir.
Il s’ensuit que la SARL Horse Consulting est irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Au surplus, il ressort des pièces produites aux débats que Mme [Y] [U] exerce une activité d’élevage de chevaux, la SARL Horse Consulting une activité de mise en relation entre vendeurs et acheteurs de chevaux, achat, vente et location de chevaux, sellerie, vêtements, matériel d’équitation, de transport et tous produits liés à l’activité équine, et M. [W] [C] une activité de mise en relation de particuliers à particuliers ou à professionnels en vue de la vente dans le domaine équin. Il s’ensuit que la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation n’est pas applicable dès lors que les relations contractuelles litigieuses concernent des professionnels, au contraire de la prescription quinquennale qui n’est pas encourue.
Sur la demande en paiement
Aux termes de l’article 1359 du code civil, « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (1.500 euros en application du décret n° 80-533 du 15 juill. 1980) doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique. Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande. Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant ».
L’article 1360 du code civil précise que « les règles prévues à l’article précédent reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par la force majeure ».
L’article 1361 de ce code dispose que « Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve ».
L’article 1362 de ce code prévoit que « constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. Peuvent être considérés par le juge comme équivalent à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence de comparution. La mention d’un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit ».
En l’espèce, Mme [Y] [U] ne produit pas les contrats de pensions des chevaux qu’elle prétend avoir régularisés avec M. [W] [C] et la SARL Horse Consulting. Elle ne verse aux débats que les factures qui, selon elle, sont relatives auxdits contrats de pension des chevaux suivants :
Cheval Ever : Facture n° 2021-05-31 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension d’octobre 2018 à avril 2021 et du 1er mai 2021 au 5 mai 2021 : 9.194, 17 euros TTC dont un acompte de 5.084 euros versé soit un solde de 4.110, 17 euros TTC ;Facture n° 83-12-2021 du 30 décembre 2021 adressée à la SARL Horse Consulting pour une pension du 6 mai 2021 au 15 juillet 2021 : 696, 20 euros TTC ; Cheval Harley : Facture n° 32/05/2021 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension de décembre 2018 à mars 2021 et du 30 mars 2021 au 9 avril 2021 : 7.075 euros dont un acompte de 4.585 euros soit un solde de 2.490 euros TTC ; Facture n° 86/12/2021 du 30 décembre 2021 adressée à la SARL Horse Consulting pour un hébergement du 10 avril 2021 au 15 juillet 2021 : 800, 01 euros TTC ; Cheval Jadore : Facture n° 84-12/2021 du 30 décembre 2021 adressée à la SARL Horse Consulting pour une pension aux mois du 1er mai au 15 juillet 2021 : 352, 02 euros TTC ; Cheval Jadore et sa mère : Facture n° 35/05/2021 du 04 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension d’avril 2019 à février 2021, puis en mars et avril 2021 : 6.010 euros TTC ; Cheval Jr : Facture n° 32/09/2021 du 16 septembre 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension au mois de juillet 2021 : 324, 02 euros TTC ; Cheval Jr et sa mère : Facture n° 34/05/2021 du 04 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension du mois d’avril 2019 à avril 2021 : 6.250 euros TTC dont un acompte de 389 euros soit un solde de 5.861, 02 euros TTC ; Cheval Killy Une Prince : Facture n° 85/12/2021 du 30 décembre 2021 adressée à la SARL Horse Consulting pour une pension d’un mois et demi en juin et juillet 2021 : 375 euros ; Cheval Refloue : Facture n° 33/05/2021 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension du mois d’octobre 2018 à avril 2021 : 7.750 euros TTC dont un acompte de 1.675 euros soit un solde de 6.075 euros TTC.
Le contrat de mise en pension d’un cheval moyennant rétribution, est un contrat de dépôt salarié régi par les dispositions des articles 1915 et suivants du code civil. Le contrat de dépôt suppose qu’une personne reçoive une chose appartenant à autrui, que le détenteur de la chose s’engage à la garder et à la restituer. Ce contrat peut être verbal, notamment entre deux personnes vivant en concubinage et alors que l’exigence d’un écrit est contraire aux relations de confiance au sein d’un couple. Compte tenu des montants réclamés dont certains excèdent la somme de 1.500 euros, Mme [Y] [U] peut suppléer à l’écrit le commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.
A cet égard, il est rappelé qu’un chèque peut constituer un commencement de preuve par écrit même s’il a perdu toute valeur cambiaire. Ainsi, son bénéficiaire peut l’utiliser comme moyen de preuve contre le tireur qui y a apposé sa signature.
Or, Mme [Y] [U] produit aux débats plusieurs chèques au bénéfice du centre équestre [5] :
Un chèque de la SARL Horse Consulting du 4 juillet 2021 d’un montant de 4.110, 17 euros en règlement de la facture n° 2021-05-31 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension d’octobre 2018 à avril 2021 et du 1er mai 2021 au 5 mai 2021 du cheval Ever ; Un chèque de la SARL Horse Consulting du 4 juillet 2021 d’un montant de 2.490 euros en règlement de la facture n° 32/05/2021 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension de décembre 2018 à mars 2021 et du 30 mars 2021 au 9 avril 2021 du cheval Harley ; Un chèque de la SARL Horse Consulting du 4 juillet 2021 d’un montant de 6.075 euros en règlement de la facture n° 33/05/2021 du 4 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension du mois d’octobre 2018 à avril 2021 pour le cheval Refloue ; Un chèque de la SARL Horse Consulting du 4 juillet 2021 d’un montant de 5.861, 02 euros en règlement de la facture n° 34/05/2021 du 04 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension du mois d’avril 2019 à avril 2021 du cheval Jr et de sa mère ; Un chèque de la SARL Horse Consulting du 4 juillet 2021 d’un montant de 6.010 euros en règlement de la facture n° 35/05/2021 du 04 mai 2021 adressée à M. [W] [C] pour une pension d’avril 2019 à février 2021, puis en mars et avril 2021 pour le cheval Jadore et de sa mère.
En outre, à l’effet de corroborer ce commencement de preuve par écrit, Mme [Y] [U] produit des extraits de publications sur le site Facebook émanant de la « Sellerie Horse Consulting » entre le 14 avril 2019 et le 18 avril 2021. Il en ressort que les chevaux Jr, Jadore, Refloue et Ever ont été pensionnés dans les écuries de Mme [Y] [U]. Elle produit également un échange de messages sur le site Messenger entre le 5 mai 2021 et le 19 juillet 2021, desquels il ressort avec certitude que son interlocuteur est M. [W] [C], celui-ci faisant référence aux juments Ever et Harley, et aux termes desquels ce dernier affirme : « Je vais payer mes pensions, je suis un propriétaire lambda. Je t’ai toujours dit que je suis un propriétaire comme un autre (…). Tu vas être payé, je te l’ai dit (…). Je peux pas te rembourser et payer les pensions en plus ».
Au vu de ce qui précède, Mme [Y] [U] démontre l’existence de contrats de pension justifiant ainsi l’émission des factures n° 2021-05-31, 32/05/2021, 33/05/2021, 34/05/2021 et 35/05/2021 en date du 4 mai 2021.
De plus, en application de l’article 1342 du code civil, « le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due ». L’émission des cinq chèques par la SARL Horse Consulting, nonobstant le caractère non approvisionné du compte sur lequel ils ont été tirés, qui n’a pas été contraint, témoigne de ce que la SARL Horse Consulting, représentée par M. [W] [C], propriétaire des chevaux susmentionnés, a accepté les factures afférentes à leur pension au sein du centre équestre [5] dont la réalité a été démontrée par Mme [Y] [U].
Il est encore relevé que ces cinq factures, pour lesquelles des acomptes avaient été versées couvrent, d’une part, une période correspondant à l’activité de M. [W] [C], et, d’autre part, une période correspondant au transfert de cette activité à la SARL Horse Consulting au 1er juillet 2019, justifiant ainsi que cette dernière a procédé à l’émission des cinq chèques non provisionnés.
Encore, malgré l’irrégularité formelle des factures désormais alléguée par la SARL Horse Consulting, qui peut être effectivement faire l’objet de sanctions pénales, les inexactitudes ou incomplétudes sont sans incidence sur l’existence de la créance.
La demande de la SARL Horse Consulting d’enjoindre Mme [Y] [U] à communiquer ses grands livres de comptes et bilans comptables au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021, laquelle est inutile à la solution du litige, est donc rejetée.
Il s’ensuit encore que la SARL Horse Consulting est condamnée à payer à Mme [Y] [U] la somme de 24.546, 19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 24 juillet 2023, au titre des factures n° 2021-05-31, 32/05/2021, 33/05/2021, 34/05/2021 et 35/05/2021 en date du 4 mai 2021.
Concomitamment, Mme [Y] [U] est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] à lui payer cette même somme.
En revanche, Mme [Y] [U] ne démontre pas avoir accueilli les chevaux de la SARL Horse Consulting postérieurement à la fin de sa relation avec M. [W] [C], si bien qu’elle ne prouve pas que les factures n° 32/09/2021 du 16 septembre 2021 d’un montant de 324.02, 02 euros, 83/12/2021 du 30 décembre 2021 d’un montant de 696, 20 euros TTC, 86/12/2021 du 30 décembre 2021 d’un montant de 800, 01 euros TTC, 84/12/2021 du 30 décembre 2021 d’un montant de 325 euros TTC et 85/12/2021 du 30 décembre 2021 d’un montant de 375 euros correspondent à des prestations dues.
Il en résulte que Mme [Y] [U] est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] et de la SARL Horse Consulting à lui payer la somme de 2.520, 25 euros n° 32/09/2021 du 16 septembre 2021, 83/12/2021, 84/12/2021, 84/12/2021, 85/12/2021 et 86/12/2021 du 30 décembre 2021.
IV. Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SARL Horse Consulting, partie perdante, est condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
La SARL Horse Consulting, condamnée aux dépens, est seule condamnée à payer à Mme [Y] [U] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Partant, Mme [Y] [U] est déboutée de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] au titre des frais irrépétibles ;
La SARL Horse Consulting est également déboutée de sa demande de condamnation de Mme [Y] [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal :
DECLARE la SARL Horse Consulting irrecevable en son exception d’incompétence ;
DECLARE la SARL Horse Consulting irrecevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
REJETTE la demande de la SARL Horse Consulting d’enjoindre Mme [Y] [U] à communiquer ses grands livres de comptes et bilans comptables au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021, laquelle est inutile à la solution du litige ;
CONDAMNE la SARL Horse Consulting à payer à Mme [Y] [U] la somme de 24.546, 19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 24 juillet 2023, au titre des factures n° 2021-05-31, 32/05/2021, 33/05/2021, 34/05/2021 et 35/05/2021 en date du 4 mai 2021 ;
DEBOUTE Mme [Y] [U] de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] à lui payer la somme de 24.546, 19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 24 juillet 2023, au titre des factures n° 2021-05-31, 32/05/2021, 33/05/2021, 34/05/2021 et 35/05/2021 en date du 4 mai 2021 ;
DEBOUTE Mme [Y] [U] de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] et de la SARL Horse Consulting à lui payer la somme de 2.520,25 euros au titre des factures n° 32/09/2021 du 16 septembre 2021, 83/12/2021, 84/12/2021, 84/12/2021, 85/12/2021 et 86/12/2021 du 30 décembre 2021 ;
CONDAMNE la SARL Horse Consulting aux dépens ;
CONDAMNE la SARL Horse Consulting à payer à Mme [Y] [U] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE Mme [Y] [U] de sa demande de condamnation solidaire de M. [W] [C] au titre des frais irrépétibles ;
DEBOUTE la SARL Horse Consulting de sa demande de condamnation de Mme [Y] [U] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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